La commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Rémi Delatte (Entreprises), de M. Sébastien Jumel (Industrie), de M. Antoine Herth (Commerce extérieur), et de Mme Christine Hennion (Communications électroniques et économie numérique), les crédits de la mission « Économie ».
Après avoir examiné les crédits de la mission « Agriculture » la semaine dernière, notre commission poursuit l'examen des avis budgétaires sur la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2020. Cette semaine, elle n'examinera pas moins de douze avis budgétaires. Pour que nos réunions puissent se dérouler dans les meilleures conditions, je demanderai aux rapporteurs de présenter leur avis en dix minutes. Puis les orateurs des groupes disposeront de trois minutes et les autres intervenants d'une minute. Je compte sur vous pour que nos débats aient lieu dans les meilleures conditions.
La commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de quatre budgets relevant de la mission « Économie » : ceux alloués aux entreprises, à l'industrie, au commerce extérieur, ainsi que ceux attribués aux communications électroniques et à l'économie numérique.
Nous passons dès à présent à l'examen des crédits consacrés aux entreprises, inscrits dans le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ». En 2020, un peu plus d'un milliard d'euros sont consacrés à ces politiques publiques, dont le rôle est essentiel pour la croissance de notre économie, la compétitivité des entreprises et l'emploi dans les territoires. Le programme 134 est marqué cette année par une hausse conséquente des crédits, qui s'explique principalement par l'augmentation de la ligne budgétaire consacrée au dispositif de compensation carbone pour les entreprises électro-intensives. Ce montant est fonction de l'évolution du marché des quotas d'émissions carbone. Pour le reste, le programme 134 réalise un effort certain pour renforcer l'efficacité de la dépense publique et les dispositifs de soutien aux entreprises.
M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis, consacre la deuxième partie de son rapport au soutien public à l'économie de proximité, en particulier dans les territoires ruraux soumis aux risques de dévitalisation. Son travail présente une analyse des récentes politiques conduites en la matière et formule plusieurs suggestions.
Monsieur le rapporteur, avant de vous laisser la parole, je souhaiterais vous poser deux questions : L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) devrait bientôt voir le jour. Comment pourra-t-elle renforcer l'efficacité de l'action menée en faveur de la revitalisation commerciale et artisanale ? Par ailleurs, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances a annoncé une nouvelle stratégie nationale pour l'artisanat et le commerce de proximité. Quelles actions mériteraient, selon vous, de faire l'objet d'une priorité ?
Nous examinons les crédits consacrés aux entreprises, prévus dans le programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Je souhaite d'abord vous livrer les principaux éléments tirés de l'analyse des crédits du projet de loi de finances pour 2020. Avant d'en venir au fond, je dirai un mot de la maquette du programme, qui reste largement insatisfaisante. En effet, ce programme ne reflète que partiellement l'action publique menée en faveur des entreprises. Les crédits restent épars et de nombreux dispositifs de soutien sont débudgétisés, car gérés directement par des opérateurs publics comme Bpifrance. C'est un frein important à l'efficacité du contrôle parlementaire sur le bon usage des deniers publics.
Venons-en maintenant aux crédits consacrés aux entreprises dans le cadre du projet de loi de finances. Cette année encore, force est de constater que les efforts consentis par l'État pour encourager la compétitivité des entreprises et la vitalité économique des territoires reculent. Ce désengagement sur des sujets pourtant stratégiques pour notre économie doit nous inquiéter.
Avec un peu plus d'un milliard d'euros, le montant total du programme 134 enregistre une légère progression par rapport à l'année précédente, mais, comme vous l'avez indiqué M. le Président, cette hausse traduit essentiellement la montée en puissance du dispositif de compensation carbone pour les entreprises électro-intensives soumises à la concurrence, dont les variations sont totalement dépendantes de l'évolution du marché des quotas d'émissions carbone. En dehors de cette augmentation, la quasi-totalité des dispositifs financés par le programme sont soumis à des restrictions budgétaires.
Le constat est sans appel : chaque année, le programme 134 se vide un peu plus de sa substance. Quelques exemples suffisent pour s'en convaincre : après la suppression de l'activité de garantie et celle du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) l'an dernier, cette année signe le retrait de l'État en matière de soutien aux métiers d'art. J'y suis particulièrement sensible car ceux-ci représentent 60 000 entreprises, 120 000 emplois et 15 milliards d'euros en France. Ils participent à la préservation des savoir-faire, ainsi qu'au rayonnement économique, culturel et touristique de notre pays. La fin du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art, auquel il faut ajouter la suppression de la dotation budgétaire aux organismes de formation, sont de mauvais coups portés à ce secteur d'excellence.
L'effort budgétaire consenti en faveur du soutien à l'export pour les entreprises diminue également, tandis que le soutien apporté aux pôles de compétitivité apparaît largement incertain. Le programme 134 est aussi concerné par des restrictions fortes d'emplois publics, le schéma de réduction équivalant à la suppression de 155 équivalents temps plein (ETP).
Analyser l'évolution des crédits du programme revient à faire une liste à la Prévert des coupes budgétaires dont les petites entreprises sont les premières victimes. S'il n'est pas illogique que l'État repense ses modalités d'actions en faveur des entreprises, dans un contexte de décentralisation, les transferts de compétences doivent s'accompagner de transferts de ressources – c'est une obligation constitutionnelle. La décentralisation ne saurait être utilisée comme écran face à la baisse des moyens de l'État. Si l'effort de rationalisation de l'usage des deniers publics est une démarche louable, la logique du rabot budgétaire sans véritable stratégie de dépense et d'efficacité de l'action publique est très regrettable.
J'ai déposé plusieurs amendements de crédits, qui seront discutés ultérieurement, afin de réallouer des moyens vers plusieurs dispositifs essentiels à la dynamique économique. Vous l'aurez compris, j'émets donc un avis défavorable sur les crédits consacrés aux entreprises dans le projet de loi de finances pour 2020.
J'en viens au soutien à l'économie de proximité, auquel j'ai consacré la seconde partie de mon rapport. Ce secteur contribue de façon substantielle au dynamisme et à l'attractivité des territoires. Il fait face à des difficultés structurelles connues, qui tiennent aux mutations nombreuses de ces dernières années. Qu'il s'agisse du développement de la grande distribution en périphérie des villes ou de l'essor pris par le commerce en ligne, les changements dans les habitudes des consommateurs bouleversent les modèles de l'économie de proximité.
Les difficultés qu'elle rencontre nourrissent le risque de dévitalisation commerciale et artisanale : 25 % des habitants en milieu rural vivent dans une commune dépourvue de tout commerce – ce sont les chiffres du Gouvernement. Le taux de vacance commerciale dans les centres-villes de France aurait atteint 11,9 % en 2018, contre 7,2 % en 2012. Cette dévitalisation, vous le savez, préoccupe de plus en plus nos concitoyens – les mouvements sociaux de l'année dernière l'ont hélas souligné.
Les pouvoirs publics ont récemment envoyé plusieurs signes positifs en faveur du commerce de proximité, témoignant d'une prise de conscience que je tiens à relever. Toutefois, l'action du Gouvernement reste empreinte d'ambiguïtés et de contradictions, et de nombreux dispositifs pourtant reconnus dans les territoires sont abandonnés.
Je déplore l'obstination à diminuer les moyens accordés au réseau consulaire, notamment aux chambres de commerce et d'industrie (CCI). Je regrette également la mise en gestion extinctive du FISAC : ce fonds permet pourtant de soutenir des actions de revitalisation qui ont montré toute leur utilité sur le terrain – je sais que plusieurs d'entre vous en sont aussi convaincus. Nous y reviendrons à l'occasion de la discussion des amendements.
Je tiens à souligner les incertitudes liées au devenir des zones de revitalisation rurales (ZRR). Ce dispositif de zonage permet de favoriser le développement des entreprises dans les territoires ruraux, par le biais de mesures fiscales et sociales. Or, 4 074 communes doivent sortir du dispositif au 1er juillet 2020, et les exonérations arrivent à échéance le 31 décembre 2020.
Un mot des nouveaux outils mis en place par le Gouvernement : il ressort des auditions que j'ai menées qu'ils peinent à convaincre et à produire des effets sur le terrain. Ainsi, le programme « Action Coeur de ville » constitue une bonne initiative, mais sa mise en pratique souffre de nombreuses lacunes. 222 centres-villes de villes moyennes ont été sélectionnés et 5 milliards d'euros doivent être mobilisés sur cinq ans, dont 1,7 milliard d'euros de la Caisse des dépôts et consignations. Le programme pourrait considérablement gagner en efficacité opérationnelle si les parties prenantes – en particulier les collectivités – étaient mieux associées à la signature des conventions. Pour le moment, le volet économique passe au second plan, l'accent étant plutôt mis sur le logement. En outre, ce programme est incomplet : les centres-bourgs et les territoires ruraux sont les grands oubliés de cette politique de revitalisation commerciale et artisanale amorcée par le Gouvernement. Je propose dans mon rapport qu'une politique au moins aussi ambitieuse que celle prévue dans le cadre du programme « Action Coeur de ville » soit menée pour les territoires ruraux. Un programme « Petite ville de demain » doit voir le jour, selon les informations que nous avons pu obtenir du Gouvernement, mais ses contours et les moyens alloués restent pour le moment floues.
Les autres outils proposés par le Gouvernement pour lutter contre le risque de dévitalisation sont en deçà des enjeux. L'une des principales mesures du projet de loi de finances – un nouveau dispositif d'exonération fiscale – concerne les communes rurales isolées et les territoires faisant l'objet d'une opération de revitalisation du territoire. Mais les exonérations seront facultatives ! Il y a peu de chances que les collectivités concernées, déjà confrontées à des difficultés financières, décident de se priver de recettes…
Une nouvelle impulsion doit donc être engagée en matière de revitalisation commerciale et artisanale. La mise en place de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est une occasion que nous ne pouvons pas manquer ! La future ANCT devra pleinement intégrer les missions auparavant exercées par l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Opérateur historique de la revitalisation dans les quartiers de la politique de la ville, les compétences de cet établissement public se sont peu à peu élargies et l'EPARECA est désormais compétent pour intervenir dans les opérations de revitalisation. Une nouvelle évolution positive a été actée par la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, puisque les interventions seront désormais ouvertes dans tous les territoires fragiles.
