Intervention de Olivier Véran

Réunion du jeudi 10 octobre 2019 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Véran, rapporteur général :

Je commencerai mon intervention en évoquant, non pas le PLFSS, mais la fierté que suscite l'annonce, par le Président de la République, de l'augmentation de 20 % de la participation de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il a réussi à réunir à Lyon un grand nombre de personnalités publiques et privées, des chefs d'État, de fondations et d'entreprises, et il est parvenu à obtenir un investissement de plus de 14 milliards d'euros dans la lutte contre les maladies infectieuses dans le monde. La commission des affaires sociales est nécessairement très sensible à ce geste fort.

Puis je mentionnerai les bonnes nouvelles que comporte ce PLFSS. Nous avons souvent tendance, en France, à insister sur ce qui ne va pas et à n'aborder les éléments positifs que dans un second temps. Je ferai l'inverse sans en dresser cependant la liste exhaustive, car de nombreux collègues auront à coeur de les évoquer.

Parmi ces éléments positifs figurent la réforme en profondeur du mode de financement de la psychiatrie, le soin de suite et de réadaptation (SSR) et, demain, la médecine d'urgence à l'hôpital, le congé proche aidant et les mesures d'invalidité pour les agriculteurs qui les attendaient beaucoup. La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole s'est d'ailleurs prononcée en faveur du texte. Je citerai également, en matière de politique familiale, la possibilité du recouvrement des pensions alimentaires par un organisme, ce qui permettra aux mères isolées de ne pas rester dans la détresse. Ces mesures du quotidien, qui bénéficieront à un très grand nombre de Français, viennent s'ajouter aux très belles dispositions contenues dans le PLF, à savoir la baisse importante des impôts et la relance de l'emploi comme facteur d'émancipation.

Une question est revenue assez régulièrement au cours des auditions et je me dois de l'aborder ici, afin de pouvoir éventuellement ouvrir un débat préalable à l'examen des articles du texte en commission la semaine prochaine. Elle porte sur le financement de l'hôpital, dans un contexte de tensions marqué par un mouvement important dans les services d'urgence. La mobilisation d'un collectif de médecins est d'ailleurs prévue cet après-midi à l'AP-HP. Ces derniers veulent nous dire qu'au-delà du programme structurel « Ma Santé 2022 », un geste est attendu concernant l'hôpital public.

Il existe sur tous les bancs de cette commission, et notamment ceux de la majorité, une sensibilité particulière sur le travail qui permettrait d'apporter des gages à l'hôpital, ainsi qu'aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Des jalons ont d'ores et déjà été posés concernant les futures réformes dans le domaine du vieillissement : 50 millions d'euros ont ainsi été ajoutés aux sommes déjà prévues. L'investissement supplémentaire dans le domaine du grand âge atteint donc 500 millions d'euros. Nous attendons la réforme de la dépendance avec impatience. De nombreux membres de notre commission sont très motivés pour travailler à l'identification de sources de financement qui ne relèvent pas du PLFSS. Des pistes portant sur la CADES ont été évoquées ; nous aurons à coeur de travailler au-delà du budget de la sécurité sociale.

Une autre question est revenue régulièrement au cours des auditions – elle est d'ailleurs à l'origine des réserves de certaines caisses sur le PLFSS. Il s'agit du retour sur la « loi Veil » de 1994 relative à la sécurité sociale, c'est-à-dire de la non-compensation. Nous avions eu ce débat l'année dernière, tant en commission que dans l'hémicycle, et ce, dans un contexte où la sécurité sociale allait enfin pouvoir présenter des excédents, au-delà même de l'objectif inespéré du retour à l'équilibre. Il avait été convenu que la sécurité sociale participerait à l'effort de la nation pour réduire sa dette. Tel était l'objet du rapport Charpy-Dubertret, dont j'ai cru comprendre qu'il faisait maintenant office de doctrine au sein de l'exécutif. Toutefois, je rappelle qu'il n'a pas fait l'objet d'un débat parlementaire. Je me souviens même avoir réclamé ce rapport, qui nous avait été remis peu de temps avant l'examen du précédent PLFSS.

Néanmoins, considérant la situation de la sécurité sociale l'année dernière, nous avions voté de bonne grâce un certain nombre de transferts du champ du social vers le champ de l'État, privant ainsi la sécurité sociale de recettes, ce qui constituait déjà une rupture par rapport à la situation précédente. En effet, depuis la « loi Veil » de 1994 relative à la sécurité sociale, si un certain nombre de non-compensations avaient pu être adoptées, elles avaient toutes finalement été compensées a posteriori, soit par le biais d'une réforme fiscale, soit par le biais d'un transfert d'aide personnalisée au logement (APL). Jusqu'aux mesures portant sur le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, les heures supplémentaires et le forfait social, la compensation s'élevait à 57 milliards d'euros, à quelques dizaines de millions d'euros près. À l'issue du Pacte de responsabilité sous la mandature précédente, la compensation a pris la forme d'un transfert de TVA et n'a plus fait l'objet de transferts directs, comme auparavant.

Pour la seule année 2019, il y a eu un peu plus de 4 milliards d'euros de non-compensation, auxquels viennent s'ajouter pour 2020 des non-compensations portant sur les mesures d'urgence économiques et sociales, à savoir l'anticipation des dispositions relatives aux heures supplémentaires, la suppression du forfait social, le taux intermédiaire de CSG, et les mesures visant les jeunes entreprises innovantes, qui atteindront environ 2,8 milliards d'euros. Un calcul très simple consisterait à additionner les non-compensations et à comparer ce total au déficit de la sécurité sociale. On se rendrait compte alors que ce déficit n'est pas lié à un échec d'organisation des partenaires sociaux par branche, mais plutôt à des décisions externes qui interférent avec les équilibres. Le principe de responsabilisation, qui prévaut dans l'ensemble des branches de la sécurité sociale, a permis d'obtenir un équilibre dans quasiment toutes les branches. C'est d'ailleurs ce qui nous a été dit en audition. Ainsi, l'ONDAM, qui est respecté chaque année depuis plus de dix ans, correspond à cette logique des partenaires sociaux de s'inscrire dans un cadre où les règles du jeu sont claires et établies.

Je veux partager ici avec vous l'émoi qui a pu être exprimé dans un certain nombre d'auditions au sujet de la non-compensation. J'ajoute que le rapport Charpy-Dubertret me paraît obsolète, dans la mesure où il s'inscrivait dans un contexte de gestion des futurs excédents de la sécurité sociale. Or il n'y a plus d'excédent.

En tout état de cause, ces questions font l'objet de discussions sur tous les bancs, y compris au sein de la majorité. Nous aurons à coeur d'en débattre la semaine prochaine en commission, d'autant que nous voudrions dégager des fonds pour financer des dépenses nouvelles, la dépendance notamment. Je rappelle à nouveau notre attachement à la « loi Veil » de 1994 relative à la sécurité sociale, qui avait été votée à l'unanimité du Parlement, à l'exception des communistes qui y voyaient la possibilité de masquer des allégements de cotisations patronales. Des députés tels Charles de Courson, Bernard Accoyer ou encore Claude Bartolone avaient apporté leur soutien.

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