Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 9h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 heures 35.

- Examen de l'avis sur le « prélèvement européen » (M. Pascal Brindeau, rapporteur pour avis) ; vote sur l'article 36 du projet de loi de finances pour 2020.

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Mes chers collègues, après avoir entendu M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le budget, il y a une quinzaine de jours, nous démarrons aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2020. La commission est saisie pour avis de neuf budgets.

Aujourd'hui, trois avis sont inscrits à notre ordre du jour. Le premier concerne le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, avec un rapport de Pascal Brindeau, lequel a succédé à Maurice Leroy, que je salue car il nous regarde peut-être de Moscou – ce n'est cependant pas l'oeil de Moscou (Sourires). Jean-Luc Mélenchon présentera une contribution sur cette même question, avant que nous examinions les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables avec le rapport de Jean-François Mbaye, puis ceux de la mission Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure, avec un rapport d'Alain David.

Le premier avis qui nous est présenté aujourd'hui porte sur un prélèvement de 21,33 milliards au profit du budget 2020 de l'Union, qui est stable par rapport à l'an dernier. Dernier budget du cadre financier pluriannuel, il est dans la continuité des précédents, même s'il sera exécuté dans un moment de ralentissement de la croissance de la zone euro et d'incertitudes liées aux tensions géopolitiques et au Brexit.

S'agissant du prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, nous avions exprimé certaines inquiétudes quant aux propositions de la Commission l'année dernière, et fait des propositions à destination des autorités françaises que je vais reprendre.

En ce qui concerne le Fonds de cohésion, notre commission avait insisté sur la nécessité de lier le versement des fonds structurels à la réalisation de progrès dans l'harmonisation fiscale et sociale. Sur la politique agricole commune, nous nous étions élevés contre la baisse des moyens que prévoit la Commission européenne.

Nous avions aussi invité à réfléchir pour avancer vers une participation financière accrue de l'ensemble des pays européens à notre défense commune, en particulier au Sahel, où la France assume la sécurité collective de l'Europe.

Nous avions particulièrement insisté sur les ressources propres, une question qui est toujours d'actualité. La commission a proposé de nouvelles ressources propres – une taxe sur les déchets plastiques, une fraction du produit des quotas des droits à polluer, une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés. Ceux qui suivent ce dossier le savent, nous sommes quelques-uns à batailler depuis plusieurs décennies sur cette question. Nous tenons notamment à l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés en Europe, pour que celui-ci serve enfin de ressource propre européenne.

D'autres propositions sont sur la table, comme la taxe sur le numérique.

Tout cela se déroule, je l'ai dit, dans un contexte de contraintes financières aggravées par la perspective du départ du contributeur net au budget commun qu'est le Royaume-Uni. Nous appelions l'année dernière à mieux anticiper cette perte.

Dans un souci de respecter les choix démocratiques, j'avais également souligné la nécessité de faire enfin coïncider les dates des cadres financiers pluriannuels avec le cycle électoral quinquennal, ce qui n'est toujours pas le cas. Il est extrêmement choquant qu'un parlement élu soit aussitôt privé de ses prérogatives financières et budgétaires.

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Notre commission est saisie pour avis de l'article 36 du projet de loi de finances pour 2020, qui évalue le prélèvement sur recettes (PSR) de l'État au profit du budget de l'Union européenne. Comme la présidente l'a rappelé, ce montant devrait être de 21,33 milliards pour l'année 2020. Bien que non encore stabilisé, puisque la procédure d'élaboration du budget de l'Union ne sera achevée qu'à la fin du mois de novembre, le PSR pour 2020 s'inscrit dans le cadre financier pluriannuel déterminé pour la période 2014-2020.

Cette inscription budgétaire intervient dans un contexte pour le moins incertain. D'une part, des éléments de conjoncture économique et le ralentissement de la croissance économique au sein de la zone euro, laquelle a fléchi à 1,2 % au second trimestre 2019, laissent craindre qu'une nouvelle crise mondiale majeure n'émerge. La faiblesse du budget européen et des ressources propres trop modestes ne permettent pas de contrecarrer les effets d'une éventuelle crise mondiale sur la croissance économique de l'Europe.

D'autre part, l'absence de certitudes sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne pèse fortement. Le Royaume-Uni est, derrière l'Allemagne, le deuxième contributeur net du budget de l'Union européenne. À la perte de recettes qui résulterait du potentiel Brexit s'ajoutent 3 milliards de droits de douane perçus par le Royaume-Uni. C'est donc un différentiel de plus de 10 milliards qu'il conviendrait d'intégrer dans le futur cadre financier pluriannuel (CFP), l'hypothèse d'un retrait sans accord venant encore complexifier la situation.

Celle-ci pose en outre la question de la participation des États tiers à des programmes européens. La France a souhaité poser comme principe que sur chacun des programmes, les retours vers un État tiers ne puissent être supérieurs aux contributions de celui-ci. Il reste malgré tout à déterminer le cadre juridique de ce principe.

Nonobstant ces remarques, le prélèvement pour 2020 apparaît stable, à hauteur de 21,33 milliards d'euros, contre une inscription initiale en 2019 de 21,443 milliards d'euros, dont il convient de retrancher 249 millions d'euros à la suite des budgets rectificatifs adoptés au sein de l'Union européenne tout au long de l'année 2019.

Si l'on se projette dans le futur cadre financier pluriannuel 2021-2027, une augmentation de la contribution française est probable. Outre les conséquences du Brexit, les futures priorités d'action définies par la Commission ne devront pas avoir pour conséquences des diminutions d'intervention dans les politiques historiques et structurantes de l'Union européenne. Je pense évidemment en particulier à la politique agricole commune. La France ne peut accepter la perspective d'une diminution de cette politique, qui est vitale pour notre continent.

Par ailleurs, la détermination du nouveau cadre financier doit, de notre point de vue, voir enfin la disparition des rabais, issus du sommet européen de Fontainebleau en 1984, et de la fameuse conception du I want my money back (« Je veux qu'on me rende mon argent »), source de tous les égoïsmes budgétaires nationaux. Depuis 2002, certains pays de l'Union européenne bénéficient des rabais sur le rabais, c'est-à-dire d'une limitation de la valeur de leur contribution supplémentaire, issue de la correction britannique.

Le nouveau cadre financier se devra également de réformer et de moderniser les ressources propres de l'Union européenne, Mme la présidente l'a dit. La Commission européenne a avancé trois propositions, qui me semblent devoir être soutenues. Il s'agit tout d'abord d'une contribution sur les déchets plastiques produits par les États, donc non recyclés ; ensuite, de l'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés, dont il a été question à l'instant ; et enfin, de la contribution ETS (pour « système d'échange d'émissions » ou emission trading scheme), un instrument commun de lutte contre le changement climatique, qui va forcément dans le bon sens.

Nous devrons également saisir cette occasion pour faire aboutir la réflexion sur la taxation des GAFA. Nous étions en effet plusieurs à penser qu'instaurer cette taxe à l'échelle nationale n'aurait que peu d'effet.

Enfin, il nous faudra insister sur une meilleure maîtrise des dépenses administratives de l'Union européenne, alors que la Commission propose une forte augmentation de ce poste, de l'ordre de 23 % dans le prochain cadre financier pluriannuel. Cette politique, qui va à l'encontre de la vocation d'intervention, plutôt que d'administration, des budgets de l'Union est également en contradiction avec les efforts de maîtrise budgétaire et, par conséquent, de baisse des dépenses publiques, demandés aux États membres.

Après ces quelques remarques et pistes d'action pour la construction du futur cadre financier pluriannuel, je vous propose de vous prononcer en faveur de l'adoption de l'article 36 du projet de loi de finances pour 2020.

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Je vous remercie, monsieur le rapporteur. Vous avez la parole, monsieur le contributeur.

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Contributeur net ! J'ai donc un nouvel attribut (Sourires.) Suave ornamenta ! Les distinctions sont douces ! Je n'avais pas compris ce titre, que je découvre, quoique je sois président de groupe. Tant mieux !

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Vous avez la possibilité de vous exprimer en tant que contributeur.

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Mon propos ne vous surprendra pas puisque j'ai déjà eu l'avantage de le présenter en séance publique.

La France paie à l'Union 9 milliards d'euros de plus que ce qu'elle en reçoit. On pourrait y voir une oeuvre de solidarité, d'amour et de fraternité – pourquoi pas. Mais cela serait valable si nous y trouvions notre compte et si les principes auxquels notre pays est attaché étaient un tant soit peu respectés.

Mme Loiseau, d'heureuse mémoire ici, la première fois que j'avais présenté mes objections à cette contribution nette de 9 milliards d'euros, avait répondu que j'avais en quelque sorte le coeur sec : « Soyons clairs : déplorer le principe d'un solde négatif net pour la contribution française est désolant, monsieur Mélenchon. Oui, la France est un contributeur net, comme tous nos grands partenaires, d'ailleurs ; oui, au fur et à mesure des élargissements, les taux de retour des États fondateurs se sont dégradés. Mais ce solde net a un sens : c'est d'abord l'expression de la solidarité européenne avec des pays en rattrapage économique. La solidarité, vous savez, ce beau mot, ce principe sur lequel repose le projet européen tout entier ! » Je m'étais donc fait donner la leçon, sans trop sourire.

J'ai noté que Mme Loiseau avait changé d'avis puisque, le 11 avril, au cours de la campagne électorale, elle déclarait : « Les fonds européens que reçoivent les pays européens les plus pauvres visent à réduire les écarts de pauvreté entre les Vingt-huit. C'est très bien. Mais comment expliquer au contribuable français que la France est le deuxième plus gros contributeur au budget de l'Union européenne, et qu'on n'exige aucune contrepartie en matière sociale. Il n'est pas normal qu'un travailleur français fasse un chèque à la Hongrie, pour financer indirectement un dumping social dans ce pays. Exemple, la nouvelle loi sur le travail en Hongrie permet aux employeurs d'exiger jusqu'à 400 heures supplémentaires par an… payables trois ans plus tard. »

Je m'aperçois donc que certains arguments ont fait leur chemin et sont entendus. La question n'est pas de savoir si la France peut ou doit être solidaire ou pas. Évidemment, la France a toujours été solidaire, et je ne vois pas pourquoi cela changerait aujourd'hui, mais ce ne peut être qu'à l'intérieur d'un cadre qui soit respectueux des principes auxquels nous sommes attachés.

Notre présidente a rappelé que la dernière fois que nous nous sommes exprimés, cela a été pour demander que des efforts de convergence sociale et fiscale soient réalisés, nonobstant certains articles du Traité qui la rendent impossible. Il y avait donc bien une volonté politique, que nous attachions à notre contribution, car l'on n'imagine pas contribuer sans avoir aucun avis sur la finalité de ce que l'on fait.

Ma remarque est donc une protestation liée au fait que la France pourrait user de cette contribution nette pour obtenir un changement de comportement, notamment sur les questions de convergence sociale et fiscale. Nous disposons là d'un moyen de pression.

Ceci dit, si l'on met de côté les bonnes intentions, et que l'on en vient aux mouvements qui remplissent les caisses et qui les vident, on s'apercevra qu'au fil du temps, l'Union européenne, en proie à une idéologie bien connue de nous, a diminué la contribution réclamée aux entreprises et augmenté celle de l'État. Les droits de douane représentaient 30 % du budget de l'Union européenne et les contributions des États, 10 % non pas à sa fondation, mais en 1988. Les premiers représentent aujourd'hui 14 % et les seconds, 66 % du budget de l'Union. Nous sommes passés de 10 % à 66 %, alors que la contribution des entreprises baissait !

Et que personne n'objecte qu'il s'agit là de rendre le territoire de l'Europe plus attractif. Il n'en a pas besoin, il est naturellement attractif : c'est le premier producteur, le premier commerçant mondial. Par conséquent, content ou pas content, c'est ici qu'il faut vendre. Les entreprises acquittent donc ce qu'elles doivent payer, cela fait partie de leurs charges.

Deuxième remarque, s'agissant non plus de ce qui entre mais de ce qui sort, on peut dire que c'est la gabegie, le chaos, et que ceux qui nous donnent des leçons sont les plus mal placés pour le faire. À la fin de chaque cadre financier, il y a ce que la langue européenne appelle des restes à liquider, qui, n'importe où ailleurs, seraient qualifiés de déficits. Pour ce poste, nous sommes passés de 188 milliards d'euros à la fin du cadre précédent, en 2014, à 300 milliards d'euros en 2019. Ce n'est pas rien. C'est dire combien tout cela est bien géré : les 300 milliards d'euros représentent ni plus ni moins deux ans du budget de l'Union européenne. Par conséquent, on doit s'attendre à un nouvel écart à la fin de ce cadre pluriannuel.

Quand un pays, qui est régulièrement montré du doigt pour ses déficits, donne 9 milliards d'euros de contribution nette, il fait ce qui s'appelle une dépense somptuaire, dont il n'a pas les moyens.

Je regrette que l'on continue à consentir cette dépense sans exiger de contrepartie. Je ne dis même pas que ces 9 milliards d'euros devraient nous revenir – ils représenteraient plusieurs dizaines de milliers de postes d'enseignants et régleraient presque entièrement le problème de la mise à flot des établissements d'hébergement des personnes âgées (EHPAD) dans notre pays –, mais il faut au moins que l'Union tienne compte des exigences de la France sur les critères de convergence sociale et fiscale.

Je crois que j'ai à peu près tout dit de ce que j'avais à dire de désagréable sur le sujet. Cela doit vous remplir de joie de penser que parmi ces 9 milliards d'euros d'excédents, 6 milliards d'euros sont donnés aux Turcs, de manière à ce qu'ils gardent leurs frontières de la manière que vous savez à l'égard des immigrés qui souhaitent la franchir.

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Je remercie Pascal Brindeau et Jean-Luc Mélenchon. Le débat est ouvert.

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Je vous remercie, cher collègue Brindeau, pour cet exposé. Le sujet extrêmement important qui nous mobilise ce matin est non pas tant une question de chiffres, de budget, de prélèvement, que, surtout, la construction européenne.

La contribution de la France au budget européen représente, il est vrai, un effort considérable, qui s'élève à environ 21,3 milliards. Il me semble toutefois que cet effort est indispensable pour maintenir et poursuivre le projet européen que nous souhaitons.

Vous l'avez justement rappelé dans la première partie de votre exposé, ce budget s'insère dans un contexte politique et européen plutôt incertain. Les récentes élections européennes, notamment, ont favorisé l'arrivée massive d'élus antieuropéens, qui menacent la pérennité des institutions. Il est primordial que la France s'oppose à cet euroscepticisme et fasse progresser le projet européen, malgré ce contexte particulier. Vous avez parlé à ce titre de la sortie du Royaume-Uni, qui est plus que probable à la fin du mois.

La contribution de la France au budget européen doit être au niveau de notre ambition européenne. Votre rapport nous permet d'affirmer que nous allons dans la bonne direction. Les premières propositions de la Commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel laissent d'ailleurs entrevoir une Europe plus compétitive et plus solide. À travers le prélèvement effectué sur les recettes de l'État au profit du budget de l'Union européenne, c'est cette Europe que nous souhaitons.

De ce fait, le groupe La République en marche votera pour l'article 36 du projet de loi de finances pour 2020. Cependant, je souhaiterais obtenir quelques précisions sur trois points de votre rapport, notamment sur sa deuxième partie consacrée au prochain cadre financier pluriannuel.

Tout d'abord, concernant la nécessaire modernisation des ressources propres, existe-t-il un risque que certains pays européens, tout comme la réticence de l'Allemagne, et le choix de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme cadre de négociation fassent échec à la perspective d'une taxe européenne affectée au budget européen ?

Le rapport indique que la Commission européenne a fait des actions extérieures l'une de ses nouvelles priorités. Pensez-vous que le budget alloué à ce poste soit suffisant pour permettre l'émergence d'une culture stratégique commune, comme le souhaite le Président de la République, Emmanuel Macron ?

Enfin, s'agissant des politiques traditionnelles, qu'entendez-vous par la nécessité de « mieux utiliser le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation » ? Pouvez-vous en donner des exemples concrets ?

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Je souhaiterais rebondir sur un sujet que nous avons abordé la semaine dernière, celui des crédits fléchés en direction des territoires. Nous avons évoqué la technicité et la complexité des dossiers que doivent remplir les structures souhaitant bénéficier de fonds européens, quelle que soit la nature de ces fonds.

Qu'en est-il des crédits non consommés ? Repartent-ils dans une caisse commune ou sont-ils redistribués à d'autres pays ? Sont-ils considérés comme des sortes de restes à réaliser, comme cela se passe dans certaines collectivités, Jean-Luc Mélenchon y a fait allusion, c'est-à-dire des crédits qui seront reportés sur l'année d'après, en direction de la France ?

En ce qui concerne les frais de fonctionnement, c'est-à-dire le train de vie des structures de l'Union européenne, pouvez-vous nous dire, peut-être sous la forme de diagrammes, avec des chiffres précis, s'ils progressent ou si des efforts sont réalisés depuis quelques années ? On parle souvent de la mutualisation des frais, pour permettre à tous de faire des économies. Qu'en est-il sur ce point, ainsi que sur le nombre d'emplois dans ces structures ?