La création de l'ANCT doit également être l'occasion de repenser de manière plus large le pilotage de la revitalisation artisanale et commerciale. Les marges de progression sont nombreuses. La démarche partenariale entre acteurs privés et acteurs publics doit être généralisée. À ce titre, sous certaines conditions, les managers de centre-ville se révèlent particulièrement utiles. Sur le terrain, ils peuvent incarner la démarche publique-privée inhérente aux enjeux de revitalisation économique. Pour cela, ils doivent se situer à l'interface entre les deux secteurs. Dans mon avis, je dégage des pistes pour professionnaliser ce métier.
Les difficultés de l'économie de proximité nécessitent également de mener une réflexion transversale sur les autres leviers à actionner pour soutenir les acteurs du secteur. À ce titre, nous devrions porter une attention particulière à la formation des artisans. Nous en avions discuté lors des débats parlementaires autour de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE ». La suppression du caractère obligatoire du stage de préparation à l'installation (SPI) était une fausse bonne idée. Les artisans peuvent désormais s'immatriculer au répertoire des métiers sans avoir au préalable réalisé ce stage, devenu facultatif. Or le SPI constituait un dispositif très utile d'accompagnement des futurs artisans afin qu'ils puissent s'installer dans les meilleures conditions. Il offrait un cadre protecteur, à la fois pour le futur entrepreneur, mais également pour ses futurs clients et prestataires. La formation des artisans pourrait faire l'objet d'un volet particulier de la nouvelle stratégie annoncée par la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances pour le commerce et l'artisanat de proximité.
Monsieur le président, pour répondre à votre question, cette stratégie se décline en cinq axes : l'amélioration du financement des très petites entreprises (TPE) et la simplification du choix du statut le plus adapté ; la facilitation de la transition numérique ; la simplification des procédures ; l'accompagnement vers la transition énergétique et écologique ; la promotion de l'artisanat et du commerce de proximité dans les territoires.
Il faut saluer certaines mesures de bon sens, qui apportent des réponses à des difficultés régulièrement soulignées par les acteurs. La secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances a ainsi annoncé le relèvement du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion de marchés publics à 40 000 euros hors taxes. Cela va dans la bonne direction et permettra de faciliter l'accès des artisans à la commande publique. Afin de renforcer la cohérence de l'action publique, un lien doit être établi entre cette stratégie et les actions de l'ANCT, en particulier sur le dernier volet de la stratégie qui doit concerner la promotion de l'artisanat et du commerce dans les territoires.
Si ces mesures de bons sens sont largement bienvenues, le plan manque malgré tout d'ambition, de vision stratégique et de moyens. À ce jour, aucun financement supplémentaire n'est envisagé pour ces mesures, comme l'a indiqué le Gouvernement. En tant que parlementaires, nous devrons donc nous assurer que les bonnes intentions se traduiront véritablement en actions car l'annonce de cette stratégie suscite des attentes fortes sur le terrain.
Nous examinons le premier volet de la mission « Économie », principale mission budgétaire de soutien à l'activité de nos entreprises. Elle n'est pas la seule, puisque de nombreux dispositifs de soutien à la compétitivité et à l'innovation figurent dans la mission « Recherche et enseignement supérieur ». La mission s'inscrit dans la continuité de l'objectif que nous nous sommes fixé depuis 2017 : retrouver une dynamique de conquête en matière économique. Nous n'avons cessé de replacer les entreprises au coeur des politiques publiques. Cela a été notamment le cas grâce au vote de la loi PACTE, en mai dernier, avec la clarification des seuils applicables aux petites et moyennes entreprises (PME), la simplification des formalités administratives liées à la création d'entreprises – notamment par la création d'un guichet unique numérique – ou encore la création d'un fonds pour l'innovation de rupture.
Je voudrais saluer les crédits du programme 134, sur lesquels les travaux du rapporteur se sont portés, puisqu'ils sont en hausse sur un an : 1,03 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) – + 15,1 % – et 1,05 milliard d'euros en crédits de paiement (CP) – + 14,8 %. Nous sommes bien conscients que cette hausse est notamment imputable à l'augmentation de la compensation carbone pour les entreprises électro-intensives. Mais, au-delà des dépenses budgétaires, les dépenses fiscales rattachées jouent un rôle primordial dans le soutien aux entreprises. Elles sont estimées à plus de 16 milliards d'euros en 2020.
Le rapporteur a choisi de s'intéresser à la redynamisation de l'économie de proximité. Cela illustre le fait que l'État n'est pas le seul acteur qui doit accompagner les très petites entreprises (TPE) et PME. L'accompagnement passe tout d'abord par les régions, nombreuses à s'être saisies de leurs compétences en matière de développement économique. Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe), elles ont mis en place des dispositifs de soutien ; nous devons nous en féliciter.
L'accompagnement passe également par différents programmes, comme « Action Coeur de ville », même si vous notez l'insuffisance de concertation avec les acteurs locaux pour la signature des conventions ou le caractère trop restreint de son périmètre.
Enfin il passera de plus en plus par l'Agence nationale de la cohésion des territoires qui devra accompagner et soutenir les projets portés par les collectivités territoriales.
Je félicite notre collègue Rémi Delatte pour l'excellence de son rapport et la précision de ses remarques. Je ne le fais pas parce qu'il est issu des rangs des Républicains ! Il m'arrive aussi de saluer le travail des députés de la majorité ou de députés communistes – nous avons fait un excellent rapport sur la pêche avec M. Sébastien Jumel.
Le rapporteur pour avis a raison, les crédits sont épars ; il est complexe de disposer d'une vision globale et cela ne facilite pas le contrôle parlementaire.
C'est un mauvais budget pour les entreprises, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) l'ont déploré et estiment qu'il menace de faire caler le moteur de la croissance. On abandonne la politique de l'offre au milieu du quinquennat : les cadeaux liés au mouvement des « gilets jaunes » conduisent à renoncer à soutenir les entreprises, contrairement à ce que le Gouvernement avait commencé à faire depuis deux ans.
Désormais, la politique est très brouillonne – ce n'est plus vraiment une politique de l'offre, mais pas non plus vraiment une politique de soutien à la consommation. C'est du gloubi-boulga ! D'ailleurs, aujourd'hui même, la Commission européenne a demandé à la France des explications concernant son budget 2020. Au même titre que l'Italie, nous sommes accusés de ne pas faire suffisamment d'efforts. Mesdames et Messieurs de la majorité, écoutez ces avertissements de Bruxelles !
Le budget alloué aux entreprises marque un désengagement de l'État, la hausse étant artificielle et les économies mal choisies : quand on taille dans le budget de soutien aux pôles de compétitivité ou à l'exportation, comme l'a dénoncé M. Rémi Delatte, on fait de mauvaises économies. Ces économies de court terme pour le budget de l'État, ce sont, demain, des recettes supplémentaires qui ne rentreront pas…
Nous partageons également le constat de M. Rémi Delatte concernant l'économie de proximité et déplorons la disparition du FISAC, qui a pourtant rendu d'immenses services. Dans ma circonscription, très rurale – 164 communes –, je déplore la disparition des commerces et la difficulté à en réimplanter.
Enfin, la loi PACTE a porté de mauvais coups aux réseaux consulaires. Je pense notamment à la suppression du stage préalable à l'installation, à celle programmée des centres de formalités des entreprises affaiblissant les CCI – les chambres d'agriculture ont été sauvées in extremis. Le rapporteur a raison de le rappeler, nous avons besoin des réseaux consulaires pour soutenir les entreprises sur le terrain.
La mission « Économie » fixe les grandes priorités économiques du Gouvernement, au service de l'investissement, de la croissance et de la compétitivité de nos entreprises. Les crédits alloués à la mission « Économie » doivent permettre à l'État de poursuivre son soutien au développement et à la compétitivité de nos entreprises.
L'ambition doit être double : d'une part, faire croître et transformer les entreprises et, d'autre part, poursuivre la transformation de l'action publique. Sur le premier volet, la loi PACTE a permis de construire un nouveau modèle de croissance pour les entreprises, reposant sur la compétitivité, la libération de l'économie et l'innovation. Il est prématuré d'en mesurer les effets, car les décrets ne seront intégralement publiés qu'à la fin de l'année. Mais les créations d'entreprises sont positives, même dans une région comme la mienne, confrontée à d'énormes difficultés.
Monsieur le rapporteur, quels choix ont été faits cette année pour soutenir l'innovation d'application, qui permettrait à nos entreprises de monter en gamme ?
S'agissant du financement des TPE, qui représentent 96 % du tissu productif national, nous avions noté fin 2018 une amélioration de leur accès au crédit, mais cet accès restait globalement très compliqué. Un an plus tard, comment évaluez-vous le financement des investissements matériels des TPE et leur accès au crédit de trésorerie ?
Sur le deuxième volet, celui de la transformation de l'action publique, nous avions beaucoup parlé l'année dernière de l'arrêt du FISAC. La ministre nous avait expliqué que cette extinction était progressive et ne signifiait pas que les projets lancés devaient se terminer. La décision d'arrêter le FISAC tenait compte des nouvelles compétences de l'ANCT, appelée à accompagner les zones les plus fragiles. Nous sommes attentifs à la concrétisation des nouvelles missions de l'ANCT en termes de maintien des commerces dans les territoires ruraux et à la mise en place des opérations « Action Coeur de ville », qui semble inégale selon les régions.
Enfin, je terminerai sur le fléchage des investissements dans le numérique et la robotisation des entreprises. Le numérique et ses innombrables applications sont en effet apparus comme l'un des marqueurs des inégalités entre nos concitoyens. La couverture de la totalité du territoire en très haut débit d'ici à trois ans est un facteur clé pour lutter contre les fractures territoriales. Le déploiement de la 5G sur le territoire, ainsi que le plan France très haut débit, auront des incidences notables sur la numérisation des entreprises.
