Intervention de Bruno Questel

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Questel, rapporteur pour avis du programme Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse :

Je ne reviendrai pas sur l'évolution des moyens de l'administration pénitentiaire et de la PJJ. Nul ne peut contester que des efforts sans doute inédits sont consentis en faveur de ces administrations, qui sont confrontées à d'importants défis. La première doit faire face à la surpopulation carcérale et, par ailleurs, anticiper la refonte à venir du droit des peines pour mieux prévenir la récidive. La seconde doit, quant à elle, diversifier ses modes d'intervention et se préparer à la réforme prochaine de la justice pénale des mineurs, que Mme la ministre a évoquée.

S'agissant des crédits de l'administration pénitentiaire, je souhaite appeler l'attention sur deux sujets.

Pour ce qui est des surveillants, les recrutements massifs en cours, destinés à combler les vacances de postes et à améliorer les conditions de travail, peuvent parfois conduire à des affectations précipitées pour de jeunes surveillants qui ne disposent pas toujours des prérequis indispensables à l'exercice de leur fonction. Ils mériteraient d'être davantage accompagnés. Par ailleurs, la revalorisation du rôle du surveillant dans la détention, pour en faire un acteur de l'évaluation et de la réinsertion de la personne détenue, devrait être mieux pensée et davantage soutenue dans l'ensemble des établissements pénitentiaires.

Concernant l'amélioration de la diversification des établissements et des régimes de détention, le programme de construction de 15 000 places de prison d'ici à 2027 est très attendu. Mais des difficultés d'implantation locales le ralentissent. Or il est essentiel qu'il se concrétise rapidement pour mieux prendre en compte la dangerosité des détenus et mieux préparer leur sortie de détention. Les deux établissements expérimentaux pensés autour du travail et les SAS qui vont voir le jour devront s'accompagner de réels projets de réinsertion et d'une véritable prise en charge sanitaire.

Cette année, j'ai choisi de m'intéresser dans mon rapport au thème de la santé des personnes détenues. Dans ce domaine, d'incontestables progrès ont été réalisés, notamment grâce au transfert des prises en charge sanitaires au ministère de la santé, à l'affiliation obligatoire au régime général de l'assurance maladie des personnes détenues, qui conduit aujourd'hui à la gratuité des soins, à la structuration de l'offre en trois niveaux et à la spécialisation somatique et psychiatrique de cette offre.

Malgré des progrès, la situation demeure insatisfaisante à plusieurs égards. L'offre des soins est fragile et incomplète ; les effectifs de praticiens fixés en fonction de la population théorique des établissements sont notoirement insuffisants dans les maisons d'arrêt surpeuplées ; les difficultés en démographie médicale obligent à recourir à des extractions difficiles à mettre en oeuvre ; le nombre de structures de prise en charge psychiatrique –services médico-psychologiques régionaux (SMPR) et unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) – est insuffisant.

Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il pallier ces carences ? Prendra-t-il des mesures pour accroître l'attractivité des fonctions médicales en prison et augmenter l'offre de télémédecine ? Est-il par ailleurs envisagé de construire la deuxième tranche des UHSA ?

Mes chers collègues, à cette difficulté d'organisation s'ajoute la problématique de la vulnérabilité de la population carcérale en matière de santé. Elle est principalement de deux ordres : la prévalence des troubles mentaux, à laquelle notre collègue Stéphane Mazars, sous l'impulsion de la présidente de la commission des Lois, s'était intéressé en 2018, et la perte d'autonomie en raison d'un handicap ou de l'âge.

Une nouvelle étude sur la fréquence de ces troubles devrait prochainement permettre de mieux en connaître les contours et l'ampleur. Au-delà, une réflexion profonde devrait être conduite sur les causes d'incarcération et de maintien en détention des personnes qui en sont atteintes : mouvement général de désinstitutionnalisation ; faiblesse de l'expertise psychiatrique qui freine la bonne application des dispositions relatives à l'irresponsabilité pénale, à la suspension des peines et à la mise en liberté pour motif médical.

Quant à la perte d'autonomie, elle risque de s'amplifier avec le vieillissement de la société, ainsi que l'allongement de la durée des peines et des prescriptions. L'état de dépendance, s'il ne conduit pas à la libération pour motif médical, devrait justifier une prise en charge financière, humaine et matérielle, à la hauteur des besoins des personnes. Tel n'est pas toujours le cas, comme en témoignent les difficultés de perception de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'absence d'intervention en détention des services des soins infirmiers ou d'aide à l'accompagnement à domicile, les défauts d'orientation en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou le manque de spécialisation des établissements.

Comment l'administration pénitentiaire envisage-t-elle de répondre à ce terrible défi ? Des réflexions sont-elles en cours pour améliorer l'accès aux aides financières, l'intervention en prison d'organismes ou d'associations extérieurs, l'orientation des détenus les plus âgés à leur sortie de détention dans des structures de santé adaptées et la spécialisation des établissements dans la prise en charge de ces détenus ?

Enfin, l'examen de la question de la santé des personnes incarcérées ne serait pas complet si nous n'évoquions pas la situation des femmes enceintes. L'accès aux soins des femmes détenues, de manière générale, est plus limité que celui des hommes. Nous en avions débattu lors de l'examen de la loi portant réforme pour la justice, notamment à propos de la précarité menstruelle. S'agissant des femmes détenues enceintes, des modalités spécifiques d'incarcération existent : suivi de grossesse, prise en charge de l'assurance maternité, affectation dès le septième mois de grossesse dans un établissement doté de cellules mère-enfant ou encore d'une nurserie.

Néanmoins, des progrès restent à accomplir dans la répartition territoriale des cellules mère-enfant et des nurseries, ainsi que dans les modalités d'hébergement des enfants. Surtout, la circulaire de 1999, qui régit les conditions d'accueil de ces enfants, qui peuvent rester aux côtés de leur mère jusqu'à leur dix-huit voire vingt-quatre mois, apparaît aujourd'hui datée et parfois lacunaire.

Quelles dispositions pensez-vous prendre, madame la ministre, pour sécuriser sur le plan juridique et sanitaire la prise en charge des détenues enceintes et de leurs jeunes enfants ? Une réflexion peut-elle être menée pour accroître l'intervention de la protection maternelle et infantile en détention ?

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