Ces questions de fonctionnement nous intéressent. Nous sommes tous orientés vers l'investissement, qui est crucial pour nos territoires comme pour les pays européens qui ont encore des retards à rattraper. Il n'en demeure pas moins que la maîtrise des frais de fonctionnement et les économies réalisées permettent de dégager de l'argent pour investir.

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Le groupe MODEM et apparentés soutiendra cet avis. Je souhaiterais cependant revenir sur un point du rapport, qui me semble essentiel, ainsi que sur les propos du contributeur.

Madame la présidente, dans votre parcours politique, vous vous êtes souvent exprimée au sujet des ressources propres, comme l'a fait le groupe MODEM et apparentés, par votre voix et par d'autres. J'aimerais finalement poser le sujet exactement de la même façon qu'il se pose pour nos collectivités territoriales.

Dans nos territoires, lorsque l'on crée une communauté de communes, plus celle-ci a de ressources propres, plus elle s'affirme dans son existence propre.

Il en va de même pour l'Union. Plus l'Union sera la concaténation de budgets nationaux, plus ses politiques risquent d'être cantonnées à des concaténations de décisions nationales. L'intérêt communautaire de l'Union dépend intrinsèquement de la marge de manoeuvre qu'elle se crée, par ses ressources propres. Le sujet n'est donc pas uniquement budgétaire, mais aussi fortement politique.

Je partage ainsi l'inquiétude du contributeur, même si j'en viens à une conclusion tout à fait différente. En vingt ans, nous sommes passés de 60 % de ressources propres à un peu moins de 30 %. Cette diminution des ressources propres est à l'origine d'une crise de la valeur ajoutée de l'Union. Nous devons repenser profondément ses ressources propres car elles ont d'autant plus de sens qu'un pays, pris individuellement, n'est pas capable de les générer.

L'exemple de la taxe GAFA est parlant. La France a avancé sur ce sujet, mais le sens même de cette taxe est d'être européenne, car, en matière de collecte et de pouvoir de négociation avec les GAFA, l'Union obtient davantage de résultats qu'aucun pays pris individuellement. Il en va de même pour la taxe carbone.

Sur tous ces grands défis, où l'Union a de plus grandes possibilités qu'un État pris individuellement, les ressources propres sont naturellement un enjeu budgétaire, mais surtout politique. C'est ainsi que l'Union pourra pleinement jouer son rôle et exprimer son ambition.

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Je laisserai pour ma part Alain David exprimer la position du groupe Socialistes et apparentés, et parlerai en mon seul nom.

Nous sommes contributeurs nets au budget de l'Union européenne. Tous nos électeurs pensent à juste titre que nous donnons beaucoup plus d'argent à l'Union que nous n'en recevons. J'ai été maire pendant vingt-trois ans, durant lesquels les contributions reçues de l'Europe, certes sympathiques, n'ont jamais été à la hauteur de ce que nous donnions.

Cela pose un sérieux problème. La France paie pour un certain nombre de projets européens, ce que je peux comprendre, mais tout cela commence à peser sur le sentiment de nos concitoyens à cet égard.

Ce qui se passe actuellement à la frontière syrienne est exceptionnel. Or il n'y a pas d'Union européenne sur ce dossier. La Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie ne sont pas dans le même esprit que nous, aujourd'hui. L'Europe, en tant que telle, n'existe pas au niveau international.

En tant que contributeurs nets, nous devons aller jusqu'au bout de notre ambition européenne, mais, comme le disait M. le contributeur – je ne sais pas ce que cela représente exactement –, nos concitoyens perçoivent une sorte de dissociation entre l'idée que nous avons de l'Europe et de l'amitié des peuples, de notre esprit commun, et ce qui existe aujourd'hui face à une vraie guerre, où nous ne sommes pas capables de nous mettre d'accord.

Quand aurons-nous une forme de conscience de tout cela ? Je suis d'accord pour dire que tout est merveilleux, que, grâce à notre contribution, la Pologne se développe, et que l'Union offre des possibilités. Mais, à un moment, il faudra que nous mettions tout sur la table, pour rediscuter de ce qu'est vraiment l'Europe face à ce qui existe aujourd'hui.

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Je remercie Pascal Brindeau pour son rapport, dont on peut retenir que le prélèvement a atteint un niveau historique, à 21,3 milliards d'euros. Plusieurs députés, ainsi que Mme la présidente, l'ont rappelé, la France est un contributeur net, un contributeur étant, je l'ai bien retenu, celui qui donne des contributions. (Sourires.)

Cet argent est destiné à de vrais projets, notamment le développement de l'Agence européenne de garde-frontières et garde-côtes (Frontex), qui doit employer 10 000 garde-frontières et garde-côtes d'ici à 2027, – il y a là un vrai problème européen – ou la lutte contre le changement climatique. Là encore, la transition écologique est un problème non pas national, mais international, donc européen.

On nous dit qu'il faut non pas se contenter de mesurer le solde net, mais prendre en compte la valeur ajoutée européenne. Il ne serait cependant pas illogique d'avoir un retour plus important de l'Union européenne, en particulier pour le secteur agricole français.

Grâce à la politique agricole commune (PAC), les agriculteurs reçoivent des aides, qui sont élevées. Nous connaissons toutefois leur situation actuelle, en France, y compris, dans la filière bovine, et les inquiétudes que suscitent différents accords internationaux signés par l'Union européenne. Un retour un peu plus élevé ne serait donc pas illogique.

Lorsque l'on est en responsabilité, on doit faire des arbitrages. Quand on voit l'état de notre secteur hospitalier, de nos casernes, de nos commissariats, on peut regretter de ne pas réussir à trouver quelques centaines de millions d'euros – je ne parle pas de milliards –, qui pourraient améliorer de manière concrète, pragmatique, le quotidien de nos concitoyens.

À l'inverse, ce prélèvement de 21,33 milliards d'euros conduit à un manque à gagner de 9 milliards d'euros, bien qu'il faille prendre en considération la valeur ajoutée de l'Union européenne. Nous devons faire des arbitrages : pensons aussi au secteur public français !

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Nous nous prononçons ce matin sur l'article 36 du projet de loi de finances. Je ne sais pas si chacun des commissaires doit apporter une contribution, mais je le ferai pour ma part, en ajoutant quelques remarques.

Vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, ce budget s'inscrit dans un contexte politique incertain, avec le plus faible taux de croissance mondiale constaté depuis dix ans, selon l'OCDE. Ce ralentissement marqué touche principalement l'Union européenne, la Chine et certains pays émergents, comme le président de la Cour des comptes a pu l'expliquer lors de son audition par la commission des finances, il y a quelques jours. Si quelques facteurs peuvent atténuer ces ralentissements dans la zone euro, les rebondissements à répétition de l'épineux dossier du Brexit inscrivent l'exécution du budget 2020 dans un contexte marqué du sceau de l'incertitude, tant pour celui-ci que pour le prochain cadre financier pluriannuel.

Le risque est bien évidemment celui d'une sortie sans accord du Royaume-Uni, deuxième ou troisième contributeur net au budget, selon les estimations. Ce départ entraînera mécaniquement une augmentation substantielle de la contribution des plus gros contributeurs, dont la France. Il est question d'une hausse de 6,3 milliards d'euros, soit plus de 30 % par rapport au cadre financier pluriannuel passé. Nous nous accordons à dire que cette augmentation exigera encore plus de vigilance.

Pour ce dernier budget du cadre financier pluriannuel 2014-2020, la France devra donc verser 21,3 milliards d'euros. Ce budget, qui reflète les priorités définies dans le cadre financier qui s'achève – l'emploi, la croissance, la jeunesse, le changement climatique, la sécurité –, nécessite que des investissements soient réalisés dans des secteurs majeurs. Le groupe Libertés et territoires salue la hausse des crédits concernant en particulier la recherche, l'espace et les moyens dévolus à Frontex, tout en se montrant préoccupé.

En effet, un rendez-vous important nous attend, celui du futur budget de la PAC. Si le gouvernement français a annoncé vouloir maintenir celui-ci à son niveau actuel, même à 27 membres, nous sommes inquiets de la baisse de 365 millions d'euros qui a été évoquée quand, dans le même temps, le changement climatique et ses conséquences écologiques touchent de plus en plus d'exploitations agricoles. Il est déterminant de financer substantiellement ces risques par des mécanismes assurantiels pour contribuer à assurer la pérennité des exploitations agricoles et son corollaire, la souveraineté alimentaire.

Ceci étant, j'aurais quelques questions à poser :

Les prévisions de dépenses ne seront connues avec certitude qu'après la période de conciliation, qui prendra fin le 18 novembre. En fonction de cela, le Gouvernement pourrait être conduit à réviser l'estimation du prélèvement sur recettes pour l'Union européenne de ce projet de loi de finances. Pensez-vous que le montant dont nous débattons aujourd'hui pourrait être modifié ? Si oui, au regard de quelles considérations ?

Alors que l'Union européenne doit engager des réformes ambitieuses en matière d'asile et d'immigration et soutenir la recherche et l'innovation, tout en renforçant leur application à l'espace, la réduction des engagements du Conseil de 1,3 milliard d'euros le 3 septembre dernier peut surprendre. Quel regard portez-vous sur cette décision ?

Je m'interroge aussi sur l'augmentation des dépenses administratives, qui passent de 6 à 6,7 % des dépenses totales, alors que l'Union demande à tous les États membres de maîtriser leurs dépenses publiques.

Ma dernière question concerne les 900 millions d'euros prélevés au titre de l'aide publique au développement, pour l'utilisation desquels nous ne disposons d'aucune donnée. Pouvez-vous fournir quelques explications ?

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Les communistes, vous l'avez remarqué, ne sont pas contributeurs à cette Europe, ni à ce projet européen. Le débat sur le prélèvement obligatoire nous semble un éternel recommencement, alors que rien ne bouge.

La contribution française est stable, mais très élevée ; le budget est européen se veut contraint ; l'Union européenne est morose, aux abonnés absents sur la scène internationale. Nous le voyons encore dans le drame qui se joue en ce moment dans le Rojava, alors que la Turquie, Jean-Luc Mélenchon l'a dit, perçoit une somme importante de l'Europe. Si nous cherchons des leviers pour faire reculer la Turquie, en voici un : il suffit de ne pas céder au chantage d'Erdogan, en ne payant pas.

Cette année, le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au profit du budget de l'Union européenne s'élèvera donc à 21,33 milliards, dans la continuité des précédents. Plus que les années précédentes, le vote français de l'accord économique et commercial global (Comprehensive Economic and Trade Agreement, CETA) en juillet dernier a souligné combien l'Union européenne gère mal ses ressources propres.

Les autorités européennes sabrent leurs seules recettes, les droits de douane, en signant des accords de libre-échange qui, au nom du dogme ultralibéral, les suppriment. L'Union européenne diminue donc volontairement sa seule ressource, ce qui oblige les États membres à compenser la perte de revenus de l'Union. En trente ans, cela a été dit, la part des droits de douane dans le budget de l'Union européenne a fondu de 12 points, passant de 28 % à 16 %.

D'un autre côté, l'Union limite volontairement les dépenses de ses États membres à travers l'article 140 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne, qui énonce les critères de Maastricht, que vous connaissez tous. C'est l'autorité perpétuelle, qui oblige à un déficit public annuel n'excédant pas 3 % du produit intérieur brut et à une dette publique inférieure à 60 % du PIB : l'austérité prévaut pour les États, quand l'Union européenne peut faire ce qu'elle veut.

Il n'est pas acceptable que l'Union européenne se permette d'un côté, de signer des traités internationaux qui détruisent ses sources de revenus, et, de l'autre, de mettre la main à la poche, en octroyant des compensations. C'est sans compter que les accords de libre-échange contribuent très largement à la pollution de notre planète et à aggraver les changements climatiques actuels. L'Union européenne n'est définitivement pas à la hauteur des enjeux de notre époque. Cela a été dit, et cela le sera encore.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera donc contre l'article 36 du projet de loi de finances.

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Ma première question porte sur l'effort de sécurité et de défense de l'Union, qui est l'une des priorités de la Commission pour la période à venir, puisque ses crédits doivent augmenter de 112 %, à périmètre comparable. Si le rapport se félicite de l'activité du Fonds européen de la défense, la question de l'accompagnement et du renforcement des politiques de sécurité de nos partenaires, en particulier des pays du G5 Sahel, se pose également. Quels moyens accompagnent le renforcement de cette force conjointe ? Le financement de la Facilité de soutien à la paix pour l'Afrique, très peu dotée, notamment en Somalie, pourra-t-il être renforcé ?

Ma seconde question a trait à la politique commerciale. Mme Von der Leyen a proposé la création d'un poste de responsable de l'application de la législation commerciale, ce qui correspond exactement au souhait du président de la République de renforcer le contrôle des accords commerciaux à travers le procureur commercial européen. Au-delà de ce poste, il en va de la santé et de la sécurité de nos consommateurs, comme de la protection de nos producteurs, notamment les agriculteurs.

Nous devons donc obtenir une bonne vision des moyens alloués à ce poste. Aujourd'hui, la direction générale du commerce (DG Commerce) n'agit qu'en matière de développement et de négociation, et n'exerce aucun contrôle de mise en oeuvre. C'est cela qu'il faut rééquilibrer.

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Chaque année, bien que nous entendions les mêmes voeux pieux, nous donnons toujours autant d'argent à une organisation qui nous fait tant de mal.

En dix ans, nous sommes passés d'une contribution nette de 5,5 milliards d'euros à un total de 9 milliards d'euros. Certes, nous pouvons imaginer être solidaires. Je ne suis pas hostile à une contribution nette, mais qu'en penser alors que 500 000 travailleurs détachés ne paient pas leurs charges sociales dans notre pays, que la France, après avoir été rejetée sur la taxe GAFA, est obligée de l'appliquer seule, que la politique migratoire n'est pas coordonnée, et que les accords de libre-échange signés par la Commission ont des conséquences dramatiques pour nos agriculteurs. Cette situation est surréaliste.

Il n'y a pas d'argent lorsque les infirmières demandent des postes pour les urgences ni lorsque les policiers ou les pompiers manifestent. Et quand nos entreprises, petites et moyennes, affrontent une concurrence déloyale, on ne peut pas baisser les charges de manière suffisante. En revanche, lorsqu'il s'agit de l'Union européenne, on ne surveille plus rien.

Sans multiplier les exemples, cités dans les rapports, j'insisterai sur l'affaire de la Turquie : au moment où des atrocités sont commises au Kurdistan, les chiffrent montrent qu'entre 2014 et 2023, si cela continue ainsi, la Turquie aura touché de l'Union européenne au moins 10,5 milliards d'euros. Le 4 mars 2019, le Parlement européen a voté les crédits de préadhésion 2021-2027, dont 1,8 milliard d'euros pour la Turquie. J'ai creusé un peu : la Turquie reçoit 1 500 euros par réfugié, contre 600 euros pour le Liban ou la Jordanie. Devons-nous continuer ainsi ? C'est la vraie question.

J'ai aussi découvert un taux d'appel réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 0,15 % au lieu de 0,30 % pour l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et un rabais particulier de 695 millions d'euros pour les Pays-Bas et la Suède. On parle toujours du rabais britannique, mais il n'est pas le seul !

Cette commission, qui donne des leçons de bonne gestion à la terre entière, présente des dépenses administratives en hausse constante, de 4,7 milliards d'euros en 2000 à près de 10 milliards d'euros en 2019. Et je ne parle pas des coûts de pension de retraite des fonctionnaires européens, des effectifs, ou des 300 milliards d'euros de restes à réaliser. Ce qui se passe est ahurissant !

J'entendais les propos de ma collègue de la République en marche : vous croyez rendre service à l'Union européenne en acceptant l'inacceptable, mais les Français, et les peuples d'Europe, comprennent très bien qu'il n'y a pas d'argent pour eux, quand il y en a toujours pour l'Union européenne et ses oligarques. Vous ne rendez pas service à l'Europe. Tout au contraire, vous êtes en train de la tuer à petit feu.

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S'agissant des politiques publiques en France, et du manque de moyens pour satisfaire les nombreux besoins et corriger de nombreuses injustices dans notre pays, ces choix budgétaires, que je considère comme des fautes, ne sont pas entièrement imputables à l'Union européenne. De ce fait, elles ne doivent pas rejaillir sur l'Union et son budget.

Certes, comme un grand nombre d'entre nous, je suis favorable à ce que les politiques de l'Union européenne changent dans de nombreux domaines, afin d'obtenir des retours différents sur le terrain. Telle est ma position, depuis très longtemps.

Les exemples ne manquent pas. Ils ont été donnés par plusieurs d'entre nous. Pour autant, s'il nous arrivait de ne pas voter la contribution demandée, nous bloquerions tout, en particulier la PAC. Bien que le retour que nous recevons ne nous satisfasse pas, il y a un combat à mener à l'échelle européenne. J'espère que nos parlementaires européens agissent en ce sens, et nous aussi, en tant que parlementaires français.

Il ne faut cependant pas tout confondre. Pour ma part, je voterai ce budget, un peu contraint, mais en vous certifiant que je continue de me battre car beaucoup de choses ne me conviennent pas aujourd'hui.

