La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport pour avis de Mme Elsa Faucillon, « Recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources », et poursuivi l'examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur le rapport pour avis de Mme Danielle Brulebois, « Prévention des risques ».
Nous poursuivons l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, avec la présentation des avis sur les crédits de la recherche et sur les crédits relatifs à la prévention des risques. Je donne tout d'abord la parole à Mme Elsa Faucillon, rapporteure pour avis, pour présenter son rapport sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », rapport relatif à la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources.
S'il fallait résumer ce budget, je dirais que nous pouvons relever certains efforts financiers. Cependant, ils permettent essentiellement à la France de tenir des engagements internationaux. Voilà qui est louable, mais comment ne pas insister sur la faiblesse des moyens consacrés aux immenses défis du développement durable et des bouleversements climatiques ? S'il s'agissait réellement d'une priorité, nous devrions en voir la traduction dans ces chiffres et ces engagements ; or ce n'est pas le cas !
Un grand quotidien national note : « Depuis trois ans, le budget de la recherche augmente. Pourtant les chercheurs ne voient quasiment pas ces hausses ! » Les travaux que j'ai menés sur le budget consacré à la recherche dans les domaines du développement durable me conduisent malheureusement au même constat.
Les trois programmes de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) verront leurs crédits augmenter à nouveau en 2020, de manière substantielle. Cependant, ni la recherche dans les thématiques d'avenir, ni les moyens d'action des opérateurs n'en seront renforcés. Bien au contraire ! Ces crédits supplémentaires iront presque en totalité compléter le financement des grandes infrastructures de recherche ou la mise en oeuvre d'engagements pris ces dernières années.
Il en va ainsi de l'abondement de 214 millions d'euros du programme 193 « Recherche spatiale », qui viendra enfin solder notre retard de paiement auprès de l'Agence spatiale européenne (ESA). Le complément de 118 millions d'euros promis au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » financera l'impact, en 2020, des mesures salariales accordées en 2017 et du plan « Intelligence artificielle » lancé en 2018, ainsi que la poursuite du développement de plusieurs infrastructures de recherche. Le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » progressera de plus de 28 millions d'euros, pour préserver la recherche sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération.
Si ce projet de budget assume, heureusement, les répercussions des engagements passés, il ne traduit en rien des ambitions fortes en matière de transition énergétique. Pourtant, ces derniers temps, la mobilisation est grande, particulièrement au sein de la jeunesse, qui, à propos de l'urgence climatique, ne s'intéresse qu'aux actions !
Dans le domaine de l'énergie, c'est encore et toujours le nucléaire qui bénéficiera des quelques renforts financiers qui seront accordés au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Pour ses autres travaux dans les nouvelles technologies de l'énergie, comme pour les autres opérateurs de la mission, les dotations seront simplement maintenues à leurs niveaux actuels. La dotation allouée aux appels à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui sont censés constituer un levier stratégique et un soutien financier nécessaire à l'émergence des nouveaux projets de recherche, serait même en recul de 2 millions d'euros en 2020 !
Le contexte ne permet pas de se contenter de ces simples reconductions, ni, a fortiori, des baisses envisagées. Tout d'abord, les reconductions de crédits ne garantissent pas que les organismes de recherche reçoivent des subventions équivalentes à celles qui leur ont été versées en 2019. Les premières annonces font craindre que la mise en réserve soit supérieure en 2020, rognant un peu plus leur marge d'action.
Ensuite, depuis plusieurs années, les subventions pour charges de service public (SCSP) des opérateurs ne tiennent pas compte du renchérissement des dépenses de personnels qu'entraîne le glissement vieillesse technicité (GVT). Selon les calculs des ministères de tutelle, le manque à gagner s'élèverait à une trentaine de millions d'euros par an. Cette pression croissante sur leur masse salariale a contraint les organismes de recherche non seulement à renoncer à des recrutements plus que nécessaires, mais aussi à réduire leurs effectifs. Pour les seuls établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), 3 531 emplois ont été supprimés entre 2012 et 2018 !
Le rationnement des investissements de l'ANR est tout aussi destructeur : le taux de sélection des projets de recherche par ses appels à projets est de 16,2 % à la fin de 2018. Nous sommes encore loin des 20 % que voudrait atteindre le ministère de la recherche, et plus loin encore des 30 % recommandés par le groupe de travail sur le financement de la recherche et grandement réclamés par les laboratoires. Ce n'est pas la stagnation de ses crédits en 2020 qui améliorera la situation. Le fonctionnement de ces appels à projets est tel que seule une vraie augmentation des enveloppes dédiées permettrait une réelle augmentation des chances de sélection des projets portant sur les nouvelles énergies. Force est de constater que seule une vingtaine de millions d'euros est attribuée chaque année à l'ensemble des thématiques énergétiques, même si l'enveloppe globale est passée de 450 à 550 millions ; à peine 36 millions d'euros ont été consacrés, au total, entre 2014 et 2018, aux énergies renouvelables proprement dites.
De fait, les ministères reconnaissent que, tant du côté des appels à projets de l'ANR que des subventions versées aux opérateurs de recherche, les crédits fléchés vers les énergies renouvelables ne progressent pas, hors l'exception notable du nucléaire. Les seuls vrais investissements de l'État ces dernières années relèvent des plans d'investissement d'avenir, par l'intermédiaire des instituts publics-privés pour la transition énergétique (ITE) et le programme « Démonstrateurs », confié à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
Le crédit d'impôt recherche (CIR), censé stimuler la recherche et développement des entreprises privées, représente 6,5 milliards d'euros de manque à gagner pour l'État. Les opérateurs de la recherche pensent qu'il explique une partie des contrats que les entreprises passent avec leurs équipes. Cependant, il est impossible d'évaluer le soutien réel du CIR aux recherches dans les thématiques énergétiques, ni ce que les organismes publics perdraient si ce CIR était moins généreux, voire n'existait plus.
En tout état de cause, ces divers dispositifs et investissements sont concentrés sur des stades déjà avancés de la recherche et de l'innovation. Les verrous qui restent à lever et les nouvelles solutions à trouver pour accélérer la transition énergétique de notre pays nécessitent de renforcer aussi les efforts de recherche beaucoup plus en amont. Sur ce point, très clairement, le compte n'y est pas dans ce projet de budget pour 2020 ! J'émets donc un avis défavorable.
Le programme 181 est le programme clef en matière de prévention des risques naturels, technologiques et nucléaires, mais aussi en matière de soutien à l'économie circulaire et au développement des énergies renouvelables, puisqu'il inclut le financement de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont la subvention pour charges de service public représente 71 % des crédits du programme.
Je vais d'abord décrire l'évolution des crédits du programme, en m'intéressant particulièrement aux moyens consacrés à la prévention des risques technologiques et industriels ; dans un second temps, je m'intéresserai aux crédits de l'ADEME, plus particulièrement au Fonds « économie circulaire ». J'ai choisi d'examiner plus en détail ces sujets, qui font actuellement l'objet de toute l'attention de l'opinion publique. Nos concitoyens ont de grandes attentes vis-à-vis de l'État en matière de risques connus ou supposés pour leur santé et leur sécurité.
Cette politique de prévention des risques repose d'abord sur des moyens financiers. En ce qui concerne les crédits du programme 181, nous constatons une légère évolution à la baisse entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2019 et le PLF 2020. Ils passent de 838 à 826 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 832 à 826 millions d'euros en crédits de paiement (CP).
Cependant, cette baisse d'environ 7 millions d'euros des CP est due à la disparition d'une mesure exceptionnelle de même montant que nous avions votée en LFI pour 2019, afin de permettre l'indemnisation des propriétaires de l'immeuble dénommé « Le Signal » à Soulac-sur-mer.
En dehors de cette mesure exceptionnelle, les crédits du programme sont stables. Les effectifs du programme 181 « Prévention des risques » sont donc globalement préservés. Dans le domaine de la sûreté nucléaire, les effectifs du programme sont même renforcés, puisque le plafond d'emplois de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) augmente de 13 équivalents temps plein travaillé (ETPT) pour atteindre 435 ETPT en PLF pour 2020.
J'en viens plus spécifiquement à la question de la prévention des risques technologiques et industriels. Si l'on déplore généralement peu d'accidents industriels graves en France, les risques n'en demeurent pas moins présents, comme vient de nous le rappeler l'accident survenu au sein de l'entreprise Lubrizol à Rouen, usine qui avait fait l'objet de 39 inspections depuis 2013 et de plusieurs mises en demeure de la part des services de l'État.
