Intervention de Fabien Roussel

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

Je remercie mon collègue, M. Sébastien Jumel, d'avoir accepté de partager la rédaction de ce rapport, qui me tenait à coeur. L'objectif ambitieux, fixé par le Gouvernement, est de faire passer la part de l'industrie dans notre PIB de 12 % aujourd'hui à 15 % en 2025, et 20 % en 2035. Il nécessite que l'on définisse une stratégie et que l'on y mette les moyens.

Je ne m'attarderai pas sur tout ce qu'il faudrait faire en termes de politique fiscale, puisque tel n'est pas l'objet de ce rapport. J'évoquerai plutôt les moyens que l'État s'est donné pour accompagner les entreprises en difficulté. Si nous voulons augmenter la part de l'industrie dans notre PIB, il faut d'abord soutenir les entreprises en difficulté, qui sont menacées de faillite. Entre août 2018 et août 2019, 3 706 défaillances d'entreprises industrielles ont été recensées. C'est beaucoup ! Devant une hémorragie, on place un garrot. En l'espèce, quand on se bat pour l'industrie, on fait tout pour éviter que les entreprises ne ferment.

Le rapport développe les moyens dont dispose l'État pour agir : échelonnement, voire annulation, des dettes sociales et fiscales ; entrée au capital des entreprises ; accompagnement par des prêts. C'est sur ce point que nous avons souhaité nous attarder.

Nous pensons en effet que ces dispositifs ne sont pas totalement efficaces, voire qu'ils relèvent d'un bricolage, à la limite d'une aide véritable que nous pouvons apporter aux entreprises. Ainsi, il est écrit dans la doctrine que Bpifrance n'aide que les entreprises qui n'ont pas de dettes sociales et fiscales. Elle ne peut donc pas entrer dans le capital d'une entreprise en difficulté, y compris lorsque celle-ci est indispensable à la survie d'une filière, et qu'il faudrait pouvoir la maintenir en activité.

Parfois, un prêt est nécessaire pour accompagner un nouveau projet industriel. J'ai rencontré ce cas plusieurs fois dans ma région, notamment avec Ascoval. Lorsqu'un industriel se présente avec un projet, les banques doivent se rassembler autour de la table pour apporter l'argent. Aujourd'hui, elles ne sont pas présentes, et Bpifrance ne peut pas participer, dès qu'il existe une dette sociale. Eh oui, les banques ne prêtent qu'aux riches, y compris dans l'économie et dans l'industrie.

Lorsque les banques sont absentes, c'est l'État qui agit, par l'intermédiaire du FDES. Mais ce fonds, à cause des règles imposées par l'Union européenne, ne peut souvent prêter qu'à des taux supérieurs de 10 points au taux Euribor. À l'heure actuelle, les taux Euribor sont négatifs, de l'ordre de - 0,3 %, donc l'État prête environ à 9,7 %. Ces dernières années, il a même pu prêter à des taux allant de 10 à 20 % à des entreprises en difficulté. Il soutient donc les entreprises sans les aider véritablement, comme la corde soutient le pendu.

Dès lors, soit nous modifions les traités européens, comme le souhaite ma formation politique ; soit nous disposons d'une banque publique pour faire ce que ne fait pas Bpifrance, en nationalisant une banque publique ou en changeant les règles de Bpifrance. Dans un cas comme dans l'autre, cela ne se fera pas tout de suite. C'est pourquoi nous proposons notamment la création d'un fonds de retournement public-privé, une proposition qui n'est pas très orthodoxe pour un communiste. Mais cela donne la possibilité d'agir notamment en faisant en sorte que ce fonds puisse intervenir directement dans le capital d'une entreprise, même si celle-ci a des dettes sociales et fiscales.

Nous avons auditionné des représentants du fonds, entièrement privé, Butler Capital Partners : ils se trouvent eux aussi parfois bloqués. Le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) leur demande parfois d'intervenir dans le capital d'une entreprise en difficulté mais ils sont libres d'accepter ou non. S'il existait un fonds public-privé, comprenant des financements publics, l'État pourrait intervenir directement, donc accompagner ces entreprises.

Enfin, il faut de toute façon définir une véritable stratégie pour la France en matière industrielle. Aujourd'hui, nous n'en avons pas. En transférant la compétence du développement économique aux régions, la France pourrait présenter treize stratégies différentes voire 144, selon les pôles de compétitivité. Voilà ce qu'il faut définir en premier lieu.

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