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Je suis toujours très perturbée et déchirée quand il s'agit de discuter des budgets européens. Si je crois en l'Europe – nous sommes une civilisation européenne et nous avons intérêt à nous inscrire dans ce cadre –, j'éprouve une forme de désespoir quand je vois à quel point l'Europe est incapable de faire face, y compris à l'indicible, comme en ce moment, au Kurdistan. Dans la crise actuelle, l'Union, incapable d'avoir une action, même diplomatique, n'a même pas rappelé tous ses ambassadeurs, d'un côté comme de l'autre.

Par ailleurs, nous donnons une contribution nette, alors que, sur de grands sujets, le débat n'est pas clair pour les Français. Aujourd'hui, tout ce que nous faisons en matière d'Europe, la fait détester des Européens. Pour moi, c'est une déchirure.

Je voudrais insister sur les migrations et la maîtrise des frontières, qui font partie des priorités de la Commission européenne, comme on le lit dans l'excellent rapport de notre collègue : « Le soutien aux frontières de l'Union et notamment aux pays situés sur la rive nord de la mer Méditerranée mais également l'amélioration d'un système d'asile qui n'est plus calibré pour le flux actuel est évidemment une priorité absolue. »

Néanmoins, Mme Merkel a décidé seule du sort des réfugiés, avant de nous présenter l'addition : la négociation s'est faite avec elle. Aujourd'hui, la Turquie nous menace de déverser des réfugiés sur nos frontières, que nous sommes incapables de garder. Elle reçoit pourtant 1 500 euros par réfugié, alors que ce montant est moitié moins élevé pour les autres pays qui accueillent des réfugiés. Or ces pays ne nous menacent pas en permanence.

Je note que les effectifs de Frontex devraient passer de 1 200 agents à 10 000 d'ici à 2027. Mais c'est maintenant, non en 2027, que nous avons besoin de ces postes !

Quant au Fonds asile, immigration et intégration (FAMI) et au Fonds de gestion intégrée des frontières, ils verront leurs capacités renforcées : « Le montant mis à disposition de cette rubrique augmenterait de 252 % par rapport au cadre financier précédent, pour atteindre 35 milliards d'euros. » Je reviendrai prochainement sur toutes les difficultés de ce secteur dans mon rapport pour avis sur les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.

Je souhaiterais cependant que nous réfléchissions à ce à quoi l'Europe nous sert concrètement. S'agissant de l'augmentation du budget, je livre cette phrase de Jean Jaurès à votre sagacité : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ». Aujourd'hui, je pense qu'il faut être courageux. Je ne peux pas voter le budget tel qu'il nous est présenté car il témoigne d'une incohérence totale entre nos objectifs et ce que l'on nous demande de faire au niveau européen.

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Je reprends la parole à titre personnel, pour poser une question et faire une proposition concernant le Brexit. Le rapport indique que la contribution nette britannique s'élève à environ 10 milliards d'euros, dont la perte conduirait à une augmentation de la contribution française de 5 à 6 milliards d'euros dans le prochain cadre financier pluriannuel.

Il serait intéressant d'étudier l'impact du Brexit en termes financiers, toutes choses étant égales par ailleurs. Du fait de la construction budgétaire, on mélange deux effets : l'impact direct de la perte de recettes, que les États membres restants doivent se répartir ; et le coût d'une ambition nouvelle que l'on peut vouloir porter. Notre commission pourrait, dans les mois à venir, essayer de détourer ces deux sujets, afin que nous passions du mythe à la réalité des chiffres.

Par ailleurs, nous avons souvent évoqué, par euphémisme, le fait que nos collègues britanniques avaient une vision de l'Union assez différente de la nôtre, notamment qu'ils freinaient certaines évolutions. Le Brexit, qui est un problème en soi, constitue aussi une opportunité pour relancer une approche plus volontariste de l'Union, ce que traduira peut-être le budget. Nos travaux budgétaires à venir devront donc bien détourer l'impact du Brexit.

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Il faut « détourer » ce sujet sur le plan budgétaire, mais on doit aussi attendre de voir quelles décisions vont être prises par les Britanniques. Notre commission devra se saisir dès que possible de la question du futur partenariat entre la Grande-Bretagne et l'Union européenne.

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Je rejoins bien des critiques qui ont été formulées. Si on essayait un instant de prendre de la hauteur pour regarder ce qu'elles ont en commun, on s'apercevrait que, quel que soit notre point de départ en ce qui concerne le projet européen, nous arrivons maintenant à des exigences assez communes.

Si un point de vue français s'exprimait en Europe, la situation évoluerait autrement. Il y a un point de vue allemand dans les discussions : le gouvernement allemand, les députés et les cadres politiques de ce pays interviennent tous dans le même sens. Ils chassent en meute au Parlement européen, au sein duquel nous sommes un certain nombre à avoir siégé – vous ne me contredirez pas, madame de Sarnez… Tous ces acteurs sont toujours d'accord entre eux dès qu'on touche à des sujets relevant de leur Volksgeist, leur esprit public, notamment sur des points de doctrine économique.

Il y a également un certain nombre de points sur lesquels nous sommes tous d'accord, nous qui sommes français, nonobstant toutes nos oppositions. Je pense notamment à la place de l'État et aux solidarités sociales, même s'il y a des variations. Cela fait partie de notre vision de la vie en société. Or ce point de vue ne s'exprime jamais. Nous n'avons jamais fait de proposition au sujet de la laïcité, que nous avons tous à fleur de peau. Lors de la fameuse convention présidée par Valéry Giscard d'Estaing, beaucoup de membres se sont regroupés par pays et par thèmes, mais les Français n'ont jamais fait la moindre proposition en ce qui concerne la laïcité. Il ne faut pas s'étonner de ne pas être entendu si on ne dit rien.

Vous avez manifesté des inquiétudes à propos de l'avenir, et vous avez raison. Les changements à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) font qu'il y a une majorité de responsables hostiles à la politique que M. Draghi avait fort heureusement imaginée en matière de facilités monétaires. Cela veut dire que la politique menée va être beaucoup plus restrictive en pleine période de récession, sous les applaudissements des banquiers allemands qui trouvent que c'est une bonne idée parce que cela garantit la stabilité de la monnaie – de leur monnaie – et qu'ils veulent une meilleure rétribution des fonds placés par les banques auprès de la BCE. Cela va donc aller plus mal : c'est une certitude. Comme on ne change rien aux autres politiques, on ne voit pas pourquoi la situation s'améliorerait.

La question de la politique agricole commune a aussi été évoquée. Ce n'est pas un cadeau accordé aux Français : nous donnons 21 milliards d'euros et nous en récupérons 14 milliards d'euros. C'est notre argent qui est utilisé d'une manière communautaire. La PAC a permis d'arriver en vingt ans à l'autosuffisance alimentaire, sauf pour une marchandise, le soja, que nous avons abandonnée au marché mondial. Il y a des leçons à en tirer alors que nous allons ouvrir les marchés et faire de l'ensemble des productions agricoles un marché comme les autres.

On voit quel est le résultat dans les urnes. Je me souviens des discussions que nous avions lorsque je siégeais, avec certains d'entre vous, au parti socialiste, à propos de l'entrée de dix pays en même temps au sein de l'Union européenne. On nous disait qu'on ne pouvait pas refuser à ces pays d'entrer, parce qu'ils l'espéraient tellement et qu'ils aimaient tant le projet européen. Regardez les taux d'abstention ! C'est absolument inouï : ils sont de 80 % dans certains pays de l'ex-Europe de l'Est. Cela veut bien dire que quelque chose a déraillé. Il est temps d'y remédier.

J'ajoute, car je n'ai pas indiqué ce chiffre tout à l'heure, que 9 milliards d'euros représentent 10 % de notre déficit : ce n'est pas une petite somme. C'est pourquoi je me suis permis de parler de contribution somptuaire.

Je connais la fermeté des convictions de mon ami Jérôme Lambert, qui a dit que cela fait des années qu'il demande des changements. Si rien ne bouge, il faut se poser une question : pourquoi ? Ce n'est pas parce que les gens sont méchants, mais tout simplement parce que les conditions ne permettent pas le changement. Nous sommes un peu au pied du mur. Or il est évident qu'il ne se passera rien, comme d'habitude. Jacques Delors m'a donné raison, une fois, au bureau national du parti socialiste, en disant qu'il fallait provoquer des crises. Le fait que Jacques Delors tombait d'accord avec moi était un événement de portée intergalactique (Sourires).

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C'était il y a longtemps, et je lui souhaite un prompt rétablissement, autant que possible.

Ce qui est sûr, c'est qu'on ne fait bouger l'Europe que par des crises. Je le répète, même si je sais que vous n'aimez pas m'entendre le dire, car vous l'interprétez d'une mauvaise manière. Il n'est pas possible que l'Europe continue à être l'Europe allemande. Ou bien elle est l'Europe européenne ou bien elle ne fonctionnera jamais, et il n'y a pas d'Europe européenne sans les Français.

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Comme nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais commencer par évoquer certains aspects assez généraux et politiques, au-delà des données financières, et je répondrai à quelques-unes des questions très précises qui ont été posées – je ne les traiterai pas toutes, mais je pourrai faire des réponses écrites.

Beaucoup d'entre vous soulignent, et c'est aussi la critique principale de Jean-Luc Mélenchon, que nous sommes contributeurs nets. Vous dites qu'on peut l'accepter dans un esprit de solidarité européenne générale, mais que le niveau de notre contribution nette est trop élevé et que nous attendons des retours dans des domaines stratégiques tels que la sécurité des frontières et le contrôle des migrations.

Je crois qu'il ne faut pas s'en tenir à une vision seulement comptable si on veut apprécier les retours réels par rapport à la contribution de la France. Dans le domaine de la PAC, le retour sur investissement pour l'agriculture française et nos agriculteurs est bien supérieur aux milliards d'euros que nous récupérons car il y a des effets d'entraînement pour un certain nombre de filières agricoles qui peuvent investir pour mieux produire et surtout pour être plus compétitives sur les marchés internationaux – c'est ainsi que l'agriculture se développe aujourd'hui. Sans les montants liés à la PAC, nous n'aurions pas la même capacité à nous projeter sur un certain nombre de marchés internationaux.

L'absence de voix européenne en matière de politique étrangère, par exemple au sujet de ce qui se passe à la frontière syrienne, ou dans le domaine du contrôle des migrations, n'est pas une question budgétaire. Cela concerne le fonctionnement politique de l'Union européenne et non pas son fonctionnement administratif – au sens où nous discutons aujourd'hui des moyens consacrés à l'Union européenne pour mettre en oeuvre ses politiques, qu'elles soient historiques ou nouvelles.

Nicole Trisse m'a interrogé sur les risques d'échec des discussions relatives à la taxe GAFA dans le cadre de l'OCDE. Je pense que l'Allemagne craignait la position des États-Unis. À partir du moment où une forme d'accord a été trouvée entre le président Trump et le président Macron sur ce sujet, on peut imaginer – même si on ne peut pas en être certain – que la position de l'Allemagne évoluera favorablement.

Jean-Michel Clément a demandé quels pourraient être les ajustements à la fin de la procédure budgétaire européenne. En général, les ajustements sont plutôt à la baisse et ils prennent la forme d'arbitrages sur les moyens de fonctionnement. Il y a aussi la question du Brexit, qui pourrait intervenir le 31 octobre dans des conditions que l'on ne connaît pas encore. Il est donc difficile d'en dire plus.

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Je voudrais réagir aux remarques du rapporteur pour avis et de Jérôme Lambert. Le vote d'un budget est un acte éminemment politique : vous ne pouvez pas dire qu'on ne doit pas confondre le budget, la gestion, et la politique. C'est le seul levier dont dispose la France, qui est contributrice nette. Si on n'est pas capable de faire un geste politique vis-à-vis de ce qui se passe en Turquie et au Kurdistan, des travailleurs détachés ou de la taxe GAFA, à quoi sert-on dans cette commission ?

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Je voudrais faire deux remarques en écho à ce qu'a dit Jean-Luc Mélenchon.

En ce qui concerne « l'Europe allemande », je voudrais qu'on regarde la situation avec un peu plus d'équilibre et d'équité. On ne doit pas sous-estimer en France l'évolution qui a eu lieu au cours des vingt dernières années du côté des Allemands. S'agissant du bail-out, par exemple, l'idée de se porter au secours d'un État en difficulté, comme la Grèce, était totalement exclue auparavant. Les Allemands ont « mangé » leurs convictions dans ce domaine. Par ailleurs, il était totalement inenvisageable d'adopter une initiative de défense. Celle qui se trouve sur la table est certes tout à fait insuffisante, compte tenu des moyens dont l'Europe dispose, mais un tabou a été brisé. Dans le domaine économique, les Allemands étaient sur une ligne absolument ordolibérale il y a vingt ans : il fallait simplement ne pas avoir de déficit. Avec le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui a été contesté, les Allemands ont introduit la notion de déficit structurel, ce qui ouvre la voie à la prise en compte du cycle économique. Ce sont des évolutions lentes et insuffisantes, bien sûr, mais il ne faut pas croire que tout est figé.

Pour ce qui est du prélèvement européen, je crois qu'il faut vraiment cesser de raisonner selon une logique stupidement « donnant-donnant », autour de la notion de contributeur net. S'il devait y avoir un équilibre budgétaire parfait entre les contributions et les retours, ce ne serait pas la peine d'avoir un budget européen. Ce qui le justifie n'est pas que tel ou tel pays est satisfait mais l'existence d'intérêts communs. Quand on les prend en compte, on voit bien que nous sommes aussi bénéficiaires. On a peut-être mal utilisé la PAC, mais elle a drainé des fonds considérables en direction de la France. De même, nous subissons l'immigration, mais beaucoup moins nettement et directement que les pays de premier accueil. En ce qui concerne la politique de cohésion, qui est la grande source de dépenses au plan européen, il faut regarder les résultats. Si la Pologne a vu son niveau de vie augmenter puissamment, ce qui nous arrange, et il en est de même pour sa stabilité, c'est en grande partie grâce à la politique de cohésion. La vraie devise des Européens est : « égoïsme bien ordonné commence par les autres ».

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Quand on me demande ce qu'est l'Europe à mes yeux, je réponds que c'est chez moi. Je voudrais évoquer un chiffre que l'on oublie toujours dans les calculs d'épiciers autour de la notion de contribution nette : il s'agit des investissements français en Europe, qui sont de l'ordre d'une centaine de milliards d'euros, ce qui est considérable. Investir en Pologne ne signifie pas investir à l'extérieur de ce qui concerne : c'est investir chez nous. Cela aide nos entreprises et 200 000 emplois dans deux pays que je connais bien, la Pologne et la Roumanie.

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On pourrait prolonger ce débat très longtemps. Je ne dis pas que l'adoption du budget n'est pas un acte politique, mais que refuser de voter en faveur de la contribution française à l'Union européenne ne réglera pas, à l'évidence, la situation des Kurdes à la frontière turque : cela dépend d'une éventuelle position commune au sein de l'Union européenne et, au-delà, de la position des États-Unis dans la région. Budget européen ou non, la question qui se pose est de savoir si les puissances occidentales se mettent d'accord sur une position commune.

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Je trouve qu'il y a des limites à l'engouement européen des années 1960. La situation a considérablement évolué et le budget européen n'est pas un veau d'or devant lequel on doit se courber à chaque évolution de la situation internationale. Si le budget européen doit être considéré comme intouchable, ce n'est pas la peine de nous le présenter. Excusez-moi, mais je ne voterai pas ce budget.

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Il faut qu'il y ait une évolution de notre manière d'intervenir : on ne doit pas rester enfermé dans la situation actuelle. Si ceux qui critiquent sont nécessairement des xénophobes, repliés sur eux-mêmes, et des nationalistes, tandis que les autres sont les bons amis de l'humanité, on ne peut plus parler. Je critique la construction de l'Union européenne car c'est un objet qui a changé alors que les discours ne bougent pas. L'Europe n'est pas la même quand il y a 6, 12, 15 ou 28 États membres. Quand on utilisait des fonds communs pour aider l'Espagne et le Portugal à faire du rattrapage, nous étions 15. Il y a aujourd'hui 28 États membres, et la forme même de l'Europe a changé : alors que l'Allemagne était la frontière extérieure à l'Est, elle est maintenant le centre géographique de l'espace européen. Si la géographie, l'histoire et la politique n'ont aucune influence sur la nature des discours, on peut dire qu'on psalmodie.

Il y a des gens qui, comme Marielle de Sarnez et quelques autres, chacun le sait, défendent des positions visant à faire évoluer la structure européenne : ils ne disent pas qu'elle est bien actuellement. Nous avons la même posture. Mon avis personnel n'a pas toujours été le même : j'ai été un fédéraliste européen, à une époque, car je pensais que c'était une forme d'accomplissement d'une certaine idée, mais j'ai compris. D'où la remarque que j'ai adressée à Jérôme Lambert : quand rien ne change alors qu'on veut ça évolue, il y a une raison. Ce qui est vicié, à mon avis, c'est la nature des traités, et cela ne va pas s'arranger.

