Il faut qu'il y ait une évolution de notre manière d'intervenir : on ne doit pas rester enfermé dans la situation actuelle. Si ceux qui critiquent sont nécessairement des xénophobes, repliés sur eux-mêmes, et des nationalistes, tandis que les autres sont les bons amis de l'humanité, on ne peut plus parler. Je critique la construction de l'Union européenne car c'est un objet qui a changé alors que les discours ne bougent pas. L'Europe n'est pas la même quand il y a 6, 12, 15 ou 28 États membres. Quand on utilisait des fonds communs pour aider l'Espagne et le Portugal à faire du rattrapage, nous étions 15. Il y a aujourd'hui 28 États membres, et la forme même de l'Europe a changé : alors que l'Allemagne était la frontière extérieure à l'Est, elle est maintenant le centre géographique de l'espace européen. Si la géographie, l'histoire et la politique n'ont aucune influence sur la nature des discours, on peut dire qu'on psalmodie.
Il y a des gens qui, comme Marielle de Sarnez et quelques autres, chacun le sait, défendent des positions visant à faire évoluer la structure européenne : ils ne disent pas qu'elle est bien actuellement. Nous avons la même posture. Mon avis personnel n'a pas toujours été le même : j'ai été un fédéraliste européen, à une époque, car je pensais que c'était une forme d'accomplissement d'une certaine idée, mais j'ai compris. D'où la remarque que j'ai adressée à Jérôme Lambert : quand rien ne change alors qu'on veut ça évolue, il y a une raison. Ce qui est vicié, à mon avis, c'est la nature des traités, et cela ne va pas s'arranger.
S'agissant du Brexit, on commettrait une erreur si on ne regardait pas ce qu'il y a dans l'accord envisagé. Il est pire que la situation actuelle, car les Britanniques auront un accord de libre-échange avec l'Union européenne sans aucune des contraintes prévues pour les États membres. Je souhaite un Brexit sans accord : nous aurons ainsi un meilleur rapport de force pour imposer aux Britanniques des contraintes si nous concluons un pacte avec eux.
Il est absolument erroné de dire que les Allemands ont évolué positivement parce qu'ils ont brisé certains tabous. Personne n'a aidé la Grèce : on lui a donné de l'argent pour rembourser les banques, et c'est tout. Si Alexis Tsipras était sorti de la salle en disant, comme je lui avais conseillé de le faire, qu'il aurait bien voulu payer mais qu'il ne le pouvait pas, je vous garantis que François Hollande et Angela Merkel auraient couru dans le couloir pour le rattraper. Le système assurantiel du mécanisme financier européen représente 65 milliards d'euros pour les Allemands et 45 milliards d'euros pour les Français. Si Alexis Tsipras avait déclaré la banqueroute, il aurait trouvé un meilleur arrangement.
Il n'est pas exact de dire que les choses ont bougé autrement que par la force et dans le cadre d'une crise. Faisons en sorte de la provoquer nous-mêmes, pour une fois. Notre solde de 9 milliards d'euros est un instrument dans la discussion : essayons de peser et demandons une autre orientation pour l'Europe. On la rend odieuse aux Européens, cela a été dit. Il faut s'en émouvoir.
Quand je parle d'une « Europe allemande », je me réfère à un livre écrit par un Allemand et préfacé par M. Cohn-Bendit, qui est un thuriféraire habituel de l'Europe, quoi qu'elle fasse. L'expression que j'ai utilisée n'est pas excessive. Si vous ne voulez pas voir, au sein de La République en Marche, que vous venez de vous faire rouler, à deux reprises, par Mme Merkel, c'est votre affaire. Mais moi, en tant que Français, je ne suis pas d'accord pour que l'on soit traité de cette manière. Il y a quelqu'un qui nous a plantés dans cette affaire. Je pense des choses qui ne vous plairaient peut-être pas au sujet de Mme Goulard, mais c'est quand même la France qui vient de déguster.
L'aide donnée à la Turquie a été évoquée – 1 500 euros par réfugié. Il y a quand même un problème de budget quand on donne, dans le même temps, 600 euros aux Libanais alors que ce sont nos amis et nos alliés dans la région et que les migrants représentent dans ce pays le tiers de la population.
Rééquilibrer ne veut pas dire détruire, et je crois que nous pourrions nous accorder. Il y a un levier possible. Si nous votions contre ce budget, cela créerait une ambiance de travail, comme on dit.