Je remercie le rapporteur pour son rapport qui pointe les difficultés de la mission « Économie » dans ce budget 2020. L'action n° 20 « Financement des entreprises » a été supprimée lors du projet de loi de finances pour 2019. Il ne vous aura pas échappé que le Gouvernement a aussi décidé de supprimer tous les crédits budgétaires relatifs à cette mission pour les transférer à Bpifrance, sans lui donner de moyens supplémentaires. Cela signifie que Bpifrance a dû puiser 150 millions d'euros dans ses dividendes exceptionnels pour financer ces actions de soutien. Ce financement « exceptionnel » est donc bien différent des crédits budgétaires pérennes auparavant mobilisés.
C'est d'autant plus étonnant que la majorité affirme régulièrement – ainsi dans la loi PACTE – vouloir soutenir les entreprises. Manifestement, ce ne sera pas au moyen de crédits budgétaires…
Concernant l'industrie, on constate des écarts notables entre les annonces du Gouvernement et les crédits du projet de loi de finances. Je ne reviendrai pas sur le FISAC, mes collègues l'ont déjà évoqué. Ils ont raison : il a longtemps permis de soutenir des projets intéressants dans les petites communes – réouverture de boulangeries, de boucheries, etc.
S'agissant du commerce extérieur, durant les débats sur la loi PACTE, vous avez martelé que la France devait renforcer son écosystème sous la bannière « Team France Export ». Mais, six mois plus tard, dans le projet de loi de finances pour 2020, les crédits de Business France baissent, passant de 92,8 à 90,1 millions d'euros, comme ceux de Bpifrance Assurance Export – 51 millions d'euros pour 2020 contre 59 millions l'année dernière.
Le rapporteur pour avis consacre la partie thématique de son rapport aux conséquences potentielles du CETA – Comprehensive economic and trade agreement ou accord économique et commercial global – et de l'accord avec le MERCOSUR – Mercado común del sur ou marché commun du Sud – sur les exportations de produits agricoles. Il a listé pour chaque filière les risques et les avantages de ces accords. Pourriez-vous nous rappeler de manière très précise tous les désavantages de ces accords pour l'agriculture ?
Madame Rabault, M. Delatte n'est pas rapporteur pour avis sur les crédits du commerce extérieur. M. Antoine Herth, rapporteur pour avis sur ces crédits, pourra vous répondre lors de leur examen, en fin d'après-midi.
Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail. Les crédits alloués au programme « Développement des entreprises et régulations » sont en augmentation par rapport à 2019 – tant en AE qu'en CP – mais, ne nous leurrons pas, cette hausse n'est due qu'au triplement du prix de la tonne de carbone. Avec le renchérissement du coût de la compensation carbone, l'action « Industrie et services » est automatiquement réévaluée, et avec elle l'ensemble du programme. Vous n'avez d'ailleurs pas manqué de le souligner, Monsieur le rapporteur.
L'État se désengage de l'économie de proximité. Les dispositifs d'accompagnement de proximité des entreprises souffrent de coupes budgétaires qui mettent en péril leur continuité et leur efficacité. Je pense notamment au FISAC, dont la suppression a été actée l'an passé. Je le regrette d'autant plus que, lorsque j'étais au gouvernement, je m'étais engagée pour sa sauvegarde et avais opéré une réforme d'ampleur pour restaurer son efficacité et résorber le stock de dossiers. Il reviendrait désormais au programme « Action Coeur de ville » d'accomplir ce que le FISAC faisait en son temps. Toutefois, en amorçant un changement d'opérateur, le Gouvernement a également substantiellement réduit son périmètre et sa capacité à revitaliser nos centres-villes.
Concernant l'artisanat toujours, je partage la volonté du rapporteur de rétablir le caractère obligatoire du stage de préparation à l'installation qui permettait aux artisans de s'installer dans des conditions favorables. En le rendant facultatif, la loi PACTE a réduit sa portée, mais également la pérennité des entreprises, car la formation des artisans est importante.
De même, je plaide pour la reconnaissance des métiers d'art, dont les savoir-faire uniques font la singularité de la France et de son économie. Ils sont eux aussi menacés par une diminution des dotations qui affecte l'Institut supérieur des métiers (ISM) et l'Institut national des métiers d'arts (INMA).
Enfin, je souhaite vous alerter sur la réforme du dispositif du mécénat d'entreprise annoncée fin août par le Gouvernement. La baisse du taux de la réduction d'impôt pour le mécénat d'entreprise, de 60 % à 40 % au-delà de 2 millions d'euros de dons annuels, est un nouveau coup porté aux associations et aux fondations. Pourtant, dans un contexte budgétaire contraint, leur rôle est essentiel : là où l'État et les collectivités, ont reculé, le secteur associatif a bien souvent pris le relais. Les associations et les fondations s'illustrent dans des domaines aussi divers et essentiels que l'éducation, la solidarité nationale et internationale, la culture ou le sport. Mais, afin de porter pleinement son effet, leur engagement nécessite une stabilité financière. Or elle n'est plus assurée. Le Gouvernement a-t-il évalué l'effet de cette réforme sur le secteur associatif ?
La confusion qui préside à l'appréhension des différents avis – je risque d'en être moi-même victime – m'amène à une conclusion simple : ceux qui avaient fait l'apologie de l'évaluation aboutissent à une évaluation « bidon » ! Il est compliqué pour le Parlement de contrôler l'action gouvernementale – j'aurai l'occasion de développer mon point de vue lors de l'examen des crédits relatifs à l'industrie.
S'agissant des crédits alloués aux entreprises, je souhaite appeler votre attention sur quelques points. D'abord, vous avez « flingué » le réseau consulaire en métropolisant les chambres de commerce et d'industrie. Dans une ville moyenne comme la mienne – Dieppe –, la chambre de commerce s'est retirée de la gestion de l'aérodrome, du lien transmanche, qui emploie pourtant 400 marins et fait vivre la zone d'activité, et de l'organisation de la Solitaire du Figaro. Les collectivités locales ont dû reprendre la gestion de ces trois activités stratégiques…
Deuxième sujet : le FISAC. Avec « Action Coeur de ville », le Gouvernement est certes au chevet des villes moyennes et ceux qui sont dans le dispositif le mesurent avec satisfaction. Mais le FISAC était un dispositif intelligent qui permettait de tricoter du sur-mesure – notamment en milieu rural – et d'être au chevet des commerces, outils du vivre-ensemble. « Flinguer » le FISAC, c'est accentuer l'abandon des territoires ruraux. C'est ce que nous appelons le déménagement du territoire. Je suis attentif à la permanence d'une République une et indivisible, présente partout et pour tous, à la République qui prend aussi soin des entreprises. Votre décision de supprimer 155 emplois à la direction générale des entreprises souligne votre désengagement. Les intercommunalités sont offensives et volontaristes, mais elles sont perturbées par la suppression du FISAC, et ce renoncement de l'État.
Le transfert de la compétence économique aux régions ne doit pas conduire l'État à être spectateur, à renoncer à ses outils stratégiques et à sa fonction d'aménageur du territoire, de régulateur de la vie des entreprises, qui font la sève de nos territoires. Il n'y a pas que les métropoles dans la vie ! Il faut préserver et consolider l'intelligence, la vitalité, l'énergie et les emplois des territoires non métropolitains qui sont aussi la France et font sa diversité, ses atouts et ses savoir-faire. Ces pépites méritent notre attention. Je partage l'avis du rapporteur et sa dénonciation intelligente des désengagements de l'État.
Nous sommes tous conscients de l'importance du secteur et de ce levier que constitue le soutien de l'État aux entreprises. Nos interprétations divergent un peu lorsqu'il s'agit d'apprécier les variations du budget. Certains estiment qu'il est en hausse. Certes, mais n'oublions pas que la seule action en hausse concerne les entreprises grandes consommatrices d'électricité et est liée à la compensation carbone. Pour le reste, et vous avez été nombreux à le rappeler, ce budget consacre un véritable et préoccupant désengagement de l'État.
Monsieur le président, vous m'interrogiez sur les missions de l'ANCT et l'intégration de celles de l'EPARECA. Vous avez raison, c'est essentiel. Dans mon avis, à la suite des auditions que j'ai menées, j'insiste également sur le rôle des managers de centres-villes, sous réserve qu'ils soient bien préparés et suffisamment agiles pour connaître les deux cultures – privée et publique – afin d'intervenir sur l'ensemble des sujets qui touchent les entreprises.
La secrétaire d'État, Mme Agnès Pannier-Runacher, l'a évoqué dans ses priorités, la numérisation des entreprises est importante. Ce sujet met en lumière la fragilité des plus petites entreprises, qui manquent de temps et de compétences pour s'engager dans la transition numérique. C'est tout l'intérêt d'apporter une aide de proximité pour soutenir les chefs d'entreprise.
Dans les propositions de la secrétaire d'État, le relèvement du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour la conclusion de marchés publics est essentiel car les artisans et les très petites entreprises ont encore beaucoup de mal à accéder à la commande publique, même si l'allotissement les y aide.
Certains d'entre vous regrettent que la région soit chef de file de l'accompagnement des entreprises et des actions de revitalisation. Je ne partage pas votre avis, mais je considère que, dès lors que l'État transfère des compétences aux régions, il doit accompagner ce transfert de moyens. C'est une obligation constitutionnelle.
On voit bien, comme l'a dit M. Daniel Fasquelle, que l'État, contrairement à ce qu'il avait annoncé, semble abandonner la politique de l'offre. En particulier, il n'octroie pas les moyens nécessaires aux pôles de compétitivité, dont les régions doivent reprendre l'animation, ce qui traduit son désengagement.
Quant à la fin de la dotation de l'État pour financer la garantie de Bpifrance, elle portera un coup dramatique à nos petites entreprises, qui pouvaient accéder à des financements, parfois peu élevés, mais indispensables tant à leur fonctionnement qu'à leur investissement. Par nos propositions, nous aurons à coeur d'aller contre cette évolution.
Nous sommes en outre tous d'accord pour déplorer la fin du FISAC, un élément essentiel de proximité, qui permettait de s'adapter à la situation de chaque commune, de chaque commerce ou bassin d'activité.