S'agissant du Brexit, on commettrait une erreur si on ne regardait pas ce qu'il y a dans l'accord envisagé. Il est pire que la situation actuelle, car les Britanniques auront un accord de libre-échange avec l'Union européenne sans aucune des contraintes prévues pour les États membres. Je souhaite un Brexit sans accord : nous aurons ainsi un meilleur rapport de force pour imposer aux Britanniques des contraintes si nous concluons un pacte avec eux.

Il est absolument erroné de dire que les Allemands ont évolué positivement parce qu'ils ont brisé certains tabous. Personne n'a aidé la Grèce : on lui a donné de l'argent pour rembourser les banques, et c'est tout. Si Alexis Tsipras était sorti de la salle en disant, comme je lui avais conseillé de le faire, qu'il aurait bien voulu payer mais qu'il ne le pouvait pas, je vous garantis que François Hollande et Angela Merkel auraient couru dans le couloir pour le rattraper. Le système assurantiel du mécanisme financier européen représente 65 milliards d'euros pour les Allemands et 45 milliards d'euros pour les Français. Si Alexis Tsipras avait déclaré la banqueroute, il aurait trouvé un meilleur arrangement.

Il n'est pas exact de dire que les choses ont bougé autrement que par la force et dans le cadre d'une crise. Faisons en sorte de la provoquer nous-mêmes, pour une fois. Notre solde de 9 milliards d'euros est un instrument dans la discussion : essayons de peser et demandons une autre orientation pour l'Europe. On la rend odieuse aux Européens, cela a été dit. Il faut s'en émouvoir.

Quand je parle d'une « Europe allemande », je me réfère à un livre écrit par un Allemand et préfacé par M. Cohn-Bendit, qui est un thuriféraire habituel de l'Europe, quoi qu'elle fasse. L'expression que j'ai utilisée n'est pas excessive. Si vous ne voulez pas voir, au sein de La République en Marche, que vous venez de vous faire rouler, à deux reprises, par Mme Merkel, c'est votre affaire. Mais moi, en tant que Français, je ne suis pas d'accord pour que l'on soit traité de cette manière. Il y a quelqu'un qui nous a plantés dans cette affaire. Je pense des choses qui ne vous plairaient peut-être pas au sujet de Mme Goulard, mais c'est quand même la France qui vient de déguster.

L'aide donnée à la Turquie a été évoquée – 1 500 euros par réfugié. Il y a quand même un problème de budget quand on donne, dans le même temps, 600 euros aux Libanais alors que ce sont nos amis et nos alliés dans la région et que les migrants représentent dans ce pays le tiers de la population.

Rééquilibrer ne veut pas dire détruire, et je crois que nous pourrions nous accorder. Il y a un levier possible. Si nous votions contre ce budget, cela créerait une ambiance de travail, comme on dit.

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Je pense qu'il n'y a personne, parmi nous, qui n'aime pas la France et l'Europe. Néanmoins, le monde a vraiment changé entre le moment où nous avons commencé à voter pour l'Europe, même s'il est vrai que certains sont plus jeunes que d'autres, et aujourd'hui. Nous traversons une crise de sens qui nous fait tous souffrir compte tenu de nos convictions profondes, aussi bien patriotiques qu'européennes. C'est ce que je ressens, en tout cas. Je ne peux pas dire « oui » à ce budget : il faut discuter point par point la contribution française dans la situation sociale extrêmement douloureuse qui est la nôtre et dans le chaos que connaît l'Europe.

Je l'ai dit tout à l'heure : rappeler nos ambassadeurs ne coûte rien, mais on ne le fait même pas en ce qui concerne la Turquie. Elle est, comme nous, membre de l'OTAN et elle occupe, dans l'indifférence générale, une partie d'un autre pays de l'Union européenne, Chypre. Personne ne s'en émeut, et cela dure depuis 1974.

Le moment est venu de dire à quoi nous croyons. C'est pourquoi je voterai contre ce budget. Il manque les réponses et les solutions que je souhaite. Par ailleurs, je trouve qu'il serait malhonnête de faire croire aux Français que nous agissons contre les exactions de la Turquie tout en votant pour un budget dans lequel se trouvent des crédits pour ce pays. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas cohérent. Et ce n'est même pas digne.

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En ce qui concerne la Turquie, il est quand même étonnant que l'on ne se rappelle pas comment on en est arrivé là. J'appartiens, comme Marielle de Sarnez, à une famille politique qui s'est absolument opposée à l'adhésion de la Turquie. M. Giscard d'Estaing s'est exprimé à l'Assemblée nationale contre une telle idée. C'est d'abord le président Chirac, que tout le monde honore aujourd'hui, qui a défendu ce projet. Il a trouvé, lors du sommet qui s'est tenu à Helsinki en 1999, qu'il était très bien d'ouvrir, sans raison, des négociations d'adhésion avec un pays qui, comme cela a été dit, occupait une partie d'un Etat européen. Essayons de nous souvenir des responsabilités des uns et des autres. Pour ma part, j'ai pris des positions très claires sur ce sujet. Il faudrait quand même essayer de ne pas tout mélanger. Ce n'est pas l'Europe qui est en cause, en tant qu'Union européenne, mais des partis politiques et des États.

Par ailleurs, on ne peut pas dire que nous ne regardons pas l'avenir. Toute la politique budgétaire est centrée, depuis des années, sur la cohésion, qui a été essentiellement relancée par l'ouverture de l'Europe à l'Est – elle a été prise en compte –, et on voit bien aujourd'hui, quand on regarde les projets de la Commission, que toutes les priorités envisagées correspondent à celles que nous voulons. Il y a simplement deux choses qui ne vont pas. D'une part, il n'y a pas de moyens, puisque les États ne veulent pas donner des moyens importants à l'Union européenne, nous sommes tous d'accord sur ce point.

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D'autre part, nous n'arrivons pas à avoir une distribution rationnelle des compétences entre l'Union européenne et les États membres, car tout le discours des anti-européens a consisté à dire qu'il fallait moins de pouvoir pour l'Europe. Dieu se rit, comme le dit Bossuet, de ceux qui maudissent les conséquences des causes qu'ils chérissent (Applaudissement sur quelques bancs).

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L'intérêt des discussions que nous avons en commission depuis quelque temps est qu'on a l'occasion d'entendre les arguments des uns et des autres. Après avoir écouté Jean-Luc Mélenchon – et d'autres collègues –, je suis amené à réfléchir. Quand on se bat pour certaines conceptions, en matière de politique européenne ou en ce qui concerne seulement la France, on ne peut pas dire « oui » à tout. J'ai indiqué tout à l'heure que je ne voyais pas vraiment l'intérêt de ne pas voter en faveur de ce budget, dans la mesure où il serait inutile de bloquer la situation : on se tirerait une balle dans le pied, d'une certaine manière, et rien ne nous empêche d'exprimer, par ailleurs, certaines vérités. Or je vais réviser la conclusion à laquelle je suis parvenu tout à l'heure : compte tenu de ce que j'ai entendu, je ne vais pas voter en faveur de ce budget.

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Quand on voit la hausse de la contribution française depuis des années et le coût administratif de l'Union européenne, on ne peut pas dire que celle-ci n'a pas d'argent. Il y a simplement un mauvais fléchage des crédits en termes de priorités. On n'est pas capable d'imposer à l'Europe ce qu'on veut faire de l'argent qui lui est donné. De vrais problèmes se posent – j'ai parlé tout à l'heure de Frontex et de l'écologie, et il y a aussi la question des Kurdes en Turquie et en Syrie. Si on avait un réel pouvoir, c'est vers ces sujets qu'il faudrait flécher l'argent que l'on met à la disposition de l'Europe. On n'est pas capable de le faire, mais il ne faut pas dire que l'Union européenne n'a pas d'argent. Quand des Français ou des ressortissants d'autres États membres qui ont du mal à joindre les deux bouts voient la manière dispendieuse dont vit l'Union européenne, ce n'est tout simplement pas un argument qu'ils peuvent entendre.

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Nous allons maintenant clôturer ce débat, que j'ai trouvé extrêmement intéressant : il est important de pouvoir aller au fond de telles questions.

Il y a, me semble-t-il, une forme de consensus au sein de la commission : nous voulons que ce budget soit un levier politique. La France doit porter et défendre une vision politique. Toute la question est là. Un budget n'est pas qu'une affaire budgétaire au sens comptable du terme : c'est d'abord une question de vision politique. Un budget est au service d'une vision. C'est ce que nous devrons rappeler lundi dans l'hémicycle. Si nous pouvions tous le faire, chacun avec ses mots, sa sensibilité et sa vision de la situation, ce serait utile.

Je pense qu'il faut faire bouger des choses. S'agissant de la BCE, je défends depuis toujours l'idée qu'il faut modifier sa mission – elle ne doit pas concerner uniquement la stabilité des prix, mais aussi le plein-emploi, à l'image de ce que fait la Banque centrale américaine. Il faut apporter certains changements. Nous avons aussi besoin d'une politique commune en matière de migrations et d'asile au plan européen et d'un budget qui prenne en compte ces questions.

Si nous pouvions, les uns et les autres, chacun à sa place, défendre cette vision en séance publique, ce serait une bonne chose. Il faut que l'exécutif prenne en compte ces exigences : c'est l'intérêt de la France, et je ne doute pas que le Président de la République et le Premier ministre auront la volonté politique de le faire. C'est maintenant qu'il faut être au rendez-vous.

Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 36 du projet de loi de finances pour 2020.

- Examen pour avis des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables (M. Jean François Mbaye, rapporteur pour avis) ; vote sur les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

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Notre rapporteur pour avis, Jean François Mbaye, a choisi de travailler sur la question de la forêt avant même que l'actualité dramatique de cet été ne place, de nouveau, cette problématique sur le devant de la scène.

C'est une question absolument vitale et essentielle. Des incendies sévissent en Amazonie, en Sibérie et en Indonésie, mais aussi en Afrique, en Amérique du Nord, en Australie et en Europe du Nord, jusqu'au cercle polaire ou presque. Ces incendies sont une réalité planétaire depuis une vingtaine d'années. Par leur force, leur durée, leurs dimensions et leurs conséquences, ces feux, qui semblent de moins en moins contrôlables, constituent un effet et une cause du réchauffement climatique.

Au-delà de ces feux, se pose la question de la préservation des forêts primaires – celles qui n'ont jamais été défrichées, exploitées ou modifiées par l'homme – et plus généralement de la lutte contre la réduction tendancielle du couvert forestier mondial. Il suffit de rappeler quelques chiffres : selon les dernières données de l'Institut national de recherche spatiale du Brésil, 7 853 kilomètres carrés ont été déboisés en Amazonie au cours des neuf premiers mois de 2019, contre 4 075 pendant la même période en 2018 ; d'après les experts brésiliens, la déforestation pourrait toucher 10 000 kilomètres carrés cette année.

Face à ces enjeux, les réactions sont nombreuses – vous en faites l'inventaire dans votre rapport. Lors du dernier G7, la France a notamment été à l'initiative d'une réaction globale – et d'ampleur – en faveur des forêts tropicales. Cette initiative a été relayée lors de l'Assemblée générale des Nations unies, le 23 septembre dernier, avec l'annonce du lancement d'une alliance pour les forêts tropicales. La protection de nos forêts exige de retrouver un rapport de bonne intelligence avec la nature. Vous proposez, dans cette perspective, une série de sept recommandations que vous allez pouvoir nous présenter.

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Notre commission étudie chaque année, dans le cadre du projet de loi de finances, les objectifs, les instruments et les modalités de la politique menée par la France dans ce domaine. L'examen du budget est l'occasion de réaliser un gros plan sur les actions conduites par la France à l'échelle européenne mais aussi internationale en matière de protection de l'environnement. Cette année, j'ai choisi de consacrer mes travaux à la question de la préservation et de la restauration des forêts mondiales.

Comme l'a dit Jacques Chirac en 2002, lors du quatrième sommet de la Terre, à Johannesburg, « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Cet été, les terribles feux de forêts qui ont ravagé l'Amazonie ont tout de même servi de signal d'alarme : ils ont permis de sensibiliser l'opinion publique mondiale au devenir de nos forêts. Nous devons maintenant regarder en face ce problème, qui expose l'humanité à des risques lourds. Il faut entrer résolument dans le temps de l'action. La France, notamment grâce à son réseau diplomatique et au levier de son aide publique au développement, doit continuer de se mobiliser et peser de façon décisive sur la scène internationale pour que des mesures concrètes et globales soient réellement prises en faveur du couvert forestier mondial.

Les forêts constituent un espace vital pour l'humanité. Elles abritent une biodiversité exceptionnelle – près de la moitié de la flore et de la faune connues dans le monde se trouve dans les forêts tropicales. Les forêts jouent aussi un rôle déterminant en ce qui concerne la fertilité des sols, la qualité des eaux et la régulation du climat. Elles représentent un abri pour certaines populations autochtones et fournissent de nombreuses matières premières à l'humanité – du bois, de la viande de brousse ou encore des plantes médicinales. Par ailleurs, les forêts représentent depuis toujours un patrimoine culturel et une source de réflexion métaphysique et d'inspiration esthétique pour les civilisations humaines.

Malgré de nombreux bénéfices écosystémiques qui sont indispensables à notre survie et au bon équilibre écologique de la planète, l'humanité s'ingénie à détruire les forêts. Voici une carte qui montre les gains et les pertes de couvert forestier dans le monde au cours de la période 1990-2015 :

S'agissant des régions tempérées et boréales, on a observé une régénération des forêts qui résulte des programmes de reboisement et de la recolonisation naturelle de terres abandonnées par l'agriculture. Cependant, il faut garder à l'esprit qu'il n'est ici question que de la couverture forestière, qui est un élément quantitatif et non qualitatif. Une forêt riche et diversifiée offre une infinité d'habitats et peut abriter une communauté animale importante, alors que les monocultures artificielles constituent de pauvres environnements pour l'accueil de la faune. Par ailleurs, les forêts secondaires sont plus sensibles aux maladies et aux parasites, qui y trouvent une homogénéité favorable à leur propagation.

Les zones les plus fortement menacées sont les forêts tropicales, en Amazonie, dans le bassin du Congo et en Asie du Sud-Est – je reviendrai plus en détail sur ce sujet tout à l'heure.

Le processus de destruction des forêts mondiales a débuté avec l'invention de l'agriculture, mais il s'est aggravé très significativement au cours des deux derniers siècles, et il y a eu une nette accélération des atteintes portées aux forêts depuis vingt ans.

Le graphique suivant illustre l'aggravation du problème.

Les bâtons orange montrent l'évolution annuelle de la déforestation, qui se compte en milliers de kilomètres carrés, tandis que la droite en haut, de couleur violette, fait apparaître la réduction continue du couvert forestier mondial depuis l'an 2000. Au rythme actuel de dégradation et de destruction, ce qu'il reste des espaces forestiers mondiaux aura diminué de moitié dans cent cinquante ans.

Plus d'un quart de la déforestation observée dans le monde au cours de la période 2000-2017 est définitive, du fait du changement durable d'affectation des terres au profit de l'agriculture ou de l'urbanisation. La disparition définitive des forêts a principalement lieu dans les zones tropicales, qui enregistrent la plus forte perte nette de couverture arborée au niveau mondial. Les forêts tropicales sont victimes de l'exploitation massive de leur bois et de leur conversion en terres agricoles – des plantations de soja en Amérique du Sud, d'arbres à caoutchouc dans le bassin du Congo et de palmiers à huile en Asie du Sud-Est, ou bien des élevages bovins en Amérique du Sud.

Les cartes qui suivent montrent les principales causes de la déforestation en Amérique du Sud et en Asie du Sud-Est.

Le phénomène le plus important est la déforestation due aux produits de base. Une étude d'impact réalisée en 2013 par la Commission européenne a montré que le soja représentait 60 % des importations de produits à risque au cours des années 1990-2008, l'huile de palme 12 % et le cacao 8 %. Ces matières premières constituent, à elles seules, 80 % des importations pouvant générer une déforestation dans les pays producteurs. Notre consommation alimentaire a un impact direct et importantissime sur la déforestation dans les zones tropicales. Les pays européens sont responsables de plus d'un tiers de la déforestation liée au commerce international de produits agricoles. Pour cette raison, j'estime qu'il est essentiel de développer des actions pédagogiques à destination du grand public, et plus particulièrement des plus jeunes, en ce qui concerne l'impact de notre consommation sur l'état des forêts mondiales.

Les forêts tropicales occupent 12,5 millions de km2. Elles ne représentent qu'une petite partie – 9,8 % – de l'ensemble des terres émergées, mais les écosystèmes qu'elles abritent sont d'une richesse et d'une diversité considérables. Alors que ces forêts représentaient 48 % des forêts mondiales en 1990, leur superficie s'est réduite de 5,5 millions d'hectares par an en moyenne, et elles ne constituaient plus que 44 % des forêts mondiales en 2015. Ces espaces ont subi, en moyenne, 90 % des pertes annuelles de forêts naturelles depuis le début des années 1990. C'est en 2016 qu'on a enregistré la plus forte perte annuelle de surface dans les forêts tropicales – juste devant 2017, qui a vu l'abattage de 10 milliards d'arbres dans ces zones.

