La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures.
Hier soir l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles de la troisième partie du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 2056, portant article additionnel après l'article 9.
Je suis saisie de nombreux amendements portant article additionnel après l'article 9.
Les amendements nos 2056 et 158 peuvent être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé, pour soutenir l'amendement no 2056.
Il fait écho aux annonces que nous avons faites hier sur la stratégie d'aide aux aidants familiaux. Afin de simplifier son quotidien, nous proposons d'exonérer le dédommagement versé au proche aidant d'une personne en situation de handicap percevant la PCH, la prestation de compensation du handicap. Celle-ci, concrètement, est réglée par le département à la personne en situation de handicap, qui peut reverser elle-même un dédommagement à son aidant familial. Quand il déclare ses revenus, l'aidant doit alors imputer cette somme, assujettie à la CSG et à la CRDS – la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale – ainsi qu'à l'impôt sur le revenu.
La déclaration de cette aide est particulièrement complexe pour les aidants. Elle accroît les contraintes, y compris financières, pesant sur ces personnes qui ont bien souvent dû réduire voire cesser leur activité professionnelle. Face à cette complexité, il peut arriver que la personne handicapée renonce totalement au bénéfice de la PCH. Cette situation n'étant pas acceptable, il vous est proposé d'exonérer de la CSG, de la CRDS et de l'impôt sur le revenu le dédommagement perçu par le proche aidant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 158 de M. Vincent Rolland est défendu.
La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements.
Ils n'ont pas été examinés par la commission mais, à titre personnel, j'y suis très favorable. Ils s'inscrivent dans la logique des efforts engagés dans le cadre des LFSS précédentes pour simplifier et améliorer la situation des allocataires de la PCH, qu'on appelle aussi l'aide humaine.
Nous approuvons bien évidemment l'amendement du Gouvernement, que j'appelai de mes voeux lors de la discussion générale. J'aurais cependant besoin d'une petite précision : l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et son complément figurent-ils parmi les prestations concernées par cet amendement ?
Je me réjouis de l'amendement du Gouvernement sur un sujet qui nous est cher, celui des aidants, sur lequel nous avons travaillé dès le début de la législature. Je salue votre initiative, madame la ministre, et nous voterons bien évidemment en faveur de cet amendement.
Je soutiens également cette proposition du Gouvernement. On connaît la situation dans laquelle se trouvent nombre d'aidants, contraints d'assumer des tâches qui devraient relever de la solidarité nationale. Il ne s'agit pas véritablement d'une rémunération au sens où on l'entend habituellement mais plutôt d'une forme de dédommagement de l'aide apportée au nom de la société. Cela fait partie des mesures qui vont dans le sens d'une amélioration pour les 11 millions de personnes aidantes dans notre pays.
Je voudrais saluer à mon tour l'intérêt éminent de cet amendement, mais je n'oublie pas non plus de saluer le travail de notre collègue Pierre Dharréville, qui, au travers d'un excellent rapport, avait en cette matière ouvert la voie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le groupe MODEM soutiendra bien évidemment cet amendement tout à fait intéressant pour les aidants et salue l'avancée qu'il représente.
Je remercie le Gouvernement pour cette belle ouverture pour les proches aidants. N'oublions pas non plus les travaux de notre collègue Paul Christophe, qui ont notamment abouti à l'adoption d'une proposition de loi tendant aussi à une reconnaissance du travail formidable des aidants. S'ils n'étaient pas là, la prise en charge des malades ne serait pas ce qu'elle est. C'est bien de commencer à l'unisson ce matin.
Je remercie également le Gouvernement pour cet amendement, auquel nous sommes bien sûr favorables. Je voudrais également saluer le travail accompli par les parlementaires, singulièrement M. Dharréville. Chacun d'entre nous constate sur le terrain que les aidants familiaux ont besoin d'un geste de soutien, eux qui font un travail considérable et mettent souvent leur vie familiale et personnelle en très grande difficulté pour apporter les soins et l'accompagnement nécessaires à un proche.
Je remercie Mme la ministre, qui me donne du baume au coeur pour commencer nos travaux en ce jeudi matin et qui commence à me faire espérer que nos rapports trouvent un débouché ! Pierre Dharréville avait en effet rédigé un rapport dont on commence à voir les résultats. Vous égayez ma journée : nous voterons évidemment en faveur de votre amendement, en attendant ceux du Gouvernement qui suivront et seront en lien avec d'autres rapports dont j'ai été corapporteure !
Monsieur Lurton, retirez-vous l'amendement no 158, ce qui lui éviterait de tomber en cas d'adoption de celui du Gouvernement ?
L'amendement no 158 est retiré.
L'amendement no 2056 est adopté.
Nous passons à une autre injustice très forte : celle concernant les retraites agricoles. Les organisations de retraités agricoles réclament un minimum de pension de retraite égal à 85 % du SMIC, ce qui n'est pas un luxe et correspond à l'engagement de votre prédécesseur, sous le quinquennat précédent. Je me souviens très bien des débats du projet de loi relatif au système de retraites de 2013, au cours desquels la ministre s'était engagée à ce que ce minimum soit porté dans un premier temps à 75 % – ce qui a été fait – puis à 85 %. Il s'agit d'une mesure de solidarité indispensable qui permettrait d'assurer de nouvelles ressources à destination de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole et de concrétiser l'engagement de porter le minimum des retraites agricoles à 85 % du SMIC.
C'est un vrai sujet que la question des retraites agricoles. Je tiens à souligner d'ailleurs que la CCMSA – caisse centrale de la Mutualité sociale agricole – s'est prononcée en faveur du PLFSS compte tenu des avancées importantes du texte pour le milieu agricole. Nous aurons l'occasion d'en reparler, notamment sur la question de l'invalidité, avec une corrélation des cotisations à la perception d'une pension d'invalidité digne de ce nom, ce qui n'était pas le cas antérieurement.
Le sujet de la retraite agricole est un sujet à part entière. Je tiens d'abord à préciser que l'article 40 a censuré tout ce qui concerne le transfert de l'augmentation de la taxe sur les transactions financières – la TTF – vers les pensions des retraités agricoles, considérant qu'il s'agissait d'une dépense. Il ne reste qu'un amendement, tendant à accroître la taxe sur les transactions financières de l'ordre de 0,1 point au profit des caisses de la CCMSA, mais sans fléchage particulier sur les retraites.
Par ailleurs, alourdir cette fiscalité pourrait présenter des intérêts multiples et variés. Plusieurs amendements au PLF proposaient notamment de renforcer l'aide internationale de la France au travers de la TTF. Cela n'a pas été adopté, notamment pour des raisons d'attractivité du pays, à l'heure où nous essayons de faire venir des investisseurs étrangers en France.
Je renouvelle cet avis défavorable dans le cadre du PLFSS, tout en partageant votre objectif d'améliorer la situation des retraités agricoles.
L'avis est défavorable. Nous avons souvent eu cette discussion, monsieur Lurton, et c'est un sujet de préoccupation. Vous le savez, nous avons renvoyé la question du minimum de pension de retraite des agriculteurs à la réforme des retraites en cours d'élaboration par le haut-commissaire. Je rappelle l'engagement du Président de la République que les minimums contributifs soient bien de 85 % du SMIC. Cela concernera évidemment les retraités agricoles comme tous nos autres concitoyens.
L'important, dans l'amendement de notre collègue Lurton, c'est qu'il évoque le « stock » de retraités, si je puis dire, c'est-à-dire les retraités actuels, quand la réforme que vous envisagez traitera du « flux », c'est-à-dire des retraités futurs. Les premiers ont également besoin en urgence d'une revalorisation de leur pension, car, pour la plupart d'entre eux, elle est inférieure au minimum vieillesse. Nous avions d'ailleurs adopté ici une proposition de loi de notre collègue Chassaigne – absent ce matin – qui allait dans ce sens mais est restée bloquée quelque part entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Je voudrais apporter ma contribution à ce débat. Comme notre collègue Viala vient de le rappeler, André Chassaigne avait grandement travaillé sur ce sujet ; je crois bien que sa proposition de loi a d'ailleurs été adoptée par les deux chambres et qu'elle pourrait toujours arriver au terme de son parcours législatif afin de résoudre les difficultés dans lesquelles trop d'agriculteurs et d'agricultrices se trouvent en raison de la faiblesse des retraites agricoles. Les amendements qu'il a déposés sur ce sujet n'ont pas eu la chance de celui M. Lurton et ont été déclarés irrecevables, ce que nous regrettons. En tout cas, je remercie notre collègue d'avoir permis ce débat, qui nous semble tout à fait d'actualité.
Je veux bien croire en l'engagement du Président de la République, madame la ministre. Le problème, non seulement pour moi mais pour les retraités agricoles, c'est qu'en 2013 déjà, lors de l'examen du projet de loi sur le système de retraites, ils avaient entendu cet engagement d'arriver avant la fin du quinquennat à 85 % du SMIC. Cet engagement n'ayant pas été tenu, vous comprenez qu'il y ait une perte de confiance et qu'il soit très important pour nous de défendre ici cet amendement.
Nous soutenons évidemment l'amendement de M. Lurton parce que nous pensons qu'il faut réparer une injustice. Venant d'un département qui compte beaucoup de retraités agricoles, je vous rappelle que la plupart des agriculteurs vivent largement sous le seuil de pauvreté. Ils échappent à toutes les mesures de baisse d'impôts que vous avez mises en place depuis deux ans et demi puisqu'ils n'en paient pas. Ils font partie des invisibles, des plus pauvres, qui ne bénéficient de rien.
S'agissant des personnes d'ores et déjà à la retraite, je rappelle que les agriculteurs ont droit au minimum vieillesse, l'ASPA – l'allocation de solidarité aux personnes âgées – , qui, vous le savez, sera prochainement revalorisé à hauteur de 904 euros. Cependant, il arrive souvent qu'ils ne la demandent pas car ils craignent un recours sur succession qui les priverait de la possibilité de léguer leur outil de travail. Je rappelle donc que toute l'exploitation agricole et tout ce qui en est indivisible échappent au recours sur succession. Le dispositif existant, qui comporte des mesures de protection, est largement sous-utilisé par les agriculteurs. J'en ai récemment fait part aux syndicats, notamment à la FNSEA. Tous s'accordent à dire que les agriculteurs doivent être fortement incités à recourir à l'ASPA, qui leur permettra de vivre plus dignement.
Mon avis sera donc défavorable.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
L'amendement no 1873 n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1116, 469, 503, 538, 941 et 1468 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 469, 503, 538 et 941 sont identiques.
La parole est à Mme Ericka Bareigts, pour soutenir l'amendement no 1116.
Identique à celui qu'a déposé M. Isaac-Sibille – corapporteur, à mes côtés, de la mission relative à la prévention santé en faveur de la jeunesse – , cet amendement vise à adapter la politique de prévention de la consommation abusive d'alcool contre le développement d'un nouveau type de produits, les bières fortes, ciblant une population bien identifiée : notre jeunesse. Comme le rappelait le président de la Ligue contre le cancer : « les canettes de bière avec des dessins extrêmement « flashy » sont des espèces de pièges à jeunes. »
Pour rappel, chaque année, l'alcool cause 48 000 à 50 000 morts en France, pour un coût estimé à 7,5 milliards d'euros. Pire, selon une publication de l'OFDT – l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies – de septembre 2015, le coût social annuel de l'alcool est estimé à 118 milliards d'euros. La consommation de tabac, d'alcool et surtout de cannabis par les adolescents s'avère sensiblement plus élevée en France qu'en moyenne dans les pays européens. Pour chacune de ces substances, les jeunes français sont parmi les plus mauvais élèves d'Europe.
Telles sont les raisons qui motivent notre amendement.
Sur les amendements identiques nos 469, 503, 538 et 941, je suis saisie par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l'amendement no 469.
Les bières ayant une teneur en alcool de 16 degrés sont « un attentat contre la santé des jeunes » : voilà ce qu'affirmait récemment le président de la Ligue contre le cancer. De quoi s'agit-il ? À l'aide de plans de communication dont les budgets ont crû de 15 %, trois groupes industriels représentant plus de 1 400 marques de bière ciblent les jeunes en leur proposant des boissons pouvant atteindre 16 degrés d'alcool, conditionnées dans des canettes de 500 millilitres – contenant donc plus d'alcool qu'une bouteille de vin – et arborant un emballage propre à les séduire.
Par cet amendement, nous proposons de doubler les taxes appliquées aux bières dont le taux d'alcool est compris entre 11 degrés – seuil qui exclut les bières artisanales – et 16 degrés – seuil de la catégorie des spiritueux. Madame la ministre, vous connaissez la redoutable efficacité qu'aurait une augmentation brutale et forte de ces taxes ; l'augmentation du prix du paquet de cigarettes en a fourni une démonstration.
La taxe que nous proposons n'est pas seulement comportementale ; elle vise aussi à dissuader les industriels de déployer une stratégie pour rendre notre jeunesse dépendante. Si les bières fortes ne représentent encore que 0,5 % du marché, il ne fait aucun doute que leur part progressera dans les prochains mois.
Toute la littérature le démontre, plus la consommation d'alcool commence tôt et plus la boisson est alcoolisée, plus l'addiction est susceptible de s'installer, de manière forte. Vous en connaissez les conséquences : comme l'a rappelé Mme Bareigts, elles sont sanitaires – l'alcool cause 150 000 décès par an – , mais aussi sociales, puisque les violences faites aux femmes, on le sait, sont liées à l'alcoolisme,
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM
sans compter les conséquences financières pour la société.
Je tiens à remercier l'ensemble des députés, issus de nombreux bancs, qui se sont associés à cet amendement visant à protéger la jeunesse. Madame la ministre, monsieur le rapporteur général, c'est un cri que nous poussons ici : nous vous exhortons à prononcer un avis de sagesse sur cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 503 de Mme Ericka Bareigts est défendu.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 538.
Il est identique à celui que M. Isaac-Sibille vient de défendre. Cette mesure doit être comprise comme contribuant à la prévention. Je sais, madame la ministre, que vous promouvez toujours les politiques de prévention. L'occasion nous est ici donnée de prévenir l'alcoolisation des jeunes. Ce serait une mesure utile, puisque personne n'a besoin, pour se désaltérer, de boire des bières comportant 11 voire 17 degrés d'alcool.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, pour soutenir l'amendement no 941.
Il apporte un soutien à la proposition d'amendement de notre collègue Cyrille Isaac-Sibille, avec lequel je partage la coprésidence du groupe d'études prévention santé, et dont je salue le travail.
Je profite de l'occasion pour faire part au Gouvernement d'une inquiétude : les nombreuses mesures de prévention sanitaire prises dans notre pays sont rarement mises en cohérence et ne sont pas gouvernées. Je m'inquiète d'ailleurs que Santé publique France, agence d'État, passe sous le financement de l'assurance maladie. J'appelle de mes voeux une gouvernance transversale et interministérielle des actions de prévention et d'éducation à la santé, et crains que le transfert de Santé publique France vers l'assurance maladie n'offre plus une vision transversale de la prévention.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
La parole est à M. Didier Le Gac, pour soutenir l'amendement no 1468 rectifié.
Il est effectivement anormal que la fiscalité soit identique pour les bières à 6 degrés et celles à 16 degrés d'alcool. Il s'agit d'un fléau national dont les premières victimes sont les jeunes mais aussi les moins jeunes vivant dans la rue. La seule possibilité qui s'offre à nous pour réduire la consommation de ces boissons est d'en augmenter le prix grâce à un relèvement de la TVA. La Ligue contre le cancer nous a alertés à plusieurs reprises : lorsqu'un jeune consomme une canette de 500 millilitres de bière forte, il ingère l'équivalent des deux tiers d'une bouteille de porto ou de la quasi-totalité d'une bouteille de vin. Il est donc urgent de prévenir la consommation des bières titrant un taux supérieur à 10 ou 12 degrés, en élevant leur prix par le biais de la fiscalité.
Je commencerai par remercier les parlementaires qui viennent de s'exprimer, animés par une volonté commune, extrêmement généreuse et parfaitement louable, de lutter contre un alcoolisme qui cause des ravages parmi notre population, tout particulièrement les jeunes fragiles, peu informés et dont les habitudes collectives peuvent les inciter à s'affranchir des règles élémentaires de sécurité sanitaire.
Tout a été dit s'agissant de ces bières, de leur conditionnement et de leur grammage en alcool. Nombreux sont les députés de la majorité qui se mobilisent contre le fléau et les ravages et l'alcoolisme – nous débattrons d'ailleurs tout à l'heure d'un amendement, adopté en commission, traitant des prémix, ces mélanges d'alcool et de boisson sucrée. J'espère que, là aussi, les parlementaires seront au rendez-vous de la santé publique et de la protection de la jeunesse.
Néanmoins, comme je l'ai expliqué en commission, où ces amendements préconisant une taxation des bières fortes ont été rejetés, nous nous heurtons en la matière à des difficultés juridiques. Plus qu'à mon tour, en défendant des dispositifs de santé publique, je me suis cassé les dents sur la législation française et européenne. Je sais que cet argument peut heurter ceux qui se mobilisent pour la santé de leurs concitoyens, mais je me dois d'expliquer les raisons pour lesquelles la commission et moi-même avons repoussé ces amendements.
La principale raison tient au seuil de fiscalité. Vous proposez de doubler le taux appliqué aux bières dépassant un certain seuil d'alcool. Cette proposition soulève deux difficultés : d'abord, le doublement immédiat de cette fiscalité, sans étape intermédiaire, pourrait être attaqué juridiquement ; surtout, il convient d'identifier le seuil pertinent de teneur en alcool.
Vous ciblez des boissons dont la teneur en alcool serait supérieure à 11 degrés et qui relèveraient exclusivement de la catégorie des bières. Or aucune raison valable ne justifie de se limiter aux bières, j'appelle votre attention sur ce point. Si le problème tient au grammage en alcool, pourquoi ne pas viser également d'autres boissons qui dépassent 11 degrés en doublant leur fiscalité du jour au lendemain ? Je ne citerai pas ces boissons, dont certains considèrent qu'elles ne sont pas forcément de l'alcool – idée que je ne partage pas, mais vous voyez tous à quoi je fais allusion
Sourires
Le doublement de la taxe serait donc compliqué et pourrait même tuer l'assiette sur laquelle vous fondez votre taxe. De plus, il induirait une discrimination envers certaines bières brassées artisanales, qui ne ciblent aucunement le public jeune mais dont le grammage en alcool peut dépasser 11 degrés.
Vous avez cité Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer. Je fais miennes deux de ses propositions : premièrement, que toute forme de publicité pour ces boissons visant les publics jeunes soit interdite ; deuxièmement, que les alcools auxquels il est ajouté du sucre et d'autres substances, pour en rendre le goût plus agréable au palais des jeunes, ne soient plus classifiés comme des bières. Nous pourrions alors adapter le mécanisme fiscal afin de lutter efficacement contre ces consommations. Nous ne parlons pas ici des productions des microbrasseries artisanales ni des bières des terroirs français, mais d'une offensive menée par une industrie généralement implantée à l'étranger, visant spécifiquement le public jeune. Nous devrions donc commencer par travailler les aspects normatifs et l'interdiction ou l'encadrement de la publicité sur ces boissons auprès des jeunes. Dans un deuxième temps, nous verrons si nous avons besoin d'outils fiscaux pour lutter plus efficacement contre ce phénomène.
Une fois encore, je tiens à vous remercier pour votre engagement et votre travail.
Je souscris totalement aux propos du rapporteur général : mon avis est également défavorable.
Je partage l'objectif des amendements – réduire la consommation d'alcool des plus jeunes – mais ils posent un problème de faisabilité juridique.
Les bières sont déjà assujetties à une taxation dont la structure et le niveau sont strictement encadrés par la directive européenne du 19 octobre 1992. Celle-ci autorise uniquement deux taux de taxation : un taux réduit pour les bières titrant moins de 2,8 % d'alcool ; un taux normal pour celles qui dépassent ce taux. Les États membres ne peuvent pas créer de tranches supplémentaires de fiscalité en fonction du titrage des bières. Plus largement, la fiscalité applicable aux bières a déjà fait l'objet d'une hausse importante dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale de 2013. Par conséquent, pour augmenter de nouveau la fiscalité sur les bières, il faut soit le faire pour toutes les bières, quel que soit leur titrage, soit envisager d'autres dispositifs fiscaux, comme une extension de la cotisation de sécurité sociale applicable uniquement aux boissons les plus fortement alcoolisées.
De plus, la création de cette nouvelle taxe conduirait à accroître l'écart de fiscalité existant déjà avec le vin, lequel bénéficie d'un tarif réduit de droit de consommation largement inférieur à celui des bières, en dépit d'un titre alcoométrique supérieur. Cela pourrait présenter des risques juridiques, compte tenu de l'écart de fiscalité entre ces produits.
Si je suis défavorable à ces amendements, je m'engage cependant devant vous à porter la question au Parlement européen. C'est bien là que se situe l'enjeu, car la directive de 1993, qui a vu le jour à une époque où les bières n'atteignaient pas de tels niveaux d'alcool, mérite d'être révisée, je crois.