S'agissant des métiers d'art, le point de vue de Mme Pinel rejoint entièrement le mien. Ces métiers sont non pas une niche mais un savoir-faire essentiel en France, qui nous permet de bénéficier d'un patrimoine exceptionnel. Les dispositions de ce budget leur portent un mauvais coup. De même, la réforme du mécénat ne permettra plus à nos entreprises d'abonder des lignes financières pour les associations et fondations.
Enfin, les remarques concernant l'innovation sont un peu hors sujet puisqu'elles concernent le programme 192.
Les amendements nous donneront l'occasion de revenir sur certains points pour voir comment amender ces dispositions.
La commission des affaires économiques examine ensuite pour avis, sur le rapport de M. Sébastien Jumel, les crédits de la mission « Économie » consacrés à l'industrie.
Nous examinons à présent les crédits consacrés à l'industrie de la mission « Économie ». Relevant de l'action n° 23 « Industrie et services » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations », ces crédits visent à améliorer la compétitivité de l'industrie française, en soutenant l'innovation et en agissant sur l'environnement économique des entreprises industrielles.
Pour l'exercice 2020, le projet de loi de finances prévoit de doter cette action de 435 millions d'euros, un montant qui est plus du double de celui alloué l'année dernière. Cela s'explique essentiellement par l'augmentation de la compensation carbone, le dispositif en faveur des entreprises électro-intensives exposées à un risque significatif de délocalisation. Cette augmentation est due à une très forte hausse du prix du quota carbone.
M. Sébastien Jumel, rapporteur pour avis de ces crédits, a souhaité centrer la partie thématique de son rapport sur une analyse des moyens dont dispose l'État pour venir en aide aux entreprises industrielles en difficulté. Il fera des propositions visant à en améliorer l'efficacité.
La sauvegarde de nos entreprises est un enjeu important de notre politique industrielle. Pour autant, l'État ne peut pas intervenir auprès de toutes les entreprises en difficulté. Comment peut-il, selon vous, cibler ses interventions ?
Par ailleurs, vous proposez de créer un fonds public-privé de retournement. Pourriez-vous préciser cette proposition et expliquer en quoi ce fonds constituerait une piste pour surmonter les obstacles dans l'accès aux financements que rencontrent les entreprises en difficulté ?
Avant toute chose, je souhaiterais remercier M. Fabien Roussel, et l'associer à mes propos. Membre de la commission des finances, il a conduit à mes côtés – ou vice versa – le rapport que je présente aujourd'hui.
Nous examinons le budget consacré à l'industrie dans un contexte bien particulier, marqué par les drames sociaux. Les difficultés de l'aciérie Ascoval ou la mise en liquidation judiciaire d'Arjowiggins justifient à elles seules le zoom que nous avons décidé. Nous connaissons tous dans nos territoires des entreprises industrielles forcées de cesser leur activité. Les chiffres de l'Institut national de la statistique économique et des études économiques (INSEE), parus en juillet, montrent que l'activité de l'industrie manufacturière ralentit par rapport aux années précédentes, de façon plus marquée que pour le reste de l'économie. Il y a donc une forme d'urgence à agir davantage pour soutenir nos industries.
La semaine dernière, le ministre de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, a évoqué le « risque d'un déclassement productif », rappelant que la France est le pays de l'Union européenne qui a le plus délocalisé ses productions dans les vingt dernières années – les trente dernières années, aurait-il pu dire. Le décalage entre cette prétendue prise de conscience du Gouvernement et les actions qu'il mène semble important. Aucune décision fiscale ne sera prise avant le PLF pour 2021. Pourquoi attendre encore ? Dans le PLF pour 2020, le budget alloué à l'industrie n'est pas non plus cohérent avec ce discours du ministre, et il n'est pas à la hauteur des enjeux.
Nous nous sommes concentrés sur les crédits de l'action n° 23 du programme 134, qui rassemble les financements des actions de soutien à la politique industrielle, soit 315 millions d'euros environ. Comme vous l'avez souligné, Monsieur le président, la hausse apparente des crédits de cette action est essentiellement due à l'augmentation – automatique – des quotas carbone des sites électro-intensifs, passés de 8 euros par tonne en janvier 2018 à 25 euros par tonne à la fin de l'année 2018. Ce dispositif, je le rappelle, ne fait que compenser la répercussion des quotas carbone sur le prix de l'électricité. Il n'est donc pas suffisant pour accompagner pleinement le secteur industriel dans cette transition environnementale pourtant nécessaire, urgente et attendue.
Les autres dépenses d'intervention en faveur de l'industrie du programme 134 sont en baisse, de 13,3 % par rapport aux crédits votés l'an dernier. Les actions de politique industrielle, que l'administration centrale pilote et met en oeuvre, sont supprimées. Ces aides soutenaient des opérations initiées par les filières professionnelles, plus particulièrement en faveur des petites et moyennes entreprises. Je regrette que le transfert aux régions de compétences en matière économique dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, se traduise dans le même temps par un désengagement de l'État d'actions qui favorisent pourtant la compétitivité de la France.
Une forte incertitude règne aussi quant au possible désengagement de l'État du financement de la gouvernance des pôles de compétitivité au profit des régions. Lors de son discours au congrès des régions de France, le Premier ministre a confirmé le transfert des crédits de l'État aux régions dès 2020. Néanmoins, aucune compensation financière n'est aujourd'hui prévue pour les régions. Il faut donc que l'exécutif clarifie sa position à ce sujet.
Les crédits qui permettent de lutter contre la non-conformité à la réglementation des produits commercialisés sur le marché français ne sont pas suffisants. De trop nombreux produits non conformes aux réglementations nationales et européennes parviennent encore à pénétrer notre marché, ce qui pose évidemment problème à nos entreprises. Les dotations budgétaires des centres techniques industriels (CTI) et des comités professionnels de développement économique (CPDE) sont eux aussi en baisse par rapport à la loi de finances pour 2019 alors qu'un rapport récent remis au Gouvernement, corédigé par une députée, Mme Anne-Laure Cattelot, membre de la majorité, réaffirme le rôle essentiel des CTI et des CPDE dans l'accompagnement de notre tissu industriel.
Quant aux dépenses fiscales, elles sont encore trop élevées, d'autant que nombre d'entre elles, comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), méritent d'être évalués car elles ne produisent pas les effets promis. Pour toutes ces raisons, je me vois contraint de donner un avis défavorable au budget consacré à l'industrie, tel qu'il nous est présenté.
Avec M. Fabien Roussel, nous avons choisi de centrer la partie thématique de ce rapport sur le soutien que l'État apporte aux entreprises industrielles en difficulté. L'État dispose d'un nombre important de dispositifs pour soutenir ces entreprises. Malgré cela, il n'est pas en situation de venir en aide aux entreprises fragilisées, dont il juge le projet industriel intéressant, voire stratégique et viable dans la durée, ce qui est une façon de répondre à votre question, Monsieur le président.
Nous avons en particulier étudié les prêts du fonds de développement économique et social (FDES), que l'État accorde pour venir en aide à des entreprises fragilisées ou en difficulté avérée, bien qu'elles disposent de perspectives de résultats et d'un marché. L'enveloppe de prêts que peut accorder l'État a fortement baissé par rapport à 2014.
Ce sont les taux d'intérêt associés à ces prêts d'usuriers, du moins exorbitants de droit commun, qui avaient motivé M. Fabien Roussel à les étudier. D'après les auditions que nous avons menées, ces taux pourraient aller jusqu'à près de 20 %, alors qu'ils sont décidés par la puissance publique. Cela signifie que l'État prête de l'argent à des entreprises qui éprouvent des difficultés à se financer sur le marché privé, à des taux supérieurs ou égaux à ceux du marché. Étant extrêmement élevés, ces taux rendent plus difficile le retournement des entreprises.
La principale raison pour laquelle l'État prête à des taux aussi élevés tient aux règles européennes : l'État doit prêter aux mêmes conditions que les prêteurs privés impliqués dans le tour de table. Or la France manque de banques et de fonds d'investissement privés proposant des taux relativement bas, qui permettraient à l'État de s'aligner sur des conditions plus efficaces, plus pertinentes, plus proches des intérêts des entreprises. Il paraît donc utile que l'État favorise l'émergence de nouveaux acteurs sur lesquels il pourra s'appuyer pour venir en aide aux industries en difficulté. Il faut à tout prix éviter que nos industries ne tombent entre les mains des fonds d'investissement vautours, les LBO (pour leverage buy out, rachat avec effet de levier) qui, vous le savez, lorsqu'ils s'attaquent à une entreprise, siphonnent, vendent par appartement et démantèlent des pans entiers de notre savoir-faire dans les territoires.
La première piste consiste à créer un label identifiant des fonds de retournement responsables respectant des conditions strictes en matière de sauvegarde de l'emploi, de responsabilité environnementale et de maintien de l'activité en France. Le fonds de retournement labellisé comme responsable serait alors assuré de la participation financière de l'État à ses côtés, en cas d'investissement dans une entreprise en difficulté.
Deuxième piste : nous suggérons de créer un fonds public-privé de retournement. Vous demandez, Monsieur le président, quelle serait l'utilité de ce fonds ? Je rappelle que cette idée n'est pas nouvelle. Un certain Emmanuel Macron, ministre de l'économie, l'avait même été évoquée, en 2015. L'idée serait de mettre en place un fonds abondé par l'État, les grandes entreprises et le secteur bancaire. Ce fonds se différencie des fonds privés, comme des fonds LBO, qui suivent une logique purement spéculative. Nous reprenons donc cette idée, qui n'est pas politiquement correcte, mais je prends ce risque, avec la caution de M. Fabien Roussel. (Sourires.)
Troisième piste : il s'agit de prévoir des fonds spécialisés par filière, qui viendraient en aide aux entreprises fragilisées. L'idée serait de s'inspirer du fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA), créé en 2009 et utile pendant la crise de 2008 à 2009, qui avait laminé le secteur, une fois les donneurs d'ordre placés en difficulté.
Vous avez raison, Monsieur le président, l'État ne peut pas tout, toujours, partout. Nous pensons toutefois que l'État ne peut pas rien et qu'il ne doit pas être spectateur. Il faut définir des critères précis pour son intervention, centrer l'argent public sur les entreprises susceptibles d'être retournées, qui portent un projet s'inscrivant dans une stratégie industrielle déterminée, même lorsque l'on décide que le secteur est stratégique, simplement pour la souveraineté de l'État.