Les effectifs restent stables, avec 1 290 ETPT sur la mission pour un effectif total de 1 607 agents techniques au sein des différents services déconcentrés, environnement et agriculture compris. L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) connaît en revanche une diminution de 13 ETPT de son plafond d'emplois.
Quant aux moyens, ils relèvent de l'action 1 du programme 181. Elle est dotée de 90,5 millions d'euros en PLF pour 2020, contre 90,9 millions d'euros en LFI pour 2019. Mme la ministre l'a rappelé lors de son audition, ici même, après les événements de Lubrizol : cette action ne connaît ni réduction d'effectifs, ni réduction de moyens.
Si nous constatons une légère baisse des AE et des CP pour cette action, respectivement à hauteur de 5 % et de 0,5 %, cela tient à l'achèvement du processus de finalisation des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). En effet, 381 PPRT ont déjà été approuvés sur les 388 prescrits. Seulement sept d'entre eux sont encore en phase d'approbation, ce qui nécessite moins de crédits.
De manière générale, le nombre de contrôles réalisés reste élevé en 2018, avec 18 200 visites d'inspection. Les plus grands sites et les sites les plus dangereux, comme celui de la plate-forme Inovyn de Tavaux, classé Seveso « seuil haut », dans le Jura, font évidemment l'objet d'une surveillance approfondie. Néanmoins, le nombre total de contrôles a chuté depuis une dizaine d'années ; nous comptions encore près de 25 000 contrôles par an en 2009.
Il semble cependant que le problème ne réside pas tant dans le niveau des effectifs que dans la capacité des inspecteurs à réaliser des contrôles sur le terrain. De manière générale, le temps passé par les inspecteurs en contrôle ne représente plus que 20 % de leur temps de travail, sous l'effet des nouvelles tâches qu'ils doivent accomplir, notamment en matière d'autorisations environnementales ou de validation des réglementations techniques. Ces tâches sont très accaparantes, en raison d'une production législative réglementaire importante, encore renforcée par la révision fréquente des réglementations européennes.
Le Gouvernement a fixé comme objectif une augmentation de 50 % du nombre de contrôles annuels d'ici à 2022. Ils seraient facilités par une simplification des procédures et par leur numérisation. Cependant, pour atteindre ce résultat, et au-delà des considérations du moment à la suite de l'accident de Lubrizol, il nous a semblé, avec plusieurs de nos collègues, que les moyens humains et matériels des inspecteurs des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) devaient être significativement renforcés. C'est pourquoi nous avons prévu un amendement visant à renforcer leurs moyens à hauteur de 2 millions d'euros, ce qui représente approximativement un effectif supplémentaire de 30 inspecteurs. Ces crédits permettront aussi l'acquisition de nouveaux équipements ; j'ai pu constater, lors de déplacements sur le terrain, que les inspecteurs ne bénéficient pas toujours du matériel adapté.
Toujours en ce qui concerne les risques, le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds « Barnier », constitue la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels. Il joue un rôle essentiel pour prévenir les risques croissants liés au dérèglement climatique. Toutefois, les recettes nettes du fonds Barnier demeurent plafonnées à 131,5 millions d'euros par an.
J'en viens désormais au financement de l'ADEME et du Fonds économie circulaire. Vous le savez, le financement de l'ADEME a profondément évolué en 2018, puisque les crédits de l'agence, autrefois dispersés entre plusieurs programmes, ont été intégralement budgétisés dans le programme 181.
Dans le cadre de mon rapport, j'ai souhaité approfondir l'étude des conditions d'action du Fonds économie circulaire de l'ADEME. En 2019, l'activité du fonds s'est déclinée selon plusieurs actions, notamment le soutien à la prévention des déchets et à l'animation des territoires, les investissements publics et privés, la valorisation des déchets organiques et diverses autres actions en faveur de l'économie circulaire.
Aujourd'hui, les fonds de l'ADEME doivent être confortés, et les moyens de l'agence augmentés. L'application de la future loi sur l'économie circulaire et de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC), la mise en place d'une vingtaine de nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), la structuration des éco-organismes, la traçabilité des déchets et la consigne sont autant de missions qui incomberont à l'ADEME dans son rôle d'expertise. Il faudra nécessairement renforcer les effectifs de l'agence. À l'heure actuelle, les équipes dédiées ne représentent que trois postes à l'ADEME et deux postes à la direction générale de la prévention des risques (DGPR). L'agence estime le besoin d'effectifs supplémentaires à 15 ETP. La politique des déchets est un domaine de la prévention des risques qui fait l'objet d'une forte demande sociétale : fin du gaspillage, réemploi, meilleure information sur les produits, amélioration de la collecte des déchets, etc. Ces préoccupations sont au coeur du quotidien des Français.
Pour toutes ces raisons, nous avons choisi de déposer, avec plusieurs collègues, un amendement visant à renforcer les moyens du Fonds économie circulaire à hauteur de 10 millions d'euros.
Conduire une démarche de prévention des risques, quels qu'ils soient, exige de déployer des moyens humains suffisants. C'est pourquoi je vous propose d'augmenter les ETPT dans le domaine des inspections des installations classées.
Je souhaite rappeler que la France est l'un des pays les plus exigeants au monde en matière de sécurité, et que, malgré toute la qualité de l'action de l'État, la survenue d'un accident industriel, d'une pollution ou d'une catastrophe naturelle potentiellement dramatique ne peut malheureusement être exclue. Ce constat doit être très régulièrement rappelé, afin de développer la culture du risque et améliorer l'efficacité de la prévention et de la protection.
Nous saluons, au nom du groupe La République en marche, l'excellent travail de nos deux rapporteures pour avis, Mmes Elsa Faucillon et Danielle Brulebois.
La recherche scientifique est sans doute la solution idéale pour relever les grands défis de demain, j'entends le développement durable et l'adaptation aux bouleversements climatiques. De nombreux exemples le montrent : c'est grâce à la mobilisation de la recherche scientifique que nous pourrons trouver des solutions alternatives et accompagner nos sociétés dans cette transition. La recherche scientifique nous aide à comprendre les phénomènes et à borner le principe de précaution qui nous est si cher. Ainsi, nous nous félicitons de la hausse des crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur », et plus particulièrement des crédits en direction de la recherche en matière de développement durable et de gestion des ressources, avec, respectivement, une augmentation de 11 % des CP du programme 193, une stabilité pour les CP du programme 172 et une hausse de 2 % des CP du programme 190. L'ensemble des programmes mobilise ainsi plus de 10,5 milliards d'euros pour la recherche dans ces domaines. Autrefois chercheur, je me suis forgé l'assurance que, de tout temps, l'efficacité de la recherche scientifique était et est encore, aujourd'hui plus qu'hier, conditionnée par des coopérations internationales. Pouvez-vous nous exposer la part de ces budgets consacrée à la coopération internationale dans le domaine de la recherche scientifique ?
Concernant la prévention des risques, vous l'avez rappelé, les crédits du programme 181 évoluent légèrement à la baisse, passant de 838,3 à 826,5 millions d'euros en AE et de 832,8 à 826,6 millions d'euros en CP. Nous pouvons néanmoins nous féliciter de la quasi-stabilité des crédits à périmètre constant.
Parmi les nombreuses missions relevant du programme 181, nous souhaitons revenir sur deux idées majeures de votre rapport, Mme Danielle Brulebois. La première est l'évolution des missions de l'ADEME, et la volonté du Gouvernement de faire de l'économie circulaire une priorité. Dans votre rapport, vous mentionnez un léger recul de la subvention destinée à l'agence. L'opérateur réalise un travail majeur dans la transition écologique et solidaire et a vu, au cours des dernières années, ses missions se multiplier. En matière d'économie circulaire, la loi de transition énergétique pour la croissance verte fixe des objectifs ambitieux : la diminution de 10 % par habitant et par an des déchets ménagers et assimilés, la division par deux du recours à la mise en décharge entre 2010 et 2025 ou encore le tri à la source des déchets organiques. Le Fonds déchets, géré par l'ADEME, qui devra informer les citoyens et accompagner les entreprises et les collectivités, répond à ces objectifs. Pour ce fonds, appelé aussi Fonds économie circulaire, une enveloppe de 164 millions d'euros est attribuée en 2019 ; elle devrait pouvoir évoluer en 2020. Dès lors, l'ADEME devra gérer le soutien aux investissements publics et privés, la valorisation des déchets organiques et construire un indice de durabilité. L'agence devra également structurer les futures filières à responsabilité élargie du producteur (REP).