Enfin, M. Grelier m'a interpellée au sujet de Santé publique France. Le transfert de son financement vers l'assurance maladie permettra justement d'obtenir une vision consolidée des mesures de prévention dans notre pays, couvrant l'ensemble des agences sanitaires financées par le programme 204 dans le PLF mais aussi les mesures de prévention votées dans le cadre du PLFSS. Jusqu'à présent, nous étions incapables d'en avoir une approche comptable unifiée. Notre vision de la prévention sera donc enfin simplifiée. Je suis convaincue que la prévention doit relever du champ de l'assurance maladie – qu'il serait d'ailleurs plus juste de qualifier d'« assurance santé » – , et persiste à voir dans le transfert du financement de Santé publique France une mesure de simplification et de lisibilité de l'action publique.
On évoque la jeunesse, mais de quelle jeunesse parle-t-on ? S'agit-il des mineurs ou des étudiants de 18 à 25 ans ? Je voudrais pour ma part me concentrer plus précisément sur le cas des mineurs.
Le problème concernant les mineurs, c'est bien évidemment le binge drinking, cette consommation massive d'alcool en un temps réduit. Or la loi est très claire : la vente d'alcool aux mineurs est interdite. C'est ce que dit la loi, et pourtant, les mineurs s'en procurent. Je comprends l'intérêt de ces amendements, mais, plutôt que de taxer sans cesse, peut-être pourrait-on se demander où l'on en est des contrôles.
Les supermarchés et supérettes représentent 83 % de la vente d'alcool en France ; les débits de boisson, 15 %. Le comble, c'est que les stations-services des autoroutes vendent aussi de l'alcool. Comment est-il possible de vendre de l'alcool sur une autoroute à des personnes qui vont prendre le volant juste après ? C'est une ineptie !
J'en reviens donc à ma question : où en est-on du contrôle du respect de cette interdiction inscrite dans la législation et de la sanction des contrevenants ?
Au-delà, à quand, madame la ministre, une grande année de sensibilisation à la lutte contre l'ensemble des addictions légales, j'insiste sur l'adjectif ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
À quand une grande campagne sur les risques sanitaires que font courir aux mineurs la consommation d'alcool et de tabac, les jeux d'argent, les écrans et la pornographie ? Quand va-t-on enfin informer et responsabiliser les parents, les familles et aussi les vendeurs ? Quand va-t-on contrôler ceux qui mettent ces produits à la disposition des mineurs et sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ce débat est intéressant. Je comprends fort bien ceux qui veulent taxer les bières à très fort degré d'alcool. En revanche, on ne peut pas s'en tenir là : dans ce cas, il faudrait taxer tous les alcools.
Surtout, cela pose une question importante, car on s'attaque là aux conséquences, on dit que l'alcool fait des ravages, mais on s'attaque jamais aux causes, on ne se demande jamais pourquoi cela se passe ainsi. Certes, il y a les magasins et les supérettes, mais il existe aussi du trafic : on appelle SOS-alcool par téléphone à minuit ou une heure du matin, et on vous livre de l'alcool !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je ne dis pas que les amendements qui sont proposés sont mauvais, je comprends bien l'idée qui les sous-tend, mais on s'attaque toujours aux conséquences, on ne s'interroge jamais sur les causes du phénomène, alors que, pour moi, c'est le plus important : pourquoi ça se passe comme ça ? pourquoi l'alcool fait-il des ravages parmi les jeunes et aussi parmi les anciens ? Voilà les questions que je me pose.
Monsieur le rapporteur général, le vin, ce n'est pas la bière. C'est une bataille que nous sommes en train de livrer ; si nous ne nous donnons pas les moyens, nous allons la perdre, et les jeunes vont la perdre avec nous. Les industriels suivent actuellement une stratégie pour alcooliser notre jeunesse. On m'oppose des arguments juridiques, très bien, mais nous allons perdre cette bataille et nous allons laisser alcooliser nos jeunes sans rien faire.
D'autre part, les bières artisanales affichant un taux d'alcool inférieur à 11 degrés, elles ne seront donc pas touchées par la mesure que nous proposons.
On sait très bien qu'il y a actuellement une stratégie des industriels pour alcooliser notre jeunesse. On sait bien que plus on commence tôt et plus les boissons consommées sont fortes, plus la dépendance s'installera. Bien évidemment, madame la ministre, il faut agir au plan européen. Néanmoins, avec ces amendements, nous pourrions déjà envoyer un signal fort et voir si l'Europe nous suit. Une bataille est en cours et il est dommage que nous ne fassions rien.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
L'amendement no 1116 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 27
Contre 38
Les amendements identiques nos 469, 503, 538 et 941 ne sont pas adoptés.
Mme la ministre s'étant engagée à soulever cette question au niveau européen, je le retire.
L'amendement no 1468 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l'amendement no 450 rectifié.
Il s'agit d'un amendement de repli visant à fixer une taxe dont le montant serait déterminé par décret. Eu égard à l'engagement pris par Mme la ministre, je le retire.
L'amendement no 450 rectifié est retiré.
L'amendement no 1080, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 706, 1904, 1890 et 1459, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 706 et 1904 sont identiques et font l'objet d'un sous-amendement no 2052.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 706.
Je laisserai les auteurs de cet amendement, qui a été adopté en commission des affaires sociales la semaine dernière après un avis favorable de ma part, présenter dans le détail le dispositif proposé.
Toutefois, je voudrais signaler que celui-ci ne pose pas les mêmes difficultés que les précédents, d'une part, parce qu'il repose sur une taxe définie par une loi que nous avons adoptée il y a quelques années et, d'autre part, parce qu'il s'agit d'étendre un dispositif existant pour y intégrer des alcools passés entre les mailles du filet. D'ailleurs, je me souviens que nous avions dit, à l'époque, que nous aurions à revenir sur cette nouvelle taxe – qui avait été créée, je crois, à l'initiative de notre collègue Audrey Dufeu Schubert – , car il y aurait nécessairement des modifications à y apporter. Peut-être aurons-nous tout à l'heure l'occasion de revenir sur l'efficacité de cette fiscalité nouvelle et sur la nécessité de l'enrichir.
Je voudrais aussi préciser par avance, parce que c'est quelque chose qui fait débat, je le sais, que la notion de vin d'apéritif n'inclut pas les produits labellisés IGP, AOP ou AOC – indication géographique protégée, appellation d'origine protégée ou appellation d'origine contrôlée. Si je le précise, c'est parce que j'ai été contacté, comme d'autres députés, par un certain nombre d'industriels et de représentants d'intérêts en vue de me sensibiliser à cette question – ce qui est tout à fait légitime. Toutefois, les arguments avancés se fondent sur des données n'entrant pas dans le champ de cet amendement, qui, je le répète, ne concerne ni les IGP, ni les AOP, ni les AOC.
Voilà les éléments factuels que je souhaitais apporter au débat à venir.
La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert, pour soutenir l'amendement no 1904.
Cet amendement, identique au précédent, vise, comme M. le rapporteur général l'a indiqué, à introduire une taxation spécifique sur les prémix à base de vin. Il faut en effet savoir que la taxation des prémix existe déjà, à hauteur de 11 euros par décilitre d'alcool pur, mais que les prémix à base de vin en étaient exonérés. Nous proposons donc de soumettre ceux-ci à une taxation à hauteur de 3 euros par décilitre d'alcool pur – il s'agit donc d'une taxation aménagée.
L'objectif est de protéger les publics jeunes et les femmes, qui sont les plus attirés par ce type de produits. Ceux-ci font l'objet d'un marketing ciblé, contraire à la santé publique, parce qu'il induit la future consommation d'autres types d'alcool, avec un risque réel d'entrée dans la dépendance.
Nous avons parlé tout à l'heure des bières alcoolisées, mais la situation est la même pour ce qui concerne les prémix. Allez voir à la sortie des supermarchés et des supérettes de votre circonscription, jetez un coup d'oeil dans les poubelles. Qu'y trouve-t-on ?
Des bières fortement alcoolisées, certes, mais aussi des prémix – et je précise qu'il ne s'agit pas de vins du terroir, ni du savoir-faire français viticole. Nous devons vraiment prendre nos responsabilités et nous engager dans la protection de ces publics à risque.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir le sous-amendement no 2052.
Il a pour objet, en cas d'adoption de l'amendement de la commission et de l'amendement identique, de limiter la nouvelle taxe à 1 euro par décilitre d'alcool pur, au lieu de 3 euros. Une taxe d'un montant de 3 euros reviendrait en effet à doubler en moyenne le prix d'une bouteille. L'amendement risque de ce fait d'avoir l'effet inverse de celui escompté, en redirigeant les consommateurs vers des boissons plus alcoolisées.
L'extension de la taxation toucherait presque toutes les boissons à base de vin ou de moût de raisin entre 1,2 et 12 degrés. Cela concerne donc beaucoup de boissons, qui souvent résultent d'une tradition artisanale et d'un savoir-faire reconnu d'assemblage du vin avec des épices ou des fruits.
L'adoption de ces deux amendements aura pour effet de taxer des boissons faiblement alcoolisées, donc de reporter la consommation sur des boissons beaucoup plus alcoolisées. Surtout, cela touchera un secteur qui exporte 26 % de ses produits et représente 20 000 hectares de vignes et 18 000 emplois en France. Voilà la réalité économique qui est en jeu. Il conviendrait de ne pas déstabiliser un secteur de production suffisamment fragilisé en ce moment du fait des aléas climatiques – gel, sécheresse – , des zones non traitées et des taxes Trump.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter ce sous-amendement – qui n'est pas dicté par des influences extérieures.
Madame Brulebois, vous gardez la parole pour soutenir l'amendement no 1890.
Il tend à modifier l'article 1613 bis du code général des impôts, s'agissant de la taxation de boissons alcoolisées dites « prémix ». Cet article fait en effet référence à un règlement européen abrogé depuis le 28 mars 2015. Il est donc proposé de remplacer la référence à ce règlement européen par la référence au règlement européen en vigueur.
Sur le fond, nous souhaitons maintenir hors du champ de taxation des boissons alcoolisées prémix les vins aromatisés visés par ce règlement. Un amendement adopté en commission des affaires sociales vise en effet à étendre la taxation prémix à ces boissons. Or cette taxation supplémentaire, à hauteur de 3 euros par décilitre d'alcool pur, toucherait des mélanges qui permettent une consommation allégée d'alcool et affaiblirait leur intérêt économique face aux alcools purs. Le signal envoyé ne semble pas être le bon, et l'intérêt en termes de santé publique est contestable et nécessiterait des études plus poussées.
Il s'agit donc d'un amendement visant à inciter à la prudence et la réflexion, mais qui vise aussi à corriger une inexactitude dans le code général des impôts. Je précise qu'il a été élaboré, ainsi que le sous-amendement, dans le cadre du groupe d'études vigne, vin et oenologie.
L'amendement no 706 de la commission et l'amendement identique no 1904 visent à modifier la taxe prémix et j'ai parfaitement conscience que, s'ils étaient adoptés, les autres amendements en discussion commune tomberaient. La vente des prémix est déjà encadrée, notamment par le règlement no 2512014 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014. L'adoption des deux amendements identiques aurait pour effet, comme cela vient d'être dit, de taxer davantage des produits moins alcoolisés, donc probablement de créer un effet de report sur des produits plus alcoolisés. Les résultats seraient sans doute contreproductifs en matière de recettes fiscales comme de comportement responsable.
Le présent amendement, déposé à l'initiative de Jacques Cattin, vise, afin d'éviter toute confusion, à remplacer, dans l'article 1613 bis du code général des impôts, la référence au règlement de 1991 par celle au règlement de 2014.
La parole est à Mme Michèle Peyron, qui souhaite s'exprimer au nom de la commission des affaires sociales avant que M. le rapporteur général ne donne son avis.
Nous examinons ce matin, après l'article 9, l'amendement no 706 de Mme Dufeu Schubert adopté par la commission des affaires sociales, relatif à la taxation des prémix à base de vin, lesquels étaient jusqu'alors exonérés de taxe.
Que sont les prémix ? Il faut être clair : ce sont des vins aromatisés, des « vinpops », type rosé sucette, rouge fraise ou encore blanc pêche ; un marketing explicite, assez agressif, qui vise en priorité les jeunes et les femmes. Ces prémix conditionnent les comportements et créent un risque de consommation d'alcool régulière, pouvant aller jusqu'à la dépendance.
Les taxer porterait-il atteinte à notre patrimoine ? Non, car ils ne reflètent pas notre savoir-faire. Nous pouvons être fiers de nos grands crus, non de ces produits, dont les trois quarts sont d'ailleurs fabriqués à base de vins étrangers. Cette mesure ne concerne en rien les vins AOP, AOC, IGP, les cidres, les coteaux-du-layon, les vins cuits, les vermouths, les vins aux herbes aromatiques et autres. Aussi, le groupe d'études lutte contre les addictions, que je préside, vous invite à soutenir cet amendement, qui n'affectera pas nos vignerons et protégera les jeunes et les femmes.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements et le sous-amendement ?
La commission est favorable à l'amendement no 706, déposé en son nom, ainsi qu'à l'amendement identique no 1904, et défavorable au sous-amendement et autres amendements.
L'exonération dont bénéficient actuellement les boissons à base de vin ne repose sur aucun motif lié à la santé publique. Par ailleurs, leur taxation à 3 euros par décilitre d'alcool pur, au lieu de 11 euros pour les boissons entrant dans le champ actuel de la taxe, est cohérente et adaptée. Si la fiscalité devait être intégralement répercutée sur le prix par les industriels, elle entraînerait une augmentation de 1,80 euro du niveau de taxation applicable pour une bouteille de 75 centilitres d'une boisson comme le rosé pamplemousse.
Cette évolution ne modifierait en rien la fiscalité applicable aux autres vins ni la taxation des boissons entrant aujourd'hui dans l'assiette de la contribution. Elle ne s'adresse pas non plus aux produits proposés à l'export et ne pénaliserait donc pas nos producteurs.
Pour finir, elle répond à un enjeu de santé publique, car Mme Peyron vient de rappeler à quels publics sont destinés ces vins aromatisés.
Le Gouvernement est donc favorable aux amendements identiques nos 706 et 1904, et défavorable aux autres.
Je m'interroge au sujet de la cohérence de ce choix alors que, sur les fondements juridiques européens qu'a évoqués Mme la ministre, nous venons de rejeter les amendements visant à accroître la taxation des bières, au degré d'alcool beaucoup plus élevé.
M. Cyrille Isaac-Sibille et Mme Élodie Jacquier-Laforge applaudissent.
Si nous adoptons ces amendements, nous susciterons l'incompréhension du monde viticole et agricole. Vous comprendrez ma position car je suis député de Gironde, de la plus importante circonscription viticole de France. Toutefois, en tant qu'ancien maire, je connais les problèmes liés à la consommation d'alcool des jeunes et je suis conscient de la nécessité de lutter contre ce phénomène.
M. Blanchet a prononcé un brillant exposé à propos de l'éducation que nous pourrions dispenser dans ce domaine et dans bien d'autres, comme celui du tabagisme, pour combattre les addictions. La taxation ne résoudra pas tous les problèmes ; celle des prémix me trouble et va envoyer un très mauvais message à la profession viticole.
En outre, petite question pratique : comment taxerez-vous les comités des fêtes qui achètent d'une part des vins blancs ou rosés, d'autre part des sirops de pêche ou de pamplemousse, et les mélangent pour composer des prémix ?
Enfin, pourquoi les viticulteurs, les caves coopératives, parfois aussi les industriels, ont-ils inventé ces produits ? Pour utiliser des vins de moins bonne qualité – certains résultats de vinification ne permettent pas de satisfaire aux règles des AOC – et valoriser ainsi la totalité de la production. Cela ne me semble pas absurde.
Applaudissements sur certains bancs du groupe LaREM.
Cet amendement a-t-il trait à la santé et à la lutte contre les addictions, à la protection des vins français contre des produits qui mélangent des vins de basse qualité ? Vise-t-il à faire évoluer les comportements par la fiscalité ? Ou relève-t-il, comme je le crois, du débat sans fin au sujet du vin comme éventuel vecteur de l'alcoolisme ?
J'aime le vin, je défends la qualité, le goût et la gastronomie. Notre vin français est certes un alcool, nous sommes d'accord, mais aussi le produit d'un savoir-faire dont nos viticulteurs sont garants ; rien à voir avec certains prémix, je rejoins tout à fait à ce propos ma collègue Mme Dufeu Schubert.
La France réalise peut-être un travail de prévention insuffisant au sujet de la dangerosité de la consommation excessive d'alcool – il est bien question de l'excès, de l'abus. Nos associations sont performantes, expertes en la matière. Néanmoins, en tant qu'ancienne assistante sociale, je pense qu'il arrive que l'on mélange parfois des faits de société, des formes de mal-être, et l'alcool. Il arrive que l'émotion suscite l'amalgame, aux dépens de la réalité des faits. Voir dans le rosé pamplemousse un vecteur de l'accoutumance est un raccourci simpliste ; il faudrait approfondir la question.
Laissez-moi terminer.
Comme vous, je combats l'alcoolisme ; je l'ai côtoyé dans ma vie professionnelle. Le problème, ce sont les méthodes de prévention et d'éducation. Je partage l'opinion de M. Lavergne : il faut agir sur les comportements, et ce n'est pas en taxant que l'on va changer les choses.
Rapidement, sans quoi j'en reviendrai à la règle des deux orateurs. Votre groupe s'est déjà exprimé longuement.
La filière viticole se trouve en ce moment dans une situation extrêmement difficile, et nous nous apprêtons à lui adresser un message très négatif. J'invite ma collègue à retirer cet amendement et à travailler avec les acteurs concernés.
Je vous invite à vous exprimer brièvement, car il nous reste plus de 900 amendements ; si chacun d'entre eux suscite quatre interventions, dont deux provenant du même groupe, nous ne nous en sortirons pas. Si vous ne calibrez pas mieux vos interventions, je vais devoir en revenir à la règle des deux orateurs : un pour et un contre.
C'était déplacé, mais il ne l'a pas fait exprès ; cela ne lui ressemble pas.
J'entends l'argument selon lequel nous traiterions les prémix et la bière de façon contradictoire. On regrette que les amendements concernant la bière n'aient pas été retenus, mais nous voterons en faveur de ceux qui concernent les prémix, afin de protéger nos jeunes de l'alcoolisme.
Je vous prie de m'excuser, madame la présidente. Je voulais seulement indiquer que je serai bref.
Le sous-amendement no 2052 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 706 et 1904 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 1890 et 1459 tombent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Nous en venons aux amendements identiques nos 705 et 455, sur lesquels je suis saisie par le groupe du Mouvement démocrate et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 705.
Cet amendement, déposé par plusieurs de nos collègues, dont Sergio Ramos…
Exclamations
Pardonnez-moi, cher Richard Ramos ! J'ai fait de vous un footballeur international !
Rires.
Cet amendement a été adopté balle au pied, la semaine dernière, par la commission des affaires sociales. Je vais vous laisser sans plus tarder le soin de le présenter : si j'ai bien compris son sens, il vise à créer une taxe visant à limiter l'emploi des additifs nitrés dans la charcuterie.
Au-delà de la question du sel nitrité, il s'agit de la santé et du bien manger français, dont tout le monde sur ces bancs défend une certaine vision, quelles que soient les opinions sur cet amendement en particulier.
Nous avons tous un jour, faute de temps, mangé du jambon et des coquillettes avec nos enfants. Dans les supermarchés, le jambon est souvent un produit accessible aux familles les plus humbles, les plus pauvres. On a célébré l'amour de la bonne chère de Jacques Chirac ; je connais bien son cuisinier, Bernard Vaussion, qui a travaillé quarante ans à l'Élysée. Jacques Chirac avait avec la France un rapport lié à l'alimentation. Il aimait manger parce qu'il avait compris qu'en politique, la relation qu'un président, un élu, doit avoir avec les Français passe par le bonheur français de bien manger.
Cet amendement n'est pas un grand amendement, mais c'est en luttant pied à pied, produit par produit, petit amendement par petit amendement, que l'on défend une certaine idée du bien manger français, et je serai toujours ici, parmi vous, pour le faire ! Le sel nitrité ne constitue pas un danger en soi : c'est son association au fer contenu dans la viande qui crée un risque de santé publique pour nos intestins. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé !
Or qui achète, au supermarché, le jambon à bas prix contenant des additifs nitrés ? Les pauvres ! Les plus pauvres ! Car les industriels dignes de ce nom ont trouvé d'autres solutions ! Ne nous parlez pas de botulisme, comme le font depuis deux jours les lobbyistes qui, hier encore, ont adressé à chaque député des informations erronées ! Cet amendement passera ou ne passera pas, mais il pèsera sur la conscience de ceux d'entre nous qui s'y seront opposés !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.
Mme la présidente coupe le micro de l'orateur, qui continue de s'exprimer.
Vous exprimer plus calmement n'enlèverait rien à la conviction avec laquelle vous soutenez vos amendements. Même si c'est très bon, nous n'allons pas nous échauffer pour le jambon-coquillettes !