Les forêts mondiales sont mal protégées. La gouvernance internationale se caractérise en la matière par l'absence de traité spécifiquement consacré aux forêts. Jusqu'à présent, l'existence d'un clivage entre les pays développés et ceux en développement a fait obstacle à l'établissement d'un véritable instrument multilatéral contraignant dans ce domaine. Les pays du Nord font habituellement valoir que les forêts constituent un patrimoine d'intérêt mondial qui nécessite, en tant que tel, des dispositions internationales. Les pays du Sud arguent, de leur côté, du fait que les forêts sont des ressources naturelles, et ils mettent en avant leur souveraineté sur ce qui constitue un potentiel de développement économique pour eux.

L'opposition à l'adoption d'un cadre unifié a conduit en 1992, lors du sommet de la Terre qui s'est tenu à Rio, à un éclatement des problématiques environnementales relatives aux forêts entre la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la convention sur la diversité biologique (CDB) et la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD).

L'absence de cadre juridique international unifié et contraignant s'accompagne, depuis une vingtaine d'années, d'un foisonnement d'initiatives internationales et régionales. Certaines d'entre elles produisent des résultats satisfaisants et peuvent présenter, dans certains cas, l'avantage de faciliter les échanges entre les acteurs locaux. Cependant, la prolifération des initiatives a pour effet de diluer la mobilisation générale pour les forêts et d'affaiblir la visibilité de cette problématique sur la scène internationale.

Les forêts mondiales méritent d'avoir une préservation à la hauteur de leur importance pour l'intégrité écologique de notre planète. Dans le contexte des graves menaces qui existent actuellement, une convention-cadre des Nations unies permettrait d'apporter un niveau de protection plus important, dans un cadre cohérent et unifié qui bénéficierait d'une meilleure visibilité.

Il ne serait pas réaliste de vouloir transposer le régime ambitieux de protection qui a cours en Antarctique. Les forêts sont des espaces qui abritent des populations nombreuses et qui représentent, d'une manière ou d'une autre, un fort potentiel de développement économique. Toutefois, un équilibre permettant d'arriver à une gestion raisonnée des forêts mondiales peut et doit être trouvé. Il faut inscrire cette ambition en haut de notre agenda diplomatique pour les mois et les années à venir, en se fixant comme objectif l'adoption d'une convention-cadre sous l'égide des Nations unies.

La France, comme elle l'a fait par le passé à propos de la question climatique, doit jouer un rôle de chef de file. Nous avons plusieurs atouts en la matière. Notre pays jouit d'une véritable légitimité puisqu'il dispose d'un important couvert forestier tempéré, en métropole, mais aussi tropical, en Guyane, où 90 % du territoire est occupé par la forêt amazonienne. La France a une expertise reconnue, notamment au travers des actions menées par l'Office national des forêts international (ONFI) et l'Agence française de développement (AFD). Nous sommes également le premier pays à avoir élaboré et adopté, en 2018, une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) – elle est très ambitieuse.

Les mois qui viennent seront riches en opportunités pour agir concrètement, au plan européen mais aussi mondial, en faveur de la gouvernance des forêts. Une négociation est en cours à l'échelle du continent européen en vue d'aboutir à un accord juridiquement contraignant à l'horizon 2020. Nous devons continuer à soutenir résolument cette démarche, qui pourrait préfigurer, en cas de succès, l'élaboration d'un accord plus large sous l'égide des Nations Unies. Le Congrès mondial de la nature qui se tiendra à Marseille en juin prochain sera, par ailleurs, une occasion exceptionnelle de mobiliser les chefs d'État et de Gouvernement, la communauté scientifique mondiale et l'opinion publique internationale sur cette thématique qui mérite vraiment une attention particulière.

La mobilisation de la France est réelle, comme le montrent les initiatives engagées lors de la dernière réunion du G7 et en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre dernier. Notre diplomatie se met en ordre de bataille avec détermination pour promouvoir l'émergence d'une gouvernance mondiale en faveur de la préservation et de la restauration des forêts.

Afin que notre diplomatie environnementale puisse disposer de moyens lui permettant de mener à bien ses missions, je vous invite, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables pour 2020.

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Un grand merci, vraiment, pour votre connaissance et votre enthousiasme sur ce sujet, depuis le début de nos travaux. C'est plus que bienvenu, et je pense que l'ensemble de la commission vous soutient totalement lorsque vous demandez l'émergence d'une gouvernance mondiale pour les forêts.

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Merci, cher collègue, et bravo pour la qualité des travaux qui viennent d'être présentés.

Il nous revient aujourd'hui, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, de nous prononcer sur les crédits alloués à la mission Écologie, développement et mobilité durables. Notre rôle, au sein de la commission des affaires étrangères, est de mettre ces crédits en perspective de l'ambition qui est celle de la France au plan européen comme international.

La lutte contre la déforestation, comme vous l'avez rappelé, doit devenir une priorité. Le Président de la République l'a dit à plusieurs reprises, notamment à l'ONU, dans des termes forts qui ont reçu le soutien de nombreux autres pays.

La situation est extrêmement préoccupante. Pendant votre exposé, l'équivalent de cinq terrains de foot a été déforesté à travers le monde. Chaque année, du fait de la consommation des Français, c'est l'équivalent de la Bretagne tout entière qu'on déforeste.

Si vous n'avez pas le temps de consulter l'intégralité du rapport, je vous invite à lire les sept recommandations qui figurent à la page 5. Au nom du groupe La République en Marche, j'appelle non seulement à voter en faveur des crédits alloués à cette mission budgétaire, mais aussi à soutenir les sept propositions de notre rapporteur pour avis. Elles visent à créer une gouvernance mondiale en utilisant le droit international, notamment par l'adoption d'une convention-cadre, à faire pression sur la Commission européenne pour qu'elle porte le message en la matière, mais aussi – et c'est la cinquième proposition – à passer par les Français eux-mêmes pour agir, en matière d'éducation, de transparence et de consommation.

Nous sommes au début d'un chantier que mon groupe soutient totalement, et je suis sûr qu'il en va de même pour l'ensemble de la commission. Il y a eu hier un programme télévisé de France 2 sur ce sujet : on voit bien que le peuple tout entier s'intéresse à cette question, et que c'est enfin le moment d'en parler.

Je voudrais aussi évoquer notre ambassadeur délégué à l'environnement, Yann Wehrling : il incarne la diplomatie environnementale et mériterait d'être régulièrement auditionné. C'est lui qui est chargé de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée. Il est très important que nous puissions participer à l'analyse et au suivi qui sont réalisés dans ce domaine.

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Votre rapport est très intéressant, cher collègue, mais je trouve qu'il manque des solutions suffisamment fortes en la matière. C'est un peu comme pour l'immigration : on n'arrête pas d'en parler, on constate ce qui se passe, mais on n'essaie pas de comprendre.

Entre le IXe siècle et le XIVe siècle, la France a perdu toutes ses forêts. Lisez les Œuvres de Georges Duby qui viennent d'être publiées par la Bibliothèque de la Pléiade – c'est extraordinaire. Notre pays est devenu une grande puissance parce qu'il a procédé à une déforestation massive pendant cette période, qui précède la grande époque de la France. Il faut avoir cela en tête quand on pense aux États en pleine déforestation : l'intérêt national ne coïncide pas toujours avec l'intérêt international. On le voit aussi en matière d'immigration.

Il faudra que les institutions internationales fassent, tôt ou tard, ce qu'elles n'ont pas encore fait dans ce domaine comme dans celui de la déforestation, car on a affaire à des éléments gênants. L'immigration profite à beaucoup de gens, des deux côtés de la Méditerranée et ailleurs. La déforestation profite aussi à beaucoup de gens. Si nous ne proposons pas rapidement un statut particulier pour les forêts que nous voulons protéger – ce qui nous coûtera très cher –, dans le cadre d'instruments juridiques internationaux, tout le reste ne donnera rien et nous connaîtrons le même échec qu'en matière d'immigration : on se contentera de répéter qu'il faut sauver la forêt.

Nous donnerons de l'argent au Brésil, sans trop savoir ce qu'il en fera. Cette situation semble placide, alors qu'elle est en réalité dramatique ; la France aurait intérêt à davantage éveiller ses partenaires internationaux à son sujet. J'estime que notre monde est dirigé d'une manière placide, comme si nous refusions de voir un certain nombre de problèmes. La lecture du livre de Georges Duby fait comprendre l'importance de la dimension historique des problèmes. Nous devrions donc avoir le courage, de temps en temps, de rompre cette placidité gestionnaire.

Ce rapport est très intéressant, sa lecture m'a appris beaucoup et je le conserve précieusement. Toutefois, il convient d'identifier un projet international pour la France, peut-être sous la forme d'un chantier puissant dans le cadre européen. En effet, l'Europe est dépourvue de cette dimension alors même qu'elle tire profit de la déforestation.

Dans ces conditions, je suis très réservé au sujet des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables : au nom des Républicains je ne voterai pas l'avis.

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Au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, je remercie M. le rapporteur de cet éclairage, à la fois intéressant et particulièrement opportun, sur les enjeux soulevés par la déforestation. Nous avons été sensibles au désastre qu'ont constitué les immenses incendies de cet été en Amazonie, comme nous l'avons été également à propos des incendies survenus en Californie, en Australie et au Canada.

Vous avez raison de le souligner, le soin que nous saurons apporter aux espaces forestiers si importants pour la viabilité de notre Terre sera déterminant pour notre avenir. C'est pourquoi nous saluons l'action de la France en la matière. En effet, elle a su porter ce sujet au coeur des échanges internationaux. Ce fut le cas avec l'accord de Paris signé en 2015, mais aussi lors de la réunion du G7 à Biarritz cet été, grâce à l'action du Président de la République.

Les chiffres avancés dans votre rapport sur l'état de la déforestation et sur son accélération sont terrifiants. Vous rappelez également les multiples actions qui seront lancées en la matière, notamment par l'Agence française de développement. Son action se développe en particulier sur le plan de l'aménagement forestier, dont vous soulignez l'efficacité. Alors que notre Assemblée aura bientôt l'occasion de se prononcer sur la réorganisation et l'orientation de l'aide publique au développement, il serait utile que vous puissiez détailler le fonctionnement des aides dédiées à ces actions, la manière dont les projets sont élaborés ainsi que leur efficacité sur le terrain. Ces initiatives me semblent particulièrement utiles en Afrique centrale et au Sahel, afin d'enrayer l'avancée du désert, mais aussi pour rendre visibles des terres qui étaient autrefois des terres agricoles ou d'élevage.

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Je ne voudrais pas que vous pensiez que le groupe Socialistes et apparentés est psychorigide, mais il est vrai que nous avons une « Idéfix » concernant ce dossier, à l'instar de l'adoration bien connue que porte aux arbres ce personnage.

La passion de M. le rapporteur, la qualité absolue et le réalisme de son rapport, qui dépassent le cadre de la commission, sont admirables. Mon groupe votera en faveur de l'avis.

L'idée défendue par le Président de la République au G7 de Biarritz a été inspirée par M. le rapporteur, mais celui-ci avait dix-huit mois d'avance.

Comme l'a dit M. Goasguen, entre le IXe et le XVe siècle, la France a connu une déforestation massive. Il est peut-être nécessaire, au niveau national, de revenir sur ce type de pratiques. Ainsi, pour ma grand-mère agricultrice, les arbres n'avaient rien de sympathique, car ils n'étaient pas productifs : rien ne pousse en dessous. Il conviendrait de réfléchir à la possibilité de procéder à la reforestation de notre propre pays, avant de donner des leçons aux autres. Peut-être pourrions-nous le faire sur des surfaces moindres, mais avec une véritable philosophie.

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Je tiens à féliciter M. Mbaye pour son excellent rapport.

À l'extérieur de l'Union européenne, nous nous inquiétons des conséquences de la déforestation, notamment de la perte des arbres qui sont le poumon de la planète. La déforestation entraîne également la disparition de la biodiversité abritée par ces forêts. La perte de la faune et de la flore est la perte d'une véritable richesse. Serait-il possible, via le conditionnement de certaines des dotations de l'AFD par exemple, de garantir le maintien écologique des pays qui en sont destinataires ?

Dans notre pays, la surface des forêts est en augmentation, à tout le moins dans les Vosges. Cependant, l'Est de la France et l'Allemagne sont frappés depuis quelques mois par des scolytes. À l'instar de l'aide accordée par l'Allemagne aux propriétaires fonciers pour replanter des arbres, serait-il possible d'aider les propriétaires forestiers français, par le biais de fonds européens ou français ? En effet, les scolytes, qui touchent une partie du territoire, sont dévastateurs pour nos forêts.

Quoi qu'il en soit, le groupe UDI et indépendants votera l'avis favorable aux crédits de la mission.

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Aux effets d'annonce, je préfère les annonces suivies d'effets. Le 12 juin dernier, dans son discours de politique générale, le Premier ministre annonçait de nouveaux engagements écologiques, laissant entrevoir un budget pour 2020 plus vert et plus durable. Cependant, le virage écologique que nous attendions ne semble pas à la hauteur des défis à relever. Alors que le Gouvernement met en avant l'urgence écologique, le budget alloué à la mission Écologie, développement et mobilité durables est légèrement inférieur à 12 milliards, en trop faible augmentation par rapport au budget pour 2019. Certains aspects des crédits de la mission qui sont soumis pour avis nous semblent problématiques au regard de leur véritable efficacité. Il en est ainsi de l'aide à l'acquisition de véhicules propres en 2020 ; le dispositif bonus automobile et prime à la conversion augmentera de 40 %, alors que parallèlement le Gouvernement durcit les conditions d'éligibilité, notamment en excluant les véhicules coûtant plus de 60 000 euros.

Il en va de même de l'accompagnement financier de la transition énergétique. Certes, c'est le poste le plus important de la politique de l'énergie, avec un montant de 1,2 milliard. Pour autant, le système actuel de crédit d'impôt pour la transition énergétique sera transformé dès la fin des travaux en 2020 : celui-ci ne concernera que les ménages les plus modestes, puis les classes moyennes en 2021.

Le groupe Libertés et territoires redoute que cette mesure ne permette pas d'atteindre l'objectif fixé de 500 000 logements rénovés par an. En transformant un crédit d'impôt profitant à tous en une prime dont le budget est limité, la portée de cette mesure sera réduite. De plus, le reste à charge pour les ménages modestes et très modestes demeure significatif. Nous nous interrogeons également sur l'effectivité de l'action de protection des consommateurs en situation de précarité énergétique, qui perd 808 millions suite à une modification du programme « Service public de l'énergie ».

Notre groupe souhaite que les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables soient véritablement à la hauteur des enjeux.

Nous saluons l'enthousiasme de M. Mbaye et nous soutiendrons ses propositions. Néanmoins, nous dénonçons l'accord commercial avec le Mercosur, alors que la déforestation industrielle brésilienne est responsable des incendies qui ravagent l'Amazonie. Des feux dévorent chaque année une partie de la plus grande forêt tropicale du monde, mais la déforestation en Amazonie brésilienne a atteint un niveau inégalé à ce jour : les incendies ont touché 6 404 kilomètres carrés supplémentaires, soit une augmentation de 91 % par rapport à la même période en 2018. Le Président brésilien, en plus d'être un goujat, ne respecte pas l'accord de Paris relatif au climat. Notre groupe a déjà exprimé son opposition à la signature de l'accord avec le Mercosur, en raison notamment de la déforestation massive. Par conséquent, que signifie réellement l'annonce du Président de la République de ne pas signer en l'état cet accord ? Nous avons la garantie que rien ne sera fait tant que le Président brésilien ne s'engagera pas à respecter la plus grande forêt tropicale et à tenir les engagements de la COP21.

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La France insoumise ne votera pas en faveur du budget général, ni en faveur des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Mes collègues ont d'ores et déjà donné leur avis dans le cadre de la commission des finances. Nous en sommes au point qu'un comité de défense de l'existence du ministère de l'écologie a été créé en son sein, par ceux-là même qui le font vivre, en raison notamment du nombre de postes supprimés et de la baisse des budgets.

La France aurait intérêt à appuyer le mandat confié par l'ONU à l'Équateur et à l'Afrique du Sud pour créer un cadre législatif, certes non contraignant, incitant les entreprises multinationales à respecter les normes sociales et environnementales. Une discussion se tient à ce sujet à l'ONU ; les États-Unis s'en sont retirés suite au refus d'en changer la présidente, alors équatorienne. La France, quant à elle, n'y est plus qu'observatrice. J'estime que nous pourrions mieux faire en ce domaine.

Je salue la qualité du rapport de M. Mbaye, sur lequel la France insoumise s'appuiera dans le cadre de l'initiative qu'elle prépare concernant les forêts. Votre participation, monsieur Mbaye, serait vivement appréciée.

Si au Moyen Âge la France a connu une forte déforestation, c'est parce que la richesse à cette époque résidait dans la terre. Le contexte aujourd'hui est différent : la terre, en particulier la terre arable, est toujours une richesse, mais la déforestation ne constitue plus une obligation pour faire prospérer un pays. Les causes de la déforestation sont désormais entièrement sociales. La première d'entre elles est le besoin en énergie ; ainsi, partout où les populations ont accès à d'autres sources d'énergie, telles que l'électricité, le processus de déforestation ralentit et, parfois, s'inverse.