Ce rapport insiste sur la nécessité d'élaborer une stratégie industrielle offensive, permettant d'identifier les filières structurantes pour l'avenir de l'industrie française. La décision de sauver certaines entreprises ou certains secteurs ne peut ni prétendre dépendre des pressions médiatiques, ni être prise par les opérateurs financiers, sans aucune vision industrielle.
Dans ce rapport, nous présentons également certaines propositions, pour rassurer davantage les fournisseurs et les créanciers susceptibles d'apporter à une entreprise en difficulté des capitaux, lui permettant de poursuivre son activité. Pour rassurer les créanciers qui prêtent aux entreprises en difficulté, il paraît essentiel de préserver le dispositif de Bpifrance, peut-être en le rendant plus réactif et plus efficace, pour qu'il puisse garantir jusqu'à 70 % des prêts du secteur bancaire aux entreprises fragilisées. Avec M. Fabien Roussel, nous avons déposé un amendement en ce sens.
Pour rassurer les fournisseurs d'une entreprise en difficulté, il paraît opportun de revoir quelque peu l'ordre des privilèges appliqués lors de la liquidation de l'entreprise. Aujourd'hui, vous le savez, les fournisseurs étant souvent remboursés en dernier, ils sont donc presque certains, en cas de difficulté de leur client, de ne pas se voir rembourser leurs créances. En cas de mise en liquidation effective de l'entreprise cliente, ils se trouvent à leur tour en difficulté. Cela crée un effet papillon pour tout un secteur ou un territoire. La réforme du droit des sûretés, prévue par voie d'ordonnance en 2021, gagnerait vraiment à aborder cette question.
En conclusion, j'espère que les différentes propositions pragmatiques qu'offre ce rapport permettront d'ouvrir une réflexion sur la manière d'améliorer l'efficacité des moyens dont dispose l'État pour venir en aide aux entreprises en difficulté. Il faut, d'une certaine manière, passer du renoncement productif au redressement productif, voire à la reconquête industrielle. Telle est l'ambition de ce rapport.
Je souhaitais tout d'abord rappeler l'attachement du Gouvernement et de la majorité à l'industrie, un sujet sur lequel nous nous sommes mobilisés, pour mettre fin à ces trente dernières années, où notre pays a perdu plus de 2 millions d'emplois industriels.
Comme vous le rappelez dans votre rapport, Monsieur Jumel, après dix-sept ans de baisse, l'emploi industriel est reparti à la hausse depuis deux ans. La majorité demeure pleinement engagée pour renforcer la compétitivité de notre industrie, à l'image de la présentation du Pacte productif 2025 pour le plein emploi, annoncé en avril par le Président de la République, et qui a fait l'objet de près de six mois de consultations des parlementaires, du patronat, des syndicats, des élus locaux et, surtout, des industriels.
La commission des affaires économiques s'est donc saisie pour avis du volet « Industrie » de la mission « Économie » de ce PLF pour 2020, qui représente 42 % des crédits du programme 134. Les crédits de l'action n° 23 « Industrie et services », mis en oeuvre par la direction générale des entreprises (DGE) et les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ont augmenté depuis un an, avec 444 millions d'euros de crédits de paiement, bien que, comme M. le président l'a rappelé, cette hausse soit principalement liée à l'augmentation de la compensation carbone pour les entreprises électro-intensives.
Bien que ces crédits soient faibles, il faut se féliciter de la hausse du budget relatif à la surveillance des marchés, qui permet de lutter contre la concurrence déloyale et la non-application réglementaire européenne, avec 700 000 euros de crédits de paiement, soit une progression de 150 000 euros par rapport à l'année précédente.
Par ailleurs, concernant le financement des CTI, les centres les plus engagés dans une logique de performance bénéficieront d'un déplafonnement de leur taxe affectée, dès 2020. Des amendements en ce sens ont été votés en première partie de ce PLF.
La seconde partie, thématique, du rapport aborde les aides que l'État apporte aux entreprises industrielles en difficulté. Il pointe notamment l'absence de stratégie industrielle claire et partagée.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de louer votre talent pour occulter une partie de la réalité, afin qu'elle ressemble à votre vision du monde. Je ne sais pas si des lunettes spéciales, communistes, vous empêchent de voir cette réalité…
… mais je me dois de souligner les actions qui sont menées depuis 2017.
Les politiques industrielles se sont multipliées pour servir une ambition clairement affichée : la reconquête industrielle et le développement de tous nos territoires. Je citerai tout d'abord la loi PACTE que nous avons votée pour faciliter la croissance et la transformation des entreprises, notamment industrielles.
Je citerai aussi le lancement des territoires d'industrie, au bénéfice de 144 territoires, dont pas moins de trois dans votre département, Monsieur Jumel – plus de 1,3 milliard d'euros sont orientés prioritairement, afin de lancer la réindustrialisation ; les cinq chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles , identifiées dans un rapport que notre collègue Guillaume Kasbarian a remis au Premier ministre ; et, dernièrement, le Pacte productif, pour réconcilier industrie et transition écologique, et engager une baisse des impôts de production afin de rapatrier les capacités de production en France.
J'aurais également pu parler d'innovation de rupture, de politique numérique et de notre ambition européenne pour l'industrie, dans le secteur des batteries, par exemple.
Je souhaiterais conclure mon propos par un mot d'actualité. Il est aujourd'hui difficile de parler d'industrie sans évoquer l'incendie de l'usine Lubrizol de Rouen. La mission d'information dont je suis rapporteur a commencé ses travaux ce matin, avec l'audition du président directeur général (PDG) de Lubrizol Corporation. Nous travaillerons à ce que cette mission parlementaire fasse toute la lumière sur l'incendie du 26 septembre, et apporte des réponses concrètes pour améliorer la prévention et, à défaut, la gestion des accidents industriels. Cela représente une énorme inquiétude des Français, à laquelle nous devons répondre.
Globalement, comme pour les entreprises, c'est un mauvais budget pour l'industrie car ce qui est mauvais pour les entreprises est mauvais pour les entreprises industrielles. Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et d'autres organes ont dénoncé un budget qui « risque de faire caler le moteur de la croissance », selon les termes même de ces responsables économiques.
Il faut rappeler, comme l'a déjà fait M. Rémi Delatte, que l'État a abandonné la politique de l'offre, alors que le Président de la République lui affichait pourtant clairement son soutien. Il se voulait le Président qui aiderait enfin les entrepreneurs, en particulier les start-up, et les entreprises, au sein de la start-up nation. Dans les faits, nous sommes aujourd'hui très loin de ce discours. Un virage a été opéré : la politique actuelle n'est plus vraiment une politique de l'offre, et pas vraiment une action de soutien à la consommation. Cette politique de Gribouille désoriente forcément les chefs d'entreprise qui, pourtant, ont un moment cru dans la parole du Président de la République.
Si vous n'êtes pas convaincu par la parole du député d'opposition que je suis, regardez vers Bruxelles qui, en milieu de journée, a adressé un carton – peu importe sa couleur – à la France, seul pays avec l'Italie à être ainsi pointé, pour qu'elle clarifie son budget, dénonçant son incapacité à améliorer ses finances publiques. Ainsi, après nous être moqués de la dérive budgétaire des Italiens, nous sommes aujourd'hui placés sur le même plan qu'eux par Bruxelles.
Peut-être faudrait-il évoluer, sans revenir toujours à Nicolas Sarkozy. Il y a eu tout de même un quinquennat entre les deux !
Monsieur Adam, je ne vous ai pas invectivé lorsque vous êtes intervenu, même si je n'étais pas nécessairement d'accord avec vos propos. Au bout de deux ans et demi, il faut apprendre à débattre et à s'écouter les uns les autres.
Ce que je vais dire rejoint pourtant votre intervention : le secteur industriel est capital en France. De ce point de vue, il y a eu une érosion incroyable, puisque l'industrie représente aujourd'hui 10 % du produit intérieur brut (PIB), contre 25 % dans les années soixante-quinze, alors que la moyenne européenne se situe à 20 %. Cette évolution est extrêmement préoccupante. La France est devenue le pays d'Europe qui a la plus faible part d'industrie dans le PIB.
Vous dites que les emplois industriels sont en train d'augmenter et que tout va merveilleusement bien. Pourtant, des clignotants s'allument : après cinq années de croissance consécutive, les effectifs des intérimaires employés dans l'industrie ont chuté, passant de 328 000 à 301 000.
Il faut que nous prenions conscience collectivement de la nécessité de soutenir l'industrie dans notre pays. Or ce budget n'apporte pas les réponses requises. Il n'est pas à la hauteur du défi que vous avez clairement posé en soulignant le rôle majeur joué par l'industrie ou la perte de nombreux emplois industriels. Vous faites le minimum, pas le maximum. Vous ne traitez pas certains sujets dans votre budget de budget pour 2020. Ainsi, celui-ci ne consacre pas un mot, pas une ligne, pas une mesure aux impôts de production, régulièrement dénoncés, qui plombent l'industrie française. Nous voyons bien que le compte n'y est pas.
Indépendamment de ce budget, il faudra lancer de nombreux autres chantiers. Je souhaite que l'on puisse donner suite, le plus rapidement possible, à l'excellent rapport que j'ai remis, avec M. Denis Sommer, sur la sous-traitance et la formation. Le drame de l'industrie réside dans la difficulté à recruter des jeunes. Les industriels nous le disent sur le terrain.
On voit qu'il s'agit d'un vaste chantier, pour lequel nous devons tous nous retrousser les manches, afin de faire passer les feux au vert. Cela suppose que, cette année, du moins l'année prochaine, nous ayons un budget qui soit à la hauteur de nos ambitions communes.
Aujourd'hui, les signes d'inquiétude pour l'économie mondiale se multiplient, en dépit de quoi l'économie française semble résister aux perturbations et aux pressions mondiales. Si les menaces qui pèsent sur l'économie française sont loin de s'apaiser, l'Institut national de la statistique économique et des études économiques (INSEE) a maintenu sa prévision de croissance de PIB à 1,3 % pour 2019. Le projet de loi de finances pour 2020 vient confirmer ce cap.