Rires et applaudissements sur divers bancs.
J'épargnerai à M. Ramos les plaisanteries auxquelles il a eu droit en commission, notamment le fait que nous avons « les mêmes valeurs » au sujet de la santé alimentaire… Je précise d'ailleurs que j'ai été fort peu sensible aux arguments des groupes de pression, contrairement à ce qu'a prétendu la presse satirique. Compte tenu de notre combat en faveur du Nutri-Score, je pense que s'il existe une seule personne que les lobbies agroalimentaires ne prennent pas la peine d'appeler, elle se trouve devant vous. Il y a matière à discuter de tout, sauf de cela.
J'avais donné en commission un avis défavorable sur l'amendement no 705, …
… pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas, la commission ayant décidé de l'adopter. À la suite de cette décision, je n'ai d'autre option que de formuler un avis favorable.
Je suis convaincue que la totalité des députés souhaitent améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, le bien-être et la santé de nos concitoyens. Vous avez fait de cette cause votre combat, monsieur Ramos, et je vous en remercie.
Je rendrai cependant un avis défavorable sur votre amendement, mais je vais vous expliquer pourquoi. Je vous inviterai plutôt à le retirer, d'ailleurs.
Contrairement à vous, je n'ai pas reçu de courrier et je n'ai pas subi la pression des lobbies de l'alimentation. En revanche, la science est mon combat et, à ce titre, votre amendement me pose deux problèmes, l'un de fond, l'autre de forme.
Votre amendement pose un premier problème d'ordre scientifique. Pendant très longtemps, on a pensé que les nitrates pouvaient avoir un lien avec la survenue d'un cancer. Or de récentes publications, validées par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, introduisent un doute et mettraient en cause le sel : selon cette agence, il n'y aurait pas de lien entre l'ingestion de nitrates et la survenue de la plupart des cancers. L'Autorité conclut également à l'absence d'effet génotoxique, c'est-à-dire sur notre génome, des nitrates absorbés par voie alimentaire. En revanche, elle relève des effets possibles d'hypothyroïdie, à confirmer. L'effet néfaste serait lié à la conversion des nitrates en nitrites dans l'organisme humain, laquelle est très variable et encore insuffisamment documentée ; d'un point de vue scientifique, le temps est encore à la recherche.
Par ailleurs, les additifs présents dans les animaux, en particulier la charcuterie, représentent, selon les études, moins de 5 % de l'exposition totale aux nitrates, car ces derniers sont présents dans notre environnement, l'eau et les légumes. Après l'avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'ANSES – l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail – a engagé des travaux pour caractériser les expositions au nitrate par voie alimentaire propres à la France, déterminer sur quels leviers il faudrait agir, apprécier le niveau d'exposition de la population et identifier les situations méritant une attention particulière.
Il me semble important, alors que nous sommes en état d'alerte face à ces produits, d'attendre la conclusion des travaux menés sur l'exposition aux nitrates en France et de ne pas imposer une taxe sans avoir reçu de validation claire de l'ANSES, d'autant que le doute persiste et s'est renforcé ces dernières années.
Je vous propose donc d'attendre, non parce que nous serions soumis aux lobbies, mais parce qu'il serait dommage de voter une taxe sans l'appui d'une solide preuve scientifique.
J'émettrai par ailleurs une réserve liée à la forme. Vous proposez une taxe de 0,10 centime d'euros par kilogramme, soit 1 000 fois moins qu'1 euro par kilogramme de produit. L'effet de cette taxe serait imperceptible et ne permettrait sans doute pas de modifier le comportement des consommateurs ni de réduire la quantité de nitrates introduite par les industriels. Tel qu'il est rédigé, cet amendement conduirait à introduire une nouvelle petite taxe, difficilement applicable et vraisemblablement inefficace au regard de l'objectif recherché, alors que nous sommes tous engagés dans une démarche pour réduire les taxes à faible rendement.
Ce sont là les deux raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à votre amendement, mais je m'intéresse surtout sur le fond : est-il utile ou non de voter une telle taxe ? Cette décision me semble prématurée alors que nous attendons les conclusions de l'ANSES. Cela ne nous empêche pas de poursuivre avec détermination notre combat en faveur d'une meilleure alimentation au moyen, notamment, du Nutri-Score. J'en profite pour remercier tous ceux qui ont mené le combat, en particulier M. le rapporteur général. Cet outil, qui permet de mieux s'alimenter, se déploie dans la France entière mais aussi en Europe, voire dans d'autres pays du monde. Nous le soutenons avec force.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Ramos, sans quoi j'y serai défavorable.
Je donne la parole aux députés qui souhaitent intervenir, pour une minute maximum.
La parole est à M. Thibault Bazin.
Je suis moi aussi en proie au doute. Revenons au fond. J'ai lu tous les documents qui ont pu m'être adressés par les uns et les autres, mais ce sont sur ces amendements, tels qu'ils nous sont soumis, que nous devons nous concentrer. J'ai pensé aux producteurs et aux consommateurs, au lien de confiance qui les unit. Or les débats montrent qu'un climat de méfiance peut s'installer alors que nos producteurs de charcuterie respectent les normes européennes et se situent même près de 20 % en deçà. On comprend bien, en lisant le rapport de l'ANSES, le rôle joué par les nitrites…
Vous comprendrez aisément, à mon apparence bonhomme, que la bonne bouffe m'intéresse. Je suis donc allé me renseigner auprès des artisans. Ils me disent qu'ils n'ont pas de solution et que, de toute manière, en tant que producteurs, ce sont eux qui porteront la responsabilité de la présence de salmonelles dans la charcuterie.
Les bouillons de céleri, utilisés par la grande distribution, pourraient représenter une autre solution, s'ils ne produisaient eux aussi des nitrites. Il a beau être indiqué sur les étiquettes qu'aucun nitrite n'a été ajouté, il y en a pourtant dans le produit vendu !
Vous voulez défendre la cause des plus modestes, monsieur Ramos, mais l'adoption de votre amendement conduirait à les taxer, en leur accordant un droit à consommer des nitrites !
Il me semblerait plus positif de travailler ensemble pour trouver de nouvelles solutions.
La parole est à Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
La commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis de cet amendement, a rendu un avis défavorable, pour deux raisons.
La première reprend celle avancée par Mme la ministre. En effet, nous luttons contre les taxes à faible rendement, et celle-ci en serait une. Ce n'est qu'en imposant des taxes très élevées que l'on peut modifier les comportements.
Deuxièmement, nous souhaitons travailler en coopération avec les filières et les interprofessions, dans la confiance et le dialogue. C'est aussi votre souci, monsieur Ramos, depuis deux ans. Nous savons pouvoir compter sur vous pour poursuivre votre combat dans cet esprit, en avançant main dans la main avec les interprofessions plutôt qu'en les taxant.
M. Ramos a su se montrer très persuasif en commission, où il nous a donné une leçon sur les différences entre la charcuterie artisanale et la charcuterie industrielle, qui peuvent en effet contenir beaucoup de nitrates ou de nitrites.
Votre réaction m'étonne, madame la ministre. Vous savez combien les maires se montrent soucieux au quotidien de la quantité de nitrate présente dans l'eau potable, qui doit être infinitésimale pour que la distribution soit autorisée. Certes, les nitrates jouent un rôle, mais le sel aussi. Je resterai donc fidèle à mon vote en commission des affaires sociales : je soutiendrai cet amendement.
Bien évidemment, nous voterons pour cet amendement.
Madame la ministre, vous êtes médecin : ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ? Plutôt que d'attendre les premiers effets négatifs, autant prendre en amont les décisions qui s'imposent.
Je me permettrai simplement un clin d'oeil en direction de Mme la ministre et de M. le rapporteur général : le Nutri-Score a été voté grâce à une proposition de loi de mon collègue Loïc Prud'homme. C'est notre seule victoire et nous tenons à en conserver le bénéfice !
Sourires.
La parole est à M. Boris Vallaud, également pour une intervention brève.
Je serai très rapide.
N'étant ni charcutier ni médecin, je m'exprimerai simplement en tant que consommateur et parlementaire. Je suis sensible à vos arguments, madame la ministre, mais, dès lors que vous semblez savoir à quelle date nous obtiendrons des réponses, ne pourriez-vous pas sous-amender l'amendement de M. Ramos pour lui fixer une date d'entrée en vigueur postérieure à ces conclusions ? Nous pourrions ainsi envoyer un signal à la filière sans pour autant anticiper les conclusions de ces études. Je resterai, moi aussi, fidèle à mon vote en commission.
Instinctivement, j'aurais tendance à interdire un produit avéré cancérigène et susceptible d'être proposé à nos enfants, plutôt qu'à le taxer. Il me semble douteux, y compris sous l'angle constitutionnel, de nous donner rendez-vous ultérieurement pour taxer un produit dont le caractère cancérigène aura été prouvé.
Nous avons engagé tardivement le combat pour la santé nutritionnelle, lorsque nous n'avons plus compris ce que nous mangions ni su ce qui se retrouvait dans nos assiettes. Nous sommes le pays de la bonne bouffe, de la gastronomie, le pays qui ne cache pas ses couleurs : il n'est pas nécessaire de mettre une étiquette sur une boîte de foie gras pour savoir que c'est gras ! En revanche, lorsque l'on doit choisir, dans les supermarchés, entre quinze pizzas de marques différentes, on ne sait pas ce qu'elles contiennent mais on sait ce qui est toxique : l'excès de sel, de sucre, de graisses saturées, l'insuffisance de protéines, de fibres, de fruits et légumes. Nous connaissons les dangers des aliments ultratransformés.
Les gens commencent à avoir envie de savoir et nombre d'entre eux s'en donnent les moyens. Beaucoup d'applications ont été créées. Je ne les citerai pas, sauf Yuka, utilisée par des millions de consommateurs, ou Siga, qui se développe autour des produits ultratransformés. Beaucoup de critères peuvent être retenus, y compris celui du développement durable, pour savoir si le riz qui se retrouve dans nos assiettes a été récolté au bout du monde par des gamins ou dans des conditions acceptables.
Nous sommes au début d'un engagement extrêmement fort : celui de la santé nutritionnelle. Nous prenons progressivement conscience des conséquences, pour notre santé et l'environnement, de la qualité de ce que nous mangeons. Je crois sincèrement à la prévention et à l'information, au Nutri-Score, qui se développe grâce à l'action de notre ministre et a été adopté par la Belgique ainsi que d'autres pays européens, récalcitrants jusqu'à présent, mais aussi par de grandes marques comme Nestlé. Je crois à l'action de grands nutritionnistes, comme le Pr. Serge Hercberg, qui nous encourage à renforcer la prévention et l'information. Nous ne pourrons pas prévenir sans informer.
Nous devons aller de l'avant, et beaucoup plus rapidement, vous en êtes tous d'accord, n'est-ce pas, madame Fiat ? Nous aurons l'occasion de nous retrouver.
Je ne reviens pas au sujet de la taxe, abordé par Mme la ministre.
Rappelons simplement que les études épidémiologiques n'ont cessé d'établir le lien entre les cancers colorectaux et les dérivés nitrés, les nitrosamines. Surtout, une recherche sur Google suffit pour faire apparaître au centre de conflits d'intérêts l'agence citée par Mme la ministre : elle est critiquée pour son manque de transparence, ses études étant produites par les industriels !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM. – Mme Véronique Hammerer applaudit également.
Je veux bien que l'on nous renvoie aux conclusions d'une autorité scientifique, mais à condition qu'elle ne soit pas suspectée de conflits d'intérêts. Je soutiendrai l'amendement de M. Ramos. Le Parlement s'honorerait à ne pas céder à la pression des lettres que nous avons reçues, qui confirme la pertinence de notre proposition.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 32
Contre 44
Les amendements identiques nos 705 et 455 ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de deux amendements, nos 467 et 468, qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour les soutenir.
Ils tendent à instaurer une taxe sur les produits transformés contenant des sucres ajoutés, le premier visant à en affecter le produit à l'Agence nationale de santé publique. Je n'en dis pas davantage, compte tenu des propos du rapporteur général et de Mme la ministre.
Je remercie M. Isaac-Sibille qui est l'un des grands acteurs de la politique de prévention en santé, dans notre Assemblée. Il est essentiel de compter sur des députés pour encourager le développement de la prévention. Le combat qu'il mène contre l'excès de sucre dans notre alimentation est tout aussi fondamental, mais je renouvellerai tout de même l'avis défavorable que j'avais rendu en commission. Beaucoup de critères manquent pour déterminer l'assiette de cette taxe et ses conséquences, puisqu'il s'agirait d'une taxe élargie à l'ensemble des produits sucrés.
Cette assemblée, je le rappelle, a déjà adopté une taxe sur les boissons sucrées dont l'assiette était clairement définie. Cette taxe sodas a permis une réduction du taux de sucre allant jusqu'à 70 % dans certaines boissons destinées aux enfants. Nous progressons donc, pas à pas : nous venons d'adopter une taxe importante sur les alcools type prémix et nous continuerons d'avancer en matière de santé publique.
Je partage évidemment vos préoccupations, monsieur Isaac-Sibille – je connais votre combat pour la prévention et la santé publique, et je suis d'ordinaire sensible à vos arguments. Toutefois, cette taxe soulèverait plusieurs difficultés juridiques et techniques. Tout d'abord, son assiette devrait être précisée afin d'identifier clairement les produits susceptibles d'entrer dans son champ d'application. Par ailleurs, il conviendrait d'en vérifier la solidité juridique. Ensuite, le niveau de taxation proposé doit avoir un niveau incitatif suffisant : suivant le barème que vous proposez, un paquet de 100 grammes de biscuits contenant 40 grammes de sucres ajoutés serait taxé à hauteur de 7 centimes d'euros.
La faisabilité de cette taxe reste donc encore à déterminer et son impact économique nécessiterait des travaux complémentaires incompatibles, me semble-t-il, avec l'examen du PLFSS cette semaine. Nous continuerons de travailler avec vous sur les sucres ajoutés et les aliments transformés dans les mois qui viennent, à l'occasion de l'examen du plan priorité prévention, mais il me semble trop compliqué de taxer de manière si brutale avec si peu de précisions. Je vous demande de retirer votre amendement ; sinon, l'avis sera défavorable.
Les amendements nos 467 et 468 sont retirés.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 1682.
Déposé à l'initiative de mon collègue Francis Vercamer, il vise à vous interpeller, madame la ministre, sur la consommation de protoxyde d'azote.
En effet, l'inhalation de ce gaz aux effets euphorisants se banalise, notamment chez les jeunes, ce qui n'est pas sans présenter de graves conséquences pour leur santé. Le centre régional d'addictovigilance des Hauts-de-France a récemment signalé le cas de quatre patients atteints de sclérose combinée de la moelle épinière, affection neurologique dont les séquelles peuvent être irréversibles. Nous vous invitons à prendre les dispositions nécessaires pour endiguer ce phénomène.
Le protoxyde d'azote, aussi appelé gaz hilarant, est un produit pharmaceutique dont l'utilisation en milieu hospitalier nécessite des professionnels formés, ne serait-ce que parce que ce gaz à la température extrêmement froide peut provoquer de graves lésions bronchiques s'il est mal manipulé. On ne le trouve normalement qu'en milieu hospitalier, dans de grosses bouteilles qui pèsent plusieurs kilos. On l'utilise pour détendre les patients subissant des examens désagréables ou pour les parturientes en salle d'accouchement.
Mais ce gaz est aussi disponible sur internet – parfois en quantités astronomiques – pour un tout autre usage, car il est également consommé de manière festive du fait de son effet euphorisant, proche de la narcose. Cet usage a d'ailleurs débuté dans les milieux médicaux où ce gaz était initialement accessible ; il se répand désormais au point que nous recevons des signaux d'alerte. Ces signaux ne portent pas sur un risque de dépendance physique ni sur l'augmentation du nombre d'accidents, car l'effet de ce gaz est réversible : sa fixation prioritaire sur les hématies augmente l'azotémie, provoquant un effet de narcose, puis, lorsque l'on respire à l'air libre, le dioxygène peut de nouveau se fixer sur les hématies et l'on revient à un état normal. L'effet psychoactif ne dure donc qu'une trentaine de secondes.
L'alerte des autorités sanitaires, que vous relayez à juste titre, monsieur Christophe, porte sur des cas de lésions neurologiques ; s'il faut rester prudent dans l'établissement d'un lien de causalité, il est évident que ce produit n'est pas destiné à un usage récréatif courant. Vous avez raison de nous en faire part : je crois que c'est la première fois que nous en débattons ici. Nous devons être extrêmement vigilants, comme chaque fois qu'apparaissent de nouvelles molécules détournées de leur usage dans les milieux festifs. Je vous propose de retirer votre amendement, une fois que Mme la ministre aura donné son avis.
Sans répéter ce que vient de dire M. le rapporteur général, je vous remercie de tirer la sonnette d'alarme sur un problème d'addiction qui touche fortement votre région. Le groupe La France insoumise nous avait également alertés dans une QAG – une question au Gouvernement.
Mme Caroline Fiat salue de la tête.
Il s'agit d'un vrai problème chez nos jeunes, mais je ne suis pas certaine que l'instauration d'une taxe changerait quoi que ce soit ; elle pénaliserait les usages médicaux ainsi que les autres usages réguliers de cette substance. J'ai conscience qu'il s'agit d'un amendement d'alerte et nous devons travailler sur ce phénomène ; il est trop facile pour les jeunes de se procurer ce produit en supermarché. Je demande le retrait de l'amendement ; sinon, je donnerai un avis défavorable.
Il s'agissait en effet d'un amendement d'appel qui visait à vous sensibiliser sur le sujet, madame la ministre. Nous attendons des conclusions de votre part.
L'amendement no 1682 est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique, pour soutenir l'amendement no 2055.
Il tend à créer d'une exemption d'assiette partielle de CSG pour la rémunération versée aux détenus en contrepartie du travail réalisé en établissement pénitentiaire, dans des conditions particulières, puisque le droit du travail ne s'applique pas à leur situation. Leurs rémunérations sont assujetties aux prélèvements sociaux suivant des conditions spécifiques, avec un taux de CSG réduit – 5,7 % au lieu de 9,2 % – qui tient compte de l'absence de salaire minimum et du faible niveau de rémunération.
En effet, la rémunération moyenne d'un détenu effectuant un travail était de 272 euros mensuels en 2018.
L'existence d'un taux spécifique a néanmoins été contestée par le juge. Afin de maintenir ce taux fixé en 1998 et de ne pas faire supporter aux détenus une baisse de rémunération nette, puisque nous estimons nécessaire d'encourager un engagement dans l'emploi qui montre leur volonté de se réintégrer dans la société, …
… nous proposons de sécuriser la base légale de ce dispositif à travers un abattement de l'assiette retenue pour calculer la CSG sur la rémunération des détenus.
L'amendement no 2055, accepté par la commission, est adopté.
Je suis saisie de trois amendements, nos 147 rectifié, 743 rectifié et 744, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 147 rectifié et 743 rectifié sont identiques.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour soutenir l'amendement no 147 rectifié.
Il a été déposé à l'initiative de mon collègue Meyer Habib, qui, hélas, ne peut être parmi nous ce matin.
Voilà six années consécutives qu'il prend la parole pour dénoncer cette injustice fiscale qui n'a que trop duré : les prélèvements sociaux – CSG, CRDS et autres – versés en France sur les revenus du capital par les non-résidents. Ces prélèvements sont parfaitement injustes. Comment comprendre que l'on fasse peser le financement de la sécurité sociale sur des contribuables qui n'en bénéficient pas ? En février 2015, par l'arrêt De Ruyter, la Cour de justice de l'Union européenne a d'ailleurs jugé cette situation contraire au droit européen.
Certes, l'an dernier, face au risque contentieux, vous avez fait un premier pas et exonéré enfin une partie des non-résidents, ceux qui résident en Suisse et dans l'Espace économique européen ; dont acte. Néanmoins, la LFSS 2019 n'a exonéré qu'une partie de nos compatriotes, laissant de côté tous les autres, soit au total près de 1 800 000 Français. Cela manque de cohérence. Cette fiscalité à deux vitesses contredit le principe d'égalité devant la loi fiscale et pourrait, à terme, exposer l'État à des sanctions.
Le 15 octobre, en commission des affaires sociales, le rapporteur général, Olivier Véran, a lui-même reconnu la difficulté et renvoyé la question en séance. J'en appelle à votre sens de l'équité fiscale et vous demande d'exonérer enfin de prélèvements sociaux les revenus du capital de tous les Français de l'étranger, qu'ils résident à Milan, Berlin, Buenos Aires ou Montréal.
La parole est à Mme Anne Genetet, pour soutenir l'amendement no 743 rectifié, ainsi que le no 744, si elle le veut bien.
D'accord, madame la présidente.
Ce sont en effet des amendements que je qualifierai de « marronniers » : le rapporteur général les connaît bien puisqu'ils reviennent chaque année depuis 2012. Comme vient de l'expliquer Mme Sanquer, certains contribuables non-résidents paient des contributions sociales sur les revenus du capital sans rien obtenir en retour.