Par ailleurs, je partage l'analyse de M. Baye quant à la responsabilité du commerce international et des modes de consommation occidentaux dans la déforestation. Le soja n'est pas la seule protéine végétale accessible au bétail ; par conséquent, les quantités décrites dans le rapport ne sont pas nécessaires, en particulier si nous mettons fin au développement du recours aux protéines carnées. En effet, le rapport entre protéine carnée et protéine végétale est si désastreux que des quantités considérables de ces dernières sont nécessaires pour produire les premières. La même logique s'applique à la production de cacao.

Le rapport affirme que 30 % de la déforestation sont dus au commerce et à nos modes de consommation. La solution réside précisément dans cette affirmation.

Certes, la France se reboise, d'une part car des terres sont abandonnées, d'autre part grâce à l'action de l'ONF. Malheureusement, ce reboisement n'est pas toujours bénéfique : ainsi, planter massivement des sapins n'est pas nécessairement une bonne idée, en particulier en plaine. Cette essence est choisie car elle présente le rendement financier le plus rapide, et parce que les machines existantes ne sont pas en mesure de traiter des troncs dont le diamètre est supérieur à 40 centimètres. Là encore, un déterminant économique s'impose à la gestion forestière. Par ailleurs, l'Office est géré à court terme, ce qui constitue un danger ; ses personnels sont en souffrance et le nombre de suicides, en augmentation, demeure très inquiétant.

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Le reboisement de la France est avéré. Par ailleurs, toute monoculture forestière est en effet néfaste.

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J'ai cherché en vain dans le rapport un lien direct avec le budget. Néanmoins, cela ne remet pas en cause la qualité de ce travail. Pour autant, un avis nous est demandé sur les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables. À n'en pas douter, ce budget est mauvais. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne peut rendre un avis favorable à un budget prévoyant en 2020 près de 1 000 suppressions de postes au sein du ministère de la transition écologique et solidaire. Cette situation est d'autant plus critique que nous considérons que ce ministère pourrait jouer un rôle important auprès des ambassades des pays évoqués dans le rapport, afin d'engager la reforestation, ou, à tout le moins, de mettre un terme à la déforestation.

Une incohérence existe entre d'une part, les attentes légitimes d'actions en matière de lutte contre la déforestation, d'autre part, les moyens qui y sont affectés. De plus, la dégradation des forêts entraîne la dispersion d'une multitude de gaz. La question de la taxe sur le kérosène se pose, elle aussi, à l'échelle internationale : la pollution liée au kérosène a un impact sur les forêts, mais il n'en est pas question dans le rapport.

Il manque, au sein de la présente commission, les comptes rendus des actions des députés au sein des instances internationales. Ainsi, nous ignorons ce qui est décidé par les délégations françaises en matière d'écologie au Conseil de l'Europe, mais aussi à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Quels sont les messages envoyés et au nom de qui le sont-ils ? En un peu plus de deux ans, la question relative aux actions des délégations françaises dans les instances internationales n'a jamais été abordée au sein de la commission. Nous n'avons aucune information quant aux sujets qui y sont défendus.

Les conséquences de ce budget sur la réalité de l'effort écologique de notre pays montrent que nous ne sommes pas à la hauteur des enjeux.

Enfin, M. le rapporteur a effectué un déplacement au Liban ; j'ai cherché en vain dans le rapport le rôle de ce pays dans la lutte contre la déforestation.

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Je m'associe au concert de louanges relatif au travail de M. le rapporteur. Un point cependant me semble insuffisamment présent dans ce rapport ; il ne figure d'ailleurs pas dans les sept recommandations. Pourtant, il est lié à de vifs débats que nous avons eus ici au sujet du commerce international. Ainsi, il est impossible de s'intéresser à la déforestation au Brésil sans s'interroger sur nos importations. Le rapport dénonce à cet égard une colonisation agricole. Cependant, le commerce international est également un levier d'action. La position française en la matière a suscité un débat : elle consiste à utiliser le commerce international, parallèlement à un engagement réciproque à respecter l'accord de Paris, comme cela est fait dans le cadre de l'accord économique et commercial global (AECG), ou CETA.

Le commerce international doit être utilisé comme un levier d'action, ce qui permettra de dire que l'Union européenne, à terme, commercera de façon privilégiée avec les pays et les entités respectant les enjeux de biodiversité et l'accord de Paris.

Ce sujet ne fait pas partie à part entière d'une recommandation. Pourtant, il y a lieu de répéter constamment la position française, qui est encore trop peu entendue au sein de l'Union européenne : conditionnons, à terme, nos accords internationaux de commerce aux impacts environnementaux en matière de respect de la biodiversité et de gestion du climat.

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Nous avons déjà eu ici des débats très intéressants au sujet du climat, des océans, et, aujourd'hui, des forêts. Il est aussi très intéressant de comprendre comment la politique française en matière de relations internationale a un impact sur ces sujets, qui sont liés.

Selon une étude récente, les surfaces recouvertes de forêts ont augmenté au niveau mondial de 7 % depuis 1982. Cela correspond à une augmentation de 2,22 millions de kilomètres carrés. Toutefois, l'implantation de ces forêts et la répartition des essences montrent un déséquilibre. Les zones tropicales sont menacées à la fois par la déforestation et par les conséquences à venir du changement climatique. La déforestation y est illégale et génératrice de corruption. Tel n'était pas autant le cas au moyen âge dans notre pays.

Dans les zones tropicales, la forêt laisse place à des cultures d'huile de palme et de soja, ainsi qu'à de l'élevage intensif, pour alimenter la consommation des pays développés. Les traités commerciaux sont cruciaux en la matière : nous sommes concernés au premier chef par les conséquences de nos choix commerciaux et de nos engagements dans des traités de libre-échange.

L'AFD offre un outil de soutien aux pays en développement, les premiers concernés par la déforestation et ses conséquences. Quelles sont nos exigences en la matière à son égard ? Quels sont les moyens que l'AFD consacre à ces sujets ?

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Je remercie à mon tour M. Mbaye pour son remarquable rapport. Celui-ci nous rappelle les bienfaits, nombreux et incontestables, dont les arbres sont à l'origine : rendre la température plus clémente et l'atmosphère moins irrespirable, servir de refuges à différentes espèces, atténuer le changement climatique, réduire la pollution atmosphérique et lutter contre le ruissellement et l'érosion des sols.

Toutefois, un arbre ne pousse pas rapidement et planter a un coût. Si planter des arbres et veiller sur les forêts sont de bonnes choses, ne pas les couper, en particulier les grands, est encore plus profitable. Plutôt que de trouver une justification à chaque coupe, pourquoi ne pas rechercher une solution alternative qui préserve l'arbre visé ?

Un arbre nécessite en effet de l'entretien, du savoir-faire et du temps, trois éléments auxquels notre époque répugne, tant elle valorise l'immédiateté et l'usage unique. Un arbre ne saurait être présent seulement quelques semaines par an pendant les canicules, puis disparaître et réapparaître dès que ses vertus redeviennent nécessaires, comme le ferait un faux sapin de Noël rangé dans un placard. Pourtant, sous prétexte d'aménagement du territoire, tous les jours des arbres tombent. Couper un arbre, et à plus forte raison une forêt, relève à notre époque d'une démarche irresponsable.

Alors que l'ONF traverse une crise profonde de gouvernance, avec l'industrialisation croissante et la surexploitation des forêts publiques, quelles actions la France mène-t-elle en faveur de la protection des forêts ? Comment s'articulera le financement français de cette protection ? Nos forêts sont nos alliées les plus précieuses dans la lutte contre le changement climatique. Or dans ce combat inégal, nous avons bien peu d'alliés.

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Je remercie moi aussi M. Mbaye pour son intéressant rapport, qui évoque le rôle de la France au sein de l'Europe, mais aussi dans le reste du monde. La déforestation est un sujet majeur de notre histoire ; elle a été un important facteur de développement.

L'été dernier, pendant que l'Amazonie brûlait, les forêts du centre de l'Afrique brûlaient également. Pourtant, ces incendies n'ont pas été relayés dans les médias, alors que la catastrophe écologique qu'ils représentaient était aussi importante, bien que liée à des facteurs différents.

Dans le rapport sont évoqués des exemples de reforestation en Europe et en Chine : comment ont-ils été conduits ? Quelles en sont les conséquences aujourd'hui ?

Comment mettre en cohérence nos exigences en matière de climat, d'écologie et de protection des forêts avec nos accords commerciaux ? En effet, les injonctions contradictoires sont encore trop nombreuses.

Enfin, en plus du schéma très éclairant concernant la perte nette de forêt, j'aurais aimé trouver dans le rapport une courbe relative à la démographie. En effet, il n'est pas suffisamment question dans le rapport de l'impact des activités humaines et du déséquilibre démographique. Or nous devrions nous en préoccuper en premier lieu, car les conséquences des activités humaines sont majeures en matière d'écologie et de changement climatique.

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Je remercie M. Mbaye pour son excellent rapport et pour le plaidoyer qu'il nous a présenté aujourd'hui. Si nous n'avions pas encore perçu l'importance de ces sujets, c'est désormais chose faite.

Je n'ai qu'une question à poser : quels sont les résultats obtenus par le forum des Nations unies sur les forêts ?

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Christian Hutin a déjà évoqué tout le bien qu'il pensait de ce rapport, et je partage ses remarques. Cependant, notre vote concerne les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Je note une baisse des crédits concernant le secteur ferroviaire, la sécurité et la sûreté maritime, les gens de mer et l'enseignement maritime, mais aussi une diminution de l'enveloppe consacrée à la prévention des risques technologiques et des pollutions, avec des indicateurs prévoyant moins de contrôles en 2020 qu'en 2018 (respectivement 17 et 20). Je constate également une forte baisse du budget relatif à la prévention des risques naturels, alors que ceux-ci sont amenés à se développer conséquemment au changement climatique. De nombreuses associations, telles que France nature environnement, ont émis de sévères critiques et s'alarment d'un budget manquant d'ambition.

Quant aux moyens humains du ministère, la hausse annoncée du budget masque mal des suppressions de postes massives, correspondant à une réduction de 1,8 % des effectifs. Cela amène à la suppression de 1 700 postes en 2020 et de près de 5 000 postes d'ici à trois ans. Pourtant, la transition écologique a besoin des services du ministère dans les territoires pour se concrétiser et accompagner les collectivités et les entreprises.

Comment le nouvel Office français de la biodiversité (OFB) sera-t-il en mesure de remplir son rôle crucial de protection de la biodiversité avec moins d'effectifs ? Comment éviter de nouveaux accidents industriels, tels que celui de l'usine AZF à Toulouse, en l'absence de personnel pour inspecter les installations industrielles ? Plus récemment, l'accident survenu à Rouen nous montre notre vulnérabilité, ainsi que le besoin de personnel pour contrôler le respect des règles et assurer notre sécurité.

Ce budget, qui manque d'ambition, motive un vote défavorable aux crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Pour autant, en aucun cas il ne s'agit d'une critique à l'égard du rapport qui, encore une fois, est remarquable.

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Pour ma part, j'établis un lien entre le budget et l'excellent rapport de M. Mbaye. Nous recueillons là les fruits du travail mené depuis trois ans, après avoir approfondi un certain nombre de sujets. Ce travail permet d'apporter un éclairage bienvenu à la commission sur les budgets. Je suis rapporteur pour avis sur la diplomatie d'influence et je ne partage pas la différenciation opérée par certains entre le vote relatif aux crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables et un rapport approfondissant un sujet et complétant ce faisant les travaux des deux années précédentes.

Le terme d'ambassadeur n'apparaît pas dans le rapport, alors qu'il est question de l'AFD et de différentes conventions. Le discours récemment tenu par le Président de la République aux ambassadeurs confirme l'importance de leur rôle. Toutefois, l'ambassadeur de France au Brésil a-t-il une feuille de route différente de celle de l'ambassadeur de France en Pologne ou en Chine, s'agissant des forêts ? Quel est votre avis, monsieur le rapporteur, sur l'évolution de l'application de la politique en matière d'affaires étrangères ? En effet, nous sommes là dans notre rôle de contrôle du ministre des affaires étrangères.

Par ailleurs, je siège à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE et j'ai proposé il y a déjà quelque temps à la commission de rendre compte des actions que mènent les députés français au sein de cette institution.

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Enfin, je rappelle qu'en Pologne, il est criminel de couper un arbre.

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Au cours des précédentes législatures, Bernard Deflesselles, Arnaud Leroy et moi-même produisions un rapport annuel sur les négociations relatives au climat, leurs enjeux, leurs tenants et leurs aboutissants. Nous avons eu maintes occasions d'aborder l'exploitation du domaine forestier et le rôle de celui-ci dans l'équilibre climatique, par le biais d'études que nous nous sommes procurées ou que nous avons menées nous-mêmes, en Europe, au Brésil, en Chine, en Inde et dans différents pays d'Afrique. Je partage donc les préoccupations présentées dans ce rapport, qui sont les nôtres aujourd'hui. L'Assemblée nationale travaille sur ces questions depuis près d'une quinzaine d'années.

S'agissant de l'ensemble des crédits ayant trait au développement durable, je m'interroge au sujet du Fonds vert en rapport avec le changement climatique. En effet, ce fonds constitue un enjeu majeur pour la plupart des pays en voie de développement. Où en est-il ? Je ne parle pas tant de la contribution française, qui mérite néanmoins un point d'étape, que du fonds lui-même.

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La remarque de M. Petit sur les ambassadeurs m'a rappelé une anecdote concernant Louis XV. Un solliciteur lui avait déclaré : « Rappelez-vous, Sire, que je suis du bois dont on fait les ambassadeurs. » Ce à quoi Louis XV avait répondu : « Je penserai à vous lorsque j'aurais besoin d'ambassadeurs en bois. »

Je félicite M. Mbaye pour son rapport, que je trouve tout à fait remarquable. Je suis sensible à l'argumentation développée par Claude Goasguen et à sa lecture de Georges Duby concernant la déforestation. Néanmoins, je crois qu'il faut aller plus loin : ce qui est caractéristique, c'est l'après déforestation européenne. Ainsi, dès Louis XIV et Colbert, la surface des forêts françaises s'est stabilisée. L'équilibre alors créé a été globalement maintenu puisqu'aujourd'hui encore, la France et l'Europe sont en cours de reforestation.

Nous devons nous interroger sur le modèle bien plus que sur le processus de déforestation en lui-même. Quelle est la surface que nous souhaitons, à terme, voir maintenue en état de forêt ? Quelles sont les essences que nous voulons conserver ? Quelles sont les latitudes concernées ? La carte que vous nous avez présentée est fascinante : elle ressemble à celle des enfants du capitaine Grant ! La déforestation est massive au sud du globe et quasiment inexistante au Nord. Bien évidemment, cela ne signifie pas que le Nord est vertueux et que le Sud ne l'est pas ; cela signifie en réalité que le Nord exploite la déforestation du Sud.

Dans ce rapport, les considérations relatives au multilatéralisme me frappent. Le coeur des propositions repose sur un accord juridique contraignant au plan mondial et sur une politique européenne. Celle-ci s'articule autour d'outils très intelligents tels que l'accord de partenariat volontaire et le règlement bois. Ces outils ont pour conséquence une mise en cause de nos intérêts et de notre compétence juridique à un échelon multinational. Face à ces enjeux mondiaux, nous avons des entités politiques prétendument souveraines qui sont totalement fragmentées, éparpillées et impuissantes. Telle est la conclusion sous-jacente de ce rapport.

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Je ferai parvenir, le cas échéant, des réponses écrites aux collègues auxquels je n'aurais pas eu le temps de répondre ce matin.

Je remercie M. Mahjoubi pour son implication dans les problématiques que nous avons évoquées. Je ne peux que répondre par l'affirmative à ses propositions, en particulier celle consistant à créer un espace de travail partagé permettant d'aller au-delà de la présente réflexion.

Monsieur Goasguen, vous avez posé la question des actes : nous pouvons agir sur la gestion durable des forêts. À cet égard, j'ai auditionné des acteurs en charge de la certification. La logique de gestion durable permet d'obtenir la certification des territoires et d'offrir un cercle vertueux aux consommateurs. Il s'agit là encore de respecter un équilibre. Nous devons travailler dans un premier temps à l'échelle nationale.

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Si, cela sert bien à quelque chose. En effet, les consommateurs sont demandeurs de ce type d'initiatives, qui s'inscrivent dans un cercle vertueux.

