Nous allons aujourd'hui nous prononcer sur l'adoption d'un projet de loi dont le processus d'élaboration a démarré il y a deux ans : deux ans de débats, de doutes, de convictions sincères, qui ont irrigué notre pays et notre assemblée ; deux ans qui sont la démonstration de la singularité de la France quant à la manière d'aborder les enjeux relatifs à la bioéthique. Peu de pays ont fait le choix d'y associer autant leur Parlement et leurs citoyens. C'est notre choix depuis 1994, et c'est notre force.
Notre modèle dit une chose essentielle sur la nature même des principes que nous posons. Il ne s'agit pas de nous comparer, de regarder ce qui se fait ailleurs, mais bien de définir ce que nous souhaitons en France. C'est ce à quoi nous avons procédé tout au long de l'examen de ce texte – un examen qui aura permis l'audition de 141 personnes par notre commission spéciale, qui nous aura réunis pendant cinquante heures de débat en commission et quatre-vingts heures de séance publique. Durant ces séances publiques, nous avons adopté, outre ceux présentés par les rapporteurs, soixante-quatorze amendements issus de cinq groupes politiques ainsi que de députés non inscrits.
La ministre des solidarités et de la santé nous avait invités à « défendre une certaine vision de la liberté, de l'humanité et de la solidarité ». C'est au regard de la conciliation de ces trois exigences fondamentales que notre assemblée a débattu des principes qu'elle entendait poser, des avancées scientifiques qu'elle voulait consacrer et des interdits qu'elle estimait devoir maintenir. Aucune réponse n'allait de soi et, lors de l'examen de ce texte, nous avons collégialement accepté d'avoir plus de doutes que de certitudes.
Le groupe La République en marche a été traversé, tout au long de l'examen de ce projet de loi, par les mêmes interrogations que les Français : le progrès scientifique est-il conciliable avec nos principes éthiques ? Ce qui se conçoit à l'échelle individuelle est-il souhaitable pour la collectivité ? Nous avons fait des choix, alors que, souvent, plusieurs principes éthiques s'entrechoquaient. Certains, ici, considèrent que nous sommes allés trop loin ; d'autres regrettent notre prudence, qu'ils jugent excessive. J'y vois la preuve de notre capacité à suivre ensemble une ligne de crête extrêmement étroite, ce qui était absolument nécessaire.
La voie que nous choisissons d'emprunter conduit à ouvrir chaque jour davantage le champ des libertés et donc des responsabilités de chacun. Il convient ensuite – c'est notre rôle de législateurs – d'accompagner ces libertés nouvelles, avec les moyens nécessaires à leur effectivité. C'est ce que nous avons fait en permettant à toutes les femmes, sans distinction de situation matrimoniale ou d'orientation sexuelle, d'avoir accès à la PMA – procréation médicalement assistée.
Nous faisons le choix de la responsabilité : ces familles sont aussi aptes et responsables que les autres, elles aimeront et désireront tout autant leurs enfants, elles seront certainement assaillies par les mêmes doutes et les mêmes peurs ; bref, elles seront des familles comme les autres. C'est l'honneur de notre assemblée de permettre à toutes les femmes d'avoir accès à la PMA.
Nous faisons le choix de la confiance, en permettant à tous les enfants issus d'un tiers donneur d'avoir accès à leurs origines, s'ils le souhaitent, à leurs 18 ans. Il n'y a pas de confusion ; un donneur n'est pas un père : un père ne se résumera jamais à un don de gamètes.
Nous avons redit clairement que rien dans ce texte ne concernait la GPA – gestation pour autrui. C'est l'engagement pris devant les Français et nous le tenons. La GPA vient heurter nos fondements éthiques quant à la dignité de la personne humaine.
Nous donnons une nouvelle liberté aux femmes avec l'autoconservation d'ovocytes. Mais nous faisons le choix que cette nouvelle liberté ne soit pas demain un nouvel asservissement : nous avons interdit la prise en charge de cette conservation par l'employeur, ainsi que le recours aux centres privés à but lucratif. Par un amendement transpartisan, dont la présidente de notre commission a pris l'initiative, nous avons voulu des campagnes claires au sujet de la fertilité.
Si nous facilitons la recherche sur les cellules-souches embryonnaires en créant un régime distinct de celui de la recherche sur l'embryon, nous encadrons plus strictement celle-ci : l'embryon ne se résumera jamais pour nous à un amas de cellules.
Alors que cela ne figurait pas dans le texte initial, nous avons souhaité que la situation des enfants souffrant de variations des caractéristiques sexuelles soit prise en compte ; c'est désormais le cas.
Plus que tout autre, ce texte a profondément mis en cause notre rôle de législateurs. Je retiens en particulier nos débats extrêmement nourris, respectueux et bienveillants, concernant la PMA post mortem et le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies. Sur ces deux sujets, notre assemblée a fait le choix de la prudence, de la sagesse, prenant en compte, au-delà de l'intérêt individuel, leur impact sur l'ensemble de la société. Sur ces points, en particulier, il n'y a pas eu d'un côté de l'hémicycle ceux qui auraient eu raison, de l'autre, ceux qui auraient eu tort. Il n'y a eu ni défaites ni victoires.
Au moment de notre vote, c'est encore une fois la même question qui nous sera posée : face à ce qui est scientifiquement possible, avons-nous défini ce qui était éthiquement souhaitable ? Par notre vote, nous défendrons une certaine vision de la liberté, de l'humanité et de la solidarité. Mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de ce projet de loi.