Un progrès a en effet été fait l'année dernière en exonérant les Français établis dans l'Espace économique européen et en Suisse, qui paient ces prélèvements dans leur pays de résidence. Pour les Français résidant hors de l'Union européenne, le problème reste entier car ils continuent de cotiser sans bénéficier d'aucune prestation. Il s'agit d'une rupture d'égalité devant l'impôt basée uniquement sur le lieu de résidence.
J'appelle votre attention sur le fait qu'en 2015, l'État a dû faire marche arrière concernant une autre rupture d'égalité devant l'impôt liée au lieu de résidence : il s'agissait du taux d'impôt sur le revenu des non-résidents, qui était de 19 % pour les Français vivant dans l'Union européenne, contre 33 % pour ceux vivant en dehors ; l'État a dû appliquer à tous le taux de 19 %.
Je vous mets en garde : il est urgent de répondre à cette demande et de mettre fin à une telle rupture d'égalité devant l'impôt en accordant également cette exonération de prélèvements sociaux aux Français résidant hors de l'Espace économique européen. J'entends que le budget de l'État soit sous contrainte, mais le montant de cette mesure est faible : 28 millions d'euros.
L'année dernière, le Gouvernement a déposé en séance un amendement tendant à exonérer de CSG les revenus du patrimoine des résidents français établis dans l'Union européenne, afin de conformer notre législation à la décision dite « De Ruyter », laissant ainsi les seuls Français de l'étranger vivant hors UE continuer de s'affranchir de la CSG et de la CRDS sur le patrimoine qu'ils possèdent en France. La question est complexe mais nous commençons tous ici à la maîtriser puisqu'elle revient chaque année, un peu comme les moniteurs de ski.
Je vous fais confiance, madame Battistel, nous les reverrons l'année prochaine – ou vous trouverez autre chose.
Les Français de l'étranger ne sont pas les seuls concernés par cet amendement qui s'appliquerait également aux étrangers détenteurs de biens immobiliers en France ; ces derniers ne seraient alors plus soumis à la CSG et à la CRDS sur le patrimoine.
Avec M. Lescure et d'autres parlementaires très mobilisés sur les questions touchant les Français de l'étranger hors UE, madame Genetet, vous m'avez fait part des difficultés rencontrées par certains résidents. Ces difficultés se cumulaient avec celles de l'instauration du prélèvement à la source pour les Français de l'étranger. Il me semble que vous avez obtenu un satisfecit du Gouvernement sur ce point, puisque la réforme a été différée d'un an, mais je laisserai M. le secrétaire d'État vous le confirmer. L'avis est défavorable.
Je ne peux qu'appuyer les propos de M. le rapporteur général.
L'un de ces amendements a une portée rétroactive jusqu'en 2012, qui soulève, outre des questions de principe, un problème budgétaire : son coût représenterait plusieurs milliards d'euros, ce qui compliquerait significativement le présent débat.
De plus, la situation des Français de l'étranger est déjà partiellement prise en compte depuis que Gérald Darmanin s'est engagé devant le Parlement à un moratoire d'un an sur la réforme de l'impôt sur le revenu des non-résidents – même si, je vous le concède, ce n'est pas la fin de l'histoire.
Par ailleurs, ces amendements posent un problème de principe car ils reviendraient à exonérer non seulement les Français vivant hors de l'Union européenne – la situation des Français y vivant ayant été réglée par la LFSS pour 2019 – mais aussi les investisseurs étrangers qui réaliseraient des opérations immobilières en France : Qatari, Chinois ou autres. Cela ne nous semble pas souhaitable.
J'émets donc un avis défavorable, ou plutôt je demande le retrait des amendements.
J'entends les arguments mais je tiens à souligner qu'il ne me paraît pas justifié de mettre en balance des investisseurs étrangers et des Français qui, pour préparer leur retraite, ont un petit bien immobilier en France et reviendront peut-être en France, un jour, sans pouvoir bénéficier des minima sociaux. Cette question est aussi celle de l'attractivité de notre pays : nos compatriotes prépareront peut-être leur retraite ailleurs qu'en France. Il est dommage de perdre des citoyens français. Il convient enfin de réfléchir à cette rupture d'égalité devant l'impôt qui, un jour ou l'autre, ne sera pas sans poser un problème. Je ne retire pas mon amendement, afin qu'il soit mis aux voix.
Les amendements identiques nos 147 rectifié et 743 rectifié ne sont pas adoptés.
L'amendement no 744 n'est pas adopté.
Nous en venons à l'amendement no 1305, sur lequel je suis saisie par le groupe UDI, Agir et indépendants d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour le soutenir.
La problématique de cet amendement est partagée par les Français établis hors de France, à ceci près qu'il concerne des Français établis en France. Les Français non résidents établis en Polynésie française – il serait possible d'étendre notre propos aux collectivités du Pacifique – sont affiliés à un régime de protection sociale obligatoire locale. Ils restent toutefois soumis à la CSG et à la CRDS. Il existe bien une convention fiscale entre l'État et la Polynésie française, visant à éliminer les situations de double imposition, mais elle date de 1957 et est donc antérieure à la création de la CSG et de la CRDS. Or l'article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit que les Français résidant dans l'espace économique européen et en Suisse sont exonérés de CSG et de CRDS, grâce à l'application du règlement no 8832004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, telle qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt dit « De Ruyter » du 26 février 2015.
À notre question : pourquoi les Français résidant en Europe sont exonérés alors que les Français établis en Polynésie française ne le sont pas ? vous nous rétorquerez, monsieur le secrétaire d'État, que les collectivités du Pacifique sont considérés comme des pays et des territoires d'outre-mer, et qu'en conséquence le droit de l'Union européenne ne s'y applique pas. Néanmoins, si les Français sont égaux devant la loi, ce qui vaut pour les Français établis en Europe vaut pour les Français établis dans le Pacifique. Je vous invite donc à approuver cet amendement.
L'exonération de CSG et de CRDS dont bénéficient les résidents français au sein de l'Union européenne tient, comme je l'ai déjà expliqué, à l'application du règlement de 2004, à la suite de l'arrêt dite De Ruyter. Or ce règlement ne comporte pas de mention expresse des résidents français dans les territoires ultramarins, notamment en Polynésie française. Dès lors, comme l'a confirmé le Conseil d'État récemment, les collectivités d'outre-mer ne sont pas éligibles à ce dispositif. Je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable, à l'instar de la commission.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 47
Nombre de suffrages exprimés 38
Majorité absolue 20
Pour l'adoption 6
Contre 32
L'amendement no 1305 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 618.
Il s'agit à nos yeux d'un amendement marqueur car nous avions combattu la hausse de la CSG. En effet, alors que la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement a été augmentée de 1,7 point en 2018 pour financer la baisse de cotisations sociales chômage et maladie, la CSG sur les revenus du capital a seulement été augmentée de 1 point. Cet amendement vise donc à augmenter également la CSG sur les revenus du capital de 2,8 points. Cette progression, dont le rendement serait de 3 milliards d'euros au profit des caisses de sécurité sociale, permettrait de financer, par exemple, la revalorisation sur l'inflation de toutes les prestations sociales. Cela permettrait en outre d'assurer une sorte d'équilibre entre les revenus du capital et ceux du travail.
Cette revalorisation de toutes les prestations sociales serait fondée sur une augmentation de la fiscalité pesant sur tous les produits d'épargne. Cet amendement toucherait non pas au patrimoine des grandes fortunes mais à toute l'épargne des Français : les PEL et les CEL – les plans épargne logement et les comptes épargne logement – ainsi que les contrats d'assurance vie : vous augmenteriez ainsi de 3 milliards d'euros la fiscalité pesant sur toute l'épargne que les Français ont réussi à constituer tout au long de leur vie. Vous comprendrez que la commission ait donné un avis défavorable.
La fiscalité sur les revenus du capital est un autre marronnier : cette question a fait l'objet de nombreux débats sur ces bancs, mais je suis évidemment toujours disponible pour les poursuivre.
Je tiens simplement à souligner que la baisse de la fiscalité sur le capital, dans un secteur que je connais particulièrement bien, celui du numérique, qui concerne nos emplois et notre souveraineté, a eu un effet très visible sur le développement des entreprises françaises.
En tout état de cause, même s'il est vrai que le niveau de fiscalité globale sur les revenus du capital a baissé, je tiens à corriger un élément que vous avez avancé, monsieur Dharréville : au sein de cette fiscalité globale, la part dévolue à la CSG, et donc à la sécurité sociale, a été augmentée d'1,7 point en 2018.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je regrette la caricature de cet amendement à laquelle s'est livré le rapporteur général. L'essentiel des ressources résultant de cette mesure ne proviendrait pas des revenus de l'épargne populaire.
Je tiens d'ailleurs à vous suggérer, puisque vous semblez regretter la faiblesse des rendements de l'épargne populaire, de vous en occuper un plus sérieusement.
M. Boris Vallaud applaudit.
Il semble en effet que le livret d'épargne populaire, notamment, soit devenu un placement qui coûte plus qu'il ne rapporte, ce qui ne va pas sans poser un problème.
En tout cas, peser sur l'épargne populaire n'était évidemment pas l'objet, vous le savez bien, de notre amendement.
L'amendement no 618 n'est pas adopté.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 595 rectifié, 619, 698 et 1089, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 595 rectifié et 619 sont identiques.
Sur l'amendement no 595 rectifié, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Monsieur Jean-Pierre Door, vous avez la parole pour soutenir l'amendement no 595 rectifié ; et je vous suggère, si vous êtes d'accord, de présenter en même temps le no 698.
Bien, madame la présidente.
Le groupe Les Républicains est très tenace : nous sommes en colère, en raison de l'augmentation de la CSG des retraités depuis 2018. Nous avions combattu cette mesure mais vous l'avez prise, et votre politique a malheureusement eu des retentissements majeurs sur les retraités.
Vous avez essayé de les compenser l'an dernier en accordant une mesure dérisoire d'exonération de la hausse pour seulement 250 000 à 300 000 retraités sur 8 millions.
Ce n'est qu'à la suite de la crise des gilets jaunes que le Président de la République a décidé de changer la donne en exonérant de hausse de CSG les retraités touchant moins de 2 000 euros. Il s'agit là, selon nous, d'une mesure discriminatoire entre les retraités. Tous les retraités doivent bénéficier de la suppression de la hausse de CSG. Nous vous demandons impérativement de revenir au taux de CSG antérieur à 2018. Les 8 millions de retraités se verront dès lors appliquer, comme tous les Français, le taux normal de CSG. Je tiens à souligner qu'un retraité n'est pas riche avec 2 000 ou même 2 500 euros de revenus mensuels.
Il convient de revenir à la situation antérieure au 1er janvier 2018 pour tous les retraités. L'augmentation de 1,7 point du taux de la CSG a effectivement provoqué une rupture d'égalité entre les retraités – tant mieux pour ceux qui bénéficient du taux de 6,6 %. Rappelons en outre que l'augmentation du taux de CSG s'est traduite par un prélèvement de 4,5 milliards d'euros sur le pouvoir d'achat des retraités.
L'amendement no 698 a été défendu.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir l'amendement no 1089.
Le groupe Socialistes et apparentés avait, à l'époque, proposé de fixer le seuil à 3 000 euros, afin de tenir compte du coût d'une résidence en EHPAD – établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Je tiens à le rappeler parce que je l'ai demandé plusieurs fois à l'administration, qui ne le connaît manifestement pas : au minimum, à la campagne, il atteint 2 000 euros, et plus souvent 2 500 voire 2 700 euros – et encore, il ne s'agit pas d'établissements de luxe, je peux vous l'assurer.
Le seuil de l'augmentation du taux de CSG est de 2 000 euros pour une personne seule et de 3 000 euros pour un couple, tous revenus confondus, y compris ceux d'un petit logement que les retraités ont pu acquérir ; c'est de cela qu'il s'agit. Quand un des deux membres du couple part en EHPAD, celui-ci est confronté à une situation dramatique, qui met des familles en grande difficulté, alors que ces personnes ont travaillé toute leur vie et ont fait des économies en vue de leur retraite.
Sous ce gouvernement, les retraités me semblent vraiment les grands perdants à tout point de vue. Je m'associe aux propos de mon collègue Jean-Pierre Door : il convient de faire quelque chose pour eux.
Il est nécessairement défavorable, ces amendements faisant suite aux débats relatifs au dernier PLFSS et aux mesures d'urgence économiques et sociales prises par le Gouvernement. M. Door a rappelé lui-même la trajectoire de correction très sensible, …
… relative à l'augmentation de la CSG des retraités, dont les revenus peuvent comporter une part patrimoniale, correction décidée par le Président de la République et le Gouvernement, lorsqu'ils ont compris que l'impact de cette augmentation sur le pouvoir d'achat de nombreux retraités avait été trop lourd. Je tiens de nouveau à saluer cette trajectoire de correction : il est important de se montrer capable de revoir une mesure de politique publique lorsqu'on se rend compte qu'elle n'a pas eu l'effet escompté.
Aujourd'hui, 80 % des retraités français ne sont plus concernés par l'augmentation du taux de CSG.
Non : je dis bien 80 %. Restent 20 % des retraités, dont les revenus sont supérieurs à 2 000 euros pour une personne seule. Personne ne prétend qu'on soit riche avec 2 000 euros par mois, qu'on soit retraité ou pas. En revanche, les chiffres sont têtus et ont un sens : désormais, 80 % des retraités de ce pays ne sont plus concernés par la hausse de CSG.
Lors de la campagne présidentielle, le Président de la République avait en effet proposé que les retraités fassent un effort spécifique en direction des actifs, pour faire en sorte que le travail paie mieux. Cet effort a peut-être été un peu mal paramétré, si je puis m'exprimer ainsi.
La correction apportée par la suite se traduit par le fait que 70 à 80 % des retraités ne supportent pas de hausse de la CSG.
À titre personnel, je m'étonne un peu que les députés communistes soient opposés à l'idée d'une modulation du taux de CSG selon les revenus, car il ne serait pas illogique que les contribuables se situant dans la tranche des 20 à 30 % des plus hauts revenus paient un tout petit peu plus de CSG que les autres.
Peut-être y a-t-il eu une modification dans la doctrine du Parti communiste français ?
Voilà la logique. Entre 70 et 80 % des retraités ne supporteront pas de hausse de la CSG, ce qui vient en complément de la réindexation des retraites. L'avis du Gouvernement est évidemment défavorable.
L'an passé, le Gouvernement et la majorité ont commis une erreur manifeste en refusant d'écouter ce qui leur avait été dit à de très nombreuses reprises, par des voies différentes, sur ces bancs : votre décision relative à la CSG des retraités était insupportable ; cette mesure était lourde de sens en termes économiques et de pouvoir d'achat, et explosive en termes de cohésion du pays. Nous avions dénoncé cette mesure et les faits nous ont donné raison.
Aujourd'hui, vous donnez à penser que vous avez rectifié la trajectoire. En vous écoutant, on pourrait même croire que vous accordez un bonus aux retraités. Or ce n'est pas le cas : vous faites seulement une rectification partielle de votre erreur manifeste ; à ce jour, il n'y a rien de plus, rien de mieux pour le pouvoir d'achat des retraités.
La parole est à M. Joël Aviragnet, pour une minute également, afin que chacun puisse s'exprimer.
Je veux bien tout entendre sur la situation des retraités mais je vous ferai remarquer que vous avez eu moins d'états d'âme quand vous avez supprimé l'ISF. Ce sont les retraités qui paient la désindexation.
Je suis d'accord avec les orateurs précédents.
Monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas une connaissance tout à fait parfaite de nos positions politiques
Sourires
car avons toujours été opposés à la CSG et nous défendons le principe de la cotisation. Notre position a été constante sur le sujet.
Avec les mesures que vous avez prises, c'est certes mieux que si c'était pire. Nous ne pouvons pourtant pas considérer que la situation soit satisfaisante.
Au passage, j'aimerais poser une question à M. le rapporteur et à M. le secrétaire d'État. Vous avez mis en place, l'année dernière, le prélèvement forfaitaire unique, ou flat tax. Il semblerait que cette disposition ait conduit à des contournements de salaire et que certains dirigeants d'entreprise aient choisi de se rémunérer plutôt en dividendes qu'en salaire, ce qui se traduit par un manque à gagner pour la sécurité sociale. Je voudrais connaître les chiffres.
M. Boris Vallaud applaudit.
Je tenais à dire que nous soutiendrons cet amendement, pour une raison très simple. À partir de quel montant de revenus considère-t-on qu'une personne retraitée est aisée ou riche ? Sous François Hollande, le seuil était à 4 000 euros. Pour vous, il est à 2000 euros, c'est-à-dire que vous êtes encore pire que les socialistes.
La réalité, c'est que vous avez supprimé la taxe d'habitation pour tous les Français. Comment justifier que vous supprimiez la taxe d'habitation pour tous les Français mais que vous n'annuliez la hausse de la CSG que pour 80 % des retraités ? Votre politique est incohérente. Allez jusqu'au bout et supprimez la hausse de CSG pour tous les retraités.
Monsieur le rapporteur général, vous vous réjouissez du fait que 80 % des retraités soient exonérés de la hausse de la CSG. Rappelons qu'au départ vous aviez prévu que 100 % d'entre eux seraient taxés. Nous sommes très heureux que l'on en arrive à ce taux, mais nous restons fidèles à la doctrine que nous avons défendue dès le début de notre mandat et nous soutiendrons les amendements déposés par nos collègues Le Fur et Dharréville.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 60
Majorité absolue 31
Pour l'adoption 22
Contre 38
Les amendements identiques nos 595 rectifié et 619 ne sont pas adoptés.
Les amendements nos 698 et 1089, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 150, 169, 440 et 860, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 150, 169 et 440 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour soutenir l'amendement no 150.
Plus du tiers des retraités agricoles perçoivent actuellement la pension minimum, d'un montant de 902 euros net par mois. Pour ces retraités, il faut donc adapter les prélèvements sociaux grevant les revenus fonciers issus de la mise en location de leurs terres. L'alignement des taux de prélèvements sociaux de ces revenus fonciers sur ceux appliqués aux retraités permettrait de reconnaître la vraie nature de ces revenus : un complément de retraite et un investissement à caractère patrimonial.
L'amendement no 169 de M. Julien Dive est défendu.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l'amendement no 440.
Il reflète la préoccupation que j'avais exprimée au début de cette séance au sujet des retraités de l'agriculture – la mesure que je proposais n'a malheureusement pas été adoptée – et il rejoint aussi celui sur la CSG que nous venons de défendre.
Pour un grand nombre de retraités de l'agriculture, à la pension très modeste, qui n'atteint même pas 75 % du SMIC, les terres constituent un complément de revenu indispensable après avoir été leur outil de travail pendant leur période d'activité. Plus du tiers de ces retraités perçoivent actuellement la pension minimum, d'un montant de 902 euros net par mois. Pour ces retraités, il faut donc adapter les prélèvements sociaux grevant les revenus fonciers issus de la mise en location de leurs terres – quand ils ne les cultivent plus, ils les mettent en location. L'alignement des taux de prélèvements sociaux de ces revenus fonciers sur ceux appliqués aux retraités, permettrait de reconnaître la vraie nature de ces revenus : un complément de retraite et non un investissement à caractère patrimonial.
Il vise à faire bénéficier aux revenus fonciers les mêmes taux réduits de CSG que ceux appliqués aux retraites les plus faibles. En effet, pour les retraités agricoles les plus modestes, les revenus tirés des terres acquises durant leur activité ont un caractère de complément de retraite par leur nature – ils sont issus de leur activité agricole – et leur faible montant. De ce fait, il nous apparaît légitime que ces revenus bénéficient des mêmes taux réduits de CSG que les retraites, dans la mesure où, retraite et revenus fonciers cumulés, ce revenu global n'excède pas les plafonds prévus pour l'application des taux réduits de CSG propres aux retraites.
M. Gilles Lurton et M. Philippe Vigier applaudissent.
M. Gilles Lurton proteste.
Monsieur Lurton, mon avis n'est pas étonnant compte tenu des débats que nous avons déjà eus. Vous créez des taux intermédiaires de CSG qui visent différents publics – les chômeurs, les retraités, parfois les actifs – et s'appliquent à des revenus de patrimoine foncier non bâti. On peut comprendre la logique pour les agriculteurs mais ils ne sont pas les seuls à être concernés par cet amendement. Je rappelle que le coût de ce nouveau dispositif complexe, avec des taux intermédiaires de CSG de différentes natures, serait de 1,5 milliard d'euros par an pour la sécurité sociale.
Les amendements identiques nos 150, 169 et 440, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
L'amendement no 860, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques nos 621 et 1082, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l'amendement no 621.
Il s'agit de revenir sur l'allégement de la fiscalité au bénéfice des actions gratuites, entériné par la majorité lors du précédent PLFSS, sans aucune étude d'impact. Au moment des débats en séance, la perte de recettes a été chiffrée à 120 millions d'euros par an. Ce dispositif, qui permet l'attribution gratuite d'actions, concerne essentiellement des salariés très bien rémunérés de grands groupes et les dirigeants. En plus d'avoir un coût non négligeable pour les finances sociales, c'est un outil de contournement du salaire. C'est pourquoi nous proposons de ramener la contribution patronale au taux de 30 %.