Si la capacité d'expertise essentielle de l'ADEME est indiscutable, vous mettez en exergue la difficulté pour l'agence à gérer ces nouvelles missions. Comment serait-il possible d'aider l'ADEME à poursuivre ses travaux ? Vous évoquez par ailleurs des aides trop concentrées sur des activités innovantes, pouvez-vous développer ce point ?
Une autre question relève davantage de l'actualité ; elle porte sur l'amélioration de la prévention des risques, en référence à l'accident de l'usine Lubrizol. Dans votre rapport, vous rappelez qu'une politique de prévention est essentielle, politique consistant en une visite régulière. Toutefois, concernant l'usine de Lubrizol, le site a fait l'objet de 39 inspections depuis 2013, dont la dernière a eu lieu en septembre 2019. Quelles sont à vos yeux, madame la rapporteure pour avis, les solutions et les propositions à envisager pour renforcer la prévention des risques industriels ? Je vous remercie.
Je souhaite tout d'abord féliciter les rapporteures pour avis pour leurs interventions.
Le programme 193 « Recherche spatiale » est en hausse de 11 %. L'ensemble des actions connaît une augmentation, hormis celle concernant le développement des satellites de météorologie, en raison, peut-être – c'est à vous de nous le dire – de la fin des grands projets européens. À première vue, nous pouvons être satisfaits de la hausse des moyens pour ces investissements d'avenir. Cependant, n'oublions pas que ce secteur est le théâtre d'une concurrence exacerbée entre les États : États-Unis, Chine, Inde, etc. Soixante agences spatiales existent aujourd'hui dans le monde, tout comme des acteurs privés, tels SpaceX. La moitié des données exploitables en matière de climatologie et de prévision du réchauffement climatique proviennent de l'espace. D'où ma question : ces moyens sont-ils suffisants pour maintenir la place de la France dans le monde en matière spatiale ? Nous sommes le deuxième pays au monde en termes de qualité et de savoir-faire spatiaux. Nous ne pouvons relâcher nos efforts.
Par ailleurs, le Gouvernement français sera-t-il présent à la réunion interministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA), en Espagne, en novembre prochain, pour défendre la position de la France ? Et quelle position défendra-t-il ?
Une partie de l'augmentation des crédits est due au remboursement de notre dette à l'ESA. Quand sera-t-elle résorbée ? Hors remboursement de la dette, quelle est l'augmentation réelle du budget du Centre national d'études spatiales (CNES) ? Notre collègue, M. Jean-Luc Fugit, n'a-t-il pas rendu un rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les moyens en recherche spatiale, les qualifiant de notoirement insuffisants ?
Le programme 172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire », qui est le plus conséquent, comme l'a rappelé la rapporteure pour avis, constitue l'instrument essentiel de la recherche en France. Il est stable en CP. Cependant, nous observons des mouvements à l'intérieur de la mission : hausse significative, supérieure à 24 %, pour le pilotage et l'animation, et baisse de 14,13 % pour l'ANR.
La recherche en matière nucléaire est en hausse. Où en sommes-nous dans ce domaine ? Nous connaissons en France la situation de l'EPR. Qu'en est-il du réacteur Astrid ? Est-ce à vos yeux l'avenir du nucléaire ? Je rappelle que l'énergie nucléaire est décarbonée, et que le réacteur Astrid réutilise des déchets nucléaires et permet leur transmutation. Pouvez-vous nous expliquer la baisse de 14,13 % en CP pour l'ANR ? Allons-nous investir moins, et même beaucoup moins, dans ce domaine ?
Quant à l'hydrogène, les engagements de l'État sont faibles au regard des enjeux et de l'action de nos voisins, voire ridicules au regard des efforts de recherche et d'investissement aux États-Unis, en Chine, en Australie et en Allemagne. Nos voisins allemands investissent dix fois plus dans la recherche que l'État français.
Concernant la prévention des risques, le budget est en baisse de 0,73 % et même de 15,82 % pour l'action « Prévention des risques naturels et hydrauliques ». Nous avons connu l'événement dramatique de Rouen. Allez-vous prendre en compte les critiques de l'opposition ? Comment le ferez-vous ? Allez-vous abonder le budget de l'État afin d'augmenter la surveillance et les contrôles ?
Nous émettrons donc un avis défavorable sur les crédits de ces missions, sauf si nos amendements sont pris en compte.
Je souhaite avant tout louer la qualité des travaux des rapporteures pour avis.
S'agissant des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », je salue également, au nom du groupe MODEM et apparentés, le montant du budget alloué au programme 190, en hausse de 1,60 % en AE et de 2,55 % en CP par rapport à 2019. Les montants engagés en faveur de la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables sont importants. Ce budget permet de soutenir un grand nombre d'opérateurs qui engagent des projets de recherche dans des domaines variés. Toutefois, dans son rapport pour avis de l'année dernière, M. Gérard Menuel nous avait expliqué que les situations pouvaient être très inégales entre les opérateurs, certains ayant exprimé leur frustration d'être moins protégés par le ministère de la transition écologique et solidaire, en charge de leur gestion, que ne le fait le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à l'égard de ses propres opérateurs. Qu'en est-il cette année ? Madame Elsa Faucillon, avez-vous noté une évolution par rapport à l'année dernière ?
Notre groupe porte une attention particulière aux moyens attribués à la recherche dans deux domaines. Le premier est le soutien aux énergies plus vertueuses sur un plan environnemental, notamment aux carburants alternatifs. Ce soutien est essentiel si l'on veut atteindre les objectifs fixés par la France dans sa stratégie nationale bas carbone. Le développement de la recherche et développement (R&D) en faveur des énergies alternatives permettra d'atteindre l'objectif de réduction de 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'horizon 2050, en application de l'accord de Paris sur le climat. Nous avons plaidé, durant tout l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), en faveur de la sortie du « tout électrique » au profit d'un mix énergétique intelligent, recourant à de nouvelles solutions d'énergie, comprenant, en plus de l'électrique, l'hydrogène vert, le biométhane, les carburants de synthèse ou le bio-éthanol. Nous devons veiller à la promotion de ce mix énergétique, plus économique à la pompe mais aussi créateur d'emplois innovants. Existe-t-il, à ce titre, des projets de recherche sur ces énergies alternatives au niveau européen, qui permettraient de mutualiser les coûts et de développer un réel marché européen de l'énergie plus vert et plus diversifié ? Quels sont les choix budgétaires, dans ce PLF, qui soutiennent la recherche dans ces matières ?
Le second domaine est celui des alternatives aux produits phytopharmaceutiques. Ce sujet d'actualité majeur préoccupe nos concitoyens. Nous avons pu le constater cette dernière semaine, avec les arrêtés municipaux anti-pesticides récemment pris par certains maires pour interdire ces produits autour des habitations. Dans ce contexte, la recherche scientifique en faveur de solutions de substitution est essentielle ; elle doit être approfondie et pérennisée sur le long terme. Le budget de 1'année dernière a choisi d'accompagner les projets de recherche vers ces solutions alternatives. Qu'en est-il dans ce PLF des montants alloués à la recherche dans le domaine des pesticides naturels ou insecticides biologiques ? Disposons-nous d'ores et déjà des résultats issus des précédents projets de recherche, pour pérenniser des solutions alternatives efficaces ?
Avant de laisser la parole à notre excellent collègue M. Christophe Bouillon, je m'intéresserai à la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Je souhaiterais remercier à mon tour Mme Elsa Faucillon pour la clarté et la précision de son propos.
Il y a les discours et il y a les actes. Les discours, nous les connaissons : l'urgence climatique – la loi relative à l'énergie et au climat le proclame, et nous étions alors tous très heureux de mettre ce point en avant – et l'objectif de 50 % d'énergies renouvelables dans notre mix énergétique à l'horizon 2035. Cette date de 2035 nous semblait un peu lointaine ; mais toujours est-il que nous avons une feuille de route à disposition. Voilà pour le discours. Cependant, disposons-nous des moyens nécessaires ? Mme Elsa Faucillon a donné une réponse claire, et je souhaite m'inscrire dans le sillon qu'elle vient de tracer.