Dans ce contexte, nous trouvons opportun que le Gouvernement veille à ce que les ressources publiques, qui financent les différentes organisations, y compris les centres techniques industriels, soient rééquilibrées, le plus précisément possible, afin de répondre aux besoins de nos industries.
Notons aussi l'ambition de l'État d'aider les entreprises électro-intensives. L'augmentation du prix du quota est très importante. Ce système, lié à la compensation carbone, permettra à de nombreuses entreprises de retrouver une compétitivité. Nous souhaitons que ce dispositif soit pérennisé.
Je salue également, au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés (MODEM), toutes les mesures que finance le programme d'investissements d'avenir (PIA). En effet, par ce programme, le secteur industriel bénéficie du Fonds d'innovation de 10 milliards d'euros et du Grand plan d'investissement.
À ce propos, je souhaite appeler votre attention sur la définition de l'innovation et sur ses caractéristiques. Je propose que celles-ci soient plus souples et mieux appropriées aux différents secteurs de l'industrie. En effet, une innovation révolutionnaire dans une entreprise d'un secteur donné peut mériter d'être soutenue, alors qu'elle n'aurait pas vocation à l'être auprès d'une entreprise d'un autre secteur.
Je souhaiterais aussi rebondir sur les pistes qu'a évoquées notre rapporteur pour aider les entreprises en difficulté, qui sont trop nombreuses. Les entreprises en redressement judiciaire rencontrent un problème lorsqu'elles perdent l'accès aux marchés publics. En surmontant le sacro-saint principe de précaution, les collectivités donneuses d'ordre devraient aider au redressement de ces entreprises et leur donner une chance de rebondir en concourant à ces marchés publics, au lieu de les rayer de la liste de leurs fournisseurs. Cela ne nécessite pas d'argent public : c'est une question de volonté.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés rappelle sa volonté de présenter un budget correspondant aux normes européennes. Il soutient la priorité de ce quinquennat, de mener la France au premier rang en termes d'attractivité, tout en lui donnant les moyens d'anticiper et d'accompagner les mutations économiques de nos industries et des territoires.
Je remercie notre rapporteur pour son exposé, dont je partage le constat. Chaque année, lorsque nous discutons de cette mission, nous déplorons le déclin industriel français. En vingt ans, le poids de l'industrie dans notre PIB est passé de 17 % à 12 %. Cette désindustrialisation grève notre balance commerciale, occasionne un retard dans nos capacités de recherche et développement. Surtout, elle a accentué la fracture territoriale.
Des régions entières ont en effet vu disparaître leurs usines, ce qui entraîne chômage et dévitalisation. Tous les pays développés n'ont pourtant pas subi ce déclin irréversible. Nos voisins allemands et italiens sont ainsi parvenus à maintenir un fort taux d'industrialisation. Dans le cadre du Pacte productif pour retrouver le plein emploi, le Gouvernement s'est fixé des objectifs de développement industriel et d'innovation. Nous partageons naturellement cette ambition. Des questions naissent cependant sur la stratégie de reconquête industrielle et les moyens mobilisés.
L'action « Industrie et services » au sein de la mission « Économie » est loin d'offrir les solutions nécessaires. Principalement centrée sur le mécanisme de compensation carbone pour les industries électro-intensives, elle est caractérisée par la baisse des autres dépenses d'intervention, de 13 % par rapport aux crédits votés l'année dernière, et aucune solution novatrice n'est présentée.
Au-delà de ce budget, la stratégie industrielle du Gouvernement interroge. Nous avons pris connaissance du déplafonnement de la taxe affectée aux centres techniques industriels. Cela ne semble pas suffire à enrayer la baisse tendancielle des moyens des CTI, comme ceux des comités professionnels de développement économique. D'autres aspects suscitent l'inquiétude. C'est notamment le cas de la répartition des rôles entre l'État et les régions. À cet égard, je partage la crainte du rapporteur, quant à l'avenir des pôles de compétitivité.
S'agissant du dispositif « territoires d'industrie », si nous sommes convaincus de la nécessité de redonner la main aux collectivités, notamment aux régions, il demeure que sans les dotations suffisantes, les effets seront moindres. Un montant de 1,4 milliard d'euros réparti en 144 territoires ne pourra suffire à relancer l'industrie française, d'autant qu'il s'agit d'un redéploiement de fonds déjà existants, qui seront éparpillés en différents programmes.
Au-delà de cette mission, il n'est pas inutile de s'interroger sur la fiscalité et sur les dépenses fiscales, notamment le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et son remplacement par des baisses de charges. Avec le désengagement de longue date du Gouvernement pour rétablir la compétitivité de l'industrie française et la diminution des impôts de production, les incertitudes demeurent. Ce chantier sera-t-il totalement abandonné ?
Je remercie mon collègue, M. Sébastien Jumel, d'avoir accepté de partager la rédaction de ce rapport, qui me tenait à coeur. L'objectif ambitieux, fixé par le Gouvernement, est de faire passer la part de l'industrie dans notre PIB de 12 % aujourd'hui à 15 % en 2025, et 20 % en 2035. Il nécessite que l'on définisse une stratégie et que l'on y mette les moyens.
Je ne m'attarderai pas sur tout ce qu'il faudrait faire en termes de politique fiscale, puisque tel n'est pas l'objet de ce rapport. J'évoquerai plutôt les moyens que l'État s'est donné pour accompagner les entreprises en difficulté. Si nous voulons augmenter la part de l'industrie dans notre PIB, il faut d'abord soutenir les entreprises en difficulté, qui sont menacées de faillite. Entre août 2018 et août 2019, 3 706 défaillances d'entreprises industrielles ont été recensées. C'est beaucoup ! Devant une hémorragie, on place un garrot. En l'espèce, quand on se bat pour l'industrie, on fait tout pour éviter que les entreprises ne ferment.
Le rapport développe les moyens dont dispose l'État pour agir : échelonnement, voire annulation, des dettes sociales et fiscales ; entrée au capital des entreprises ; accompagnement par des prêts. C'est sur ce point que nous avons souhaité nous attarder.
Nous pensons en effet que ces dispositifs ne sont pas totalement efficaces, voire qu'ils relèvent d'un bricolage, à la limite d'une aide véritable que nous pouvons apporter aux entreprises. Ainsi, il est écrit dans la doctrine que Bpifrance n'aide que les entreprises qui n'ont pas de dettes sociales et fiscales. Elle ne peut donc pas entrer dans le capital d'une entreprise en difficulté, y compris lorsque celle-ci est indispensable à la survie d'une filière, et qu'il faudrait pouvoir la maintenir en activité.
Parfois, un prêt est nécessaire pour accompagner un nouveau projet industriel. J'ai rencontré ce cas plusieurs fois dans ma région, notamment avec Ascoval. Lorsqu'un industriel se présente avec un projet, les banques doivent se rassembler autour de la table pour apporter l'argent. Aujourd'hui, elles ne sont pas présentes, et Bpifrance ne peut pas participer, dès qu'il existe une dette sociale. Eh oui, les banques ne prêtent qu'aux riches, y compris dans l'économie et dans l'industrie.
Lorsque les banques sont absentes, c'est l'État qui agit, par l'intermédiaire du FDES. Mais ce fonds, à cause des règles imposées par l'Union européenne, ne peut souvent prêter qu'à des taux supérieurs de 10 points au taux Euribor. À l'heure actuelle, les taux Euribor sont négatifs, de l'ordre de - 0,3 %, donc l'État prête environ à 9,7 %. Ces dernières années, il a même pu prêter à des taux allant de 10 à 20 % à des entreprises en difficulté. Il soutient donc les entreprises sans les aider véritablement, comme la corde soutient le pendu.
Dès lors, soit nous modifions les traités européens, comme le souhaite ma formation politique ; soit nous disposons d'une banque publique pour faire ce que ne fait pas Bpifrance, en nationalisant une banque publique ou en changeant les règles de Bpifrance. Dans un cas comme dans l'autre, cela ne se fera pas tout de suite. C'est pourquoi nous proposons notamment la création d'un fonds de retournement public-privé, une proposition qui n'est pas très orthodoxe pour un communiste. Mais cela donne la possibilité d'agir notamment en faisant en sorte que ce fonds puisse intervenir directement dans le capital d'une entreprise, même si celle-ci a des dettes sociales et fiscales.
Nous avons auditionné des représentants du fonds, entièrement privé, Butler Capital Partners : ils se trouvent eux aussi parfois bloqués. Le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) leur demande parfois d'intervenir dans le capital d'une entreprise en difficulté mais ils sont libres d'accepter ou non. S'il existait un fonds public-privé, comprenant des financements publics, l'État pourrait intervenir directement, donc accompagner ces entreprises.
Enfin, il faut de toute façon définir une véritable stratégie pour la France en matière industrielle. Aujourd'hui, nous n'en avons pas. En transférant la compétence du développement économique aux régions, la France pourrait présenter treize stratégies différentes voire 144, selon les pôles de compétitivité. Voilà ce qu'il faut définir en premier lieu.
Je veux d'abord rassurer notre collègue, Damien Adam. Je n'ai chaussé aucune lunette orthodoxe. D'ailleurs, je ne regarde l'avenir qu'avec des jumelles. (Sourires.)
M. Fabien Roussel l'a dit, notre rapport s'appuie sur notre sens des réalités et notre sens des territoires dans lesquels nous exerçons nos responsabilités. Je suis moi-même élu d'un territoire où la part des industries s'élève à 22 % du PIB. Je sais donc ce que signifie se mobiliser avec pragmatisme, aux côtés des acteurs économiques, politiques, industriels, sociaux, afin de définir un cap industriel.
Le rapport ne propose pas de faire la révolution. Nous avons des choses à dire sur ce qui pourrait définir une véritable politique industrielle, en particulier pour y adosser la formation initiale et continue, afin de prendre en compte les besoins des filières d'avenir.
Tel n'est cependant pas l'objet du rapport, que nous avons décidé de centrer sur un sujet très pragmatique, très concret : comment, lorsqu'une entreprise est en difficulté, peut-elle se voir prêter à des taux qui ne lui permettent pas de surmonter ses difficultés ?
