Intervention de Olivier Véran

Réunion du mardi 8 octobre 2019 à 17h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général :

Monsieur le Premier président, je tiens à saluer comme chaque année la qualité du rapport de la Cour des comptes, qui permet d'éclairer la représentation nationale tant sur les comptes de 2019 que sur un grand nombre de politiques publiques portées par la sécurité sociale. La publication avant l'été de votre analyse des comptes 2018 va également contribuer à nourrir très largement notre réflexion au moment du vote de la première partie du PLFSS.

Le premier point que je souhaite évoquer est le spectaculaire retournement de la situation financière depuis le vote de la LFSS 2019. Le rapport que vous présentez parle à juste titre de « rupture ».

Cette rupture est due pour moitié à une rectification des hypothèses macroéconomiques. Il faut donner acte au Gouvernement de son souci pour la sincérité des budgets que nous votons. Les nouvelles hypothèses ont été validées par le Haut Conseil des finances publiques que vous présidez. Vous évoquez le rôle joué par l'évolution de la masse salariale, qui augmente moins que prévu. Ne peut-on y voir une sorte d'effet d'aubaine lié pour une part au versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat ? Il semblerait, d'après les données de l'ACOSS, qu'il y ait eu un léger infléchissement de la masse salariale au moment où celle-ci a été attribuée alors même que le dispositif législatif prévoyait qu'elle ne pouvait en aucun cas se substituer à une augmentation des salaires. Comme cette prime, par définition, n'est pas accompagnée de cotisations, ne pourrait-on prévoir un dispositif assurant une compensation à la sécurité sociale si le même phénomène de glissement entre salaire et prime est observé ?

L'autre moitié interroge davantage, puisqu'elle est le produit de 2,7 milliards d'euros de non-compensations nouvelles, qui viennent s'ajouter aux quelque 2 milliards de non-compensations déjà prévues par la LFSS 2019, dans un contexte qui était alors celui du retour des excédents de la sécurité sociale. Les années à venir s'annoncent à peine meilleures, et ce, bien que le Gouvernement semble avoir sagement renoncé à plusieurs milliards de transferts dans les années à venir, vers l'État, comme vers la CADES.

Dans ces conditions, deux questions me semblent absolument devoir être posées, au moment d'aborder l'examen du PLFSS 2020, aussi bien pour la commission des comptes sociaux que nous sommes, que pour le technicien des finances publiques que vous êtes, monsieur le Premier président.

Le principe de non-compensation, défendu par M. Christian Charpy et M. Julien Dubertret, qui pouvait à la limite se défendre en période d'excédents, vous semble-t-il pertinent à l'heure du retour du « trou » de la sécurité sociale ? Ma deuxième question est le corollaire de la première : la sécurité sociale est-elle en mesure, financièrement et juridiquement, de supporter les stocks de dette qu'induit nécessairement la trajectoire de retour à l'équilibre en 2023 ? N'aurait-il pas été plus prudent de les confier à l'État, qui empruntait encore à – 0,25 % à dix ans, il y a seulement quelques jours ?

Enfin, je finis par m'interroger sur la valeur du principe légal de compensation des allégements introduit par la « loi Veil » de 1994. La LFSS 2019 semble avoir acté des non-compensations, sans que nous les ayons explicitement votées. Je pense par exemple à la réduction du forfait social, dont la non-compensation n'apparaît pas dans la lettre du texte de 2019, mais dont je m'aperçois qu'on en tient quand même compte dans les tableaux d'équilibre des comptes entre État et sécurité sociale, ce qui veut dire qu'on n'a même plus besoin de voter le dispositif pour qu'il soit entériné. Je ne vous cache pas que la stricte application de la « loi Veil » est pour moi une question de responsabilité vis-à-vis des comptes sociaux. C'est aussi une question de transparence vis-à-vis du Parlement.