Pour atteindre notre objectif à l'horizon 2035, une détermination constante est nécessaire, tout comme une grande ingéniosité, afin d'investir massivement dans les nouvelles énergies et être capables d'approfondir en permanence l'état de la connaissance sur ce sujet. Or nous ne distinguons dans ce budget aucune nouvelle ambition, pour des pans très importants de ce qui devrait mobiliser aujourd'hui l'argent public, pour des politiques publiques essentielles. Qu'y a-t-il de neuf ou d'ambitieux concernant la production et le stockage des énergies renouvelables ? Je rejoins complètement les propos de mon collègue M. Gérard Menuel. Nous ne sommes pas au rendez-vous des ambitions affichées. Qu'y a-t-il de neuf ou d'ambitieux concernant l'efficacité énergétique ou la gestion des réseaux ? Le budget ne répond pas à l'ambition collective que nous devrions nous fixer.
Allez-vous me répondre que des programmes seront lancés dans la loi de programmation pluriannuelle sur la recherche qui sera votée l'année prochaine ? Mes chers collègues, pensez-vous que nous ayons encore le loisir de repousser les échéances et la mise en oeuvre de nos ambitions ? Notre déception est patente – vous le comprenez tous. Il nous faut agir.
Nous sommes encore sous le choc du terrible accident de Lubrizol. Ce budget doit évidemment refléter la priorité que nous devons accorder à la prévention des risques industriels et technologiques. Voici quelques chiffres. Le bureau d'analyse des risques et des pollutions industriels (BARPI) a produit le 10 septembre dernier un inventaire, qui signale que les accidents industriels ont augmenté de 34 % entre 2016 et 2018.
Madame la rapporteure pour avis Danielle Brulebois, vous avez rappelé que le nombre de contrôles effectués en 2009 était de 25 000, contre 18 000 aujourd'hui. Voilà une diminution manifeste. Quelle en est la raison ? Est-ce la diminution du nombre d'inspecteurs, l'absence de temps pour réaliser les contrôles, l'assouplissement des règles, l'amélioration de la situation chez les industriels et les exploitants, la diminution du nombre d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ? Toutes ces questions se posent avec une acuité accrue. Je vous demande de ne pas baisser la garde en ces matières. Nous avons besoin de plus de contrôles, de plus de contrôleurs et d'une vigilance accrue. Nous devons la vérité à celles et ceux qui vivent autour des sites industriels. Si nous voulons concilier qualité de vie et présence d'une industrie forte en France, nous devons porter haut cette exigence. Voilà la raison pour laquelle nous avons déposé, avec mes collègues, un amendement visant à rétablir les budgets de la prévention des risques, qui baisserait, selon ce PLF, de 6 millions d'euros cette année.
Mon propos portera principalement sur les programmes 181 et 190 du PLF, qui traitent tous deux de la sûreté nucléaire. Plus d'un milliard d'euros au total sont consacrés au nucléaire dans ce budget 2020. Madame Elsa Faucillon, vous déplorez dans votre rapport – je vous cite – qu'« une fois encore les seuls renforts budgétaires accordés iront au secteur nucléaire. S'il est vrai que les technologies nucléaires peuvent toujours gagner en sécurité et en performance, une telle sanctuarisation mérite débat. »
Au-delà de la sanctuarisation que vous dénoncez comme telle, se pose la question des moyens accordés à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dont le rôle est d'assurer au nom de l'État le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Les effectifs de cette autorité augmentent, mais comme vous le soulignez dans votre rapport, madame Danielle Brulebois, l'ASN constate une sous-dotation en crédits de personnels à hauteur de 600 000 euros chaque année, ce qui implique de remettre en cause des créations de postes qui ont pourtant été accordées. Alors qu'aujourd'hui l'essentiel du parc nucléaire français a été construit voilà près de quarante ans, la maîtrise du vieillissement des installations et des différents aléas extérieurs implique de relever de nouveaux défis en termes de sûreté nucléaire. Comment expliquez-vous cette sous-dotation de l'ASN ? J'aurai même une question plus générale : en faisons-nous assez pour la sûreté nucléaire ? L'incendie de l'usine Lubrizol a montré que les catastrophes industrielles étaient encore possibles en 2019, rappelant tout l'enjeu de la prévention.
Ma deuxième question s'adresse plus particulièrement à Mme Danielle Brulebois et concerne le Fonds chaleur de l'ADEME, qui permet de financer les projets de production de chauffage alimentés par des énergies renouvelables : chaufferies au bois, réseaux de chaleur, géothermie, etc. Son efficacité est souvent rappelée. Toutefois, si la dotation de ce fonds devait atteindre 350 millions d'euros en 2020 – cette information a été transmise par communiqué de presse –, elle correspond à la trajectoire définie par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) mais ne figure pas, semble-t-il, dans le document budgétaire. Au contraire, ces documents pour 2020 indiquent, d'une part, une baisse de 23 ETPT, d'autre part, une baisse de la subvention versée pour 2020 de moins 24 millions d'euros sur deux ans pour l'ADEME. N'y a-t-il pas contradiction entre les intentions affichées et les crédits budgétaires affectés ? Pouvez-vous nous en dire plus sur la dotation de ce Fonds chaleur ?
Mon intervention abordera trois points : les moyens de l'ADEME, les moyens de contrôle des ICPE et le déploiement du plan hydrogène.
Concernant l'ADEME, je rejoins évidemment les préconisations de Mme Danielle Brulebois. L'État doit donner les moyens d'accompagner l'ensemble des acteurs de la transition écologique, particulièrement pour l'économie circulaire. Le projet de loi en cours de discussion autorisera un certain nombre d'avancées, dont le Fonds déchets-économie circulaire de l'ADEME. La question porte sur les moyens financiers, mais aussi sur les moyens humains. Le meilleur exemple est celui des nouvelles filières à responsabilité élargie des producteurs. L'ADEME jouera évidemment un rôle important pour ces filières. Cependant, ce budget propose une baisse d'une vingtaine de postes pour l'agence. Je soutiens donc la volonté de la rapporteure pour avis de supprimer ce gel de postes. Des moyens existent pour financer ces postes affectés à la mise en place et au suivi des filières REP, grâce à une contribution des filières concernées. Nous devons trouver une solution : encourager l'économie circulaire et les filières REP demande plus de moyens, notamment humains. Les baisses prévues à l'ADEME sont donc très problématiques.
Mon deuxième point concerne la prévention des risques et le contrôle des ICPE. Ces missions ne pourront pas non plus s'accommoder d'une baisse du nombre de postes. J'espère que nous pourrons convaincre qu'une dizaine de postes, voire une trentaine, soient réaffectés à ces missions.
Mon dernier point porte sur la recherche – les autres groupes l'ont heureusement évoqué – et le plan de déploiement de l'hydrogène pour la transition écologique. Le Gouvernement a pris des engagements, à la mi-2018, pour déployer un plan hydrogène de 100 millions d'euros, afin de rattraper notre retard et accompagner les acteurs, notamment pour le stockage et la production d'hydrogène vert à partir d'énergies renouvelables. Le plan 2019 n'a pas été complètement exécuté, puisque nous atteignons seulement 70 millions d'euros. Nous souhaiterions nous rapprocher enfin, en 2020, de cet effort massif de 100 millions d'euros de soutien public. Cependant, à la lecture des documents budgétaires, nous ne sommes pas rassurés. Deux moyens existent pour financer ce plan : premièrement, les crédits de l'ADEME – nous n'avons pas de visibilité à ce sujet, et nous estimons qu'ils s'élèveront à 20 ou 25 millions d'euros, alors que 50 millions d'euros seraient nécessaires – deuxièmement, l'assurance que les financements du plan seront à la hauteur des enjeux. Les documents budgétaires contiennent trop d'incertitudes. Nous voulons des garanties. Voilà le sens des amendements que je défendrai tout-à-l'heure.
Je débuterai mon propos par les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », que je connais bien, puisque j'en suis issu : j'étais technicien à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) avant de devenir élu. J'y ai constaté, au fil du temps, le glissement des financements récurrents vers des financements sur projets et vers la méta-organisation qu'est l'ANR. Cette organisation pose des problèmes en termes d'indépendance de la recherche publique par rapport aux financeurs privés.
Les chercheurs et les scientifiques que j'ai pu rencontrer sont brillants, mais ils passent leurs journées à remplir des dossiers de financement et de recherche, dont seulement 10 % aboutissent. L'argent que nous investissons dans la recherche publique l'est en pure perte. Cet argent sert à empiler des projets, dont neuf sur dix iront caler des armoires dans les laboratoires. C'est dramatique, et je me dois de donner l'alerte sur ce fonctionnement.
