Intervention de Pascal Brindeau

Séance en hémicycle du lundi 21 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 36 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Brindeau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Nous examinons l'article 36 du projet de loi de finances pour 2020, qui évalue le prélèvement sur recettes de l'État au profit du budget de l'Union européenne. Ce montant devrait être de 21,33 milliards d'euros pour l'année 2020. Bien que non encore stabilisé, puisque la procédure d'élaboration du budget de l'Union ne sera achevée qu'à la fin du mois de novembre, le PSR pour 2020 s'inscrit dans le cadre financier pluriannuel déterminé pour la période 2014-2020.

Cette inscription budgétaire intervient – ce n'est rien de le dire – dans un contexte pour le moins incertain.

D'une part, des événements de conjoncture économique et le ralentissement de la croissance au sein de la zone euro, laquelle a fléchi à 1,2 % au deuxième trimestre 2019, laissent craindre qu'une nouvelle crise mondiale majeure n'émerge. Un budget, et singulièrement celui d'une union regroupant 500 millions de citoyens, devrait avoir pour objet, entre autres, de pouvoir y faire face. Or la faiblesse du budget européen, auquel participent des ressources propres trop modestes, ne permettrait pas de contrecarrer les effets d'une éventuelle crise mondiale sur la croissance économique de l'Europe.

D'autre part, l'absence de certitudes sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne pèse fortement sur l'équation budgétaire. Le Royaume-Uni est, derrière l'Allemagne, le deuxième contributeur net du budget de l'Union européenne. À la perte de recettes qui résulterait du potentiel Brexit s'ajoutent 3 milliards d'euros de droits de douane perçus par le Royaume-Uni. C'est donc un différentiel total de plus de 10 milliards d'euros qu'il conviendrait d'intégrer dans le futur cadre financier pluriannuel.

Nous serons évidemment attentifs à ce qu'un éventuel accord entre le Royaume-Uni et l'Union européenne inclue le financement des programmes auxquels ce pays participera à l'issue non seulement de sa sortie de l'Union, mais aussi d'un éventuel accord douanier entre Grande-Bretagne et Union européenne, lequel ne pourra en aucun cas être défavorable aux États membres de l'Union.

Les derniers rebondissements à la Chambre des communes, samedi, ne sont malheureusement pas pour clarifier la situation. Aussi pouvons-nous nous interroger sur le niveau d'avancement de la procédure parlementaire britannique relative au Brexit au 31 octobre prochain : celle-ci pourrait en effet ne pas être encore conclue alors que la date du Brexit serait atteinte.

Le cas britannique pose en outre la question de la participation des États tiers à des programmes européens. La France a souhaité poser comme principe que, pour chacun d'entre eux, les retours financiers vers un État tiers ne pourront être supérieurs aux contributions de celui-ci. Le cadre juridique d'une telle disposition reste malgré tout à déterminer.

Nonobstant ces remarques, le prélèvement pour 2020 apparaît stable, à hauteur de 21,33 milliards d'euros, contre une inscription initiale pour 2019 de 21,44 milliards d'euros, auxquels il convient cependant de retrancher 249 millions d'euros compte tenu des budgets rectificatifs adoptés par l'Union européenne au cours de l'année 2019.

Si l'on se projette dans le futur cadre financier pluriannuel 2021-2027, une augmentation de la contribution française est probable. Quels que soient les effets du Brexit, les futures priorités d'action définies par la Commission européenne ne devront pas se solder par des diminutions d'intervention dans les politiques historiques et structurantes de l'Union européenne. Comme le président de la commission des finances, je pense à la politique agricole commune : la France ne peut accepter la perspective d'une nouvelle diminution de cette politique vitale pour notre continent.

Par ailleurs, la détermination du nouveau cadre financier doit enfin permettre la disparition des rabais, fruits du sommet européen de Fontainebleau en 1984 et du fameux « I want my money back », « Je veux qu'on me rende mon argent », source de tous les égoïsmes budgétaires nationaux. D'autant plus que, depuis 2002, certains pays de l'Union européenne bénéficient de rabais sur le rabais, c'est-à-dire d'une limitation de la valeur de leur contribution supplémentaire issue de la correction britannique.

Le nouveau cadre financier devra également réformer et moderniser les ressources propres de l'Union européenne afin de les accroître. La Commission européenne a avancé trois propositions, qui nous semblent devoir être soutenues. Il s'agit d'une contribution sur les déchets plastiques produits par les États et non recyclé, sur laquelle un consensus semble se dégager ; d'une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, qui bute toujours sur la règle de l'unanimité au Conseil de l'Union européenne dans le domaine fiscal ; et d'une contribution au système d'échange de quotas d'émission de carbone, un instrument commun de lutte contre le changement climatique qui va dans la bonne direction et qui devrait voir le jour, grâce notamment à un travail engagé par la France et l'Allemagne. La possible instauration de nouvelles ressources propres pourrait en outre constituer l'occasion de faire aboutir la réflexion sur la taxation des GAFA, car nous sommes ici plusieurs à penser que la création d'une telle taxe à la seule échelle nationale ne relève que de l'effet d'annonce.

Il nous faudra enfin insister sur la nécessité d'une meilleure maîtrise des dépenses administratives de l'Union européenne, alors que la Commission européenne propose, dans le prochain cadre financier pluriannuel, une forte augmentation de ce poste, de l'ordre de 23 %. Cette proposition, qui va à l'encontre de la vocation du budget de l'Union, qui doit relever davantage de l'intervention et de l'investissement que de l'administration, entre également en contradiction avec les efforts de maîtrise budgétaire et, par conséquent, de baisse des dépenses publiques demandés aux États membres dans le cadre des traités.

Avec ces quelques remarques et pistes d'action pour la construction du futur cadre financier pluriannuel, je vous propose de vous prononcer en faveur de l'adoption de l'article 36 du projet de loi de finances pour 2020.

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