Bruno Joncour, Annie Chapelier et Bérengère Poletti se sont interrogés sur les actions que mène la France et sur leur financement. La France occupe une place importante : elle est en effet le premier pays européen gestionnaire d'une forêt tropicale, en Guyane. Par ailleurs, sa politique d'aide publique au développement lui confère un rôle majeur en matière de lutte contre la déforestation. La France défend des propositions dans certaines enceintes, telles que les conventions de Rio et de Ramsar, ou encore le forum des Nations unies pour les forêts. Elle plaide également pour une reconnaissance durable des forêts, de leurs services et de leur importance pour les populations locales. Les financements s'élèvent à 350 millions d'euros pour la période 2000-2017, dans le cadre de l'APD, soutenue à la fois par l'AFD et le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM). Ils ciblent les aménagements forestiers et des territoires ruraux, mais aussi des aires protégées ; ils prennent également la forme de soutiens aux administrations pour améliorer la gouvernance du secteur et de projets d'appui aux filières. La France finance des projets d'assistance technique pour le renforcement des capacités des administrations forestières et apporte des contributions, par le biais de l'AFD, et en lien avec la banque mondiale au Fonds de partenariat pour les écosystèmes critiques (10,3 millions de dollars) et au fonds carbone (5 millions de dollars). Elle soutient aussi l'initiative pour les forêts d'Afrique centrale et contribue au fonds pour l'environnement mondial, à hauteur de 300 millions de dollars pour la période 2018-2022. Enfin, la contribution de la France au fonds vert pour le climat s'élève à 774 millions d'euros pour la période 2015-2018.

Monsieur Hutin, reforester est une bonne chose ; l'ONFI et l'AFD, dans une moindre mesure, s'y emploient. Cependant, une forêt secondaire sera toujours moins diversifiée qu'une forêt primaire. C'est pourquoi la préservation des forêts demeure indispensable.

En matière de diplomatie environnementale, évoquée par plusieurs d'entre vous, je vous invite à consulter le premier avis que j'ai produit l'année dernière. J'y avais en effet insisté sur la nécessité de mettre sous tension le réseau diplomatique pour la lutte contre le changement climatique. En matière de lutte contre la déforestation, nous devons pareillement demander régulièrement aux ambassadeurs de nous communiquer des points d'étape. Tous les ambassadeurs ont reçu au mois de juillet une feuille de route leur permettant de faire respecter ces enjeux.

Monsieur Lecoq, le cèdre, symbole du Liban, a lui aussi souffert du changement climatique. Je me suis rendu sur place, afin de mesurer l'impact des actions de l'AFD sur ces problématiques. Un partenariat a en effet été noué entre l'AFD et les autorités locales, les municipalités et des acteurs associatifs, afin de reboiser certaines terres ayant souffert à la fois du changement climatique et des conflits.

Monsieur Naegelen, je vous invite à la prudence. Tant pour le conditionnement de l'APD que pour le climat, nous devons faire preuve d'une vigilance quant à la durabilité des projets.

Monsieur El Guerrab, nous devons rester dans le cadre qui nous a été fixé. J'ai traité, par le biais de ce rapport, le volet international. Par ailleurs, le Président de la République s'est exprimé au sujet des traités commerciaux internationaux. J'ai pour ma part souligné que ceux-ci, en favorisant la consommation, fragilisent l'action de lutte contre la déforestation ; nous devons être vigilants à ce sujet. La France porte l'initiative de stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, ce qui constitue un moyen d'affirmer le sérieux de ce sujet.

Madame Boyer vous avez raison, la démographie a un impact sur les forêts. Toutefois, le problème a trait avant tout à notre consommation. C'est pourquoi nous devons promouvoir à l'échelle internationale une gestion durable des forêts et, pour ce faire, renforcer et encadrer le commerce international. À cet égard, nous pouvons nous appuyer sur le programme éducatif qui est évoqué dans le rapport.

L'action de la France en matière de lutte contre la déforestation est très complète, notamment dans les différentes enceintes internationales que j'ai évoquées.

Madame Rauch, le forum des Nations unies sur les forêts a élaboré un instrument juridique non contraignant dénommé « l'instrument forestier », adopté en 2007 par l'Assemblée générale des Nations unies. En 2015 a été décidé un plan stratégique à moyen terme de l'ONU sur les forêts pour la période 2017-2030 ; ce plan a permis de mettre en cohérence les objectifs de développement durable. En janvier 2017 ont été adoptés simultanément le plan stratégique et le programme de travail quadriennal du forum pour la période 2017-2020.

Le temps me manque ce matin pour vous répondre plus complètement, mais, je l'ai dit, je pourrais vous parvenir des réponses écrites ultérieurement.

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Je souhaiterais poser une question et soulever un point d'ordre.

Monsieur le rapporteur, compte tenu des évolutions de notre politique écologique au plan national, je souhaiterais savoir si, dans le cadre de vos auditions, vous avez interrogé des multinationales françaises du secteur des agrocarburants sur les pays dans lesquels elles se fournissent et sur l'impact de leurs fournitures sur la forêt – il faut aller au bout du raisonnement.

Par ailleurs, je n'ai pas entendu, au cours de votre exposé, d'arguments de nature à me convaincre d'approuver les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables – vous nous avez indiqué que votre avis était favorable, mais vous ne nous avez pas expliqué pourquoi. En revanche, je voterais volontiers l'ensemble de votre rapport, hormis la première page. Je suis donc très gêné : soit la présidente appelle les crédits de la mission, et il me sera très facile de me prononcer, soit elle soumet à notre vote votre rapport, indépendamment des crédits budgétaires, mais ce n'est pas ce qui était prévu à notre ordre du jour…

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Nous approuvons tous le rapport, de façon consensuelle : Claude Goasguen a bien exprimé quelques divergences, mais, sur le fond, nous sommes tous d'accord. Cependant, c'est sur les crédits budgétaires que nous devons nous prononcer.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables tels qu'ils figurent à l'état B annexé à l'article 38 du projet de loi de finances pour 2020.

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Je vous remercie, monsieur Mbaye, pour vos travaux sur la question de la préservation et de la restauration des forêts. Notre commission y reviendra certainement, car celles-ci font partie de ce que l'on appelle les biens communs de l'humanité.

- Examen pour avis des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure (M. Alain David, rapporteur pour avis) ; vote sur les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles : Action audiovisuelle extérieure

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Notre ordre du jour appelle à présent l'examen des crédits alloués à l'action audiovisuelle extérieure au sein de la mission Médias, livre et industries culturelles, dont le rapporteur est M. Alain David.

L'audiovisuel extérieur est un outil essentiel de notre diplomatie d'influence. Les enjeux stratégiques sont nombreux : promotion de la francophonie et de la francophilie, soutien à l'aide publique au développement dans le domaine des médias ou encore lutte contre la désinformation, dans un contexte international tendu – c'est le moins que l'on puisse dire.

Monsieur David, vous revenez sur chacun de ces enjeux dans votre rapport, en rappelant, à juste titre, l'attention que notre commission doit porter à l'audiovisuel extérieur, à quelques mois du débat parlementaire sur le projet de réforme de l'audiovisuel public dont l'examen est prévu, au jour d'aujourd'hui – je suis prudente –, en février 2020. Ainsi, 2020 sera une année cruciale pour l'audiovisuel extérieur, en raison de l'intégration annoncée de France Médias Monde (FMM) au sein d'une holding de l'audiovisuel public et de la présidence française de TV5 Monde, qui s'étalera sur deux ans. Notre commission, qui émettra un avis sur le projet de loi, veillera, bien entendu, à ce que l'audiovisuel extérieur de la France sorte renforcé de cette réforme ; telle sera notre feuille de route.

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Il y a dix jours, plusieurs médias irakiens ont été attaqués suite à leur couverture du mouvement de contestation sociale qui touche l'Irak depuis le début du mois d'octobre. Des journalistes ont été menacés et plusieurs médias ont vu leur transmission coupée. Cette attaque intervient alors que la fermeture de l'émetteur de Chypre, utilisé par France Médias Monde pour diffuser en ondes moyennes au Proche-Orient, a été actée cette année, malgré les alertes adressées au Gouvernement. Cet outil garantissait pourtant une sécurisation de la diffusion de la radio Monte Carlo Doualiya (MCD) en ondes moyennes dans une zone à l'importance géostratégique incontestable où les relais FM peuvent être coupés brutalement.

Cet exemple illustre l'importance stratégique de notre audiovisuel extérieur, dont nous ne prenons pas toujours la mesure.

Comme vous le savez, nos médias doivent aujourd'hui faire face à une concurrence accrue ; parler, à cet égard, de guerre de l'information n'est en rien une exagération. Dans ce contexte, le rôle de notre audiovisuel extérieur n'en est que plus déterminant. Or, une nouvelle fois, les crédits alloués à l'action audiovisuelle extérieure sont en baisse, à rebours des choix opérés par nos principaux concurrents.

La dotation de FMM, qui regroupe France 24, Radio France internationale (RFI) et MCD, s'établit ainsi, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2020, à 255,2 millions d'euros, en baisse d'un million d'euros par rapport à 2019, et en retrait de 10 millions d'euros par rapport à la trajectoire initialement fixée dans le contrat d'objectifs et de moyens du groupe, trajectoire qui a été entièrement revue à l'été 2018. Pour rappel, le budget de BBC World, dont le modèle est régulièrement invoqué, s'élevait, en 2019, à 430 millions d'euros et celui de la Deutsche Welle à 350 millions d'euros, en hausse de 25 % depuis 2013. La dotation de TV5 Monde, après avoir connu une baisse d'1,2 million d'euros en 2019, est stabilisée en 2020, à hauteur de 76,2 millions d'euros.

Malgré ce contexte budgétaire plus que contraint, notre audiovisuel extérieur connaît des résultats très satisfaisants. Les chaînes de France Médias Monde ont touché, en 2018, 176 millions de personnes chaque semaine, en linéaire et en numérique, soit une progression de plus de 17 % par rapport à l'année précédente. Pour TV5 monde, dont la mesure d'audience ne peut être que partielle du fait de sa très large diffusion, on constate également une progression entre 2017 et 2018, avec 42,1 millions de personnes touchées par semaine.

Surtout, nos médias ont poursuivi leur développement. On peut citer, à propos de France Médias Monde, l'enrichissement de l'offre de contenus en langues étrangères, à commencer par la diffusion de France 24 en espagnol, qui a gagné 50 % de notoriété en quelques mois, après son lancement fin 2017. Le groupe a poursuivi la mise en oeuvre de sa stratégie numérique et renforcé sa coopération avec les opérateurs de l'audiovisuel public et ses partenaires européens, réalisant ainsi des synergies qui sont une source d'économies.

S'agissant de TV5 Monde, on peut souligner la poursuite de la mise en oeuvre du plan stratégique de la chaîne, grâce au développement éditorial et de la diffusion en Afrique, priorité essentielle pour la chaîne francophone, et à la poursuite de sa transformation numérique. Cette stratégie a porté ses fruits, puisque l'année 2019 a confirmé la forte croissance des audiences numériques de la chaîne amorcée en 2017.

Avec, d'un côté, des résultats toujours plus satisfaisants et, de l'autre, une succession de coups de rabots budgétaires, la tentation est grande de considérer qu'il ne s'agit là que d'une optimisation des moyens. Or, s'arrêter à cette conclusion, c'est s'enfermer dans une vision à court terme de notre diplomatie d'influence que nous risquons fort de regretter dans quelques années. TV5 Monde a déjà dû abandonner, faute de moyens, plusieurs des objectifs de son plan stratégique triennal et devrait perdre plus de 30 millions de foyers en 2020. Les chaînes de France Médias Monde devraient, quant à elles, perdre 8 millions de foyers l'année prochaine du fait des réductions des activités de distribution et de diffusion. Dans ce contexte, la direction du groupe comme les représentants du personnel sont très inquiets et déplorent une perte de sens dans les choix effectués par leur tutelle.

J'insisterai sur trois enjeux cruciaux pour notre audiovisuel extérieur.

Tout d'abord, à quelques mois du débat parlementaire sur le projet de loi de réforme de l'audiovisuel public, nous devons nous préparer à être extrêmement vigilants sur la prise en compte des spécificités de l'audiovisuel extérieur dans cette réforme. Le projet annoncé de holding de l'audiovisuel public suscite des inquiétudes au sein de France Médias Monde, où l'on redoute d'être relégué au second rang, derrière les opérateurs à vocation purement nationale. Du fait de son organisation multilatérale, TV5 Monde, ne fera pas partie de la holding, non plus que Arte. En revanche, France Médias Monde sera intégrée à cette nouvelle structure, dotée d'un contrat d'objectifs et de moyens commun qui admettra, chaque année, de nouveaux arbitrages entre opérateurs et dont le conseil d'administration ne comportera qu'un seul siège pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, ce qui apparaît comme une garantie bien maigre pour notre action extérieure et le rayonnement de notre diplomatie.

Deuxièmement, et c'est étroitement lié, nous devons pleinement reconnaître la valeur stratégique de notre audiovisuel extérieur. Dans un contexte de guerre de l'information, où certains concurrents n'hésitent pas à recourir à la désinformation au profit de discours souvent radicaux, simplistes ou antidémocratiques, l'audiovisuel extérieur constitue un rempart essentiel. En effet, c'est d'abord par une information indépendante et de qualité que passe la lutte contre les fausses informations. Au-delà de cet objectif permanent, notre audiovisuel extérieur est pleinement mobilisé contre ces fausses informations, comme en témoignent des programmes dédiés tels que « Info ou Intox » sur France 24, « Les dessous de l'Infox » sur RFI ou « À vrai dire », module de vérification des faits développé par TV5 Monde. La lutte contre la désinformation est également un des axes de la coopération avec la Deutsche Welle, avec le lancement du programme « Infos Migrants » et l'élaboration d'un projet ciblé sur la jeunesse, dans le cadre du traité d'Aix-la-Chapelle, qui prévoit la création d'une plateforme numérique franco-allemande. Enfin, FMM participe à des projets d'éducation aux médias et à l'information dans plusieurs langues.

Le rôle stratégique de notre audiovisuel extérieur passe par une information qui n'est pas la voix de la France en tant qu'État mais qui promeut les valeurs que notre diplomatie culturelle dans son ensemble cherche à diffuser. Face aux offensives des médias russes ou chinois, nous devons faire le choix politique d'un audiovisuel extérieur fort, doté de moyens suffisants. Pour reprendre les mots de l'actuel ambassadeur de Roumanie en France, M. Luca Niculescu, ancien journaliste à RFI Romania, RFI a été, en Roumanie, où je me suis rendu cette année, à la fois un vecteur de démocratie et de francophonie.

La promotion de la francophonie est en effet l'un des autres objectifs prioritaires de notre audiovisuel extérieur. C'est la raison d'être de TV5 Monde et une mission quotidienne pour France Médias Monde, dans le cadre d'une politique de langues qui promeut le multilinguisme et la diversité culturelle.

Troisièmement, les débats à venir sur l'audiovisuel public seront l'occasion de réaffirmer le lien très étroit entre l'audiovisuel extérieur et l'aide publique au développement. Canal France international (CFI), opérateur du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui est devenu une filiale de FMM en 2017, illustre parfaitement ce lien. Ce rapprochement a permis de constituer un pôle d'expertise médias, et des projets ont été lancés en coopération avec l'Agence française de développement (AFD), notamment dans la zone stratégique du Sahel. Au-delà du travail remarquable effectué par CFI, nous devons mener une véritable réflexion sur le lien stratégique entre audiovisuel extérieur et aide publique au développement, pleinement pris en compte par la BBC ou la Deutsche Welle.

Pour conclure, j'aimerais revenir sur la Roumanie, où j'ai choisi de me déplacer cette année. RFI Romania m'a été décrit par tous mes interlocuteurs, à commencer par les journalistes roumains, comme un média de référence, loué pour sa qualité et sa neutralité dans un contexte où de nombreux médias nationaux restent liés aux partis politiques. En Roumanie, les médias indépendants, dont fait partie RFI Romania, ont joué un rôle central pour stopper les risques de dérives antieuropéennes.

Par ailleurs, la présence de RFI et de TV5 Monde en Roumanie contribue à renforcer la position de ce pays en tant que principal bassin francophone en Europe orientale. Comme souvent, notre audiovisuel extérieur s'inscrit dans un cercle vertueux de la diplomatie culturelle, avec l'apprentissage du français et la consommation de contenus culturels français.

Compte tenu du décalage entre ces nombreux enjeux stratégiques et les moyens alloués à notre audiovisuel extérieur, j'émets un avis défavorable sur les crédits consacrés à celui-ci.

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Merci, monsieur le rapporteur pour avis, pour la grande qualité de votre rapport et de votre exposé. L'action audiovisuelle extérieure de la France est un élément essentiel de sa politique d'influence au service non seulement de la diffusion de ses valeurs et de sa culture à l'étranger, du dialogue avec les autres cultures mais aussi de la diffusion d'une information de qualité. Vous avez longuement évoqué France Médias Monde et TV5 Monde ; je n'y reviendrai donc pas.

Je vous remercie d'avoir insisté, dans votre rapport, sur la Roumanie – la région des Balkans m'est chère – où l'objectivité de l'information, la promotion de la francophonie et la défense contre des influences extérieures, en l'occurrence russes, sont des enjeux très forts. RFI y est diffusée en français et en roumain, comme TV5 Monde depuis 1990 et France 24 plus récemment.