Concernant le manque de moyens, les mesures prévues ne sont pas neutres. Mme Elsa Faucillon nous annonce une baisse de 2 millions d'euros, à laquelle s'ajoute le non-financement du GVT à hauteur de 30 millions d'euros. Voilà qui signifie un manque de moyens humains et financiers, pointé du doigt par la rapporteure pour avis, qui est incompréhensible au regard des enjeux et des défis incroyables que nous avons à relever.
Je prendrai deux exemples. L'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), ancien Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, s'intéresse à la mobilité du futur. Elle va bien au-delà des véhicules autonomes que vous voulez, mes chers collègues, faire rouler à la queue leu leu, réinventant ainsi le train qui existe depuis des siècles. L'IFSTTAR compte 1 000 agents pour 105 millions d'euros de budget. J'en tomberais de ma chaise ! Ce n'est rien au regard des enjeux que représentent la réorganisation de la mobilité dans notre pays et ses implications écologiques.
Je pourrais vous alerter sur l'échéance de janvier prochain, qui verra la création de l'Institut national de recherche agronomique et environnementale (INRAE), fusionnant l'INRA et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA). Cette fusion ne se fait pas vraiment à moyens constants, puisqu'elle est envisagée comme une économie d'échelle, alors que les enjeux demanderaient une augmentation des moyens. Que dire du plafond d'emplois, qui n'est même pas atteint !
Quant à la prévention des risques, la baisse généralisée des moyens des opérateurs publics concernant la sécurité des sites industriels implique moins de contrôles et un plus grand laxisme au regard des normes environnementales. Voyez le cas de Lubrizol, quelle catastrophe ! Nous n'avions pas attendu cet événement pour donner l'alarme. En 2018, je vous alertais déjà sur les rejets de bromopropane par l'entreprise Sanofi, 190 000 fois supérieurs à la norme dans le bassin de Mourenx. J'avais alors demandé une commission d'enquête sur les ICPE. Nous n'avons pas d'argent, et nous laissons donc Sanofi s'autocontrôler ! En attendant, des ouvriers meurent. Le PDG de Sanofi, lui, n'habite pas à côté de l'usine, vous pouvez en être sûrs ! Les budgets que nous votons, ici, ne sont pas seulement des lignes budgétaires, ils ont un impact réel sur la vie des gens.
Je remercie comme tout un chacun nos deux rapporteures pour avis pour leur travail, avec une mention particulière pour ma collègue Mme Elsa Faucillon. Au risque de la redite, je reviendrai sur les risques technologiques, et, pour l'ADEME, sur le fonds de traitement des sols pollués en déshérence.
Concernant les risques technologiques, Madame Danielle Brulebois, vous notez non seulement la trajectoire à la baisse des moyens d'intervention et de contrôle des installations à risque, dont les installations Seveso, mais vous indiquez aussi que peu d'accidents sont à déplorer. Comme l'a rappelé à juste titre le rapporteur de la mission d'information créée à la suite de l'incendie de Lubrizol, plus de 1 300 accidents ont eu lieu en 2018 dans les sites à risques et ce chiffre est en augmentation très sensible ces deux dernières années ! Plus de 50 % de ces accidents ont eu lieu dans des usines classées Seveso. Nous ne pouvons donc pas conclure que peu d'accidents sont à déplorer en France. C'est tout l'inverse, la trajectoire est à la hausse. Nous devons en prendre la mesure. J'ai bien pris en compte votre amendement qui vise à consolider les moyens des inspecteurs de la DREAL, à hauteur de 2 millions d'euros. J'ai aussi pris en compte l'amendement qui sera présenté par M. Christophe Bouillon et son groupe, et qui porte sur 8 millions d'euros. Au-delà des chiffres, nous serons tous vigilants afin que ces amendements permettent un accroissement très sensible des moyens consacrés au traitement des risques technologiques.
Concernant le fonds d'intervention de l'ADEME de traitement des sites pollués en déshérence, nous avons connu au cours des dernières semaines et des derniers mois une recrudescence très sensible des sujets d'actualité portant sur ce point. La responsabilité des entreprises ne peut être avérée, dans la mesure où leur trace a été perdue dans l'histoire industrielle de nos régions, qu'il s'agisse de sites en milieux urbains denses ou en zone rurale. Nos concitoyens sont très inquiets des conséquences de ces sites à l'abandon. Il en va de même pour les collectivités territoriales concernées par la localisation de ces sites. Les interventions sont délicates, lourdes et longues. Il est nécessaire de considérablement renforcer ce fonds d'intervention de l'ADEME pour intervenir concrètement sur ces sites.
Je le disais hier soir au sujet de l'ADEME et du budget, le ministère de la transition écologique et solidaire se voit amputer d'un nombre d'ETPT bien supérieur à celui des autres ministères. Pour faire face aux demandes, il se tourne vers ses agences, où les efforts exigés en termes de baisses d'effectifs sont démultipliés. L'ensemble des groupes et des sensibilités se rejoint sur ce point. Il est impératif d'arrêter cette ponction, très supérieure à celle que connaissent les autres ministères.
Je suis surpris de la manière dont certains collègues lient le nombre de contrôles des inspecteurs de la DREAL à celui des accidents dans les entreprises. La question est bien plus complexe. Je ne mets pas en cause la capacité qu'ont les entreprises à assurer la meilleure sécurité pour elles-mêmes, pour les salariés et pour les riverains. Sur la plateforme Inovyn de Tavaux, je peux vous assurer que l'ensemble des cadres et des salariés met tout en oeuvre pour s'assurer qu'aucun problème ne survienne. Cependant, le risque zéro n'existe pas. Nous ne pouvons pas simplement discréditer les entreprises et considérer qu'un simple contrôle permettrait de régler tous les problèmes et prévenir tout potentiel accident.
À l'heure où les événements climatiques se multiplient – nous l'avons encore vu cette nuit – vous baissez de près de 16 % le budget de prévention des risques naturels et hydrauliques, et la part non attribuée au fonds « Barnier » est malheureusement versée au budget général. En tant que députée de Seine-et-Marne et ancienne maire de Nemours, ville durement touchée par les crues de 2016, je ne peux que déplorer cette baisse. Nous devons changer nos pratiques pour sauver la planète. La communication du Président de la République le rappelle souvent – c'est louable. Dès lors, pourquoi diminuer le budget de la prévention des risques, alors que tous les experts s'accordent à dire que l'investissement dans la prévention est encore dix fois inférieur à ce que coûte l'indemnisation des catastrophes ?
Je souhaite tout d'abord préciser mon propos concernant la hausse du budget de la recherche dans les énergies renouvelables. Dire qu'il augmente n'est pas vrai. Une hausse existe bien, mais pour rembourser nos dettes et ainsi tenir nos engagements internationaux. Ces crédits ne seront donc pas affectés directement à la recherche dans les thématiques d'avenir, ni même aux opérateurs de recherche. Ces derniers n'en seront pas renforcés, bien au contraire, puisque le financement proposé par le Gouvernement reste problématique.
La coopération internationale concerne une grande partie du programme 193, soit environ 1,6 milliard d'euros, ainsi qu'une part du programme 172, pour un total d'au moins 2 milliards d'euros.
Monsieur Gérard Menuel, vous évoquiez un arrêt des projets européens de météorologie. Je parlerais plutôt de ralentissement des paiements, formule certes jargoneuse, mais qui est plus proche de la réalité.
Quant à la recherche spatiale, le budget 2020 permet de solder la dette envers l'ESA, ce qui constitue un point positif. Je n'ai pas de point d'alerte à signaler, les auditions l'ont confirmé.
Enfin, concernant la présence du Gouvernement ou du Président de la République en Espagne, ce n'est pas à moi de vous répondre. J'espère néanmoins que vous obtiendrez une réponse rapidement.
Le réacteur Astrid était financé autrefois par l'intermédiaire des programmes d'investissement d'avenir (PIA), à hauteur de 100 millions d'euros par an, depuis 2010. 20 millions d'euros complèteront le budget pour poursuivre la recherche sur les réacteurs de quatrième génération. L'arrêt ou le report de ce projet est une décision politique. Lors des auditions, nous n'avons pas noté de remarque particulière sur cette décision. À titre personnel, je pense qu'elle aurait pu faire l'objet d'un débat, notamment au Parlement, car il s'agit d'une décision importante.
