Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Je débuterai mon propos par les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », que je connais bien, puisque j'en suis issu : j'étais technicien à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) avant de devenir élu. J'y ai constaté, au fil du temps, le glissement des financements récurrents vers des financements sur projets et vers la méta-organisation qu'est l'ANR. Cette organisation pose des problèmes en termes d'indépendance de la recherche publique par rapport aux financeurs privés.

Les chercheurs et les scientifiques que j'ai pu rencontrer sont brillants, mais ils passent leurs journées à remplir des dossiers de financement et de recherche, dont seulement 10 % aboutissent. L'argent que nous investissons dans la recherche publique l'est en pure perte. Cet argent sert à empiler des projets, dont neuf sur dix iront caler des armoires dans les laboratoires. C'est dramatique, et je me dois de donner l'alerte sur ce fonctionnement.

Concernant le manque de moyens, les mesures prévues ne sont pas neutres. Mme Elsa Faucillon nous annonce une baisse de 2 millions d'euros, à laquelle s'ajoute le non-financement du GVT à hauteur de 30 millions d'euros. Voilà qui signifie un manque de moyens humains et financiers, pointé du doigt par la rapporteure pour avis, qui est incompréhensible au regard des enjeux et des défis incroyables que nous avons à relever.

Je prendrai deux exemples. L'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), ancien Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, s'intéresse à la mobilité du futur. Elle va bien au-delà des véhicules autonomes que vous voulez, mes chers collègues, faire rouler à la queue leu leu, réinventant ainsi le train qui existe depuis des siècles. L'IFSTTAR compte 1 000 agents pour 105 millions d'euros de budget. J'en tomberais de ma chaise ! Ce n'est rien au regard des enjeux que représentent la réorganisation de la mobilité dans notre pays et ses implications écologiques.

Je pourrais vous alerter sur l'échéance de janvier prochain, qui verra la création de l'Institut national de recherche agronomique et environnementale (INRAE), fusionnant l'INRA et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA). Cette fusion ne se fait pas vraiment à moyens constants, puisqu'elle est envisagée comme une économie d'échelle, alors que les enjeux demanderaient une augmentation des moyens. Que dire du plafond d'emplois, qui n'est même pas atteint !

Quant à la prévention des risques, la baisse généralisée des moyens des opérateurs publics concernant la sécurité des sites industriels implique moins de contrôles et un plus grand laxisme au regard des normes environnementales. Voyez le cas de Lubrizol, quelle catastrophe ! Nous n'avions pas attendu cet événement pour donner l'alarme. En 2018, je vous alertais déjà sur les rejets de bromopropane par l'entreprise Sanofi, 190 000 fois supérieurs à la norme dans le bassin de Mourenx. J'avais alors demandé une commission d'enquête sur les ICPE. Nous n'avons pas d'argent, et nous laissons donc Sanofi s'autocontrôler ! En attendant, des ouvriers meurent. Le PDG de Sanofi, lui, n'habite pas à côté de l'usine, vous pouvez en être sûrs ! Les budgets que nous votons, ici, ne sont pas seulement des lignes budgétaires, ils ont un impact réel sur la vie des gens.

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