Je suis toujours très perturbée et déchirée quand il s'agit de discuter des budgets européens. Si je crois en l'Europe – nous sommes une civilisation européenne et nous avons intérêt à nous inscrire dans ce cadre –, j'éprouve une forme de désespoir quand je vois à quel point l'Europe est incapable de faire face, y compris à l'indicible, comme en ce moment, au Kurdistan. Dans la crise actuelle, l'Union, incapable d'avoir une action, même diplomatique, n'a même pas rappelé tous ses ambassadeurs, d'un côté comme de l'autre.
Par ailleurs, nous donnons une contribution nette, alors que, sur de grands sujets, le débat n'est pas clair pour les Français. Aujourd'hui, tout ce que nous faisons en matière d'Europe, la fait détester des Européens. Pour moi, c'est une déchirure.
Je voudrais insister sur les migrations et la maîtrise des frontières, qui font partie des priorités de la Commission européenne, comme on le lit dans l'excellent rapport de notre collègue : « Le soutien aux frontières de l'Union et notamment aux pays situés sur la rive nord de la mer Méditerranée mais également l'amélioration d'un système d'asile qui n'est plus calibré pour le flux actuel est évidemment une priorité absolue. »
Néanmoins, Mme Merkel a décidé seule du sort des réfugiés, avant de nous présenter l'addition : la négociation s'est faite avec elle. Aujourd'hui, la Turquie nous menace de déverser des réfugiés sur nos frontières, que nous sommes incapables de garder. Elle reçoit pourtant 1 500 euros par réfugié, alors que ce montant est moitié moins élevé pour les autres pays qui accueillent des réfugiés. Or ces pays ne nous menacent pas en permanence.
Je note que les effectifs de Frontex devraient passer de 1 200 agents à 10 000 d'ici à 2027. Mais c'est maintenant, non en 2027, que nous avons besoin de ces postes !
Quant au Fonds asile, immigration et intégration (FAMI) et au Fonds de gestion intégrée des frontières, ils verront leurs capacités renforcées : « Le montant mis à disposition de cette rubrique augmenterait de 252 % par rapport au cadre financier précédent, pour atteindre 35 milliards d'euros. » Je reviendrai prochainement sur toutes les difficultés de ce secteur dans mon rapport pour avis sur les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.
Je souhaiterais cependant que nous réfléchissions à ce à quoi l'Europe nous sert concrètement. S'agissant de l'augmentation du budget, je livre cette phrase de Jean Jaurès à votre sagacité : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ». Aujourd'hui, je pense qu'il faut être courageux. Je ne peux pas voter le budget tel qu'il nous est présenté car il témoigne d'une incohérence totale entre nos objectifs et ce que l'on nous demande de faire au niveau européen.