Comme mon collègue, je vais proposer une mesure de justice qui ne devrait pas laisser la majorité indifférente.
Dans les trois premiers budgets proposés au vote de cette assemblée par l'actuelle majorité, 22 milliards d'euros de pouvoir d'achat ont été redistribués. Les 10 % de ménages les plus pauvres en ont bénéficié à hauteur de 1 %, c'est-à-dire qu'ils ont touché 10 fois moins que leur part dans la population. À l'inverse, les 1 % des ménages les plus riches ont pris 6 % de l'enveloppe, c'est-à-dire qu'ils ont touché 6 fois plus que leur part dans la population. Quant aux 0,1 % des Français les plus riches, ils ont eu 3 % de cette redistribution, c'est-à-dire 30 fois plus que leur poids dans la population.
C'est pour cela que je me dis qu'à chaque fois que nous allons proposer une mesure de justice pour réduire les inégalités, creusées depuis le début du quinquennat, les progressistes – même l'appellation n'est peut-être qu'un fard – pourraient s'y reconnaître.
Voilà pourquoi nous proposons, nous aussi, de porter de 20 à 30 % le taux de prélèvements sur les actions gratuites. Il n'y a pas eu d'étude d'impact mais la perte de recettes a été évaluée à 120 millions d'euros par an. Étant donné la situation des comptes de la sécurité sociale, cette somme permettrait de contribuer à la satisfaction de demandes sociales formulées notamment par l'hôpital public.
Merci, monsieur Vallaud, de me donner l'occasion de rappeler des chiffres importants pour les Français. En 2019, le pouvoir d'achat des Français a augmenté de 800 euros.
Cette somme représente la plus grosse croissance du pouvoir d'achat de toute la zone de l'Union européenne, selon des organismes indépendants.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.
On n'avait pas connu une hausse du pouvoir d'achat de cette ampleur depuis des années et des années. Autre bonne nouvelle : en 2020, le pouvoir d'achat augmentera encore de 300 à 400 euros par Français. Ainsi, en l'espace de deux ans, le pouvoir d'achat des Français aura augmenté de l'équivalent d'un SMIC. Un SMIC ! Ce montant est supérieur aux projections effectuées par le Président de la République pendant la campagne et à tous les engagements que nous avions pris devant dans les Français en matière de gains de pouvoir d'achat.
Le budget de l'État et celui de la sécurité sociale continuent à améliorer le pouvoir d'achat des Français…
… puisque nous réduisons la fiscalité de l'ordre de 10 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros sur le seul impôt sur le revenu.
En matière de pouvoir d'achat, je pense donc que nous n'avons pas à rougir, monsieur Vallaud.
Le gain de pouvoir d'achat résulte de la baisse de la fiscalité mais il est aussi lié à la relance du travail. Le premier moyen de sortir de la pauvreté, c'est quand même de retrouver un boulot. Pour que l'économie se développe, notamment par le biais des start-up et des ETI – entreprises de taille intermédiaire – créées en particulier par de jeunes entrepreneurs, nous avons pris diverses mesures.
Dans le premier PLFSS du quinquennat, un amendement de notre collègue Olivia Grégoire, tendant à renforcer le dispositif d'actions gratuites, avait été adopté après la réunion d'une commission spéciale, et la mesure porte ses fruits. Le développement des actions gratuites, le partage de la valeur entre les salariés et les dispositions de la loi PACTE – relative à la croissance et la transformation des entreprises – sur le renforcement de la participation et l'intéressement dans les entreprises de ce pays, ce sont des dispositifs qui fonctionnent. Cela crée de la richesse, du pouvoir d'achat et de l'emploi.
J'émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
Plutôt que de revenir sur les arguments développés par M. le rapporteur général au sujet du pouvoir d'achat, je souhaite partager l'expérience qui fut la mienne avant que je ne rejoigne cette majorité. Je travaillais alors pour le groupe Safran, …
… dont 10 à 11 % du capital, je crois, était détenu par les salariés. Ayant été agent de maîtrise pendant un an et demi, je précise que les ouvriers eux-mêmes étaient concernés. Ils pouvaient en effet bénéficier de plans d'attribution d'actions gratuites du groupe et avaient eu la possibilité, dès les années 90 puis après la fusion entre Snecma et Sagem, de faire eux-mêmes l'acquisition d'actions. Je trouve pour ma part fondamental – me différenciant sans doute en cela des députés communistes – de mieux partager la valeur et de mieux associer les salariés aux gains de l'entreprise. De tels dispositifs modifient sensiblement les rapports sociaux en son sein car ils font converger les intérêts des uns et des autres.
Vous concentrez votre argumentation sur les seuls revenus, mais l'intéressement et la participation me semblent actuellement de meilleurs moyens d'associer les salariés à la réussite de l'entreprise. Vous regrettez souvent que le partage de la valeur ne soit pas au bon niveau et que les versements de dividendes soient trop élevés. Or l'actionnariat salarié permet justement d'en faire profiter les salariés. Il constitue, d'une façon générale, un excellent dispositif.
Nous sommes défavorables à cet amendement.
Il ne m'en faudra pas autant pour vous indiquer que les 10 % de Français les plus pauvres perçoivent des revenus dix fois inférieurs à la part qu'ils représentent dans la population. Ils bénéficieront en moyenne d'un gain de pouvoir d'achat de 60 euros par an, alors que les 0,1 % de nos concitoyens les plus riches pourront escompter 23 000 euros en moyenne. Voilà le sens de la justice de cette majorité !
Je voudrais ensuite vous indiquer que ce qui améliore les rapports sociaux dans l'entreprise, c'est la codétermination : c'est un pouvoir réel octroyé aux salariés, passant par exemple par la parité au sein des conseils d'administration, que nous avions proposée mais que vous avez refusée.
Nous espérons que cette mesure de justice sera adoptée. J'ajoute que, ne bénéficiant pas pour ma part d'actions gratuites, mon avis est totalement désintéressé.
Je remercie M. le rapporteur général pour le récit merveilleux qu'il vient de nous conter, dont je ne suis néanmoins pas certain qu'il soit tout à fait conforme à la réalité. Une enquête récente de l'INSEE montre ainsi une progression de 6 % de la pauvreté et une explosion des inégalités en France. Nous ne pouvons pas faire abstraction de ces faits majeurs.
Vous attribuez beaucoup de mérite, M. le rapporteur général et M. le secrétaire d'État, mais je ne suis pas sûr que vous puissiez prouver un quelconque effet positif sur l'emploi et sur les salaires de cet allégement de fiscalité sur les actions gratuites. Au contraire, c'est un nouveau contournement de salaire que vous proposez, sans offrir aux salariés de pouvoir supplémentaire dans l'entreprise. N'y a-t-il pas d'autres priorités pour dépenser l'argent public, comme la revalorisation des pensions de retraite, des allocations familiales ou des APL, les aides personnalisées au logement ?
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 57
Nombre de suffrages exprimés 56
Majorité absolue 29
Pour l'adoption 18
Contre 38
Les amendements identiques nos 621 et 1082 ne sont pas adoptés.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix.
La séance est reprise.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 715.
L'entreprise peut effectuer un versement unilatéral pour l'acquisition d'actions ou de certificats d'investissement émis par l'entreprise, pourvu que ce versement bénéficie à l'ensemble des adhérents au plan d'épargne d'entreprise. Dans un souci d'harmonisation du taux du forfait social applicable à l'abondement complétant les versements des salariés avec l'abondement unilatéral versé à tous les bénéficiaires du PEE, cet amendement vise à ramener le taux applicable à 10 %.
L'amendement no 715, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 839, 897, 1192 et 1703, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur les amendements nos 839 et 897, qui sont identiques, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 839.
La contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – pénalise lourdement la compétitivité de nos entreprises puisqu'elle affecte non seulement leurs investissements mais aussi leurs performances à l'exportation. Pire, elle affecte les exportations sans frapper les importations. Ce type de fiscalité tue la fabrication française et contribue à la désindustrialisation de la France ainsi qu'à son déficit extérieur chronique. Cet amendement propose de rétablir la démarche de suppression progressive de la C3S : il vise à en exempter la totalité des entreprises qui y sont encore assujetties, en abaissant progressivement son taux pendant trois ans pour finalement la supprimer en 2022.
Sur l'amendement no 1192, je suis saisie par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement du groupe Les Républicains vise à supprimer la C3S à la charge des sociétés en la réduisant d'un tiers chaque année jusqu'en 2023, date de sa suppression totale. Il s'agit d'alléger la fiscalité qui pénalise la compétitivité des entreprises nationales.
La parole est à Mme Nathalie Elimas, pour soutenir l'amendement no 1703, ainsi que le no 1704 à venir.
Je peux en effet défendre ensemble ces deux amendements qui ont le même objet et le même exposé sommaire, même si leur dispositif est différent. Nous nous sommes inspirés d'une note du Conseil d'analyse économique du mois de juin dernier qui montre que la C3S pénalise la productivité et la compétitivité des entreprises. On peut y lire : « Une taxe basée sur le chiffre d'affaires telle que la C3S produit des "effets de cascade" qui se transmettent et s'amplifient sur toute la chaîne de production parce qu'à chaque étape de production la taxe elle-même est taxée. »
L'amendement no 1703 vise à réduire progressivement le taux de la C3S entre 2021 à 2025.
L'amendement no 1704 propose de porter l'abattement sur le chiffre d'affaires des entreprises soumises à la C3S de 19 millions à 50 millions d'euros à partir de 2021.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 839, 897, 1192 et 1703 ?
Le débat sur la C3S est ancien. On peut comprendre l'intérêt qu'il y aurait, grâce à une action sur la C3S, de réduire encore le coût du travail dans notre pays. Ce coût est déjà réduit de façon importante – personne sur les bancs de gauche ne me dira le contraire.
Sourires.
Avec l'année double et la transformation du CICE – le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – en suppression de cotisations patronales, l'effort consenti par la nation pour réduire le coût du travail me paraît suffisant.
La suppression de la C3S, même en trois étapes, pèserait pour près de 4 milliards d'euros sur les finances sociales du pays. Je vous renvoie aux débats que nous avons eus depuis hier et j'émets un avis défavorable sur l'ensemble des amendements.
Comme l'a souligné le rapporteur général, ces amendements ont un sens certain dans le cadre des débats sur le poids de la fiscalité sur les facteurs de production – impôts qui désavantagent en partie nos entreprises. Ce sujet entre dans le champ des discussions en cours dans le cadre du pacte productif, avec des propositions avancées par Bruno Le Maire, qui portent aussi sur les impôts de production et la C3S.
S'agissant d'une proposition ayant un tel impact financier, si nous devions, à l'avenir, envisager certaines choses au-delà de toutes les mesures qui ont été déjà été prises en faveur des entreprises, cela ne pourrait se faire un matin au Parlement, au détour d'un amendement, mais plutôt dans le cadre d'une politique plus globale.
Le Gouvernement est donc intéressé par le fond des amendements, mais, sur la forme, il y est défavorable.
Je veux répéter ce que je disais hier à Mme la ministre : nous n'échapperons pas, dans les années qui viennent, à une vraie réflexion sur le financement de l'assurance maladie.
Alors que la part fiscale des recettes de l'assurance maladie ne cesse de croître, nous sommes complètement contraints par les règles budgétaires. Comme le rapporteur général vient de l'indiquer lui-même, si nous touchons à la C3S, cela coûte 4 milliards d'euros que nous ne savons pas retrouver par ailleurs, et nous ne disposons plus d'aucune marge de manoeuvre pour pouvoir, à un moment donné, répondre aux attentes du système de santé.
Parce que de plus en plus de Français sont concernés, parce qu'ils seront de plus en plus âgés et en moins bonne santé, ce système de santé et ses dépenses ne vont pas cesser de croître. Nous n'échapperons pas à une discussion globale sur le financement de la santé de l'assurance maladie, qui ne peut évidemment pas se tenir à l'occasion de l'examen du PLFSS.
Je crois que nous devrions bien réfléchir au fait que nos entreprises sont aussi nos emplois. Plus on impose les sociétés, plus on tue l'emploi sur nos territoires. Vous prenez donc une vraie responsabilité en n'adoptant pas les amendements.
Je veux rapidement répéter ce qu'a déjà dit hier, à plusieurs reprises, Mme Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. La question de la C3S fait partie des sujets abordés dans le cadre des discussions sur le pacte productif 2025. Cela dit, comme cela vient d'être rappelé, une discussion globale sur le financement de la sécurité sociale s'impose avant que nous ne touchions aux impôts de production. Nous sommes d'accord pour considérer que ces impôts pèsent sur nos entreprises. Nous devons prendre le sujet à bras-le-corps, mais l'enjeu en termes de finances publiques est tel que nous ne pouvons pas nous contenter de prendre en compte un seul de ces impôts : il faut tous les prendre en considération.
C'est bien beau d'attendre mais, dans six ans, il sera trop tard : il ne restera plus aucune entreprise !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 16
Contre 30
Les amendements identiques nos 839 et 897 ne sont pas adoptés.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 46
Nombre de suffrages exprimés 46
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 16
Contre 30
L'amendement no 1192 n'est pas adopté.
L'amendement no 1703 n'est pas adopté.
L'amendement no 1704 de M. Jean-Noël Barrot a été défendu par Mme Nathalie Elimas.
L'amendement no 1704, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 1534.
Il vise à exclure les allocations de cessation anticipée d'activité des dockers de l'assiette de la contribution spécifique de 50 % sur les avantages de préretraite.
La branche professionnelle des ports et de la manutention portuaire a mis en place, en 2011, par accord collectif, un dispositif de reconnaissance de la pénibilité de certains métiers – ouvriers dockers, agents de maintenance portuaire, haleurs, lamaneurs. Cet accord permet aux salariés concernés d'anticiper de trois ans la fin de leur activité professionnelle. À partir de leur entrée dans le régime jusqu'au moment où ils pourront faire valoir leurs droits à la retraite, les bénéficiaires perçoivent une allocation de cessation anticipée d'activité.
Dans la mesure où l'objectif de cet accord est de protéger une population qui présente des risques réels de développement de pathologies liées à la pénibilité, l'amendement vise à ce que le financement de ce dispositif par les employeurs ne soit pas assujetti à la contribution spécifique de 50 % applicables aux préretraites.
Cette contribution sur les préretraites revêt en effet un caractère dissuasif et vise à encourager l'emploi des seniors. Elle n'a pas été mise en place pour taxer les allocations de cessation anticipée d'activité destinées à compenser un métier concerné par une pénibilité particulière. Par conséquent, la part de l'allocation financée par les employeurs sera logiquement soumise au seul forfait social, comme c'est également prévu pour l'ensemble des avantages de retraite et de préretraite financés par les employeurs.
Je salue cette disposition, qui reconnaît la pénibilité du travail des dockers. Pour cette profession, la question des contrats courts et de leur taxation devra aussi être posée dans les années à venir. Nous avons affaire à un métier spécifique avec des besoins variables en fonction de l'arrivée des navires.
L'amendement no 1534 est adopté.
Les URSSAF – les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales – ont déjà récupéré le recouvrement des cotisations d'assurance chômage, ainsi que le régime social des indépendants, l'ex-RSI, qui a disparu l'an dernier. L'objectif visé est de permettre à tous les employeurs de n'avoir plus à s'adresser qu'à un seul interlocuteur en matière de cotisations sociales.
Les mesures d'unification du recouvrement dans la sphère sociale concerneront la quasi-totalité des employeurs du secteur privé, qui acquitteront auprès des URSSAF les cotisations payées jusqu'à maintenant à l'AGIRC-ARRCO – Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés – mais aussi à certains régimes spéciaux, comme ceux des marins, des clercs de notaire, d'EDF, de GDF, ainsi que ceux relevant des employeurs publics.
L'article 10 crée toutes les conditions techniques pour une fusion des régimes spéciaux et complémentaires dans le futur système universel de retraite mais tout cela se fait avant même que la réforme des retraites ait été examinée. En conséquence, il nous semble assez prématuré de procéder de la sorte.
Je suis saisie de deux amendements, nos 563 et 623, tendant à supprimer l'article 10.
L'amendement no 563 de M. Adrien Quatennens est défendu.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 623.
Nous souhaitons mettre en lumière ce qui nous semble être une sorte d'opération cachée menée par le Gouvernement dans le cadre de la future réforme des retraites.
L'article 10 prévoit en effet l'unification du recouvrement des cotisations sociales au profit des URSSAF. Cette mesure concernera la quasi-totalité des employeurs du secteur privé, qui acquitteront auprès des URSSAF les cotisations jusqu'alors payées à l'AGIRC-ARRCO, mais aussi les employeurs des régimes spéciaux, comme ceux des marins, des industries électriques et gazières ou des clercs de notaire, ainsi que les employeurs publics. Par conséquent, les missions de recouvrement des caisses des régimes spéciaux seront donc transférées aux URSAFF entre 2020 et 2023.
Sous couvert d'une unification, l'article 10 vise donc, en fait, à préparer le terrain pour la réforme des retraites, dont l'objectif est la mise en place d'un système universel qui englobera tous les régimes complémentaires et les régimes spéciaux. À la page 55 de l'étude d'impact des articles du PLFSS rédigée par le Gouvernement, vous pouvez lire s'agissant de l'article 10 : « Ces différentes étapes permettront que l'unification du recouvrement des cotisations sociales constitue utilement un acquis pour la mise en oeuvre future de la réforme des retraites. » Autrement dit, je n'invente rien : tout ce que j'avance fait partie des arguments même du Gouvernement.
Avant même que la réforme des retraites ne soit débattue, l'article 10 crée toutes les conditions techniques d'une fusion des régimes spéciaux et complémentaires dans le futur système universel de retraites dont nous n'avons pas encore discuté. Je crois qu'il serait sensé de retirer l'article 10 afin que nous puissions engager le débat sur les retraites de la meilleure des façons, c'est-à-dire en étant en mesure de discuter de l'ensemble du sujet. Cet article n'a pas sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements de suppression ?
Je vous préviens, afin que personne ne soit surpris, que j'ai déposé une salve d'amendements rédactionnels sur l'article 10 – quelques dizaines, je crois.
Monsieur Dharréville, l'article 10 n'a pas vocation à affaiblir les URSSAF ; il a, au contraire, vocation à renforcer leurs missions. Cette dynamique ne correspond pas à un changement de cap brutal qui aurait été décidé récemment ; elle s'inscrit dans une évolution en cours depuis des années – on peut presque parler en décennies.
En 2011, par exemple, l'ACOSS – l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale – a été chargée du recouvrement des cotisations pour le compte de l'UNEDIC – l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce. Cette extension du rôle des URSSAF fait l'objet d'un calendrier qui permet en particulier aux agents de l'ACOSS et d'AGIRC-ARRCO de travailler ensemble, ce qu'ils ont déjà commencé à faire avant la mise en place du recouvrement des cotisations par l'URSSAF.
L'article 10 ne constitue donc que la poursuite d'un mouvement de centralisation du recouvrement.
Les URSSAF sont des institutions qui ont toujours fait montre de la plus grande efficacité. Nous serons évidemment attentifs à ce que la transition se passe au mieux. Nous traiterons ultérieurement d'une question spécifique relative au recouvrement dans la sphère publique, en particulier de l'action de la Caisse des dépôts et consignations. Nous aurons l'occasion d'en débattre et de discuter des délais de mise en oeuvre qui pourraient être nécessaires. Vous imaginez combien le ministère de l'économie et des finances et celui de l'action et des comptes publics sont attentifs à ce que le recouvrement se passe du mieux possible.
Je suggérerais bien aux auteurs des amendements de suppression de les retirer ; mais comme je doute qu'ils le fassent, mon avis est défavorable.
Sourires sur les bancs du groupe GDR.
Monsieur Dharréville, vous avez raison de dire que si nous voulons aller vers un régime unifié des caisses de retraite, nous avons besoin de l'article 10 ; je ne vous dirai pas le contraire. Cependant, nous ne faisons pas l'unification du recouvrement parce que nous en avons besoin pour la réforme des retraites.
Quand bien même cette réforme ne serait pas à l'ordre du jour, la centralisation du recouvrement des cotisations sociales au profit de l'URSSAF offre deux grands avantages. Le premier est qu'elle permettra une plus grande efficience ; le second, qu'elle facilitera le recouvrement des contributions, l'URSSAF affichant les meilleurs taux dans ce domaine. Afin que les débiteurs s'acquittent de leurs créances, il est donc utile, pour la puissance publique, d'unifier le recouvrement des cotisations sociales auprès de l'URSSAF.
Je le répète, il ne s'agit en aucune façon d'avancer de manière déguisée vers la réforme des retraites. La mesure sera certes utile dans le cadre de cette réforme, que vous allez discuter longuement dans les mois qui viennent, mais sa raison première est la recherche d'une plus grande efficacité.