Vous présentez, dans votre rapport, une évaluation de l'efficacité des niches sociales et vous commencez par souligner l'ampleur récemment prise par ces dispositifs. Compte tenu de l'augmentation récente des allégements généraux, l'actuel PLFSS estime le coût total des niches sociales à 66,4 milliards d'euros, dont 52 milliards d'euros d'allégement général. Vous recensez même 90 milliards d'euros de niches sociales brutes pour 2019, en complétant les dispositifs habituellement présentés à l'annexe 5 du PLFSS. Au-delà du point de vue – que je partage – selon lequel l'information du Parlement et des citoyens sur ces dispositifs devrait être grandement améliorée, vous soulignez que nous manquons cruellement d'évaluations sur l'efficacité des niches sociales et vous mentionnez à ce titre la réduction de 1,8 point de cotisation famille sur les salaires jusqu'à 3,5 SMIC et de 6 points sur les cotisations salariales maladie jusqu'à 2,5 SMIC. Quel est, d'après vos estimations, l'impact de ces réductions sur la création ou le maintien de l'emploi, ainsi que sur la compétitivité des entreprises françaises ? Recommanderiez-vous la concentration de ces réductions sur les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC, par exemple ?

Votre rapport explore plusieurs pistes pour améliorer la soutenabilité et l'équité des revenus de remplacement versés par la sécurité sociale, en s'intéressant notamment à la problématique récurrente des indemnités journalières, mais aussi à celle moins connue des pensions d'invalidité, qui font d'ailleurs l'objet de mesures dans le PLFSS 2020. On est frappé, en regardant votre tableau, par la durée des arrêts maladie dans le secteur du soin et du social : ce n'est pas pour nous étonner, quand on connaît le niveau de tension qui peut exister dans les établissements de santé et la difficulté, voire la dureté de certains métiers, à cause du travail de nuit, des horaires à rallonge et des problèmes organisationnels. Il faut absolument prendre en compte les spécificités du milieu de la santé.

Vous soulignez également que les dépenses d'invalidité connaissent une croissance dynamique de 4,9 % par an au régime général. Paradoxalement, il n'existe aucun véritable pilotage de la politique d'invalidité, ni aucun système de régulation de ces dépenses. Pour enrayer leur croissance, vous préconisez notamment le développement d'une politique active contre la désinsertion professionnelle pour les personnes en invalidité. Dans quelles proportions ces actions permettraient-elles de réaliser des économies ? Quelles seraient par ailleurs les réformes structurelles à engager pour mieux réguler le système actuel de l'invalidité ? L'intégration des pensions d'invalidité à l'ONDAM, que vous suggérez, est-elle réaliste ?

Vous dressez un bilan inédit de sept des principaux dispositifs permettant de partir à la retraite de manière anticipée. Vous démontrez qu'en 2017, ces dispositifs ont permis à 400 000 de nos concitoyens de partir plus tôt, ce qui représente quand même un départ à la retraite sur deux. Leur impact financier n'est pas négligeable, puisqu'ils auraient représenté un coût de près de 14 milliards d'euros pour les finances publiques en 2016. Or vous soulignez que ces dispositifs ne sont pas toujours justifiés, notamment en ce qui concerne le périmètre des catégories actives. Du point de vue de l'équité, comment envisagez-vous la possible intégration des dispositifs qui ont vocation à perdurer dans le système universel à venir ?

Vous préconisez également un certain nombre de réformes dans le domaine des transports sanitaires, et je crois que le texte que nous allons examiner traite de cette question. J'aimerais, enfin, vous poser une question sur la lutte contre les fraudes dans le domaine social. Les auditions des différentes caisses tendent à montrer que les objectifs posés dans les conventions d'objectifs et de gestion en matière de lutte contre les fraudes sont systématiquement atteints, et même avant la fin de l'exercice annuel. Cela montre qu'il doit être possible de rendre cette lutte plus efficace, si nous renforçons les moyens des caisses concernées. La Cour s'est-elle penchée sur cette question épineuse, qui revient souvent dans le débat parlementaire ?

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