Avons-nous conscience des risques encourus ? Le Conseil d'État avait pourtant signalé le danger de développer une conscience humaine chez l'animal. N'empruntons-nous pas la pente glissante de la transgression des frontières entre humanité et animalité ? En passant, à l'article 14, d'un régime d'autorisation à un régime de déclaration, quelle considération porterons-nous demain aux cellules souches embryonnaires obtenues par la destruction d'embryons ?
Mes chers collègues, quel monde construisons-nous ? Quels effets, quels impacts auront les dispositions prévues dans ce projet de loi ? Comment la relation médicale va-t-elle évoluer avec la suppression du critère pathologique ? L'autoconservation des gamètes sans raison médicale, envisagée à l'article 2, va-t-elle inciter des femmes à reporter leur grossesse à un âge plus risqué pour leur santé et celle du foetus ?
La pénurie de gamètes générée par une hausse de la demande – avec l'accès élargi à l'AMP – et une baisse de l'offre – avec la levée programmée de l'anonymat du donneur – ne va-t-elle pas accroître les risques de marchandisation ? Le principe de gratuité pourra-t-il résister ?
À leur majorité, comment les personnes issues du don réagiront-elles à la découverte de l'identité de leur géniteur si elles n'ont pas de père ou de deuxième parent ? Et comment le foyer du donneur réagira-t-il, dix-huit ans plus tard, s'il n'a pas été informé, puisque l'accord du conjoint a été supprimé à l'article 3 ?
Est-ce que la société ne va pas porter préjudice aux enfants privés ab initio de père, voire d'un deuxième parent ? L'enfant n'a-t-il pas droit à une double parentèle ?
Le législateur prend une grave responsabilité à long terme. En érigeant une filiation fondée sur le projet parental, issu d'une volonté fragile car versatile, en arguant de l'égalité des droits, comment refuser demain à un couple d'hommes, ou à un homme seul, l'accès à l'AMP ? N'est-ce pas la porte ouverte à la GPA, peut-être par une question prioritaire de constitutionnalité renvoyée à la Cour européenne des droits de l'homme ?
Seul l'article 11 a trait à l'intelligence artificielle. Et si les traitements de données massives étaient biaisés ? Qui sera responsable si une machine se trompe ? La médecine prédictive n'a pas été suffisamment appréhendée : la confiance n'exclut pourtant pas le contrôle.
Pourquoi ne pas avoir interdit la neuro-augmentation aux articles 12 et 13 ? Il n'y a rien non plus pour mieux lutter contre le trafic d'organes. Enfin, rien dans ce projet de loi ne vise à dissuader plus efficacement des Français de louer à l'étranger, pendant neuf mois, le corps d'une femme afin de mettre en oeuvre leur projet parental. Bien au contraire, le Gouvernement annonce une circulaire pour faciliter leurs démarches à leur retour. Quelle hypocrisie !