En réponse à M. le rapporteur général et à M. le secrétaire d'État, je voudrais dire que le problème de cet article, en réalité, est qu'il revient sur la distinction entre le budget de l'État et le budget de la sécurité sociale, sans s'interroger sur l'importance de leur séparation.
Nous ne sommes pas opposés aux simplifications en tant que telles, mais nous déplorons que le Gouvernement se réjouisse des économies d'emplois auxquelles celle-ci conduira. Rappelons quand même, monsieur le rapporteur général, que le transfert du recouvrement des contributions de l'assurance chômage en 2011 avait entraîné le redéploiement de 1 300 équivalents temps plein au sein de Pôle emploi.
Nous manquons de fonctionnaires dans de nombreux services. Il serait inadmissible que des emplois soient purement et simplement supprimés.
Nous serons particulièrement vigilants sur ce point mais, comme l'a dit mon collègue Pierre Dharréville, le projet de loi sur la réforme des retraites sera l'occasion d'y revenir.
Monsieur le secrétaire d'État, votre argumentation est assez peu probante, d'autant que le Gouvernement nous a habitués à avancer à visage masqué.
Pour le recouvrement des cotisations sociales, l'URSSAF serait donc meilleure que les organismes spéciaux ? Pardonnez-moi de vous dire que, dans des organismes publics ou parapublics comme EDF ou GDF, le recouvrement se fait dans des conditions parfaitement optimales et très largement comparables à celles de l'URSSAF.
Nous devinons, dans vos propos, la préfiguration de la future réforme des retraites. Le parallèle avec l'article 52 du projet de loi de finances pour 2020, adopté la semaine passée, s'impose : cet article a fait perdre à la Caisse nationale des barreaux français son autonomie dans la fixation de ses pensions. Les avocats ont donc déjà perdu une partie de leur autonomie…
Les doutes, que nous partageons assez largement sur ces bancs, sur la réalité de vos intentions sont de toute évidence fondés. Cette unification, au profit de l'URSSAF, du recouvrement des cotisations sociales préfigure la future réforme des retraites.
L'unification du recouvrement des cotisations sociales est amorcée depuis déjà plusieurs années, c'est un fait. La Mutualité sociale agricole – MSA – a connu le même processus et je ne crois pas qu'il soit possible de s'opposer à ce mouvement de simplification et de centralisation.
Des questions se posent néanmoins. En particulier, l'URSSAF aura-t-elle les moyens humains d'assumer les nouvelles tâches qui lui seront confiées ? La perspective de la future réforme des retraites est source de confusion. J'aimerais donc avoir des précisions sur les moyens qui seront donnés à l'URSSAF pour assumer ses nouvelles missions. Quel impact aura, par ailleurs, cette centralisation sur les organismes AGIRC et ARRCO ? Leurs personnels seront-ils pris ? De toute évidence, nous avons besoin d'éléments chiffrés complémentaires sur cette opération, qui n'est pas anodine.
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler que ce mouvement de simplification a été initié il y a plus de vingt ans. Auparavant, pour être un peu technique, deux déclarations devaient être remplies chaque année : la DADS-TDS – déclaration annuelle des données sociales - transfert de données sociales – pour les URSSAF, et la DADS-CRC – déclaration annuelle des données sociales - caisses de retraites complémentaires – pour les retraites. On est passé ensuite à une déclaration unique, la DADS-U – déclaration annuelle de données sociales unifiée. Il nous a fallu plus de dix ans pour accomplir cette première étape, mais nous avons réussi. Nous en sommes aujourd'hui à la déclaration sociale nominative, la DSN. Nous n'inventons rien : le mouvement est engagé depuis vingt ans.
Nous suivons donc une direction prise depuis longtemps. Pourquoi ? D'une part, parce que les entreprises demandent cette simplification. D'autre part, parce que les URSSAF, au-delà même de leur compétence de recouvrement, ont une compétence importante en matière de contrôle et que l'unification du contrôle est importante, les contributions de retraite ayant parfois un impact sur les contributions sociales. Grâce à cette mesure, les inspecteurs de l'URSSAF auront enfin une vision globale.
Enfin, madame Dubié, je me suis posé la même question que vous : quelles seront les conséquences de cette mesure sur les personnels des caisses de retraite ?
Nous aurons toujours besoin de ces personnels, qui sont dotés d'une réelle expertise dans la gestion individuelle des droits. Leurs emplois seront donc conservés : ils seront simplement redéployés vers cette mission.
Il n'y a pas de plan caché. Un mouvement général est engagé depuis des années et nous ne faisons que le prolonger.
J'aimerais, comme Mme Dubié, connaître les conditions exactes dans lesquelles le Gouvernement envisage l'unification du recouvrement des cotisations sociales au profit de l'URSSAF, ainsi que les conséquences concrètes qu'elle aura sur les caisses et leurs employés. Nous avons besoin d'un éclairage précis. Vous devriez renoncer à cette chronique sur la réforme des retraites, que vous alimentez !
Monsieur Grelier, je regrette de ne pas avoir réussi à vous convaincre. Peut-être les chiffres y réussiront mieux que moi : le taux de restes à recouvrer est de 1,8 % pour l'AGIRC-ARRCO et de 0,8 % pour l'URSSAF. Quand la base est de 80 milliards d'euros, cela fait 800 millions de différence, c'est-à-dire 800 millions de manque à gagner pour la puissance publique, que nous espérons aujourd'hui récupérer. Je précise que ces taux concernent les mêmes employeurs.
J'ai oublié de mentionner tout à l'heure un autre des avantages de la mesure que nous proposons : elle permettra une simplification pour les employeurs, qui n'auront désormais qu'un seul interlocuteur.
La réforme de Pôle emploi, évoquée par Mme Fiat, constitue un exemple intéressant.
Nous parlons bien de redéploiements et non de suppressions d'emplois, madame la députée
Mille nouveaux conseillers vont être recrutés pour accompagner les chômeurs. Il y aura désormais moins d'emplois de back-office chez Pôle emploi et davantage d'emplois de conseillers. Cela semble très utile, car les chômeurs n'ont pas tant besoin de personnes pour classer et trier les dossiers que de personnes pour les accompagner.
S'agissant de la mise en oeuvre de l'unification du recouvrement des cotisations sociales, sur laquelle nous ont interrogés plusieurs députés, parmi lesquels Mme Dubié et M. Dharréville, la transition prendre un peu de temps, puisqu'elle s'étalera jusqu'en 2023. Nous avons évidemment l'intention d'accompagner les personnels des caisses qui seront redéployés vers l'URSSAF. La suppression du RSI a donné lieu à un accompagnement individuel des 4 800 agents concernés, qui ont été aidés dans leur parcours professionnel. Nous prévoyons un dispositif similaire pour cette centralisation. Dans le cas du RSI, les salariés avaient été 97 % à accepter la proposition de reclassement qui leur avait été faite.
De toute évidence, nous devrons accompagner la transition, mais il me semble que nous avons tous à gagner à cette mesure.
Les amendements identiques nos 563 et 623 ne sont pas adoptés.
Les amendements nos 1985, 1980, 1909, 1917 et 1981 de M. le rapporteur général sont rédactionnels.
Les amendements nos 1985, 1980, 1909, 1917 et 1981, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir l'amendement no 190.
Je vous suggère, madame Auconie, de défendre en même temps l'amendement no 191 rectifié.
Volontiers, madame la présidente.
L'amendement no 190 vise à compléter la seconde phrase de l'alinéa 8 par les mots : « après en avoir dûment averti le cotisant et l'avoir informé de ses possibilités de recours ». Il convient en effet d'informer le cotisant de ses droits et de ses possibilités de recours.
L'amendement no 191 rectifié vise à compléter l'alinéa 9 par les mots : « ainsi que la possibilité pour le cotisant de se faire assister d'un conseil et les modalités de contestation de ladite correction ». Dès lors que l'URSSAF procède à une correction des déclarations, il convient d'informer le cotisant qu'il a la possibilité de la contester et de se faire assister d'un conseil.
Les deux amendements sont satisfaits. Demande de retrait ou avis défavorable.
Je ne peux me prononcer au nom de leur auteur, mon collègue Guy Bricout. Ils sont donc maintenus.
Je demande au Gouvernement de tenir compte de l'expérience de la suppression du RSI, évoquée par M. le secrétaire d'État. Le passage du RSI à l'URSSAF a engendré de nombreux problèmes, notamment de compatibilité des systèmes informatiques. Veillons à ne pas reproduire les mêmes erreurs. Souvenons-nous des difficultés rencontrées pendant un an par les artisans et les commerçants que nous avons reçus dans nos permanences.
L'amendement no 190 n'est pas adopté.
Les amendements nos 1919 et 1922 de M. le rapporteur général sont rédactionnels.
Les amendements nos 1919 et 1922, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'amendement no 191 rectifié de M. Guy Bricout a été défendu il y a quelques instants par Mme Sophie Auconie.
L'amendement no 191 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement no 1547.
Il s'agit d'un amendement technique, mais néanmoins important, qui propose l'extension du transfert aux URSSAF du recouvrement des cotisations du régime des marins aux entreprises établies sur le territoire national et possédant des navires immatriculés en France et à l'étranger.
L'article 10 organise, entre autres, le transfert des recouvrements des cotisations des gens de mer de l'ENIM – l'Établissement national des invalides de la marine – , la caisse des marins, à l'URSSAF. Cependant, en l'état actuel du projet de loi, les entreprises établies sur le territoire national et possédant une flotte de navires battant pavillon en France et à l'étranger auraient l'obligation de déclarer auprès de l'URSSAF leurs salariés embarqués sur un navire immatriculé en France et de continuer de déclarer auprès de l'ENIM leurs salariés embarqués sur un navire immatriculé à l'étranger. Afin de simplifier ces démarches et de les rendre plus cohérentes sur le plan opérationnel, il est nécessaire de les unifier auprès de l'URSSAF, et ce pour tous les marins résidant en France, même lorsqu'ils sont embarqués sur un navire battant pavillon étranger.
Nous soutiendrons évidemment ce très bon amendement, qui s'inscrit dans la lignée d'une série d'amendements que j'avais déposés lors du précédent quinquennat et qui concernaient les marins français qui naviguent sur des bateaux battant pavillon étranger et qui ont de grandes difficultés à bénéficier, pour eux-mêmes et leur famille, d'une situation sociale cohérente, alors qu'ils vivent sur le territoire national.
Cet amendement est le deuxième que nous adopterons aujourd'hui sur les marins, après celui sur les dockers et les lamaneurs que nous avons voté il y a quelques instants. J'en suis très heureux.
L'amendement no 1547 est adopté.
Les amendements nos 1955, 1954, 1977, 1974, 1929, 1931, 1934, 1939, 1943, 1946, 1949, 1951, 1892, 1979 et 2016 de M. le rapporteur général sont rédactionnels.
Les amendements nos 1955, 1954, 1977, 1974, 1929, 1931, 1934, 1939, 1943, 1946, 1949, 1951, 1892, 1979 et 2016, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
Je le retire au profit de mon amendement no 1375, qui viendra en discussion dans un instant.
L'amendement no 1374 est retiré.
L'amendement no 1998, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement, auquel j'associe mes collègues Sophie Errante, Jacques Savatier et Gilles Carrez, vise à prendre en considération le problème de faisabilité informatique auquel se heurtent les différentes caisses de la sphère publique, problème qu'a soulevé Mme Dubié.
On le sait, les projets en question sont très lourds, les ressources affectées à leur réalisation ne sont pas très abondantes et on en demande actuellement beaucoup aux administrations publiques en matière de numérisation. Pour ces raisons, mon amendement permet de reporter un projet, si besoin, de deux ans au maximum plutôt que d'un an. C'est la seule souplesse que je demande pour la sphère publique.
Vu les débats que nous avons eus au sujet du recouvrement et les inquiétudes qui se sont fait jour sur l'ensemble des bancs de l'Assemblée quant à la possibilité d'en mettre en oeuvre les nouvelles modalités dans les délais impartis, et considérant l'importance du recouvrement dans la sphère publique – et privée, d'ailleurs – , il est intéressant de permettre de rallonger d'un an supplémentaire les délais d'application, par décret, pour toutes les entités concernées. Peut-être cela ne sera-t-il pas utile – gageons que cela ne le sera pas – , mais mieux vaut le prévoir dès aujourd'hui plutôt que devoir y revenir d'ici deux ou trois ans dans un prochain PLFSS. Nous gagnerons ainsi du temps. Avis favorable.
Vous savez combien ces sujets comptent à mes yeux. L'amendement tend à assouplir la marge d'appréciation du Gouvernement quant aux délais de report.
Je le répète, à nos yeux, les délais doivent absolument être tenus. Trop souvent, des projets informatiques ou des projets de grandes transformations ayant des implications informatiques donnent lieu à des dérives qui conduisent à reporter d'année en année leur mise en oeuvre. C'est un peu mon quotidien, et c'est un désagrément non seulement pour moi, ce qui n'est pas bien grave, mais aussi pour les finances et la puissance publiques françaises.
Cela étant, le fait que le texte prévoie la production d'un rapport circonstancié justifiant tout report est de bonne méthode : il faut que ceux qui souhaitent un report expliquent précisément pourquoi, dans quelles conditions et comment ils tiendront leurs nouvelles deadlines – pardon, leurs nouveaux délais.
Vous avez raison, monsieur le député, mais je m'étais corrigé !
Sourires.
Si le Gouvernement est favorable à l'amendement, dont il approuve l'esprit, c'est donc en restant déterminé à mener les réformes, notamment informatiques, dans les temps.
L'amendement no 1375 est adopté.
L'amendement no 2001 rectifié de M. le rapporteur général est rédactionnel.
L'amendement no 2001 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 10, amendé, est adopté.
Cet article technique tend à simplifier les formalités qui incombent aux travailleurs indépendants. J'y vois un signal positif de la part du Gouvernement. Sur ce sujet, qui excède de beaucoup le cadre du présent PLFSS, nous avons encore beaucoup de progrès à faire pour permettre aux hommes et aux femmes concernés d'aller chercher de l'activité et d'avoir une situation professionnelle.
J'ai vu que des amendements avaient été déposés par des députés communistes en vue d'accélérer cette évolution. Il fallait une simplification administrative, et c'est l'objet de l'article 11 ; mais allons bien au-delà !
La simplification permise par l'article 11 grâce à la fusion des deux déclarations existantes est une bonne chose. L'enjeu est, plus généralement, les relations avec l'administration. Il conviendrait donc, à nos yeux, d'étendre la logique de cet article à l'ensemble des procédures administratives, pour remédier, par exemple, aux problèmes que pose la fracture numérique et à la lourdeur administrative dont se plaignent les créateurs d'entreprises et les administrés en général. Je tenais néanmoins à souligner ce que cet article a de positif.
Les amendements nos 1736, 1742, 1744 et 1984 de M. le rapporteur général sont rédactionnels.
Les amendements nos 1736, 1742, 1744 et 1984, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 869.
Il vise à remédier à des situations d'injustice fiscale et sociale qui touchent les travailleurs indépendants, particulièrement – mais pas seulement – dans les outre-mer, en les protégeant des conséquences dommageables des retards ou du non-respect des délais légaux de règlement qu'ils subissent de la part de leurs clients, notamment les collectivités territoriales.
Aux termes du PLFSS pour 2020, les cotisations et contributions sociales doivent être versées par voie dématérialisée dans les conditions et délais impartis par les URSSAF. Cette disposition ne tient pas compte de la situation financière des travailleurs indépendants, qui composent 90 % du tissu économique des outre-mer.
J'entends bien, monsieur Nilor, les difficultés que vous invoquez s'agissant de la dématérialisation dans les territoires ultramarins, mais il me semble que les capacités de paiement de l'entreprise sont un autre sujet.
Si un problème ponctuel de trésorerie se pose, il est possible de demander à l'URSSAF un rééchelonnement du paiement. Il est également possible de se tourner vers le médiateur de l'URSSAF, créé par la loi pour un État au service d'une société de confiance, dite loi ESSOC. En revanche, la levée de l'obligation de dématérialisation serait sans effet sur les difficultés de trésorerie : que l'on paie sur internet ou sous format papier, cela revient en l'occurrence au même. Or la dématérialisation est essentielle à la simplification et à l'harmonisation.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable à cet amendement comme au suivant.
Je tiens à réagir à l'intervention du rapporteur général, qui a pris la peine de m'apporter une réponse.
La dématérialisation pénalise les travailleurs indépendants dans la mesure où elle les oblige à déclarer des revenus qui ne correspondent pas à leurs revenus réels, car ils n'ont pas encore encaissé certaines sommes. C'est ubuesque, et cela ne fait que nuire davantage à des personnes déjà économiquement vulnérables. Ainsi, notamment dans les outre-mer, la dématérialisation imposée aboutit à l'injustice fiscale et sociale que j'ai dénoncée. Je ne parle même pas de la fracture numérique qui affecte nos territoires. Or, je le répète, les travailleurs indépendants sont des acteurs majeurs du tissu économique de nos pays.
L'amendement no 869 n'est pas adopté.
La parole est de nouveau à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l'amendement no 870.
Les très petites entreprises vivent une situation dramatique, notamment du fait des retards de paiement, devenus une arme de destruction massive des petits entrepreneurs dans un contexte de vulnérabilité économique exacerbée. Un nombre significatif de ces entités subissent de plein fouet les graves conséquences de retards de paiement insupportables. Les moins chanceux sont contraints à la radiation et à la liquidation sans avoir pu recouvrer leurs créances. Les délais de paiement pratiqués par les collectivités territoriales, qui tendent à s'allonger, vont bien au-delà de douze mois dans de nombreux cas. Au bout du compte, le décalage entraîne une injustice sociale dont l'issue est souvent tragique pour les travailleurs, réduits à payer un impôt que l'on peut considérer, en l'espèce, comme indu.
Je veux rassurer M. Nilor.
D'une part, grâce au lancement de Chorus, la nouvelle plateforme de dématérialisation des factures pour les collectivités locales, on a constaté, dès cette année, une amélioration des délais de paiement par les collectivités des factures des TPE et PME avec lesquelles elles travaillent.
D'autre part, une disposition relevant des articles non rattachés du projet de loi de finances pour 2020 permettra la création, en 2023, d'une plateforme de dématérialisation de la facturation d'entreprise à entreprise. Nous savons que cela va faire diminuer les délais de paiement, alors que le retard, qui est encore, malheureusement, de dix jours, a déjà eu tendance à se résorber au cours des dernières années.
Vous voyez que nous faisons en sorte de réduire les délais de paiement, y compris pour les entreprises ultramarines.
Dans les outre-mer, la situation est particulièrement difficile : on parle de délais de paiement allant de quatre-vingt-dix à plus de cent jours !
Je profite de l'occasion pour vous soumettre une idée qui relève du bon sens. La fonction de médiateur de l'URSSAF évoquée par le rapporteur général ne concerne pas les outre-mer : il n'existe pas semblable médiateur dans nos territoires. Vous engagez-vous donc à l'y créer ? Si vous le faites, je considérerai cela comme une véritable avancée ; sinon, je suis désolé de vous le dire, mais vos réponses, peut-être pertinentes s'agissant de l'hexagone, ne correspondent pas aux difficultés que rencontrent dans nos territoires les très petites entreprises et les indépendants, particulièrement vulnérables.
Les questions soulevées par les deux amendements de M. Nilor touchent tout de même à un tissu économique très fragile, celui des petites entreprises en outre-mer, et je ne veux pas voter avant d'avoir entendu une réponse du Gouvernement.
Que fait-on pour lutter contre les retards de paiement ? Je veux bien entendre que les délais de paiement vont être réduits, mais ce sera sans commune mesure avec ce que l'on connaît en métropole. La demande de M. Nilor est très légitime : notre collègue veut savoir si le Gouvernement considère le problème comme déjà résolu ou s'il est prêt à s'engager devant la représentation nationale, avant le vote, à ce que M. Nilor puisse rentrer chez lui et dire : « Il y aura une médiation du crédit pour régler les problèmes de délais de paiement auxquels sont confrontées les petites entreprises. »
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LR.
Il ne faut pas mélanger toutes les médiations. En l'espèce, s'agissant de la demande de M. Nilor, je n'ai pas immédiatement la réponse sur le plan technique, mais il me semblerait assez normal qu'un dispositif de médiation puisse prendre en charge les entreprises d'outre-mer concernées. Et je m'engage devant vous à ce que l'on travaille sur le sujet afin qu'elles soient traitées de la même façon que les autres.
L'amendement no 870 n'est pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1828.
Cet amendement vise à prolonger l'expérimentation de l'autoliquidation – ne voyez rien de cruel dans ce terme –
Sourires
créée par l'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 dans les régions Île-de-France et Languedoc-Roussillon. Il s'agit de permettre aux indépendants d'acquitter cotisations et contributions sociales provisionnelles sur une base mensuelle ou trimestrielle établie à partir des informations communiquées aux URSSAF en fonction de leur activité ou de leurs revenus mensuels ou trimestriels.
L'amendement no 1828, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 11, amendé, est adopté.
