Après soixante heures d'auditions, cinquante heures de discussion en commission et quatre-vingts en séance, notre assemblée s'apprête à se prononcer solennellement sur le projet de loi de bioéthique. Il ne fait pas de doute qu'elle trouvera auprès des députés la majorité requise pour l'approuver, même si nous savons que la ligne de partage n'est pas celle qui court habituellement entre la majorité et l'opposition. C'est le cas pour notre groupe comme pour d'autres. Les débats en ont été le reflet : il n'y avait pas en la matière de positions définies à l'avance, et les majorités se sont dégagées en fonction des sujets qui nous étaient soumis.
De ce projet de loi, on retiendra essentiellement sa mesure phare, celle qui élargit l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ainsi qu'aux femmes célibataires. Cette mesure, présentée dans le programme du Président de 1a République, était attendue. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés s'est particulièrement attaché à ce que des mesures connexes complètent le dispositif pour assurer aux couples et aux femmes qui y auront recours les meilleures conditions possible.
C'est aussi la raison pour laquelle il était important qu'un aménagement du code civil vienne prendre en compte ce nouveau mode de procréation. Alors que les auditions avaient mis en évidence l'insuffisance du dispositif initial, nous tenons à saluer l'attitude de la garde des sceaux qui, par son écoute et sa rigueur, a su trouver une solution et une issue bien plus satisfaisantes.
Le changement qui nous a été présenté à l'article 4 offre l'avantage d'établir la filiation au sein des couples homosexuels au plus près du droit commun, par le biais de la reconnaissance anticipée, sans pour autant remettre en question l'établissement de la filiation par la vraisemblance biologique, qui prévaut au sein des couples mariés hétérosexuels.
Beaucoup d'autres sujets ont été abordés : la levée de l'anonymat des tiers donneurs, l'extension des possibilités de prélèvement de cellules-souches, l'accroissement des possibilités de dons croisés d'organes, l'encadrement de la recherche sur l'embryon, celui des embryons chimériques, ou encore le cadre de la révision des lois de bioéthique, dont l'échéance sera fixée à cinq ans et non plus à sept ans, comme c'est actuellement le cas.
Sur ce dernier point, la proposition de la rapporteure Laëtitia Romeiro Dias, adoptée par notre assemblée, de créer une délégation parlementaire à la bioéthique – chargée de l'évaluation et de l'actualisation en ces matières – , nous paraît une bonne chose dans la mesure où, comme nous avons été nombreux à le rappeler, les progrès de la science vont vite : il nous faudra à l'avenir être plus réactifs si l'on veut que notre pays puisse bénéficier des avancées les plus récentes.
Par ailleurs, il est regrettable que nous n'ayons pu nous accorder pour faire progresser l'usage de dispositifs aussi importants que le diagnostic néonatal et le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies, évoqués par notre collègue Philippe Berta. Ces dispositifs constituaient autant d'occasions d'améliorer la prise en charge des maladies rares qui auraient bénéficié à notre pratique de la fécondation in vitro, dont on sait qu'elle doit être revue, tant ses résultats sont inférieurs à ce que l'on est en droit d'attendre d'un pays développé. Aussi, nous espérons que nous aurons l'occasion de reparler de ces sujets le plus rapidement possible pour ne pas handicaper durablement nos chercheurs et laboratoires, qui oeuvrent au service de nos concitoyens.
Pour finir, nous voulions souligner la bonne tenue globale de nos débats : ils ont eu lieu dans un climat serein qui a permis à chacun de s'exprimer librement, y compris au sein des groupes, où les positions, nous le savons, diffèrent parfois. C'est le sens même des lois de bioéthique que de provoquer ces débats qui engagent bien davantage que les positions traditionnelles de nos partis politiques.
Pour ma part, j'ai abordé ce texte à l'aune des propos de Michel Serres : « Nous n'existons ni comme étants ni comme êtres, mais comme des modes. [… ] Possible, impossible, nécessaire et contingent montent les quatre murs de nos demeures culturelle et naturelle. »
En conséquence, malgré nos regrets et nos réserves du fait de certaines insuffisances du texte, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés le votera en raison des avancées qu'il prévoit.