Pour éviter tout malentendu, je reprends les propos du président en insistant sur le fait que nous ne siégeons pas pour débattre du fond, mais uniquement pour apprécier si les conditions juridiques permettant la création de la commission d'enquête sont réunies.
M. le président Christian Jacob, M. Olivier Marleix et plusieurs de leurs collègues ont déposé, le 11 octobre 2017, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'Alstom, d'Alcatel et de STX, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé.
En application de l'article 140, alinéa 1, du Règlement de l'Assemblée nationale, « les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sont renvoyées à la commission permanente compétente ». Il appartient donc à la commission des affaires économiques de se prononcer sur cette proposition.
M. Christian Jacob, président du groupe Les Républicains, a choisi d'utiliser le pouvoir confié à certains présidents de groupe par l'article 141, alinéa 2, du Règlement, qui dispose que « chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l'exception de celle précédant le renouvellement de l'Assemblée, la création d'une commission d'enquête ».
Dans le cadre de ce « droit de tirage », comme le prévoit l'article 140 du Règlement, la commission compétente doit uniquement vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies, sans se prononcer sur l'opportunité de la commission d'enquête. Aucun amendement au texte de la proposition de résolution n'est recevable. Par la suite, si la commission estime que les conditions requises pour cette création sont réunies, la conférence des présidents prendra acte de la création de la commission d'enquête.
Les conditions requises sont au nombre de trois. Tout d'abord, l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires dispose que « les commissions d'enquête sont formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales ». Cette condition est réitérée à l'article 137 du Règlement, qui prévoit que les commissions d'enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ».
Dans le cas présent, la proposition de résolution vise à créer une commission d'enquête chargée d'examiner les « décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'Alstom, d'Alcatel et de STX ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé ». À la lecture de cet intitulé, les objectifs que la commission entend poursuivre apparaissent décrits avec une précision suffisante, qu'il s'agisse du champ de ses investigations ou des propositions qu'elle pourrait être amenée à formuler.
En deuxième lieu, l'article 138 du Règlement prévoit l'irrecevabilité de « toute proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête ayant le même objet qu'une mission effectuée dans les conditions prévues à l'article 145-1 ou qu'une commission d'enquête antérieure, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l'une ou de l'autre ». La proposition de résolution remplit ce critère de recevabilité. Certes, l'Assemblée nationale a eu l'occasion de s'intéresser à la politique industrielle plusieurs fois lors de la XIVe législature. La commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement en est une illustration. L'objet de ses travaux différait toutefois de celui de la commission d'enquête que les députés Les Républicains appellent aujourd'hui de leurs voeux.
Enfin, le I de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 précitée dispose qu'« il ne peut être créé de commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ». L'application de cette disposition est précisée de la manière suivante par l'article 139 de notre Règlement : « Le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est notifié par le Président de l'Assemblée au garde des Sceaux, ministre de la justice. Si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. » Interrogée par le Président de l'Assemblée nationale, Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir qu'à sa connaissance aucune poursuite judiciaire n'a été engagée sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition de résolution.
En conclusion, selon votre rapporteur, la création d'une commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'Alstom, d'Alcatel et de STX, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé, est, d'un point de vue juridique, recevable.