… mais le texte représente d'abord et avant tout le fidèle miroir d'un contexte économique à un instant t.
Chacun l'aura observé à son échelle, la prévision est un art difficile. Ainsi, les hypothèses macroéconomiques qui avaient été validées en toute indépendance par le Haut Conseil des finances publiques en 2019 ont été régulièrement ajustées par le Gouvernement au cours de l'année. Le projet de loi de financement pour 2020 soumet à notre approbation des tableaux d'équilibre qui tiennent pleinement compte de l'évolution du contexte économique. Ainsi, l'équilibre que nous attendions l'année dernière se révèle un peu plus dur à atteindre que prévu ; dont acte.
Le déficit conséquent prévu pour les années 2019 et 2020 est aussi le résultat d'un choix, dont il a beaucoup été question lors de nos débats en commission : ne pas procéder aux compensations prévues par la loi Veil, s'agissant notamment des mesures prises dans le cadre de la loi MUES, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. Ce choix, que le Gouvernement a annoncé de manière récurrente depuis la présentation du programme de stabilité, en avril dernier, n'est véritablement soumis à l'approbation du Parlement qu'aujourd'hui, ce qui explique probablement la cristallisation soudaine de cette question, par ailleurs d'une grande complexité, sur laquelle nous reviendrons longuement demain en séance. Sur le fond, le choix peut interpeller ; les auditions que j'ai conduites comme les débats en commission l'ont d'ailleurs montré. J'ai eu moi-même de multiples occasions d'exprimer des réserves à ce sujet, dans un contexte financier profondément différent de celui que nous connaissions l'année dernière.
Toutefois, s'il me paraît essentiel de ne pas dissimuler ces réserves, il me semble tout aussi important de souligner deux éléments éclairants pour notre délibération collective sur la question.
Premièrement, la sécurité sociale verra ses comptes se redresser de manière très significative dans les années à venir, grâce au pragmatisme du Gouvernement en matière de transferts de recettes votés l'an dernier, vers l'État, d'une part, vers la CADES – la caisse d'amortissement de la dette sociale – , d'autre part. Les excédents qui fondaient cette décision ayant désormais disparu, le premier transfert était devenu inopportun et le second, contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je salue donc sans réserve cette décision qui restituera à la sécurité sociale 3 milliards d'euros en 2020 et 10 milliards d'euros en 2022, rendant possible un retour à l'équilibre d'ici à 2023.
Le second élément que j'ai souligné en commission tient à l'ambiguïté du message qu'enverrait une suppression sèche des non-compensations, maintenant qu'elles sont inscrites dans le texte. En effet, une telle suppression ne permettrait pas de dégager des moyens conséquents à brève échéance, la sécurité sociale restant en déficit même sans ces mesures ; elle ne serait pas cohérente avec le projet de loi de finances, alimentant ainsi le discours de ceux qui dénoncent – à tort à mon sens – la coexistence de deux textes financiers distincts ; enfin, les Français auraient l'impression que nous déplaçons des milliards de manière complètement artificielle, ce qui jetterait un doute préjudiciable sur la noble mission d'autorisation du budget qui est la nôtre. En d'autres termes, c'est la déception que risque d'engendrer une telle suppression, plus que ses compréhensibles motivations, qui doit nous inquiéter.
Aussi, c'est contre mon avis que la commission a adopté un amendement de suppression des non-compensations à l'article 3, sans d'ailleurs faire de même à l'article 17 – qui en portait pourtant conséquence pour l'année 2020.
Tout en prenant acte de ces votes, intervenus à la suite d'un débat approfondi, je reste persuadé que ce sont d'autres engagements et d'autres messages à l'adresse notamment de l'hôpital, qui doivent rester notre priorité. J'ai beaucoup apprécié, madame la ministre, vos déclarations et vos annonces fortes dans ce domaine. Nul ne doute ici de votre attachement à la belle institution qu'est l'hôpital public – que je chéris également dans ma vie professionnelle.
Parce que la loi de financement de la sécurité sociale ne se résume pas à sa subtile tuyauterie, la commission a également eu l'occasion d'approuver des mesures ambitieuses visant trois objectifs majeurs.
Le texte poursuit la logique de renforcement du pouvoir d'achat des Français en reconduisant la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, qu'il lie au développement d'accords d'intéressement dans toutes les entreprises.
Par ailleurs, conformément à l'engagement du Président de la République, les pensions inférieures à 2 000 euros seront réindexées sur l'inflation dès 2020.
Le PLFSS met également en oeuvre le volet financier de la réforme de notre système de santé. Les mesures sont nombreuses, mais je me contenterai d'en citer trois : la rénovation du financement des hôpitaux de proximité, qui profitera à tous ; les mesures relatives à la psychiatrie hospitalière, qui s'inspirent notamment des excellents travaux de ma collègue Martine Wonner ; la création de la prise en charge d'un hébergement non médicalisé pour les femmes enceintes – nous nous pencherons en séance sur le sujet des hôtels hospitaliers, que j'avais déjà abordé il y a quelques années et que je voulais remettre sur le métier.
Enfin, le PLFSS introduit aussi des mesures utiles et structurantes pour améliorer la situation des plus fragiles de nos compatriotes sur de nombreux aspects.
Il contient d'abord des mesures pour les familles, avec un nouveau service public de recouvrement des pensions alimentaires, offrant de véritables garanties contre les impayés.
Il contient ensuite des mesures pour les aidants, avec une allocation journalière dans le cadre du congé de proche aidant – mesure forte qui préfigure la réforme de la dépendance.