Intervention de Paul Christophe

Séance en hémicycle du mardi 22 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

Pour répondre à la crise actuelle, nous souhaitons également que notre assemblée ait un vrai débat sur une meilleure intégration des services d'urgence privés : ils accueillent déjà près de 3 millions de patients, mais devraient pouvoir en accueillir le double sans dépassements d'honoraires, comme le prévoit la législation.

Je souhaite en outre revenir sur la pertinence du maintien de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, comme outil de régulation des dépenses. Cet outil, calculé de manière annuelle et sans stratégie de moyen terme, définit des objectifs d'économie qui donnent parfois le sentiment de ne pas correspondre à la réalité des besoins. Par ailleurs, il ne tient pas compte des inégalités territoriales de santé, une réalité sanitaire que les crédits du fonds d'intervention régional ne parviennent qu'imparfaitement à compenser. Ce n'est certainement pas mon collègue Francis Vercamer qui dira le contraire. Vous connaissez tout l'attachement de notre groupe à ce sujet. Nous vous proposerons une expérimentation visant à la mise en place d'objectifs indicatifs et territoriaux de dépenses, qui permettraient de mieux tenir compte des indicateurs sanitaires du territoire concerné. L'ONDAM hospitalier semble être particulièrement malmené par rapport à celui de la médecine de ville. Il souffre du maintien du mécanisme de mise en réserve – soit 0,3 % de l'ONDAM – , laquelle est en majeure partie utilisée pour compenser les dépassements des autres secteurs. Cela interroge sur la sincérité de l'ONDAM et des sous-ONDAM proposés à la sagesse du Parlement ; les acteurs souffrent de ce manque de visibilité, pourtant indispensable pour déterminer les choix d'investissement.

Le rapport de la task-force pilotée par Jean-Marc Aubert dans le cadre des travaux « ma santé 2022 », consacrée à la réforme des modes de financement et de régulation, souligne combien il est important de donner une visibilité pluriannuelle de la révolution des financements aux acteurs, afin qu'ils puissent réaliser les investissements ou les adaptations nécessaires, et combien l'absence d'une telle visibilité nuit au pilotage de l'activité. Sous votre autorité, madame la ministre, l'idée d'une pluriannualité paraît du reste faire son chemin : vous semblez vouloir la mettre en oeuvre dans les hôpitaux de proximité, dans la droite ligne de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

L'an dernier, vous vous étiez engagée à trouver, à l'horizon du premier semestre 2019, une solution susceptible de pérenniser la situation des grossistes répartiteurs, acteurs indispensables de l'approvisionnement des officines. Nous savons que des discussions sont en cours, mais force est de constater qu'elles n'ont toujours pas abouti. Je serai heureux de vous entendre à ce sujet, madame la ministre.

Face à la nouvelle salve de mesures d'économie demandées au secteur du médicament, en décalage avec les engagements pris par le Président de la République lors du dernier conseil stratégique des industries de santé – CSIS – , je ne peux que réitérer mon inquiétude et mes interrogations quant aux risques qu'elle peut faire peser sur l'attractivité et in fine sur les conditions d'accès aux médicaments innovants, au détriment des patients.

Pour autant, alors que je vous interpellais l'an dernier sur l'augmentation des ruptures d'approvisionnement – dont le nombre est passé de 80 en 2008 à plus de 800 en 2018 – , je salue le renforcement du dispositif actuel de lutte contre les ruptures de stock que vous proposez. Pour que ces dispositions soient un succès, elles devront toutefois s'accompagner d'un signal fort en direction de la filière du médicament.

Vous connaissez en outre mon attachement à la mise à disposition des médicaments innovants et à la réduction des délais d'accès à ceux-ci. J'observe que les ATU – autorisations temporaires d'utilisation – en extension d'indication, instituées par le PLFSS de l'an dernier, ont beaucoup tardé à prendre effet. Certes, le décret est paru cet été, mais il a fallu attendre un an pour que l'arrêté soit publié – juste avant l'examen du présent PLFSS. Concernant le cas particulier des ATU nominatives, je m'interroge sur le cadre restrictif proposé dans le texte ; j'espère que vous saurez me rassurer au fil de la discussion budgétaire. Aussi, même s'il est malaisé de s'exprimer de manière comptable lorsqu'il s'agit de la santé des patients, nous faisons fausse route lorsque nous estimons qu'elle représente un coût trop important pour la sécurité sociale : il ne faut pas raisonner en dépenses brutes, mais bien en dépenses nettes ; ayons à l'esprit l'ensemble des dépenses de santé évitées grâce aux thérapies innovantes, depuis la prise en charge jusqu'au suivi des patients. En bridant l'accès à ces nouveaux médicaments, je crains que nous n'occasionnions une véritable perte de chance pour les malades.

Par ailleurs, le maintien de l'ONDAM comme outil unique de régulation des dépenses conduit à des mesures d'économies dont on peine à comprendre la pertinence. C'est le cas de la création d'une clause de sauvegarde pour les dispositifs médicaux, sur le modèle de celle qui pèse sur le secteur du médicament, bien que ces deux domaines soient très différents. Le risque est de mettre à mal un secteur d'activité constitué à 90 % de PME, majoritairement françaises, qui a un rôle majeur à jouer dans la réussite du virage ambulatoire.

Enfin, si je salue votre intention relative aux services d'aide à domicile, j'appelle votre attention sur l'insuffisance du volume financier qui leur est consacré. À titre d'exemple, si ces 50 millions d'euros étaient concentrés sur le seul département du Nord, nous ne pourrions majorer le taux horaire que de 0,32 euro, bien loin des attentes des acteurs concernés.

Aussi, quoique ce projet de budget soit en deçà de nos attentes, nous l'abordons dans un esprit d'ouverture, fidèles à notre démarche constructive. En ce sens, nous proposerons plusieurs amendements visant à l'améliorer.

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