Monsieur Patrick Loiseau, un alignement des taux de réserve a eu lieu en 2019 entre le ministère de la transition écologique et solidaire et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Une différence de traitement avait été soulignée. Nous ne savons pas à l'heure actuelle ce qu'il en sera en 2020.
Quant à l'Union européenne, il existe des fonds européens importants pour la recherche. Mais les Français y font peu appel aujourd'hui. L'ANR a donné l'alerte, et nous a indiqué qu'elle allait mettre en oeuvre un accompagnement pour davantage solliciter ces fonds.
Monsieur Guillaume Garot, monsieur Christophe Bouillon, effectivement, nous avons besoin d'actes. La trajectoire voulue est prise. Mais le besoin de financement en termes de recherche et d'innovation pour suivre cette trajectoire est évalué entre 500 millions et 1 milliard d'euros. Or, aujourd'hui, nous sommes plus proches des 400, voire des 300 millions d'euros si nous considérons une fourchette basse. Voilà une vision honnête de la situation. Nous sommes encore loin du compte.
Quant à la sûreté nucléaire, dans notre mission, seul l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est concerné. Sa subvention pour charges de service public est identique aux années précédentes. Toutefois, comme de nombreux autres organismes, l'institut est confronté au problème du financement du GVT. Une reconduction à l'identique est inquiétante s'il souhaite mener à bien ses missions.
Je partage vos remarques, mesdames et messieurs, sur la recherche sur l'hydrogène. Si le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou l'Institut français du pétrole-Énergies nouvelles (IFPEN) travaillent sur l'hydrogène, il n'existe pas de financements directement affectés. Pour pouvoir répondre aux engagements pris – un amendement de M. Matthieu Orphelin va dans ce sens –, nous devons affecter directement des crédits à la recherche sur l'hydrogène.
Concernant les remarques de M. Loïc Prud'homme sur l'ANR, la question du financement des projets est un débat ancien. Les chercheurs et les laboratoires passent un temps fou à élaborer les projets. Une recherche de simplification a été tentée en 2019. L'ANR examine d'abord un pré-projet pour voir s'il pourrait être intéressant ; le cas échéant, elle demande une version plus fouillée.
L'inquiétude est réelle pour l'emploi dans la recherche publique. Le sous-financement du GVT représente 30 millions d'euros de manque à gagner ! Entre 2012 et 2017, nous notons une compression de 3 500 postes. Sans investissement massif dans la recherche publique, les difficultés seront importantes. La vigilance s'impose.
La création de l'INRAE ne doit pas permettre de dégager des économies dans l'immédiat. Cependant nous devrons surveiller l'évolution de la situation au cours des prochaines années. Ce n'est que dans deux ou trois ans que l'on pourrait constater des économies d'échelle. L'on nous a dit qu'aucun site ne serait fermé ; je vous invite à bien regarder les budgets futurs !
J'ai oublié d'évoquer le rendement de la métastructure ANR. Pour 100 euros investis dans l'ANR, combien sont transférés aux laboratoires de recherche ? Cet indicateur est très significatif.
Monsieur Christophe Arend, vous soulignez une légère baisse des crédits de l'ADEME. Cependant, l'agence a des moyens de fonctionnement suffisants, grâce à ses ressources propres, en nette augmentation : elles sont passées de 11 à 28 millions d'euros entre 2018 et 2019. Par ailleurs, des désengagements de projets ont libéré des crédits pour 2020. Nous ne connaissons pas encore exactement le budget de l'ADEME, qui sera déterminé lors du conseil d'administration de fin 2019. Nous aurons alors une vision claire des ressources de l'agence, qui me semblent néanmoins suffisantes, si ce n'est en termes d'emplois. L'ADEME propose des actions innovantes au plus près des territoires : elle met notamment en oeuvre les plans régionaux de traitement des déchets et la redevance incitative dans les territoires. Elle a donc besoin de moyens humains supplémentaires pour dérouler la FREC et toutes ses autres actions. Beaucoup de progrès sont encore à faire pour éviter l'enfouissement des déchets, mieux trier, recycler et réemployer.
Monsieur Gérard Menuel, votre question portait, comme celles d'autres collègues, sur l'accident de l'usine Lubrizol. Vos inquiétudes portent sur la qualité et la fréquence des contrôles et des inspections. Pour tout ce qui concerne les sites Seveso, les contrôles sont effectués de manière extrêmement rigoureuse, suivie et régulière. Sur le site Seveso seuil haut Inovyn à Tavaux, deux inspecteurs travaillent à temps plein de façon permanente sur le site. Les inspections sont très fréquentes. Cependant, le travail administratif des inspecteurs est de plus en plus important. Chaque extension ou création d'une nouvelle activité implique un nombre très important de tâches administratives. Notre cadre législatif est particulièrement complexe et riche, et nous devons aussi l'adapter constamment à la réglementation européenne. Ce temps est cependant pris auprès de personnels qui travaillent sur des sites classés à risque moins élevé, et qui sont donc moins fréquemment inspectés.
Monsieur Patrick Loiseau, votre question portait sur la baisse des crédits affectés à la prévention des risques naturels. La baisse de 15 % du programme 10 est due – je l'ai déjà expliqué – à la dotation exceptionnelle en faveur de l'immeuble Le Signal votée en LFI 2019. Elle n'a pas lieu d'être cette année.
Le plafond du fonds « Barnier », qui s'élève à 131,5 millions d'euros, devra être revu dès 2020. Cependant, il est suffisant pour répondre aux besoins cette année.
Monsieur Patrick Loiseau, vous avez aussi parlé des moyens de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), qui doivent être préservés. Ils sont principalement inclus dans la mission agriculture, mais le programme 181 inclut aussi 8 millions d'euros pour la recherche. L'ANSES assume des missions de plus en plus complexes et difficiles, notamment sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens. La mise sur le marché de nouvelles molécules est très rapide, et l'agence doit constamment s'adapter et mener ses recherches dans de très courts délais.
Monsieur Christophe Bouillon, vous avez aussi parlé des contrôles, craignant un certain laxisme. Je peux vous assurer que l'État français ne baisse pas la garde, bien au contraire. Les contrôles sont de plus en plus exigeants et complets.
Monsieur Stéphane Demilly, concernant le nucléaire, 2 millions d'euros de plus ont été accordés à l'ASN. Son financement est conforté : ses crédits augmentent de 2,28 % en AE et 2,10 % en CP, pour atteindre 60,3 millions d'euros en AE et 65,2 millions d'euros en CP. Vous avez raison de souligner que le vieillissement de nos installations et les difficultés sur les soudures constatées à Flamanville nécessitent de l'ASN et de l'IRSN un travail de plus en plus complet et assidu, d'où ces moyens supplémentaires. Les effectifs de l'ASN ont aussi été renforcés.
Il a été dit que le Fonds chaleur ne répondait pas aux attentes de la PPE. Le Fonds chaleur est pour le moment suffisant. En 2020, 350 millions d'euros lui seront consacrés, contre 307 millions en 2019. Par ailleurs, nous devons souligner le désengagement d'un grand nombre de projets, de la part de particuliers comme de collectivités. Le gaz et l'énergie ne sont pas très chers actuellement, ce qui n'encourage pas les projets.
Monsieur Jean-Marie Sermier, vous avez évoqué les inspections de la DREAL, et souligné à juste titre que les accidents graves sont très rares en France. La culture de la prévention des risques est réelle dans notre pays, notamment dans nos entreprises, qui n'attendent pas les contrôles et les inspections pour assurer la sécurité et la sûreté de leurs établissements. Les entreprises se plaignent cependant de la lourdeur des démarches administratives. Nos inspecteurs ont trop de travail administratif, les temps de traitement des dossiers sont de six mois, voire un an, tandis que la concurrence des pays étrangers fait son oeuvre. La France est le lieu d'importantes contradictions : nous nous plaignons de la lourdeur et de la lenteur de l'administration, tout en réclamant davantage de sécurité et de protection.
Je souhaite souligner un point qui figure dans mon rapport, à propos de Lubrizol. Les salariés du site Inovyn ont attiré mon attention sur les systèmes d'alerte. Dans le cas de Lubrizol, tout a été fait dans les règles. Cependant, les sirènes et les réseaux sociaux ne suffisent peut-être plus aujourd'hui. SMS et téléphones portables, que nos concitoyens utilisent en permanence, devraient sûrement être utilisés.