La majorité des personnes dépendantes souhaitent rester à leur domicile. De ce fait, il est tout à fait judicieux d'expérimenter, notamment pour les plus vulnérables d'entre elles qui recourent à des services d'aide à domicile, des dispositifs permettant de ne plus avoir de décalage entre le moment où la dépense est réalisée et celui où les aides sont perçues. Il est toutefois nécessaire d'envisager les effets induits négatifs de telles mesures car certains services d'aide à domicile facturent des prix supérieurs à la participation financière légale prévue pour l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et la prestation de compensation du handicap, la PCH. Il convient donc de mesurer l'effet de cette expérimentation sur le prix des services.
L'expérimentation prévoit également une contemporanéité de l'APA et de la PCH organisée par les centres de remboursement du chèque emploi service universel, dits « centres CESU ». Or les conseils départementaux peuvent d'ores et déjà verser directement, par un mécanisme de tiers payant, les prises en charge aux services d'aide à domicile, limitant ainsi l'avance de trésorerie de la part des bénéficiaires. Il convient donc de vérifier que l'expérimentation, en introduisant un nouvel acteur, ne générera ni surcoût pour les personnes ou les services prestataires, ni complexité supplémentaire. Il est important de signaler qu'à ce jour, le recours au CESU implique le paiement par les services d'aide à domicile de frais de gestion parfois importants, pouvant aller jusqu'à 2,65 % du montant du CESU déposé.
Toutefois, le PLFSS pour 2020 confirme l'inquiétude des services d'aide à domicile : alors que l'examen du projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie est repoussé à 2020, ce PLFSS n'inscrit que 50 millions d'euros de crédits pour les services d'aide à domicile, ce qui était déjà prévu dans votre feuille de route du printemps 2018, madame la ministre. Le texte ne comporte donc aucune nouvelle mesure de financement à même d'amorcer la future loi. Si le maintien à domicile est dans toutes les déclarations, dans tous les plans de santé publique, les services d'aide à domicile deviennent invisibles dès qu'il est question de financements dédiés. Aujourd'hui, ils refusent des prises en charge par manque d'effectifs salariés, …
… pénurie due à un manque de reconnaissance de ces métiers et à des rémunérations insuffisantes.
Ces métiers sont difficiles, au vu des publics à accompagner et des kilomètres à parcourir, notamment dans les territoires ruraux.
L'article 12 relatif à la contemporanéité du crédit d'impôt, évalué à 900 millions d'euros à la charge de l'État, ne peut en aucun cas être considéré comme une solution aux problèmes de tarification des services d'aide à domicile et d'attractivité des rémunérations dans le secteur.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je souhaiterais que Mme la ministre nous apporte quelques précisions sur cet article et prenne plusieurs engagements. Dans l'absolu, la simplification peut être intéressante ; il est vrai que la délivrance des nombreuses aides dont nous parlons est un véritable casse-tête, à tel point que beaucoup d'aides ne sont pas demandées car les bénéficiaires potentiels ne sont pas informés de leur existence ou les procédures sont trop complexes. Cependant, il arrive bien souvent, en particulier depuis le début de cette législature, qu'une simplification entraîne une baisse des prestations.
Je voudrais donc recevoir la garantie qu'il n'y aura pas, sous couvert de simplification, de baisses de prestations.
L'amendement no 1792 de M. le rapporteur général est un amendement de coordination.
L'amendement no 1792, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 1711.
Le dispositif introduit par cet article ne va certainement pas réduire les prestations. Il est même plébiscité par les personnes qui pourront en bénéficier. Il s'agit de… Je vais essayer de bien prononcer ce mot : la « contemporanéisation » des déclarations.
Applaudissements.
Sourires.
L'amendement no 1711 vise à étendre le champ de l'expérimentation. Je note d'ailleurs que l'amendement no 149, déposé par Mme Firmin Le Bodo et cosigné par de nombreux membres du groupe UDI, Agir et indépendants, ainsi que l'amendement no 206, déposé par M. Lurton et cosigné par de nombreux membres du groupe Les Républicains, vont dans le même sens puisqu'ils proposent que l'ensemble des prestataires soient concernés par le dispositif. Mais mon amendement va encore plus loin : c'est pourquoi j'invite nos collègues à s'y rallier par avance.
L'amendement no 1711, accepté par le Gouvernement, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 709, 149 et 206 tombent.
Les amendements nos 1725 et 1803 de M. le rapporteur général sont des amendements de coordination.
Les amendements nos 1725 et 1803, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 710.
Cet amendement d'appel a pour objectif de faire préciser les conditions d'accès au dispositif pour les utilisateurs de services recourant à des prestataires. Nous souhaitons que l'ensemble des utilisateurs de services à domicile en situation de perte d'autonomie ou de handicap puissent en bénéficier. Cette précision serait la bienvenue.
L'amendement no 710, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Les amendements nos 1730, 1737, 1733, 1741, 1782, 1784 et 1786 de M. le rapporteur général sont rédactionnels ou de coordination.
Les amendements nos 1730, 1737, 1733, 1741, 1782, 1784 et 1786, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 1, 157, 690 et 925.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l'amendement no 1.
L'expérimentation de ce type de dispositif est tout à fait louable. Toutefois, il conviendra d'en mesurer l'effet sur le prix des services d'aide à la personne et, en conséquence, sur le reste à charge pour les bénéficiaires.
En complément de ce qu'a dit Mme Corneloup, je souligne qu'il est très important de vérifier que l'expérimentation, en introduisant un nouvel acteur, ne génère ni surcoûts pour les personnes ou les services prestataires, ni complexité supplémentaire. C'est un souci que nous partageons tous.
Les amendements nos 690 de M. Gilles Lurton et 925 de Mme Véronique Louwagie sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
La commission a repoussé ces amendements, qui demandent au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les conditions de l'expérimentation de la contemporanéité des déclarations et des prestations. Cependant, compte tenu des discussions que nous avons eues ce matin et de la forte mobilisation des députés siégeant sur l'ensemble des bancs en faveur d'un rapport, j'émets, à titre personnel, un avis favorable.
S'agissant d'une expérimentation que le ministère compte généraliser, nous aurions de toute évidence fait un rapport. Sagesse.
Je suis tout à fait favorable à ces amendements, mais je pense que l'expérimentation serait d'autant meilleure qu'elle inclurait un ou deux départements très différents du Nord et de Paris.
Il manque au moins un département rural pour voir ce que cela donne. Serait-il possible d'étendre le champ de l'expérimentation afin de mieux prendre en compte la diversité de notre pays ?
Selon les spécialistes de ce secteur, la contemporanéité du crédit d'impôt entraînerait une croissance de 20 % à 30 % du nombre de bénéficiaires – même si cette augmentation pourrait aussi s'expliquer, sans doute, par la croissance du secteur et la régularisation du travail au noir. Quoi qu'il en soit, cela poserait un problème de pénurie de personnels. Il faudrait donc accompagner la généralisation de l'expérimentation par des actions très actives en faveur de la formation et du recrutement des personnels, thème récurrent dans le domaine de l'aide à la personne.
Le rapport est donc indispensable. J'y suis favorable, et je trouve même que sa portée n'est pas assez large – il doit aussi intégrer les problèmes techniques et toutes les autres questions relatives à cette expérimentation.
Je ne peux m'empêcher d'intervenir, après avoir beaucoup défendu le prélèvement à la source et, notamment, l'acompte sur ces crédits d'impôt spécifiques qui, je le rappelle, permet de percevoir dès le mois de janvier 60 % du montant du crédit d'impôt de l'année précédente – en 2020, les contribuables auront la possibilité d'y renoncer s'ils savent qu'ils n'y auront finalement pas droit.
Je salue ce premier pas vers la contemporanéisation du crédit d'impôt. La mesure concernera en priorité des publics fragiles, ce qui est très important dans la mesure où il facilitera leur recours aux services d'aide à domicile. Nous souhaitons bien évidemment que cette expérimentation soit la plus réussie possible, car elle permettra clairement d'améliorer le revenu disponible des familles. Tel est véritablement notre objectif. J'aimerais que le rapport soit élargi à cette problématique et à son impact potentiel sur le prélèvement à la source.
Je suis également favorable à cette demande de rapport et, au-delà, à l'expérimentation. Je me souviens toutefois qu'hier, en réponse à une demande de rapport formulée par M. Dharréville, on nous avait rétorqué que l'Assemblée nationale pouvait le rédiger elle-même. Nous n'en sommes pas à une contradiction près.
Dans la lignée de la proposition de M. de Courson, je suggère que, si un rapport est rédigé sur la base de cette expérimentation, cette dernière concerne directement au moins un territoire ultramarin, conformément à mes propos précédents sur les spécificités de nos pays.
Les amendements identiques nos 1, 157, 690 et 925 sont adoptés.
L'article 12, amendé, est adopté.
Je suis saisie de trois amendements, nos 565, 948 et 1085, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 948 et 1085 sont identiques.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 565.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a introduit une possibilité d'annulation partielle des exonérations consenties à une entreprise, en fonction de la gravité de la fraude commise par cette dernière. Il ne nous semble pas pertinent de statuer selon la gravité de la faute : s'il y a eu une fraude, il faut tout simplement pouvoir procéder à l'annulation des exonérations. Aussi notre amendement vise-t-il à modifier les alinéas 1 à 11 de l'article 13 afin qu'il ne soit pas statué en fonction de la gravité de la fraude, mais que le simple fait qu'une fraude ait été commise suffise à supprimer les exonérations.
Il s'inscrit dans le même état d'esprit que celui de M. Quatennens. Une disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, retouchée dans le présent PLFSS, permet effectivement de moduler les sanctions financières prononcées à l'encontre des employeurs qui commettent des infractions de travail dissimulé. Actuellement, les sanctions applicables en matière de travail dissimulé sont les mêmes pour tous les employeurs, indépendamment de leur taille ou de la gravité des infractions constatées. Elles se traduisent par une annulation des exonérations de cotisations sociales. Alors que le PLFSS pour 2020 prétend renfoncer la lutte contre la fraude patronale et la fraude au détachement, par le biais de son article 14, cette disposition limite la lutte contre le travail dissimulé. C'est pourquoi nous y sommes opposés.
Il va dans le même sens que les deux précédents. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a permis de moduler les annulations de réductions de cotisations de sécurité sociale en fonction de la gravité de l'infraction commise, quel que soit le nombre de salariés dans l'entreprise concernée par le travail dissimulé. Or, aujourd'hui, les sanctions applicables en matière de travail dissimulé doivent être les mêmes pour tous les employeurs, quelle que soit la taille de l'entreprise ou la gravité des infractions constatées. Toute différence de traitement nous paraît choquante. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer la disposition modulant les sanctions des entreprises pour cause de travail dissimulé. Pour un même manquement à la loi, une entreprise ne bénéficiant d'aucune exonération doit recevoir la même sanction qu'une entreprise qui en bénéficie. Par cet amendement, nous souhaitons rappeler que ce sont les sanctions qui dissuadent les entreprises d'avoir recours au travail dissimulé.
Nous avons eu ce débat l'année dernière. Vous souhaitez supprimer la possibilité de moduler les exonérations de cotisations pour les entreprises en cas de travail dissimulé. Tous les inspecteurs de l'URSSAF vous le diront, l'application stricte et non modulée des suppressions d'exonérations revient à tirer sur des moineaux avec un canon. Ces sanctions n'étaient pas applicables, et donc pas appliquées. Certaines n'étaient même pas prononcées, tant elles étaient disproportionnées.
Nous avons adopté, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le principe de modulation, qui est maintenant applicable. Il n'est nullement besoin de revenir en arrière. J'émets donc un avis défavorable.
Ces amendements visent effectivement à rectifier une mesure votée l'année dernière. Nous ne contestons pas le caractère frauduleux de certaines pratiques. Nous nous efforçons simplement d'être pragmatiques : il arrive que de très grandes entreprises se rendent coupables d'un cas de fraude avéré et se voient supprimer, pour ce seul cas, toutes leurs exonérations de cotisations sociales dont elles bénéficient, ce qui représente plusieurs millions, voire plusieurs dizaines de millions d'euros.
Sans possibilité de modulation, les sanctions risquent de ne pas être prononcées : dans le cas d'une fraude dans la filiale d'une entreprise employant plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines ou centaines de milliers de salariés, une sanction de plusieurs dizaines de millions d'euros semble en effet quelque peu disproportionnée. Or la sanction doit être proportionnelle à la faute.
Le décret du 11 octobre 2019 relatif à la prise en compte du droit à l'erreur par les URSSAF, qui précise les limites encadrant l'application de la mesure, confirme que seuls les cas dans lesquels la fraude est proportionnellement très limitée ouvrent droit à modulation. Nous ne sommes donc pas en train de créer un barème : l'objectif consiste à faire en sorte que l'éventuelle disproportion entre la gravité de la faute – un ou deux cas – et celle de l'amende – plusieurs millions ou dizaines de millions d'euros – soit prise en compte. Avis défavorable.
On voit bien s'exprimer, au travers de cette réponse, une logique de deux poids, deux mesures, selon qui va être sanctionné. J'en veux pour preuve – même si ces exemples concernent d'autres domaines – le fait que la réforme du code du travail votée il y a deux ans a instauré un barème des dommages et intérêts pouvant être versés sur décision des prud'hommes. De la même manière, nous avons constaté plus récemment que des sanctions très dures pouvaient s'appliquer contre des chômeurs et que certains d'entre eux pouvaient, en un claquement de doigts, disparaître des statistiques du chômage et ne plus être indemnisés s'ils refusaient telle ou telle offre d'emploi.
Bref, vous avez toujours la main dure avec les mêmes, mais quand il s'agit de sanctionner la fraude patronale, bizarrement, il devient possible de discuter, de s'arranger, de moduler. Je ne suis pas d'accord : si vous voulez être durs avec les uns, il faut l'être avec tous et faire respecter les règles strictement, quel que soit leur domaine d'application.
Nous avons effectivement eu ce débat l'année dernière, mais j'estime que nous ne sommes pas allés au bout de notre réflexion. Vous invoquez le droit à l'erreur d'une entreprise qui n'aurait pas eu clairement conscience qu'elle recourrait à du travail dissimulé. La question, pourtant, ne se pose pas en ces termes : elle doit s'appréhender en lien avec le rapport de la Cour des comptes sur la lutte contre la fraude aux cotisations sociales, qui estime que le Gouvernement ne va pas assez loin et ne prend pas les mesures nécessaires pour lutter contre cette fraude.
Moduler les sanctions revient à banaliser la fraude, à inciter les entreprises ayant de l'argent à recourir au travail dissimulé puisqu'elles pourront en assumer le coût. C'est là tout le problème : il faut absolument prendre des mesures contre la fraude aux cotisations sociales. À ce sujet d'ailleurs, je l'ai déjà dit, j'ai cru lire que certains ministères ne payaient pas leurs cotisations sociales.
Monsieur le secrétaire d'État, votre argumentation me laisse perplexe : j'ai l'impression que vous établissez une hiérarchie entre les bons et les mauvais tricheurs. Nous ne parlons pas d'erreurs techniques, mais de fraude. Le caractère laxiste de votre attitude vis-à-vis des fraudeurs a de quoi inquiéter, d'autant que vous avez évoqué le cas d'une grosse entreprise qui n'aurait qu'un travailleur dissimulé. Cela signifie, en quelque sorte, qu'une petite entreprise employant un travailleur dissimulé serait plus coupable et répréhensible qu'une grande entreprise comptant peu de travailleurs dissimulés. Le principe que vous défendez est bien celui-là.
Je crois au contraire qu'il faut être plus inflexible encore avec ceux qui bénéficient de batteries d'avocats et de conseils juridiques qui devraient les dissuader de recourir à ce type de pratiques. Nous devrions nous montrer plus rigoureux avec ceux qui ont les moyens d'anticiper ces problèmes qu'avec ceux qui se trouvent en difficulté.
Je souligne à nouveau votre contradiction : comment peut-on être aussi dur avec des allocataires du RSA ou des petits fraudeurs à la sécurité sociale, contre lesquels on prononce la radiation ou auxquels on impose des remboursements systématiques, et tenir, en 2019, un tel discours à propos des grosses entreprises ? Votre argumentaire m'a convaincu qu'il y a anguille sous roche.
Je souhaite corriger quelques affirmations erronées.
D'abord, monsieur Bruneel, on ne parle de droit à l'erreur, mais de proportionnalité des sanctions pour des fautes avérées. Il s'agit de deux choses bien différentes.
En matière de lutte contre la fraude, les chiffres annoncés pour les neuf premiers mois de l'année 2019 – avec un recouvrement qui n'a jamais été aussi important, puisqu'il a atteint près de 6 milliards d'euros – me semblent donner crédit à l'action du Gouvernement pour lutter contre la fraude et à sa volonté de poursuivre les fraudeurs.
Enfin, monsieur Nilor, vous faites entre les petites et les grandes entreprises un parallèle qui n'a pas lieu d'être, ne serait-ce que parce que le taux de redressement est plus favorable aux petites qu'aux grandes. Il ne s'agit absolument pas de favoriser les grandes contre les petites.
Ces précisions méritaient d'être apportées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 565 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 948 et 1085 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 1045 et 1831 tombent.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Mes chers collègues, chacun doit s'exprimer. Si vous ne levez pas la main, vos voix ne peuvent pas être comptabilisées. Les amendements identiques nos 948 et 1085 sont donc bien adoptés.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
L'amendement no 1837 de M. le rapporteur général est un amendement de coordination.
L'amendement no 1837, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 13, amendé, est adopté.
L'emploi est un enjeu réel, tout comme l'égalité face à l'emploi et le coût salarial équitable. La lutte contre la fraude au détachement est un combat essentiel et une voie majeure de recouvrement des cotisations sociales. C'est aussi une bataille d'équité fiscale et sociale que nous devons mener pour l'ensemble des entreprises cotisantes qui respectent la loi. Tel n'est pas le cas de certaines entreprises étrangères, exerçant en France temporairement, qui choisissent d'appliquer à leurs salariés le système de sécurité sociale de leur pays d'origine. Les redressements opérés dans le cadre de la fraude au détachement ont fortement progressé en 2018 : ils s'élevaient alors à 130 millions d'euros.
Nous approuvons plusieurs propositions présentées dans cet article, tel que l'élargissement des compétences des agents de contrôle des organismes de sécurité sociale pour procéder aux constats de situations frauduleuses. Le Gouvernement doit cependant aller plus loin dans la lutte contre les fraudes aux cotisations sociales et traiter le problème sur le fond et à la source. C'est, en fait, la politique globale du travail détaché en Europe qui doit être traitée, car c'est elle qui favorise la concurrence déloyale au détriment des entreprises françaises. Cet article est parti d'une bonne intention, mais il ne traite pas le problème sur le fond ni à la source.
L'article 14 aligne les sanctions prévues par le code rural et par le code de la sécurité sociale en matière de fraude au détachement. Néanmoins, il est affligeant de voir son peu de portée, alors que les enjeux sont énormes et qu'il faudrait purement et simplement mettre fin au travail détaché.
Notre groupe a présenté, en début d'année, une proposition de loi visant à interdire le travail détaché en France, mais vous l'avez balayée. Pourtant, vous le savez, les différences de protection sociale en Europe créent une compétition particulièrement malsaine. Les travailleurs détachés sont les premières victimes de cette harmonisation vers le bas des conditions de travail. Ils sont arrachés à leur pays pour pouvoir vivre et faire vivre leur famille, tandis que, de leur côté, les salariés français subissent une concurrence déloyale qui les maintient dans la précarité. La directive sur les travailleurs détachés, dont vous vous félicitiez en début de mandat, n'a rien changé ; les routiers, par exemple, en ont été complètement écartés, alors que le transport routier est l'un des principaux secteurs concernés. Les enjeux sont de taille quand on sait que, depuis 2008, le nombre de travailleurs détachés a quintuplé.
Nous voterons pour cet article, mais nous déplorons qu'il ne résolve en rien le problème et ne fasse qu'appliquer une législation passoire déjà existante et tout à fait insuffisante.
L'article 14 est adopté.
L'amendement no 174 de M. Éric Pauget, portant article additionnel après l'article 14, est défendu.
L'amendement no 174, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir l'amendement no 1678.
Je ferai écho à ma collègue Caroline Fiat, qui a expliqué à quel point le travail détaché était une aberration. De fait, on a vu à plusieurs reprises se mettre en place des systèmes de triangulation, notamment sur certains chantiers français comme celui du terminal méthanier de Dunkerque, où des salariés des pays de l'Est étaient détachés depuis l'Italie, où ils n'avaient jamais mis les pieds et dont ils ne parlaient pas la langue, et se sont rendu compte, à l'occasion d'accidents de travail, qu'ils n'avaient pas du tout cotisé dans leur pays d'origine, mais en Italie. Selon les inspecteurs du travail, ces fraudes sont régulières.
Cet amendement tend donc à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui devrait selon toute évidence le conduire à proposer l'interdiction du travail détaché – c'est en tout cas ce que nous souhaitons. Nous voulons que la représentation nationale soit éclairée sur les conséquences de l'application de la directive sur le travail détaché – une directive que, vous l'aurez compris, nous aimerions voir abroger.