Certes, ce budget est un budget de transformation. Il est utile d'affirmer, ici, la dimension géopolitique et régalienne de l'audiovisuel extérieur, ainsi que sa contribution indispensable à la diplomatie culturelle et au rayonnement de la France. Mais ce PLF s'inscrit dans un arbitrage rendu en juillet 2018 en faveur d'une trajectoire d'économies, certes exigeante, mais réaliste. Il est en effet demandé à l'audiovisuel public de réaliser 190 millions d'euros d'économies entre 2018 et 2022, dont 10 millions d'euros pour l'audiovisuel extérieur. La dotation de France Médias Monde prévue dans le PLF pour 2020 est en léger retrait, d'un million d'euros, par rapport à 2019, celle de TV5 Monde demeurant stable, à 76 millions d'euros.

Cette trajectoire traduit, aujourd'hui comme hier, un engagement de l'État envers les sociétés de l'audiovisuel public, dont l'audiovisuel extérieur. Rappelons qu'ont été construits, sur ces bases, des plans de transformation ambitieux en matière d'information, de culture et d'offre de proximité. Il s'agit donc de la confirmation d'une trajectoire arbitrée, avec des résultats en matière d'audience et de qualité.

Aussi le groupe LaREM votera-t-il les crédits du PLF pour 2020 alloués à l'audiovisuel extérieur.

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Monsieur le rapporteur, je suis ravi que vous ayez pu découvrir l'un des pays de ma circonscription, où la francophonie est en effet importante.

Je m'étonne des craintes que vous inspire la réforme de l'audiovisuel. Tout d'abord, notre commission doit se saisir du projet de loi – peut-être même faut-il aller plus loin et créer une commission spéciale –, car l'audiovisuel n'a pas de frontières. Au reste, comme je l'ai expliqué à certains d'entre vous, il conviendrait non seulement que les téléspectateurs français puissent regarder France Médias Monde sur le hertzien, car il est intéressant qu'une chaîne publique d'État émette en arabe et en espagnol, mais aussi que l'on puisse regarder les chaînes françaises à l'étranger sans se faire traiter de tricheur ou de voleur. Je ne comprends pas vos craintes, car la future réforme ne peut pas, à moins de remettre en cause la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ne pas maintenir des lignes budgétaires distinctes pour chaque opérateur. Par ailleurs, il me paraît souhaitable que l'ensemble des opérateurs soient soumis à un seul contrat d'objectifs et de moyens car nous pourrons ainsi, si nous sommes vigilants, imposer l'utilisation de CFI, par exemple, et de l'international dans une vision d'ensemble de la politique audiovisuelle.

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Notre commission se saisira pour avis du futur projet de loi et elle défendra, je l'espère, une position forte.

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Je veux tout d'abord remercier Alain David pour son rapport. Je m'étonne des premières réactions que celui-ci a suscitées : les faits sont les faits. Nous devrions tous reconnaître qu'il y va de l'influence de la France, de la francophonie, c'est-à-dire d'enjeux majeurs défendus non seulement par notre commission, mais aussi par le Président de la République lui-même. De fait, l'audiovisuel est l'un des instruments, sinon le principal, de notre influence dans le monde, car on mesure bien le rôle qu'il joue dans la vie quotidienne de plusieurs milliards d'êtres humains. Comment peut-on continuer à tenir un discours presque gaullien sur l'influence de la France et la francophonie et se donner de moins en moins de moyens pour faire entendre la voix de la France et des Français à l'étranger ?

Encore une fois, je tiens à remercier Alain David de nous avoir éclairés sur la très triste et révoltante réalité de la situation de l'audiovisuel extérieur. Le groupe Socialistes ne votera pas les crédits de la mission.

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Comme l'a rappelé le rapporteur, Arte, d'un côté, TV5, de l'autre, sont relativement à l'abri de décisions budgétaires, juridiques ou organisationnelles arbitraires, car elles font l'objet de traités ou d'accords internationaux qui les protègent en partie. Mais, concernant France Médias Monde, ce que révèle, à ce stade, le projet de loi de finances, c'est bien un écart significatif entre les ambitions affichées et les moyens alloués. Un budget est au service d'une vision.

France Médias Monde est un facteur de stabilisation des zones de tension et contribue à l'objectif de sécurité de la politique internationale de la France, grâce à sa position de leader en matière d'information en Afrique francophone, notamment dans la zone sahélienne et au Maghreb, ainsi qu'au poids croissant de son influence au Proche et Moyen-Orient. L'action de RFI a ainsi été repérée par le Haut-Commissariat aux réfugiés.

France Médias Monde est un véritable promoteur de la francophonie dans un monde plurilingue. Elle est engagée auprès des jeunes générations. En Afrique, 70 % des téléspectateurs de France 24 et 60 % des auditeurs de RFI ont moins de quarante ans ; au Maghreb, cette proportion est comprise entre 55 % et 65 % et, dans les pays du Proche et du Moyen-Orient, elle très proche de ces chiffres.

France Médias Monde promeut la culture face à la montée des modes de pensée radicaux et sectaires. Elle participe également à la cohésion nationale en touchant, en France, des populations faiblement francophones. Cet engagement au service des populations vulnérables est également illustré par le site d'information « Info migrants ».

France Médias Monde est engagée en faveur de l'Europe. Compte tenu des enjeux aux frontières, il peut paraître pertinent de renforcer l'offre en russe et de réfléchir, dans le contexte actuel, à un projet d'offre en turc.

Les résultats et les audiences sont là. L'entreprise s'est déjà transformée profondément, au cours des dernières années, en mettant en oeuvre des réformes structurelles ambitieuses, une réorganisation profonde et une évolution des métiers. Toute nouvelle économie implique ainsi qu'elle renonce à des missions prioritaires. Ce n'est pas 1 million d'euros mais 4 millions qu'il faudra trouver, du fait des glissements, pour préserver l'existant. À l'heure où l'on décide d'une baisse, présentée comme symbolique, d'un euro de la contribution à l'audiovisuel public – soit un manque de recettes de 25 millions –, l'enjeu est, non pas budgétaire, mais politique. Alors que les tensions internationales n'ont jamais été aussi fortes, nous ne faisons qu'accroître notre impuissance.

Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et Territoires émet un avis négatif sur ces crédits.

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Le ministre Le Drian présente toujours l'audiovisuel extérieur comme un outil de la puissance française – le soft power, comme il dit – indispensable au rayonnement de notre pays. On aurait donc pu s'attendre à ce que le budget de l'audiovisuel extérieur soit en augmentation. Or, il n'en est rien. Pourtant, je sais, pour l'avoir vécu, que, lors de la révolution tunisienne, les Tunisiens ne regardaient que France 24 car ils considéraient que c'était, pour eux, le moyen de connaître la vérité sur ce qui se passait dans leur pays. Cela veut dire quelque chose : le crédit de l'audiovisuel extérieur français est important et son rôle vital !

J'adore le vocabulaire qu'on emploie parfois dans notre commission. On a parlé de « trajectoire arbitrée ». En clair, cela signifie que toutes les lignes de crédits sont en baisse, et l'on considère que c'est positif. Non ! Une telle trajectoire est scandaleuse car, cela a été dit par Jérôme Lambert, le rôle que joue notre audiovisuel extérieur est important.

J'ajoute, puisque les députés du groupe GDR ont déposé un amendement à ce sujet, que, même si un euro est un euro – ce n'est pas un communiste qui vous dira le contraire –, la diminution de la contribution à l'audiovisuel public est symbolique pour les Français mais représente une baisse de recettes de 30 millions pour le service public de la télévision.

Par ailleurs, je tiens à dénoncer l'arrêt de la diffusion de France Ô. Certes, cette chaîne ne relève pas de l'audiovisuel extérieur de la France, mais elle établit un lien extraordinaire entre les Caraïbes et la Métropole.

Diminution des ressources, menace sur la redevance qui soutient ces outils d'influence, une réforme à venir qui semble inquiétante pour les chaînes internationales : tout nous conduit à voter contre ces crédits, comme nous y invite Alain David.

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Merci, monsieur David, pour votre rapport. Vous soulignez, à juste titre, l'importance des médias audiovisuels extérieurs pour la présence de la France dans le monde. Vous avez également rappelé qu'ils constituaient un rempart essentiel contre les fausses informations et, j'insiste sur ce point, un outil stratégique dont nous avons besoin si nous voulons continuer à peser sur les grands enjeux internationaux.

Je souhaiterais appeler l'attention de la commission sur deux points. Tout d'abord, les chaînes de l'audiovisuel extérieur français ne sont pas toujours accessibles de façon gratuite à l'extérieur de nos frontières. Nous subissons, à cet égard, la concurrence déloyale de la Deutsche Welle, des chaînes américaines, chinoises ou japonaises, qui sont diffusées sur des bouquets d'information auxquels nous avons également accès mais à condition de payer. C'est un grand désavantage.

Ensuite, nous avons besoin, ces médias ont besoin de journalistes, notamment de journalistes reporters d'images. Or, ceux-ci sont souvent des pigistes et n'ont pas de protection sociale. Ma question est simple : savez-vous quelles sont les politiques de responsabilité sociale des entreprises auxquelles s'astreignent nos médias pour protéger ces journalistes, qui nous font exister hors de nos frontières ?

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Nous examinons les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles. Or, on a beaucoup parlé des médias, un peu du livre, mais très peu des industries culturelles.

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Nous examinons les crédits de l'action audiovisuelle extérieure.

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Puisque vous vous êtes rendu, monsieur le rapporteur, à Bucarest, en Roumanie, permettez-moi de rappeler que le ministère de la culture a créé un jeu vidéo intitulé Romanica, qui vaut ce qu'il vaut mais qui a pour vocation précisément de promouvoir la langue française dans les pays de langue romane. Je rappelle également qu'une entreprise française a conçu une visite virtuelle de sites tels que Palmyre ou Mossoul, qui ont été détruits. Je cite ces exemples, car nous nous focalisons sur l'audiovisuel extérieur – qui est certes l'objet de votre rapport – alors que nous devrions nous ouvrir à d'autres actions qui contribuent au rayonnement de la France et me semblent être plus en adéquation avec une partie des attentes de la population mondiale.

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Il existe une contradiction assez profonde entre l'ambition affichée, et saluée du reste dans cet excellent rapport, et notre ladrerie budgétaire. Ce n'est pas dans ce domaine qu'il faut faire des économies. Je m'associe à ceux qui estiment que la diffusion de la parole de la France ou, d'une façon générale, des valeurs qui sont les nôtres ne coûte pas très cher et rapporte gros, si je puis dire, car l'effet est considérable. C'est pourquoi je m'abstiendrai. Comme chacun sait, s'abstenir lorsqu'on est dans la majorité, c'est être au moins aussi critique que voter non lorsqu'on est dans l'opposition.

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Je remercie les différents orateurs pour la concision de leurs propos et notre rapporteur pour la qualité de son travail. Nous y reviendrons lors de la préparation du projet de loi.

Je vous proposerai en effet que nous travaillions en amont de celui-ci, comme nous l'avions fait pour le projet de loi d'orientation et de programmation relative à l'aide publique au développement. Peut-être notre commission pourrait-elle élaborer un document dans lequel elle insisterait sur l'importance qu'elle accorde à l'audiovisuel extérieur, document que nous adresserions au ministre de l'Europe et des affaires étrangères ainsi qu'à celui de la culture. Il serait souhaitable que nous nous y attelions dans les semaines qui viennent, car le projet de loi serait présenté, dit-on, en conseil des ministres au mois de novembre. Je vous soumettrai donc prochainement un document de travail comportant quelques pistes et orientations défendues par notre commission dans le domaine de la politique d'influence française et de l'audiovisuel extérieur.

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J'insiste pour que l'on parle de l'audiovisuel de la France dans le monde plutôt que de l'audiovisuel extérieur.

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Vous l'avez tous relevé, il s'agit de la présence, du rayonnement de la France dans le monde. Or, dans ce domaine, nous avons pris, en l'espace de quelques années, un retard considérable. On pourrait penser qu'une baisse d'un million d'euros sur un budget de 255 millions, ce n'est rien. Mais les baisses se succèdent et la diminution des crédits atteindra 10 millions d'ici à 2022. France Médias Monde doit donc faire face à des difficultés croissantes, au point que le personnel, privé de visibilité sur son avenir, risque de se démobiliser. Je puis vous dire, du reste, pour avoir rencontré l'ensemble des syndicats de France Médias Monde, que le moral des personnels est à zéro. Aujourd'hui, sur le plan financier, après les licenciements successifs qui ont fait suite aux diverses baisses de crédits depuis cinq ou six ans, la société est pratiquement à l'os. Elle est désormais confrontée à des difficultés structurelles qui mettent en cause son avenir même.

La comparaison avec la Deutsche Welle ou BBC World est éloquente. Il manque pratiquement un million d'euros au budget de France Médias Monde pour être compétitif en Afrique, dont le nombre d'habitants atteindra 4 milliards dans les trente années qui viennent. Or, la présence de la France est essentielle sur ce contient crucial pour le développement et l'avenir économique. Hélas ! nous perdons pied face aux Chinois, aux Anglais, aux Allemands. Nous devons réagir.

Je comprends la solidarité des députés de La République en marche, qui font corps pour soutenir le budget et justifier les coups de rabot du Gouvernement. Mais je leur demande de mesurer l'importance de la présence française dans le monde. On ne peut pas considérer l'outil de rayonnement qu'est France Médias Monde comme n'importe quel autre secteur d'activité. Tel est, en tout cas, mon sentiment, car cela fait trois ans – depuis que vous m'avez confié cette responsabilité, madame la présidente – que je vis en quelque sorte avec ces personnels, au rythme des budgets et des visites que j'effectue partout dans le monde.

Il est vrai, par exemple, que le rôle de France 24 a été essentiel dans la révolution tunisienne. De fait, les références du peuple tunisien étaient complètement faussées par les médias arabes notamment, qui distillaient des informations contraires à ses intérêts. Or, France 24 apparaissait comme indépendante : c'était la voix de la France, une voix non pas politique, mais culturelle, celle de la France des Lumières. Lorsque je me suis rendu en Tunisie, j'ai pu constater combien nos médias extérieurs étaient appréciés – et j'ai fait le même constat en Roumanie.

Je voudrais dire un mot sur la future holding, qui suscite de très fortes inquiétudes car le ministère de l'Europe et des affaires étrangères représentera, au sein du conseil d'administration, un poste sur douze. À partir de 2022, l'audiovisuel public sera placé sous l'autorité d'un seul PDG, d'une seule direction, et le représentant du ministère des affaires étrangères n'aura pas la qualité de commissaire du Gouvernement, à la différence de celui du ministère de la culture. En outre, l'audiovisuel extérieur, noyé dans l'audiovisuel public, ne bénéficiera pas d'un budget plancher. En effet, lorsque j'ai proposé que lui soit au moins garanti un budget de 255 millions du budget lors de la création de la holding, on m'a répondu que ce n'était pas possible.

Or, c'est essentiel, dès lors que l'audiovisuel public sera confronté à la disparition ou à la modification de la contribution à l'audiovisuel public. De fait, la suppression de la taxe d'habitation, à laquelle est adossée la taxe sur l'audiovisuel, soulèvera un certain nombre de problèmes. Adressera-t-on aux contribuables, qui ne paieront plus la taxe d'habitation, un avis concernant exclusivement la contribution à l'audiovisuel public ou modifiera-t-on entièrement le système ? Il importe donc que l'audiovisuel extérieur ne soit pas noyé dans l'audiovisuel public, car il risquerait, à terme, de subir les mêmes contraintes que ce dernier, c'est-à-dire des baisses constantes, décidées au motif, par exemple, que la publicité pourra payer ou qu'il est possible de faire telle ou telle économie.

Je vous en conjure, chers amis de La République en marche, ne considérez pas l'audiovisuel extérieur comme un secteur qui doit, au même titre que les autres, faire des économies : il s'agit d'un outil du rayonnement de la France à l'extérieur, essentiel pour notre pays.

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Ayant travaillé dans le secteur de l'audiovisuel et ayant siégé à la commission des affaires culturelles, je souhaiterais m'associer à la réflexion sur la réforme que vous avez annoncée, madame la présidente.

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Bien sûr. Nous rédigerons ce document d'orientation de manière pluraliste, comme nous l'avions fait pour le texte relatif à l'aide publique au développement. Je vous proposerai une méthode de travail et, une fois que ce document, qui comprendra les orientations que nous aurons définies de manière consensuelle – chaque groupe y sera associé –, sera établi, je vous suggérerai d'auditionner le ministre de la culture, si possible avant la présentation du texte en conseil des ministres.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles tels qu'ils figurent à l'état B annexé à l'article 38 du projet de loi de finances pour 2020.

La séance est levée à 12 heures 45.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 9 h 35

Présents. - Mme Ramlati Ali, Mme Aude Amadou, M. Frédéric Barbier, M. Yves Blein, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Valérie Boyer, M. Pascal Brindeau, Mme Samantha Cazebonne, Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Olivier Dassault, M. Alain David, M. Christophe Di Pompeo, Mme Frédérique Dumas, Mme Laurence Dumont, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, M. Claude Goasguen, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, M. Mustapha Laabid, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Brigitte Liso, M. Mounir Mahjoubi, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Christophe Naegelen, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, M. François de Rugy, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Michèle Tabarot, M. Buon Tan, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse, M. Sylvain Waserman

Excusés. - M. Lénaïck Adam, M. Moetai Brotherson, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Amélia Lakrafi, M. Hugues Renson, Mme Liliana Tanguy