Madame Valérie Lacroute, la baisse du fonds Barnier tient à la hausse artificielle du programme, l'année dernière, en faveur de l'immeuble Le Signal.
Monsieur Hubert Wulfranc, vous êtes à juste titre attaché à la question de la dépollution des sites en déshérence. L'ADEME réalise un travail important sur cette question. Nous recensons 230 sites orphelins. Les crédits sont en hausse : 18 millions d'euros en 2020, contre 12 millions d'euros en 2019 et 9 millions d'euros en 2018. Vous avez raison d'évoquer cette question, car de nombreux sites orphelins réclament encore d'être dépollués. J'ai pu le constater dans les calanques de Marseille.
Monsieur Matthieu Orphelin, vous évoquez la question de l'hydrogène, sujet qui vous tient à coeur. Le Fonds air mobilité passe de 16 millions d'euros en 2018 à 47 millions d'euros en 2019. Il nous faudra cependant attendre la fin de l'année pour connaître la dotation exacte de l'ADEME. La filière industrielle française de l'hydrogène, décarbonnée, doit être développée, et nous devons ouvrir de nouvelles perspectives pour le stockage des énergies renouvelables.
La commission en vient à l'examen des amendements.
Article 38 et état B : Mission Écologie, développement et mobilité durables
La commission examine l'amendement II-CD44 de M. Matthieu Orphelin.
Il s'agit d'un amendement d'appel sur le thème de l'hydrogène, pour envoyer de la part de notre commission un signal au Gouvernement. Nous devons atteindre en 2020 un financement du plan hydrogène qui soit à la hauteur des annonces, soit 100 millions d'euros au total, incluant les crédits de l'ADEME et le grand plan d'investissement.
Je partage l'ambition de M. Matthieu Orphelin de déployer l'hydrogène. Le Fonds air mobilité a été significativement renforcé, avec 47 millions d'euros en 2019 pour l'ADEME ; nous ne connaissons pas encore le chiffre exact pour 2020. Le Gouvernement souhaite faire inscrire rapidement ces crédits pour le développement de l'hydrogène. J'ajoute que le gage de votre amendement conduirait à retirer 25 millions d'euros de crédits en dépenses de personnels au ministère de la transition énergétique et solidaire. Je vous demande donc de le retirer, sans quoi j'émettrai un avis défavorable.
Tout le monde connaît les règles de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et du débat parlementaire. Nous devons prendre les crédits sur d'autres lignes budgétaires, de façon tout à fait artificielle. Loin de moi l'idée de ponctionner des moyens en personnels, alors que cela fait des semaines que nous nous battons contre les suppressions de postes. Cette règle qui nous est imposée est complètement absurde et artificielle.
Pour le plan hydrogène, nous ne sommes pas sûrs – vous l'avez bien dit – que les crédits de l'ADEME seront à la hauteur des engagements pris. Voilà le sens de cet amendement, que je maintiens à ce stade, malgré l'artificialité de la réduction qu'il implique par ailleurs. Il s'agit d'un signal envoyé par notre commission, conforme à notre mission de contrôle de l'action du Gouvernement.
La commission rejette l'amendement II-CD44.
Elle examine l'amendement II-CD51, 2e rectification, de la rapporteure pour avis Mme Danielle Brulebois.
Je présente cet amendement avec mon collègue rapporteur pour avis M. Adrien Morenas. Nous souhaitons donner des moyens supplémentaires à l'ADEME et à son Fonds économie circulaire, qui va constituer un outil essentiel pour accompagner la mise en oeuvre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire et de la FREC. Ce fonds a été doté de 164 millions d'euros en 2019, contre 149 millions d'euros en 2018. Cependant, ces moyens me paraissent trop faibles par rapport aux ambitions que nous nous donnons pour transformer notre système de traitement des déchets. Les missions qui vont incomber à l'ADEME sont immenses : développement de la tarification incitative, filières REP, qui constituent un outil puissant – certaines déjà mises en oeuvre ne fonctionnent pas toujours de manière satisfaisante, comme la filière REP textile – fonctionnement des éco-organismes – eux aussi ne fonctionnent pas toujours de manière satisfaisante. Beaucoup reste à faire. Je ne parle pas de l'accompagnement des entreprises pour l'écoconception et l'intégration de matières premières recyclées. Cet accompagnement et cette expertise de l'agence nécessitent des effectifs supplémentaires, que j'évalue à 15 ETPT.
Notre amendement prévoit de transférer 10 millions d'euros de l'action 52 « Transport aérien » du programme 203 « Infrastructures et services de transport » vers l'action 12 du programme 181 « Prévention des risques », qui porte la subvention pour charges de service public versée à l'ADEME.
La commission adopte l'amendement II-CD51, 2e rectification.
Elle en vient à l'amendement II-CD42 de M. Christophe Bouillon.
Cet amendement vise à rétablir les crédits de la prévention des risques industriels. Nous avons maintes fois évoqué dans la discussion générale l'attention que nous devons porter à cette question et les moyens qu'il nous faut lui allouer. Un sentiment de relâchement peut se faire sentir. Je ne doute pas du travail qui est réalisé par les inspecteurs sur le terrain, mais nous devons pouvoir l'accompagner.
Nous souhaitons revenir sur la diminution de 6 millions d'euros que vous proposez dans le PLF, et affecter à la prévention 2 millions d'euros supplémentaires, pour satisfaire l'exigence qui est la nôtre. Imaginez la situation, si, à la fin de cet examen budgétaire, le message adressé à nos concitoyens était celui d'une baisse des crédits accordés à la prévention des risques ! Avec mon collègue M. Hubert Wulfranc, nous pensons aux habitants de notre département, qui sont très concernés par les sites industriels – plusieurs sont classés Seveso. Nous ne pouvons pas baisser la garde en matière de prévention des risques.
Vous mentionnez la légère diminution des crédits. Le moindre besoin de financement des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) est dû au fait que 381 sur 388 sont déjà approuvés. Notre objectif est que 100 % le soient en 2020. Avec seulement sept plans en cours d'approbation, cette action demande moins de crédits.
En revanche, la prévention des risques industriels ne connaît de réduction ni de moyens ni d'effectifs. Le nombre d'inspecteurs reste stable. Toutefois, le travail administratif est lourd et ils ont moins de temps disponible pour les inspections de terrain. Je pense moi aussi que les moyens humains doivent être renforcés au niveau des DREAL. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de soutenir celui que je propose, d'autant que le vôtre priverait de crédits l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), ce qui serait dommageable.
Cette question est politique, au sens noble du terme. Nous sommes confrontés depuis plusieurs années, en matière de risques technologiques, à une trajectoire qui réduit sensiblement – malgré les propos de la ministre qui indique que les effectifs restent stables cette année – le nombre des agents mobilisés sur le terrain ; or, cette question est de la plus haute importance pour nos administrés.
De la même façon – et vous l'avez dit à plusieurs reprises – la densité et la complexité des missions vont croissant. En la circonstance, devant un accident d'une ampleur nationale qui vient interroger directement la responsabilité de l'État, vos propres collègues, nous-mêmes et la population attendent une réponse politique du Gouvernement. Notre industrie, heureusement, participe à la richesse nationale et à celle de nos régions, près de la Seine, le long du Rhône, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, etc. Le dossier est national.
J'en appelle donc à votre sens des responsabilités, pour porter au plus haut niveau, via cet amendement, une inversion de la trajectoire concernant les moyens humains, le savoir-faire et l'expertise de notre pays au regard des risques technologiques et industriels.
Je maintiens cet amendement ! Nous souhaitons rétablir les crédits en faveur de la prévention des risques. Je rejoins les excellents propos de mon collègue M. Hubert Wulfranc. Nous ne pouvons baisser la garde. Moyens humains et accompagnement des entreprises sont nécessaires. Nous participons tous deux à la mission d'information sur l'accident de l'usine Lubrizol. Nous devrons faire des propositions : améliorer des dispositifs d'alerte, par exemple, et trouver des solutions pour concilier l'activité industrielle et le cadre de vie des riverains. Notre pays compte 1 300 sites Seveso, qui concernent directement un très grand nombre d'habitants. L'attention a été réveillée à la suite de la catastrophe de Lubrizol. Nous ne devons ni baisser la garde, ni donner le sentiment que nous aurions déjà tout fait en la matière. La preuve en est que c'est faux. L'augmentation de 34 %, entre 2016 et 2018, des accidents industriels montre que nous ne pouvons dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous devons envoyer un message clair aux habitants qui résident à côté de ces sites industriels.