Je ne sais pas quelles lunettes vous avez chaussées, mais faut-il ne jamais chausser de lunettes pessimistes et toujours porter celles qui nous font croire que tout va bien et qu'aucune entreprise ne ferme ? Le PDG de Renault, auditionné par notre commission, a tenu certes des propos déterminés, volontaristes, mais il a tout de même tiré la sonnette d'alarme sur les turbulences qui risquent d'agiter le secteur de l'automobile dans les mois et les années qui viennent, notamment avec le virage défavorable au diesel.
Lorsque Bercy, en juillet 2019, annonce que 54 entreprises de cette filière, et 13 900 emplois risquent d'être touchés à très court terme, ce n'est pas Sébastien Jumel qui chausse des lunettes pessimistes, c'est Bercy qui alerte sur le fait que des filières, des territoires entiers, des savoir-faire immenses risquent de s'envoler si l'État n'est pas au rendez-vous des mutations, du virage, d'une stratégie et d'un cap, en matière industrielle.
Je veux aussi relayer la préoccupation de notre collègue Sylvia Pinel sur le dispositif « territoires d'industrie ». Il peut être un outil intéressant – on le développe dans le nord de ma circonscription –, à condition que ce ne soit pas avec les moyens de droit commun, rhabillés pour la circonstance. Lorsque l'on transfère à la région des responsabilités de chef de file, l'État ne doit pas se contenter d'être le spectateur, qui regarde passer les trains. C'est évidemment de cela qu'il s'agit lorsque l'on prétend être au chevet des entreprises.
Nous avons déposé des amendements concrets, qui ne sont pas révolutionnaires mais qui s'appuient sur les auditions que nous avons menées, malgré le peu de temps et de moyens dont nous disposons dans le cadre d'un avis budgétaire. Nous avons notamment auditionné, non pas le Soviet suprême, mais des vice-présidents de conseils régionaux, chargés de l'économie, de diverses tendances politiques ainsi que des acteurs qui sont mobilisés concrètement dans leurs territoires. Ils ont nourri nos réflexions et les propositions que nous formulons, car elles nous ont semblé refléter l'efficacité, au service du bon sens.
J'ai beaucoup de respect pour Bpifrance mais il va falloir que cet opérateur soit efficace et utile s'il veut continuer à exister : il doit démontrer sa capacité à entrer dans le capital des entreprises. Celles-ci nous disent plus ou moins poliment que Bpifrance ne prête qu'aux riches et qu'on fait appel à cette banque quand on n'a besoin de rien. Il faut corriger la situation – c'est le sens de mon rapport.
La DGE dit elle-même que trop de produits non conformes arrivent sur le marché et que la baisse des moyens alloués aux contrôles n'est pas à la hauteur des enjeux. On revient en la matière au niveau des crédits qui étaient prévus en 2018 alors que certains traités de libre-échange pourraient justifier une vigilance accrue afin de protéger nos industries, nos savoir-faire et les consommateurs.
La commission aborde ensuite les crédits relatifs au commerce extérieur.
Les crédits relatifs au commerce extérieur, dont notre rapporteur pour avis est M. Antoine Herth, relèvent de l'action n° 07, « Développement international des entreprises et attractivité du territoire », du programme 134, « Développement des entreprises et régulations », de la mission « Économie ».
Ces crédits servent en particulier au financement de l'opérateur Business France, à la rémunération de Bpifrance Assurance Export et, plus marginalement, au financement de la participation française à des événements contribuant au rayonnement de notre économie, comme l'Exposition universelle qui aura lieu à Dubaï en 2020.
Une baisse des crédits est prévue en 2020 : ils seront de 143,8 millions d'euros contre 150 millions d'euros cette année. Il y aura notamment une baisse de la subvention pour charges de service public de Business France et de la rémunération de Bpifrance Assurance Export.
Cette évolution aura lieu dans le cadre de la grande réforme – qui a été lancée l'année dernière – de l'accompagnement des entreprises à l'export, dont Business France, Bpifrance et les chambres de commerce et d'industrie constituent les principaux rouages. Vous avez souhaité faire le point dans la partie thématique de votre rapport, Monsieur Herth, sur le déploiement du nouveau dispositif, appelé « Team France Export ».
Vous avez également porté une attention particulière à la situation des filières agricoles en matière d'exportation et aux principaux effets des derniers accords de commerce.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les conséquences du Brexit pour les filières auxquelles vous avez consacré votre étude, notamment la filière avicole ?
Pouvez-vous aussi revenir, très concrètement, sur l'importance de la reconnaissance des indications géographiques dans le cadre de la négociation des accords commerciaux ? Comment cette protection est-elle mise en oeuvre ?
Votre introduction va me permettre de raccourcir ma présentation, puisque vous avez déjà commenté l'évolution du budget.
Pour la première fois depuis cinq ans, le commerce extérieur a apporté une contribution positive à la croissance en 2018, et il faut s'en réjouir. Les exportations de biens et de services représentaient alors 31 % de notre produit intérieur brut (PIB). L'importance du commerce extérieur fait l'objet d'une sous-estimation : une des personnes que j'ai auditionnées a souligné que les chiffres officiels tiennent compte des conteneurs échangés mais pas des colis, ce qui conduit à une nette sous-estimation du e-commerce dans les chiffres. De même, le commerce intrafirme passe totalement au-dessous des radars.
Le commerce est un secteur essentiel pour notre économie. Pourtant, comme vous l'avez indiqué, Monsieur le président, les crédits auxquels mon rapport est consacré sont en baisse. Les moyens prévus pour l'action n° 07, qui a pour vocation de financer l'activité de Business France, de rémunérer Bpifrance Assurance Export et d'apporter un financement aux événements internationaux, s'élèveront à 143,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 150 millions d'euros l'année dernière et 154 millions d'euros en 2018. Les conséquences seront évidemment importantes.
Business France, principal opérateur de la mission « Économie », est en charge du développement international des entreprises françaises, des investissements internationaux en France et de la promotion économique de notre pays. La subvention pour charges de service public de cette structure sera ramenée à 90 millions d'euros en 2020. Par ailleurs, la diminution du plafond d'emplois se poursuivra : une baisse de 20 équivalents temps plein travaillé (ETPT) est prévue. Cette réduction des moyens s'inscrit dans le cadre du nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens entre l'État et Business France pour la période 2018-2022. La subvention pour charges de service public prévue dans le cadre de l'action n° 01 du programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire », de la mission « Cohésion des territoires », n'est pas encadrée par ce contrat, mais elle sera également en baisse – de 1 million d'euros. Il y a donc une forme de « double peine » pour Business France. Néanmoins, cet opérateur estime avoir aujourd'hui les moyens de mener à bien la mission qui lui a été confiée, et cela correspond à ce que j'ai pu constater.
En ce qui concerne Bpifrance Assurance Export, la réduction de la rémunération qui est prévue suscite des interrogations, et je crois d'ailleurs que des amendements ont été déposés à ce sujet.
Dans l'immédiat, je m'en remets à la sagesse de la commission pour les crédits de la mission « Économie » en ce qui concerne le commerce extérieur.
Dans la continuité du rapport que j'ai remis l'année dernière, je me suis plus particulièrement intéressé à la mise en place de la « Team France Export », qui contribue à créer un parcours véritablement cohérent pour l'accompagnement de nos entreprises à l'export. Il est évidemment trop tôt pour faire un bilan définitif, mais j'ai pu constater que l'état d'avancement et les premiers résultats de ce dispositif étaient satisfaisants et même très prometteurs.
Je souhaitais également travailler sur la situation de la filière automobile en matière d'exportation mais l'actualité m'a finalement conduit, en accord avec notre président, M. Roland Lescure, à examiner la situation de la filière agricole et agroalimentaire au regard des discussions commerciales les plus récentes ou à venir.
Vous connaissez le principe qui a inspiré la création de la « Team France Export » : cette réforme, souhaitée par le Premier ministre, a pour objet de réorganiser et de rationaliser, à l'échelle régionale – ce sont les régions qui sont politiquement chargées de ce projet – mais aussi au plan international, les différents dispositifs et acteurs contribuant à l'accompagnement des entreprises à l'export. Cela doit permettre de créer un interlocuteur identifié et un parcours continu pour les entreprises, des territoires dans lesquels elles s'inscrivent jusqu'aux marchés qu'elles convoitent à l'étranger : c'est une véritable chaîne qui doit accompagner nos entreprises. L'animation du dispositif fait appel à Business France, au réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et à Bpifrance.
La mise en oeuvre de la réforme est très satisfaisante à ce stade. Toutes les régions se sont inscrites dans la nouvelle démarche, et les dernières signatures de conventions sont sur le point d'avoir lieu. Ce sera le cas pour l'Occitanie à l'occasion du forum « Destination International » qui aura à Toulouse le 26 novembre prochain, et la région Grand Est doit également signer une convention avant la fin de l'année. À l'étranger, 74 pays sont actuellement couverts, soit par des bureaux de Business France, soit par le biais de concessions de service public – cela représente 61 pays –, soit par le référencement d'opérateurs privés qui peuvent accompagner les entreprises.
La réforme comprend aussi un volet numérique. Je vous invite à visiter la nouvelle plateforme (www.teamfrance-export.fr), qui est vraiment une mine d'informations. Le site, qui a été testé dans les régions Normandie et Auvergne-Rhône-Alpes au printemps dernier avant d'être généralisé, a déjà reçu 25 000 visites en trois mois.
Le nouveau dispositif a été très bien accueilli dans l'ensemble, et il porte déjà ses fruits : on sent un frémissement en ce qui concerne la mobilisation des entreprises à l'exportation.
J'ai également choisi de faire le point, dans mon rapport, sur la situation des filières agricoles en matière d'exportation et sur les conséquences, pour elles, des accords de libre-échange récemment ratifiés ou en cours de négociation. Les tensions que nous avons observées cet été à propos du CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) imposent de prendre du recul et de maintenir un débat apaisé entre les professionnels et la Représentation nationale. J'ai reçu, pour préparer ce rapport, les représentants de sept filières.
