Je suis convaincue que la totalité des députés souhaitent améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, le bien-être et la santé de nos concitoyens. Vous avez fait de cette cause votre combat, monsieur Ramos, et je vous en remercie.
Je rendrai cependant un avis défavorable sur votre amendement, mais je vais vous expliquer pourquoi. Je vous inviterai plutôt à le retirer, d'ailleurs.
Contrairement à vous, je n'ai pas reçu de courrier et je n'ai pas subi la pression des lobbies de l'alimentation. En revanche, la science est mon combat et, à ce titre, votre amendement me pose deux problèmes, l'un de fond, l'autre de forme.
Votre amendement pose un premier problème d'ordre scientifique. Pendant très longtemps, on a pensé que les nitrates pouvaient avoir un lien avec la survenue d'un cancer. Or de récentes publications, validées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, introduisent un doute et mettraient en cause le sel : selon cette agence, il n'y aurait pas de lien entre l'ingestion de nitrates et la survenue de la plupart des cancers. L'Autorité conclut également à l'absence d'effet génotoxique, c'est-à-dire sur notre génome, des nitrates absorbés par voie alimentaire. En revanche, elle relève des effets possibles d'hypothyroïdie, à confirmer. L'effet néfaste serait lié à la conversion des nitrates en nitrites dans l'organisme humain, laquelle est très variable et encore insuffisamment documentée ; d'un point de vue scientifique, le temps est encore à la recherche.
Par ailleurs, les additifs présents dans les animaux, en particulier la charcuterie, représentent, selon les études, moins de 5 % de l'exposition totale aux nitrates, car ces derniers sont présents dans notre environnement, l'eau et les légumes. Après l'avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'ANSES – l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – a engagé des travaux pour caractériser les expositions au nitrate par voie alimentaire propres à la France, déterminer sur quels leviers il faudrait agir, apprécier le niveau d'exposition de la population et identifier les situations méritant une attention particulière.
Il me semble important, alors que nous sommes en état d'alerte face à ces produits, d'attendre la conclusion des travaux menés sur l'exposition aux nitrates en France et de ne pas imposer une taxe sans avoir reçu de validation claire de l'ANSES, d'autant que le doute persiste et s'est renforcé ces dernières années.
Je vous propose donc d'attendre, non parce que nous serions soumis aux lobbies, mais parce qu'il serait dommage de voter une taxe sans l'appui d'une solide preuve scientifique.
J'émettrai par ailleurs une réserve liée à la forme. Vous proposez une taxe de 0,10 centime d'euros par kilogramme, soit 1 000 fois moins qu'1 euro par kilogramme de produit. L'effet de cette taxe serait imperceptible et ne permettrait sans doute pas de modifier le comportement des consommateurs ni de réduire la quantité de nitrates introduite par les industriels. Tel qu'il est rédigé, cet amendement conduirait à introduire une nouvelle petite taxe, difficilement applicable et vraisemblablement inefficace au regard de l'objectif recherché, alors que nous sommes tous engagés dans une démarche pour réduire les taxes à faible rendement.
Ce sont là les deux raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à votre amendement, mais je m'intéresse surtout sur le fond : est-il utile ou non de voter une telle taxe ? Cette décision me semble prématurée alors que nous attendons les conclusions de l'ANSES. Cela ne nous empêche pas de poursuivre avec détermination notre combat en faveur d'une meilleure alimentation au moyen, notamment, du Nutri-Score. J'en profite pour remercier tous ceux qui ont mené le combat, en particulier M. le rapporteur général. Cet outil, qui permet de mieux s'alimenter, se déploie dans la France entière mais aussi en Europe, voire dans d'autres pays du monde. Nous le soutenons avec force.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Ramos, sans quoi j'y serai défavorable.