L'amendement no 1678, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 15 introduit une clause de sauvegarde pour les dispositifs médicaux pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation, comparable à celle qui prévaut pour les médicaments. Si la dépense remboursée progresse plus vite que la cible, fixée à 3 % de la dépense remboursée, les fabricants reverseraient le surplus de dépenses à l'assurance maladie. En d'autres termes, cet article prévoit un mécanisme de régulation du secteur des dispositifs médicaux innovants, notamment en matière de cardiologie et d'orthopédie. C'est, selon nous, une bonne chose, car la dépense remboursée sur les dispositifs médicaux est assez dynamique ces dernières années, notamment en raison du virage ambulatoire. La liste en sus à l'hôpital représente 2 milliards d'euros de remboursements en 2017.
Dans le cadre de la mission d'information que j'ai conduite, avec mon collègue Julien Borowczyk, sur les dispositifs médicaux, nous avons pu constater que la liste en sus n'était pas toujours actualisée, ce qui conduit à prendre en charge, à des tarifs élevés et parfois pendant plus de sept ans, des dispositifs qui ne sont plus innovants.
Il y a donc un besoin de régulation et d'intervention de la puissance publique dans le secteur des dispositifs médicaux. C'est pourquoi notre groupe est globalement favorable à cet article. Peut-être des ajustements seront-ils nécessaires ; nous défendrons à cet effet, dans la suite de la discussion, des amendements visant à prévoir une réactualisation annuelle des listes de prise en charge au titre de ces dispositifs.
Madame la ministre, vous avez parfois une drôle de conception de la négociation conventionnelle. L'exposé des motifs de votre article indique en effet que « ce mécanisme n'a pas vocation à se déclencher, mais à favoriser la négociation conventionnelle entre le comité économique des produits de santé – CEPS – et les entreprises ». Autrement dit, vous voulez bien discuter et négocier, mais avec un pistolet sur la tempe des entreprises du dispositif médical, …
… en leur disant que c'est à prendre ou à laisser et qu'elles devront de toute façon passer sous vos fourches caudines. C'est une curieuse façon d'envisager la discussion et la négociation conventionnelle.
De surcroît, vous niez la réalité des entreprises du secteur des dispositifs médicaux. À la différence de l'industrie pharmaceutique, ce secteur n'est pas constitué de gros groupes, mais parfois de start-ups, de TPE ou de PME qui irriguent l'ensemble des territoires et pour qui cette clause de sauvegarde, imposée dans les conditions que je viens de décrire, est un très mauvais signal.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 711, 249, 456 et 581.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 711.
La commission des affaires sociales a fait le choix de proposer la suppression de la clause de sauvegarde sur le dispositif médical. Cette clause s'imposerait dans le cas des dispositifs médicaux onéreux sur liste en sus hospitalière, lesquels sont, dans 90 % des cas, des dispositifs de nature orthopédique, cardio-vasculaire ou neuro-vasculaire, compte tenu d'une dynamique assez forte liée à une évolution des volumes, étant donné que les pratiques médicales changent. Ainsi, la thrombectomie est une révolution dans la prise en charge des infarctus cérébraux : aujourd'hui, grâce à ce procédé, certains patients victimes d'un accident vasculaire cérébral – AVC – repartent quelques heures plus tard sans handicap.
Toutefois, l'évolution de ces dispositifs en prix et en volume ne peut être prise à la légère dans le cadre des programmes de maîtrise médicalisée. Ainsi, ce n'est pas la première fois qu'il nous est proposé d'adopter un dispositif de clause de sauvegarde dans le domaine du dispositif médical, domaine technologique qui ne répond pas nécessairement aux mêmes exigences que celui du médicament. Il est vrai qu'il est prévu que cette clause se déclenche au-delà de 3 % d'évolution du chiffre d'affaires sur une année, chiffre supérieur à celui qui est constaté pour l'année qui vient de s'écouler.
Après des débats et à l'initiative de notre collègue Paul Christophe, la commission a décidé de supprimer cette clause, en précisant qu'un dialogue devrait être engagé avec la ministre en séance.
Je sais que cet article a été beaucoup discuté en commission des affaires sociales.
Je voudrais donc apporter quelques éclaircissements qui devraient répondre à vos inquiétudes légitimes, qui portent notamment sur la préservation du tissu industriel français de start-ups – j'ai bien entendu la réflexion de M. Grelier. Je prendrai donc quelques minutes pour vous présenter la philosophie de cette clause de sauvegarde des dispositifs médicaux.
Voilà tout juste un an, à l'automne 2018, nous devions faire face au scandale des « implant files », qui avait fait la une du Monde et de certains autres journaux. Des défaillances dans l'accès au marché des dispositifs médicaux ont été dénoncées ; le manque de contrôle et de traçabilité des dispositifs médicaux a été questionné. Globalement, nous avons tous admis qu'il convenait de mieux réguler ce secteur, tant sur le plan de la sécurité sanitaire que sur le plan économique. De fait, le secteur des dispositifs médicaux connaît une très forte croissance, assez peu régulée, qui pèse sur les dépenses de l'hôpital. En effet, ce secteur croît en moyenne de plus de 5 % par an. Parmi les dispositifs médicaux, ceux qui sont utilisés à l'hôpital contribuent incontestablement à cette dynamique, avec une croissance de plus de 4 % entre 2012 et 2018, laquelle fait peser mécaniquement la régulation sur d'autres champs de dépenses de l'hôpital, dans un contexte que chacun connaît.
Certains nous expliqueront qu'il est normal que les dépenses associées aux dispositifs médicaux augmentent, puisque le nombre de patients traités augmente aussi. Or ce n'est pas vrai : le nombre de patients traités par un dispositif médical remboursé au sein de l'hôpital augmente faiblement – entre 1 % et 2 % par an.
Les facteurs les plus importants de l'augmentation des dépenses sont l'effet prix et l'effet structure.
Par ailleurs, une clause de sauvegarde n'est pas un outil de régulation aveugle : il s'agit d'une incitation à la négociation, mais ce n'est pas un revolver sur la tempe – ce n'est pas la bonne métaphore, monsieur Grelier.
En effet, ce dispositif n'a pas vocation à se déclencher : il s'agit évidemment d'un dispositif de dernier ressort, applicable lorsque les négociations et les actions de maîtrise médicalisée n'ont pas permis de limiter suffisamment les dépenses. L'objectif est donc de faire pleinement jouer l'effet incitatif à la négociation conventionnelle sur les prix.
La clause de sauvegarde doit également permettre d'inciter à la maîtrise médicalisée, c'est-à-dire à l'utilisation pertinente des dispositifs pour la bonne indication, de façon à limiter les volumes, favorisant ainsi le bon usage du dispositif médical au niveau hospitalier.
J'en viens au taux de déclenchement et au périmètre de la clause, qui feront l'objet de plusieurs amendements à venir.
Le taux, fixé à 3 %, est identique à celui qui existait pour les médicaments les plus innovants au niveau hospitalier lorsqu'une clause de sauvegarde spécifique porte sur ce champ de dépenses. Ce taux correspond également à l'engagement de progression annuelle des dépenses relatives aux médicaments innovants, pris dans le cadre du comité stratégique des industries de santé.
Quant à son périmètre, cette clause est limitée au secteur hospitalier, ce qui minimise ses impacts sur le secteur des dispositifs médicaux. En effet, ce secteur est particulièrement homogène : plus de 90 % des dépenses de dispositifs médicaux à l'hôpital concernent des dispositifs orthopédiques ou cardio-vasculaires. En outre, le nombre d'acteurs portant la dépense est restreint : 80 % des dépenses de dispositifs médicaux à l'hôpital, en orthopédie et cardio-vasculaire, sont portées par moins de vingt entreprises, qui ne sont pas des start-ups, mais de grandes entreprises.
Enfin, et c'est le plus important, la clause de sauvegarde s'envisage dans un paysage global du dispositif médical caractérisé par un équilibre des mesures au sein de ce PLFSS. Celui-ci comporte en effet des mesures très positives pour les dispositifs médicaux. La clause de sauvegarde participe d'un équilibre qui serait remis en cause si elle n'était pas votée.
En effet, nous avons prévu une taxe sur les premières ventes de dispositifs médicaux, qui sera abrogée à partir de 2021, ce qui se traduira pour le secteur par un gain économique de 40 à 45 millions d'euros. Nous proposons d'aligner à 5,5 % le taux de TVA de tous les dispositifs médicaux hospitaliers, dont certains relèvent encore aujourd'hui du taux de 20 %. Enfin, par l'amendement gouvernemental no 1959 rectifié portant article additionnel après l'article 28, qui instaure l'équivalent de l'ATU – autorisation temporaire d'utilisation – pour les dispositifs médicaux, nous soutenons l'innovation en ouvrant largement l'accès précoce pour les dispositifs ayant un fort intérêt clinique et en définissant de nouvelles conditions tarifaires pour cet accès, comme le demande le secteur.
Il s'agit donc d'un équilibre global, que j'estime juste pour un secteur en expansion que nous devons protéger, aider, mais aussi mieux réguler.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les députés, je vous invite à adopter la mesure prévue par le Gouvernement à l'article 15.
Au cours de la discussion générale, j'ai exprimé mes doutes concernant ce dispositif car je préfère toujours la négociation à la coercition. Vous évoquez, madame la ministre, l'envolée des coûts liée, non pas à l'augmentation du nombre de patients, mais sans doute à la hausse des coûts de la technologie proposée. J'aurais aimé que nous ayons ce débat en commission et qu'il soit plus étayé. Puisque mes doutes persistent, je maintiens cet amendement.
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, pour soutenir l'amendement no 456.
Mon amendement est formulé dans les mêmes termes que celui de M. Christophe.
Comme je l'ai dit en commission, madame la ministre, je n'ai pas porté la blouse blanche mais j'ai longtemps porté la robe noire. Mon école a été celle de l'article 1102 du code civil, qui dispose, depuis 1804, que chacun est libre de contractualiser ou de ne pas contractualiser et de choisir son cocontractant. Manifestement, la disposition que vous nous proposez ne sait pas s'en inspirer.
Enfin, vous avez dit que 45 millions d'euros seraient redonnés au secteur du dispositif médical ; or votre ONDAM prévoit une économie supplémentaire de 250 millions d'euros dans ce domaine cette année.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l'amendement no 581.
L'article 15 instaure une clause de sauvegarde pour les dispositifs médicaux. Je vous remercie, madame la ministre, pour les explications que vous avez données, mais celles-ci sont loin de me convaincre ou de me rassurer. Cette mesure apparaît inadaptée ou contre-productive car elle limitera l'innovation et aura un impact sur les acteurs industriels.
L'application de cette clause aux dispositifs médicaux semble inappropriée car la dynamique des dépenses dans ce domaine est totalement différente de celle qu'on observe dans le secteur du médicament. Je rappelle que cette clause avait été créée afin d'éviter une surconsommation ou un mésusage, des risques inexistants dans le cas d'un stent ou d'une valve. Si cette clause apparaît inadaptée, c'est aussi parce que les dispositifs médicaux reposent sur des cycles d'innovation spécifiques et parce que ce secteur, particulièrement fragmenté, est composé majoritairement de PME, comme l'a rappelé mon collègue Jean-Carles Grelier.
Elle risque également de limiter l'innovation, ce qui serait contraire aux engagements pris par le Premier ministre et Bercy devant le Conseil stratégique des industries de santé, et d'avoir in fine des effets négatifs sur certains secteurs industriels, notamment la filière du décolletage, dont la Haute-Savoie est le leader mondial. Vous le savez, dans notre département, à la suite d'un processus de diversification, cette filière intervient notamment dans le secteur du médicament. Je rappelle qu'en France, elle représente 2,3 milliards de chiffre d'affaires, dont 5,8 % concernent le secteur médical.
C'est une question importante sur laquelle nous avons raison de nous pencher et d'échanger. Le secteur des dispositifs médicaux connaît une forte croissance, ce qui ouvre la voie à des innovations techniques et technologiques permettant de mieux soigner et de mieux guérir. D'importants progrès sont à l'oeuvre grâce aux dispositifs médicaux. Le développement de ce secteur constitue donc une chance.
Pour autant, celui-ci appelle peut-être une réflexion et une intervention de la puissance publique sous différentes formes. Une proposition de régulation a été faite car, si les acteurs de taille modeste sont nombreux dans ce secteur, les grosses sociétés, souvent en contact avec les hôpitaux, n'en sont pas absentes. Ce secteur génère donc des profits qui ne sont pas toujours réinvestis, comme il le faudrait, dans la recherche et l'innovation.
Il serait bon de prendre des mesures raisonnables dans ce domaine. Mme la ministre en a évoqué certaines. J'ai fait, avec Julien Borowczyk, des propositions susceptibles d'améliorer les choses, notamment en agissant comme catalyseur en matière de recherche et d'innovation. À propos d'innovation, justement, l'affaire des « implant files » m'incite à penser qu'il est nécessaire de prendre des mesures de régulation concernant la matériovigilance. Légiférons !
Nous évoquons ici une question importante. Vous allez réduire de 200 millions d'euros les dépenses du secteur du dispositif médical. N'oublions pas que nous aurons de plus en plus besoin de ce matériel, en raison du développement de l'hospitalisation à domicile, qu'il s'agisse des assistances respiratoires, des assistances liées à l'insuffisance rénale ou des dispositifs s'appliquant aux maladies dites neurodégénératives.
Si nous commençons à freiner la croissance de ce secteur, nous nous exposons à de grosses difficultés, d'autant que le passage de la médecine hospitalière à la médecine de ville créera peut-être davantage de besoins. Il faut donc se montrer très prudent. Or cette clause de sauvegarde risque de freiner et de gêner considérablement les petites entreprises et start-ups qui développent ce matériel. Moi qui connais par coeur les dispositifs médicaux s'appliquant à la cardiologie, j'ai pu comparer les premiers pacemakers et ceux d'aujourd'hui. Leur nombre a été multiplié par cinq ou six : on en implante aujourd'hui plus de 30 000 par an en France. Nous ne devons pas freiner cette croissance car nous risquerions d'amputer l'avenir de la médecine à domicile.
Les dispositifs médicaux présentent évidemment un grand intérêt et il ne s'agit pas de freiner leur développement. Mais il serait tout de même bon d'introduire de la régulation et du contrôle, entre autres parce que la pose de ces dispositifs s'avère de plus en plus complexe, ce qui crée des problèmes de sécurité – je pense notamment aux 175 000 femmes qui ont subi les effets de l'implant Essure. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.
Le sujet est intéressant, et le débat qui s'installe aussi. On a tendance à envisager exclusivement les dispositifs médicaux comme une dépense, mais celle-ci doit être appréciée au regard du bien-être du patient ainsi qu'à la baisse de charges induite. Je tiens beaucoup à ce qu'on raisonne en dépense nette. Notre collègue Jean-Pierre Door parlait des dispositifs médicaux destinés aux sujets cardiaques. Si, grâce à un implant, ceux-ci peuvent être hospitalisés pendant une ou deux journées seulement plutôt que d'être immobilisés pendant six mois après une opération à coeur ouvert, le gain est réel.
J'aurais beaucoup de plaisir à avoir un vrai débat avec vous sur cette question. Je regrette que cette discussion n'ait lieu qu'à travers un amendement relatif aux dispositifs médicaux. Il me semblait néanmoins important, madame la ministre, que nous puissions partager nos doutes et réflexions sur ce sujet.
Mme la ministre vient de faire des annonces importantes. J'ai hâte de lire l'amendement gouvernemental visant à améliorer la procédure ATU en l'étendant aux dispositifs médicaux. Il facilitera, je l'espère, l'accès à l'innovation – à une très belle innovation. Je prenais tout à l'heure l'exemple de la thrombectomie en cas d'AVC : il a fallu attendre trois ou quatre ans avant qu'un prix soit établi et que le recours à ce dispositif par les hôpitaux puisse leur être remboursé. Auparavant, les établissements en étaient de leur poche puisque cette somme était intégralement comprise dans le tarif du séjour hospitalier. Ces mécanismes fiscaux vont dans le bon sens car ils permettront de soutenir un secteur économique dont la balance commerciale est encore déficitaire alors même qu'il fait partie des leaders mondiaux en matière de dépôt de brevets ou de recherche translationnelle et appliquée.
Si cette clause devait être adoptée par le Parlement – je ne connais évidemment pas l'issue du vote – et mise en oeuvre l'année prochaine, sachant que le taux de déclenchement est supérieur au taux d'évolution du marché pour l'année écoulée, j'aimerais connaître la raison de son application. Y a-t-il eu un glissement sur les prix ou les volumes ? J'entends l'argument donné par Mme la ministre, selon lequel l'augmentation des volumes est inférieure à l'évolution des prix au cours de l'année écoulée. Quoi qu'il en soit, il faut distinguer l'action exercée sur les prix de celle exercée sur les volumes. Le Parlement ferait de toute façon preuve de vigilance concernant l'évolution de ce taux, car on sait qu'une fois qu'un taux est introduit, il est plus simple de le faire varier que d'introduire une clause.
Telles étaient les précisions que je souhaitais apporter au débat. Je remercie Mme la ministre pour les avancées que constituent ses annonces et les explications qu'elle nous a données.
M. le rapporteur général a déjà répondu, d'une certaine manière, à M. Door en précisant que nous parlions d'une augmentation des prix et non des volumes. En effet, la clause porte exclusivement sur les dispositifs médicaux hospitaliers, qui répondent à des indications spécifiques. Elle ne touche pas du tout les dispositifs médicaux de ville. Les cibles concernées, en cardiovasculaire et en orthopédie, sont assez retreintes.
Nous ne faisons pas une économie de 200 millions d'euros sur le secteur. Nous lui assurons une croissance de 3 % par an – elle est aujourd'hui plutôt de 5 % par an – alors que, je le rappelle, l'ONDAM, régulièrement voté par le Parlement, n'a pas atteint ce niveau depuis le début des années 2000. Le problème est donc celui de l'argent que nous affectons à un secteur excessivement dynamique, et ce potentiellement au détriment d'autres dépenses hospitalières – à moins de voter un ONDAM supérieur à 3 %, ce qui, comme vous le savez, ne fait pas partie des projets du Gouvernement.
S'agissant de la liberté contractuelle, évoquée par M. Grelier, je ne connais pas l'article du code civil évoqué – contrairement à lui, je n'ai pas porté la robe noire – mais je rappelle que, si chacun est libre de contracter dans le cadre d'un système purement marchand, nous parlons ici de l'argent de l'assurance maladie, de celui des Français, ce qui n'est pas tout à fait pareil.
Dans le prolongement de cet échange, je veux simplement indiquer un autre levier d'intervention possible et sans doute nécessaire : il s'agit du Comité économique des produits de santé, le CEPS. La Cour des comptes nous a alertés au sujet des moyens dont dispose cet organisme pour faire face à l'ensemble de ses missions – y compris en matière de dispositifs médicaux, puisqu'ils se développent beaucoup.
Permettez-moi de citer la proposition no 26 de notre rapport d'information : « adapter les moyens du CEPS à la réalité de ses missions en matière de régulation économique du secteur des dispositifs médicaux en augmentant ses moyens humains [… ], en lui permettant de constituer un système d'information robuste [… ] et en le dotant d'un service d'expertise économique affûté lui permettant de prendre en compte les rapports entre les coûts réels de production, les besoins en innovation et les marges financières dégagées ». À ces mesures nécessaires pourrait s'ajouter, dans un objectif de transparence maximale, un autre dispositif : la création d'un observatoire citoyen des dispositifs médicaux, qui pourrait comparer les services attendus et ceux qui sont effectivement rendus par ces produits de santé.
Les amendements identiques nos 711, 249, 456 et 581 ne sont pas adoptés.
Madame la ministre, j'ai bien écouté vos arguments se rapportant aux amendements précédents et je pense que vous allez donner un avis favorable à celui que je m'apprête à présenter.
S'agissant de la limitation du prix des dispositifs médicaux, l'article 15 dispose : « Le montant de la contribution due par chaque entreprise redevable ne peut excéder 10 % de son chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France. » Pourquoi une telle limitation ?
Les prix de certains médicaments, notamment commercialisés par les grosses entreprises – qui devraient être les premières visées par le contrôle – , connaissent une croissance folle. Or l'article 15 donne licence aux entreprises concernées de poursuivre des pratiques non vertueuses. En effet, dès lors qu'une entreprise vend ses produits très cher, son chiffre d'affaires augmente fortement ; dans ce cas, l'article manque son objectif puisqu'il n'offre aucun recours face à de tels abus.
Vous devriez limiter l'envolée des prix sans vous restreindre. C'est pourquoi l'amendement no 569 vise à supprimer la limite de 10 % du chiffre d'affaires au-dessus de laquelle la contribution n'est plus due par les entreprises.
Par effet miroir avec le débat que nous venons d'avoir, avis défavorable.
Madame Fiat, reprendre jusqu'à 100 % du chiffre d'affaires relève d'une clause confiscatoire.
Non, il s'agit simplement d'éviter que les entreprises n'augmentent leurs prix de manière excessive !
L'amendement no 569 n'est pas adopté.
L'amendement no 255, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra