Intervention de Danielle Brulebois

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Brulebois, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques de la mission Écologie, développement et mobilité durables :

Le programme 181 est le programme clef en matière de prévention des risques naturels, technologiques et nucléaires, mais aussi en matière de soutien à l'économie circulaire et au développement des énergies renouvelables, puisqu'il inclut le financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont la subvention pour charges de service public représente 71 % des crédits du programme.

Je vais d'abord décrire l'évolution des crédits du programme, en m'intéressant particulièrement aux moyens consacrés à la prévention des risques technologiques et industriels ; dans un second temps, je m'intéresserai aux crédits de l'ADEME, plus particulièrement au Fonds « économie circulaire ». J'ai choisi d'examiner plus en détail ces sujets, qui font actuellement l'objet de toute l'attention de l'opinion publique. Nos concitoyens ont de grandes attentes vis-à-vis de l'État en matière de risques connus ou supposés pour leur santé et leur sécurité.

Cette politique de prévention des risques repose d'abord sur des moyens financiers. En ce qui concerne les crédits du programme 181, nous constatons une légère évolution à la baisse entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2019 et le PLF 2020. Ils passent de 838 à 826 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 832 à 826 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Cependant, cette baisse d'environ 7 millions d'euros des CP est due à la disparition d'une mesure exceptionnelle de même montant que nous avions votée en LFI pour 2019, afin de permettre l'indemnisation des propriétaires de l'immeuble dénommé « Le Signal » à Soulac-sur-mer.

En dehors de cette mesure exceptionnelle, les crédits du programme sont stables. Les effectifs du programme 181 « Prévention des risques » sont donc globalement préservés. Dans le domaine de la sûreté nucléaire, les effectifs du programme sont même renforcés, puisque le plafond d'emplois de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) augmente de 13 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour atteindre 435 ETPT en PLF pour 2020.

J'en viens plus spécifiquement à la question de la prévention des risques technologiques et industriels. Si l'on déplore généralement peu d'accidents industriels graves en France, les risques n'en demeurent pas moins présents, comme vient de nous le rappeler l'accident survenu au sein de l'entreprise Lubrizol à Rouen, usine qui avait fait l'objet de 39 inspections depuis 2013 et de plusieurs mises en demeure de la part des services de l'État.

Les effectifs restent stables, avec 1 290 ETPT sur la mission pour un effectif total de 1 607 agents techniques au sein des différents services déconcentrés, environnement et agriculture compris. L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) connaît en revanche une diminution de 13 ETPT de son plafond d'emplois.

Quant aux moyens, ils relèvent de l'action 1 du programme 181. Elle est dotée de 90,5 millions d'euros en PLF pour 2020, contre 90,9 millions d'euros en LFI pour 2019. Mme la ministre l'a rappelé lors de son audition, ici même, après les événements de Lubrizol : cette action ne connaît ni réduction d'effectifs, ni réduction de moyens.

Si nous constatons une légère baisse des AE et des CP pour cette action, respectivement à hauteur de 5 % et de 0,5 %, cela tient à l'achèvement du processus de finalisation des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). En effet, 381 PPRT ont déjà été approuvés sur les 388 prescrits. Seulement sept d'entre eux sont encore en phase d'approbation, ce qui nécessite moins de crédits.

De manière générale, le nombre de contrôles réalisés reste élevé en 2018, avec 18 200 visites d'inspection. Les plus grands sites et les sites les plus dangereux, comme celui de la plate-forme Inovyn de Tavaux, classé Seveso « seuil haut », dans le Jura, font évidemment l'objet d'une surveillance approfondie. Néanmoins, le nombre total de contrôles a chuté depuis une dizaine d'années ; nous comptions encore près de 25 000 contrôles par an en 2009.

