La question qui se pose est celle des conditions de ces prises de contrôle, avec l'entrechoquement d'intérêts publics et privés. Le choix aurait pu être fait par l'État de ne pas lever l'option d'achat des titres Bouygues ; cela aurait permis de monter au capital d'Alstom à hauteur de 20 % et le risque financier aurait été nul, puisque les perspectives de plus-value étaient certaines et que plusieurs centaines de millions d'euros de dividendes auraient financé l'opération. C'est la question de la stratégie industrielle française qui se pose ; des pactes existaient qui permettaient de réaliser ce rapprochement en contrôlant ses conséquences, sans forcément contraindre les entreprises à maintenir des emplois pendant quatre ans comme on l'a fait, ce qui peut toujours être contre-productif in fine.
Un pays qui se désindustrialise est économiquement en danger. Ce type de fusions induit le risque de voir des industries et des champions nationaux disparaitre, ce qui est anxiogène. Ces questions méritent d'être traitées au fond, avec une plus grande implication de notre part que celle qui résulterait de simples auditions. Des va-et-vient politiques, aussi bien du précédent Gouvernement et du Gouvernement actuel, ont eu lieu, qui ont eu des conséquences industrielles, notamment dans le cas d'Alstom ; des personnages clés de l'État, dont l'actuel Président de la République, ont joué un rôle essentiel. La commission d'enquête aura le mérite de lever les doutes et de déterminer la responsabilité de chacun, dans le secteur public comme dans le secteur privé, et la suite donnée aux engagements pris sera scrutée de très près dans les années à venir.
Les conditions juridiques permettant la création de la commission d'enquête étant réunies, je ne doute pas que le rapporteur aura toute la pugnacité nécessaire pour faire avec nous toute la lumière sur ce dossier.