Je ne peux pas vous dire, monsieur Didier Paris, que la culture interne n'empêche pas que de tels faits soient évoqués. Dans un service, il peut exister une certaine solidarité, une forme d'omerta, que d'aucuns considéreront utile, un sentiment de compassion à l'égard d'un collègue. Mais ce qui s'est passé se traduit par un message très clair : zéro tolérance à l'égard de tout excès ou entorse au principe de laïcité.
Cela me permet de répondre à la dernière question. Il ne s'agit pas de chercher des indices et de définir soi-même des indices de radicalisation, mais de signaler chaque entorse manifeste au principe de laïcité commise par un fonctionnaire. Ce message, que j'adresse aux forces de sécurité intérieure, est extrêmement clair. Peu m'importe de savoir qu'il existe des habitudes, ou une confraternité. Si des personnes placées sous mon autorité ont connaissance de telles irrégularités et ne font rien, elles en seront tenues personnellement responsables. Je le dis de façon formelle, car le message doit passer.
Quand une personne entre dans la fonction publique, elle doit avoir à l'esprit l'exigence de laïcité. Elle ne peut exprimer dans sa fonction ses choix religieux, qui doivent rester personnels. C'est une exigence que les fonctionnaires du ministère de l'intérieur doivent incarner avec une exemplarité encore plus forte qu'ailleurs. Sans doute la culture interne dont vous parlez a existé, mais elle est de moins en moins prégnante depuis 2015 et la prise de conscience du risque terroriste.
Il est difficile d'identifier et de traiter les cas de radicalisation dans de bonnes conditions. Mais les principes républicains, au premier rang desquels la laïcité, s'appliquent. Cette approche est celle du groupe de travail au sein de l'IGPN, constitué par les référents de l'UCLAT, de la DGSI, de la DRPP, du SCRT et de la direction des ressources humaines de la police. Nous utilisons tous les moyens que nous avons à notre disposition.
La loi SILT a prévu la possibilité de révocation. Le problème ne tient pas aux circulaires, mais au fait que nous n'avons pas eu à utiliser cette procédure jusque-là. Évidemment, ce dispositif sera actionné dès qu'un cas demeurera sans solution. Là encore, il y aura zéro tolérance à l'égard d'un fonctionnaire des services de sécurité intérieure dont la radicalisation aura été caractérisée. La cellule spéciale de l'IGPN suit actuellement une vingtaine de policiers : il ne s'agit pas d'individus radicalisés – je ne voudrais pas que ce chiffre provoque un emballement ou qu'il soit utilisé à mauvais escient – mais de personnes qui ont présenté un signe qui, sans être caractéristique d'une radicalisation, nécessite une attention particulière. L'entorse n'est pas acceptable, elle est surveillée. Je souhaite que ce message soit clair.
Il m'est impossible de vous communiquer le nombre de personnes en charge des habilitations au sein de la DRPP et de la préfecture de police de Paris. Nombreuses, elles sont formées au travail d'identification des signaux faibles par un référentiel de la DGSI et par la DGSI elle-même.
Maître Alain Tourret, faut-il vous rappeler que la question de savoir si l'auteur a été fouillé relève de l'instruction judiciaire ? Laurent Nuñez répondra à votre question concernant les conditions d'accès à la préfecture de police.
Monsieur Éric Ciotti, l'attachement que vous me portez est tel que votre question porte essentiellement sur ma personne, moins sur le sujet qui nous rassemble. Je suis intimement convaincu de ce que j'ai dit. Qu'ai-je dit ? La vérité des membres du service avec lesquels j'ai pu échanger longuement cet après-midi-là ; la vérité du dossier administratif de l'individu ; la vérité des éléments qui étaient connus au moment où je m'exprimais. Notre responsabilité, c'est de dire toute la vérité de ce que nous connaissons.
Les enquêtes peuvent faire apparaître par la suite des faits différents, c'est en l'espèce le cas. Cependant, vous avez manqué deux éléments dans les prises de parole : je n'ai jamais dit que le fait terroriste était écarté, mais que l'enquête ne faisait que débuter ; de son côté, le procureur national antiterroriste a très clairement précisé que les faits étaient apparus dans la journée de vendredi.
Le problème n'est pas d'analyser ce que j'ai dit, mais de savoir comment l'auteur est passé au travers des mailles du filet, comment il a pu se radicaliser alors qu'il travaillait au sein du service de renseignement, et comment cette radicalisation n'a pas été repérée, et signalée. Vous préférez focaliser l'attention sur un autre objectif, le vôtre, et personnaliser l'affaire en visant le ministre en responsabilité. C'est votre choix, et peut-être même votre fonds de commerce.
Pour ma part, ce qui m'intéresse, c'est de comprendre les faits. Je ne cherche pas à m'exonérer de fautes dont j'aurais pu avoir connaissance en 2015 : j'étais alors, comme vous, un élu local en Provence-Alpes-Côte d'Azur, maire de Forcalquier. Je ne dis pas cela pour me décharger d'une quelconque responsabilité. Je considère qu'il est de mon devoir d'être, en ces temps de tempête, aux côtés des hommes et des femmes de mon administration. J'étais présent le 26 septembre à Biarritz, au congrès du syndicat Unité SGP-FO, premier syndicat de policiers, gradés et gardiens de la paix. Comme vous avez des oreilles dans ce milieu-là, vous n'aurez pas manqué de constater que l'accueil qui m'a été fait était globalement très favorable. Ma responsabilité est d'être à l'écoute de ces hommes et de ces femmes. Je suis resté ces trois derniers jours en lien constant avec les familles des victimes et j'ai passé bien plus de temps à les entendre qu'à vous regarder vous exprimer sur les plateaux de télévision !