Cet amendement me gêne, car il ponctionne les crédits de l'IGN, qui connaît certaines difficultés du fait de la gratuité de ses prestations. Je vous invite donc à soutenir l'amendement que je propose, qui est dans la même veine, pour redonner des moyens aux inspecteurs.
La commission rejette l'amendement II-CD42.
Elle examine l'amendement II-CD71 de la rapporteure pour avis Mme Danielle Brulebois.
Voici l'amendement que j'évoquais. Si nous considérons que le nombre d'inspecteurs n'a pas baissé, puisqu'il est stable depuis dix ans, nous devons aujourd'hui augmenter leurs moyens, compte tenu de la complexité des tâches administratives et du temps passé aux activités de réglementation et de législation.
À la fin 2018, nous comptions 1 290 postes de contrôleurs exprimés en ETPT. Le Gouvernement prévoit une augmentation des contrôles de 50 % d'ici 2022. Afin de tenir cette ambition, je propose de transférer 2 millions d'euros de l'action 52 « Transport aérien » du programme 203 « Infrastructures et services de transport » vers l'action 16 « Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « Prévention des risques » » du programme 217, afin de créer une trentaine de postes d'inspecteurs pour les installations classées sur le terrain et de leur donner des moyens matériels d'agir.
La commission adopte l'amendement II-CD71.
Article 38 et état B : Mission Recherche et enseignement supérieur
La commission examine l'amendement II-CD66 de M. Matthieu Orphelin.
Cet amendement porte sur l'hydrogène. Le gage est pris sur les crédits de la recherche spatiale. Le vote s'est joué à quelques voix sur l'amendement CD44 précédent, ce qui j'espère motivera certains collègues. Le montant est moins important.
Nous sommes un grand nombre, de tous les groupes politiques, à avoir évoqué la nécessité d'obtenir des assurances sur le développement des solutions en hydrogène. C'est la raison d'être de cet amendement. Mme la rapporteure pour avis a rappelé que nous n'avions aucune visibilité quant aux crédits qui seraient affectés en 2020 à l'ADEME, ni par le Grand plan d'investissement.
Soyons cohérents, prenons en compte l'ensemble des questionnements et interpellations qui se sont manifestés ce matin. Nos débats doivent permettre un dialogue avec le Gouvernement, pour que nous ayons la semaine prochaine, dans l'hémicycle, l'assurance que le financement du plan hydrogène, en 2020, s'élève bien à 100 millions d'euros, répartis entre l'ADEME et le Grand plan d'investissement. Voilà la raison d'être de cet amendement d'appel. Quant au gage de 20 millions d'euros pris sur la recherche spatiale, ce sont les règles budgétaires absurdes que l'on nous impose qui l'explique.
Le gage est pris sur la recherche duale, civile et militaire – je me permets cette précision. Je donne un avis favorable à cet amendement. Nous savons que l'hydrogène peut apporter des solutions essentielles en termes de mobilité durable et de stockage des énergies renouvelables. Nous devons poursuivre la recherche et encourager l'innovation ; il nous faut donc investir. Le Gouvernement et le Président de la République ont pris des engagements en 2018 ; les discours étaient volontaires, mais ils ne se traduisent ni dans le budget de 2019, ni dans le PLF de 2020. L'amendement de notre collègue ouvre le débat, et invitera le Gouvernement à éclairer les membres de la commission et l'ensemble des députés sur les moyens qu'il compte mettre en oeuvre. Seuls le CEA, l'IFPEN et le CNRS mènent actuellement des recherches sur l'hydrogène, avec des fonds directement affectés à la question. Or, 2 millions d'euros viennent de leur être retirés dans ce budget. D'où mon avis favorable.
La commission adopte l'amendement II-CD66.
Puis, elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Article 43 : Plafond des emplois des opérateurs de l'État
La commission examine l'amendement II-CD56 (rectifié) de M. Loïc Prud'homme.
Je souhaite revenir sur la question de l'usine Lubrizol. Le dernier inventaire réalisé par le bureau d'analyse des risques et pollutions industriels (BARPI) du ministère de la transition écologique et solidaire révèle que le nombre d'accidents industriels a augmenté de 34 % en deux ans. La catastrophe de Lubrizol aurait dû permettre de tirer les leçons des conséquences désastreuses d'une politique d'austérité qui supprime les postes des inspecteurs chargés de la surveillance des sites. Ce n'est pas le cas.
Un inspecteur suit en moyenne 420 usines. Selon l'INERIS, il faudrait augmenter l'effectif de 200 personnes pour permettre un suivi acceptable des sites. À l'inverse, le Gouvernement propose de diminuer de près de 500 000 euros les crédits alloués au programme « Prévention des risques technologiques et des pollutions » en CP et de près de 6 millions d'euros en AE ! Il annonce la suppression de 13 ETP pour l'INERIS, sans parler de la diminution de 7 millions d'euros prévue pour l'action « Prévention des risques naturels et hydrauliques ».
Nous avons certes voté un amendement de Mme Danielle Brulebois qui représente 30 postes supplémentaires, mais le compte n'y est pas ! Cet amendement permet d'aller chercher les 200 postes réclamés par l'INERIS, et de combler notre retard en termes de sécurité des sites industriels et, surtout, des pollutions riveraines.
Je me permets de rectifier certaines affirmations. Aucun poste d'inspecteur n'est supprimé. Vous dites qu'un inspecteur surveille 420 usines. Sur le terrain, j'ai pu constater qu'il en va autrement pour les usines à haut risque, du moins celles classées Seveso, comme l'usine Inovyn de Tavaux où deux inspecteurs travaillent à temps plein sur le site, pour le contrôle et l'instruction des dossiers.
Vous avez mis en avant le travail très important que mène l'INERIS. Ses travaux sont essentiels en matière de modélisation des risques. Cependant, ce n'est pas l'INERIS qui mène les inspections, mais la DREAL. Notre combat est le même, pour donner plus de temps à nos inspecteurs. Leur travail a changé, leurs tâches sont plus complexes, et disposer de seulement 20 % de temps disponible pour les contrôles sur le terrain n'est pas suffisant. C'est pourquoi j'ai demandé, avec mon collègue M. Adrien Morenas, d'augmenter les effectifs des inspecteurs de la DREAL. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Les sites Seveso que vous citez, c'est l'arbre qui cache la forêt ! Ce n'est pas parce qu'un site compte deux inspecteurs qu'il faut en faire une règle générale. Notre territoire compte des centaines de sites Seveso et des milliers de sites ICPE, qui ne sont pas sans risque. Gardons-nous des généralisations hâtives, et évaluons objectivement les manques en effectifs. J'entends votre remarque concernant l'INERIS, mais tout est question d'effectifs. Nous avons voté votre amendement qui prévoit la création de 30 postes. Ne pourrions-nous ajouter un zéro ?
Le compte y serait pour surveiller correctement tous les sites. Trois cents inspecteurs supplémentaires, voilà qui ne me semble pas délirant au regard des enjeux industriels et de l'augmentation du nombre d'accidents au cours de ces deux dernières années. Cette augmentation devrait nous alerter, et je crains qu'un tel accident ne se reproduise.
La commission rejette l'amendement II-CD56 rectifié.
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Informations relatives à la commission
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a nommé M. Bruno Millienne rapporteur sur la proposition de nomination, en application de l'article 13 de la Constitution, de M. Yves Le Breton aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 9 h 40
Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Christophe Arend, Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Yolaine de Courson, M. Stéphane Demilly, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Loïc Dombreval, Mme Sophie Errante, Mme Nadia Essayan, Mme Elsa Faucillon, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre-David, M. Pascal Lavergne, Mme Célia de Lavergne, Mme Sandrine Le Feur, M. Patrick Loiseau, M. David Lorion, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Sandra Marsaud, M. Gérard Menuel, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, Mme Claire O'Petit, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Ludovic Pajot, M. Jean-Luc Poudroux, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Pierre Vatin, M. Michel Vialay, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Ericka Bareigts, Mme Nathalie Bassire, M. Guy Bricout, Mme Bérangère Couillard, M. Yannick Haury, M. Jacques Krabal, Mme Mathilde Panot, M. Alain Perea, Mme Barbara Pompili
Assistaient également à la réunion. - M. Vincent Rolland, M. Jean-Luc Warsmann