Il semble cependant que le problème ne réside pas tant dans le niveau des effectifs que dans la capacité des inspecteurs à réaliser des contrôles sur le terrain. De manière générale, le temps passé par les inspecteurs en contrôle ne représente plus que 20 % de leur temps de travail, sous l'effet des nouvelles tâches qu'ils doivent accomplir, notamment en matière d'autorisations environnementales ou de validation des réglementations techniques. Ces tâches sont très accaparantes, en raison d'une production législative réglementaire importante, encore renforcée par la révision fréquente des réglementations européennes.

Le Gouvernement a fixé comme objectif une augmentation de 50 % du nombre de contrôles annuels d'ici à 2022. Ils seraient facilités par une simplification des procédures et par leur numérisation. Cependant, pour atteindre ce résultat, et au-delà des considérations du moment à la suite de l'accident de Lubrizol, il nous a semblé, avec plusieurs de nos collègues, que les moyens humains et matériels des inspecteurs des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) devaient être significativement renforcés. C'est pourquoi nous avons prévu un amendement visant à renforcer leurs moyens à hauteur de 2 millions d'euros, ce qui représente approximativement un effectif supplémentaire de 30 inspecteurs. Ces crédits permettront aussi l'acquisition de nouveaux équipements ; j'ai pu constater, lors de déplacements sur le terrain, que les inspecteurs ne bénéficient pas toujours du matériel adapté.

Toujours en ce qui concerne les risques, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », constitue la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels. Il joue un rôle essentiel pour prévenir les risques croissants liés au dérèglement climatique. Toutefois, les recettes nettes du fonds Barnier demeurent plafonnées à 131,5 millions d'euros par an.

J'en viens désormais au financement de l'ADEME et du Fonds économie circulaire. Vous le savez, le financement de l'ADEME a profondément évolué en 2018, puisque les crédits de l'agence, autrefois dispersés entre plusieurs programmes, ont été intégralement budgétisés dans le programme 181.

Dans le cadre de mon rapport, j'ai souhaité approfondir l'étude des conditions d'action du Fonds économie circulaire de l'ADEME. En 2019, l'activité du fonds s'est déclinée selon plusieurs actions, notamment le soutien à la prévention des déchets et à l'animation des territoires, les investissements publics et privés, la valorisation des déchets organiques et diverses autres actions en faveur de l'économie circulaire.

Aujourd'hui, les fonds de l'ADEME doivent être confortés, et les moyens de l'agence augmentés. L'application de la future loi sur l'économie circulaire et de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC), la mise en place d'une vingtaine de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), la structuration des éco-organismes, la traçabilité des déchets et la consigne sont autant de missions qui incomberont à l'ADEME dans son rôle d'expertise. Il faudra nécessairement renforcer les effectifs de l'agence. À l'heure actuelle, les équipes dédiées ne représentent que trois postes à l'ADEME et deux postes à la direction générale de la prévention des risques (DGPR). L'agence estime le besoin d'effectifs supplémentaires à 15 ETP. La politique des déchets est un domaine de la prévention des risques qui fait l'objet d'une forte demande sociétale : fin du gaspillage, réemploi, meilleure information sur les produits, amélioration de la collecte des déchets, etc. Ces préoccupations sont au coeur du quotidien des Français.

Pour toutes ces raisons, nous avons choisi de déposer, avec plusieurs collègues, un amendement visant à renforcer les moyens du Fonds économie circulaire à hauteur de 10 millions d'euros.

Conduire une démarche de prévention des risques, quels qu'ils soient, exige de déployer des moyens humains suffisants. C'est pourquoi je vous propose d'augmenter les ETPT dans le domaine des inspections des installations classées.

Je souhaite rappeler que la France est l'un des pays les plus exigeants au monde en matière de sécurité, et que, malgré toute la qualité de l'action de l'État, la survenue d'un accident industriel, d'une pollution ou d'une catastrophe naturelle potentiellement dramatique ne peut malheureusement être exclue. Ce constat doit être très régulièrement rappelé, afin de développer la culture du risque et améliorer l'efficacité de la prévention et de la protection.

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