On insiste souvent sur l'idée que le secteur agricole et agroalimentaire est le troisième poste excédentaire de notre balance commerciale, derrière le secteur aéronautique et spatial et la chimie. La filière agricole est, en effet, un des points forts de nos exportations mais ce constat doit être nuancé : l'agriculture française souffre d'un déficit de compétitivité-prix et de contraintes structurelles propres. Un rapport sénatorial a récemment conduit à tirer la sonnette d'alarme : sans le vin et les spiritueux, la France n'aurait pas d'excédent commercial dans le domaine agroalimentaire et, au rythme actuel, notre excédent sera nul en 2023. Nous devons donc être particulièrement attentifs à la situation de l'agriculture.
J'ai interrogé plus particulièrement mes interlocuteurs sur trois sujets : le CETA, l'accord avec le Mercosur et le Brexit, dont on ne sait ni quand, ni dans quelles conditions il aura lieu.
Les exportations représentent 40 % du chiffre d'affaires de la filière des vins et spiritueux. Les premiers effets du CETA sont très profitables dans ce domaine et l'accord avec le Mercosur est perçu le seul moyen de faire sauter le verrou du protectionnisme pour accéder à ce marché. Le Brexit suscite peu d'inquiétudes pour l'instant, exception faite de l'hypothèse où la Grande-Bretagne s'enfoncerait dans une récession économique qui nuirait à l'achat de vins français.
Le secteur céréalier exporte la moitié de sa production. Le CETA n'a pas d'impact sur cette filière pour l'instant. S'agissant du Mercosur, les professionnels craignent que la confrontation avec les conditions de production nettement différentes qui existent en Amérique latine, comme le recours aux organismes génétiquement modifiés, l'usage massif de pesticides et même la déforestation, crée un choc de compétitivité ou conduise, en tout cas, à une situation dans laquelle on ne pourrait pas aligner les coûts. Enfin, la filière céréalière pourrait souffrir indirectement des effets du Mercosur et du Brexit sur les filières porcines et avicoles, qui constituent pour elle un débouché important.
Le secteur sucrier français présente une particularité par rapport à celui de nos voisins européens : il est fortement orienté à l'exportation et donc particulièrement sensible à tout ce qui se passe sur les marchés internationaux. Mes interlocuteurs ont regretté que les droits anti-subventions, d'un niveau important, qui ont été établis en 1995 par le Canada pour les exportations de sucre blanc de l'Union européenne n'aient pas été levés dans le cadre de la négociation du CETA, et il y a aussi des interrogations sur la traçabilité de l'éthanol américain qui pourrait transiter par le Canada. L'accord avec le Mercosur fait office de « chiffon rouge » pour ce secteur, le Brésil étant le pays le plus compétitif en matière de production de sucre. Cet accord pourrait menacer l'ensemble de la production européenne, selon la manière dont il est mis en oeuvre.
J'en viens aux filières de la production animale.
Nous avons beaucoup entendu parler de la question des bovins cet été : la plus grande vigilance est de mise, car ce secteur est mal préparé à une confrontation avec le commerce international. Les entreprises situées en aval, notamment les abattoirs, sont peu mobilisées pour chercher de nouveaux débouchés, et la filière n'est pas homogène – il y a l'élevage allaitant mais aussi les sous-produits de l'élevage laitier. Ce secteur ne peut pas se moderniser facilement, car il est directement lié à nos terroirs – cela fait la qualité et la beauté de nos paysages, mais on ne peut pas chercher des gains de productivité considérables. Dans ces conditions, l'accord avec le Mercosur inquiète beaucoup. L'arrivée massive d'aloyaux sud-américains sur le marché européen pourrait totalement déstabiliser la production. Il faut vraiment avoir ce secteur à l'oeil.
La filière de la viande porcine se trouve dans une situation atypique. Les prix sont actuellement très élevés en raison de la peste porcine africaine, qui sévit en Chine. Ce pays s'est mis à importer massivement des produits européens, mais la filière reste prudente : le soufflé pourrait très vite retomber, si je peux m'exprimer d'une manière triviale. En ce qui concerne le Mercosur, il y a aussi des inquiétudes liées à un éventuel choc de compétitivité.
Le secteur de la volaille est clairement menacé, non par le CETA mais par l'accord avec le Mercosur. Nous pâtissons déjà, au sein de l'Union européenne, de fortes importations en provenance de la Thaïlande et de l'Ukraine. Le Brexit pourrait agir comme une sorte de bombe à fragmentation : des contingents négociés dans le cadre des accords commerciaux devront être répartis au sein d'une Union Européenne à vingt-sept et les producteurs européens risquent de perdre l'ensemble de leurs exportations vers la Grande-Bretagne – l'enjeu est d'un million de tonnes. C'est un sujet très grave sur lequel le ministre de l'agriculture nous a alertés à plusieurs reprises.
Le secteur laitier, en dernier lieu, a plutôt perdu des parts de marché à l'exportation et il porte donc un regard plutôt positif sur les accords commerciaux qui lui permettraient d'avoir de nouveaux marchés à l'export. En ce qui concerne le Brexit, le secteur laitier écoule 730 millions de litres en Grande-Bretagne, soit 3 % de la collecte française, ce qui représente 600 millions d'euros. L'enjeu peut paraître marginal, mais une baisse de 3 % peut totalement déstabiliser un marché – on l'a constaté lors de la suppression des quotas laitiers.
Je demeure convaincu, au terme de mes travaux, que les échanges commerciaux, « le doux commerce » cher à Montesquieu, sont un élément indispensable à la santé économique et au rayonnement de notre pays. À nous de nous donner les moyens de nos ambitions, notamment en matière budgétaire, et de défendre l'idée que les accords improprement dits de « libre-échange », qui établissent en réalité des règles du jeu pour le bon déroulement du commerce international, n'ouvrent pas un espace sans réglementation mais sont destinés à encadrer le commerce, comme en témoignent la reconnaissance des indications géographiques et la fixation de contingents, qui sont là pour protéger les productions européennes particulièrement sensibles.
La conquête de nouveaux marchés par nos entreprises est un objectif économique important. La stratégie actuelle de l'État en matière de commerce extérieure a été lancée il y a moins de deux ans, mais les transformations de notre système de soutien à l'export sont déjà majeures. Comme vous l'avez rappelé, Monsieur le rapporteur, la création de la « Team France Export » est très ambitieuse : elle vise à assurer une réorganisation et un regroupement des acteurs qui contribuent à l'accompagnement des entreprises sur les marchés internationaux, afin d'accroître le nombre d'entreprises exportatrices.
Nos entreprises bénéficient désormais de guichets uniques à l'export dans chacune des régions grâce à la réunion des équipes de Business France et des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et au concours de Bpifrance. Au plan international, des correspondants de la « Team France Export » doivent servir de points de contact uniques dans des pays étrangers ou pour une partie de l'offre de service. D'importants redéploiements de personnel ont été réalisés par l'opérateur Business France, de l'international vers les régions, et les équipes des CCI appliquent de nouvelles méthodes de travail. Compte tenu de leurs compétences, les régions sont intégrées au dispositif dans le cadre d'une contractualisation avec les opérateurs. Cette nouvelle organisation doit permettre une plus grande lisibilité du système pour les entreprises et un accompagnement plus efficace de leurs démarches à l'export.
Comme vous l'avez souligné, Business France n'échappe pas, au titre des crédits de l'action n° 07 du programme 134, aux demandes d'efforts budgétaires de l'État. Cependant, le nouveau contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens qui a été signé permet d'avoir une vraie prévisibilité et une sécurisation des dotations de l'opérateur pour plusieurs années – jusqu'en 2022.
Dans le même temps, deux outils numériques majeurs pour la réussite de la réforme ont été développés et sont déployés par Business France grâce à des moyens importants qui proviennent du fonds pour la transformation de l'action publique – nous y avons été très attentifs. Il s'agit d'un outil de CRM (« Customer Relationship Management ») numérique qui est partagé par tous les acteurs de la « Team France Export », afin d'améliorer le suivi des dossiers des entreprises tout au long de leurs démarches, et d'une plateforme numérique des solutions « export » qui a été créée pour chaque région – cela permet d'informer et d'orienter très facilement les entrepreneurs selon leurs besoins. Je crois que nous pouvons tous saluer ces avancées très significatives et le travail remarquable qui est réalisé par les équipes, notamment celles de Business France et des CCI. Une dynamique collective est lancée, comme l'a souligné le Premier ministre lors du lancement officiel de la plateforme des solutions à Rouen, en juin dernier.
L'action n° 07 du programme 134 comprend des crédits alloués à Bpifrance Assurance Export pour la gestion des garanties publiques. La stratégie pour le commerce extérieur est également bien mise en oeuvre dans le domaine des financements à l'export, comme l'a montré le lancement réussi de nouveaux produits pour les entreprises. Je pense notamment à la garantie des projets stratégiques, qui doit permettre de faciliter le soutien à des projets qui n'entrent pas dans le cadre de l'assurance-crédit mais présentent un intérêt particulier pour notre économie. Dans la continuité des engagements pris par le Président de la République à la tribune des Nations Unies, l'article 68 du projet de loi de finances interdira d'octroyer des garanties publiques à des projets concernant la recherche, l'extraction et la production de charbon. C'est un engagement très fort qui doit être salué.
Je vous rejoins, monsieur le rapporteur, à propos de la vigilance à exercer dans les années à venir au sujet de notre agriculture. Je partage une partie de vos analyses. S'agissant de l'accord avec le Mercosur, je tiens à rappeler, en tant en tant que députée d'une circonscription comptant des éleveurs bovins, que la majorité et le Président de la République ont été très clairs : compte tenu de la rédaction actuelle du texte, il n'est pas question d'une ratification de la France. Par ailleurs, je vous remercie d'avoir rappelé que les accords commerciaux ne sont pas des accords de libre-échange, mais d'échanges régulés.
Je voudrais remercier notre rapporteur pour la qualité de son exposé.
Un chiffre résume bien la situation : notre solde commercial, qui était de - 59 milliards d'euros en 2018, devrait s'améliorer cette année puisqu'il passerait à - 56 milliards d'euros, mais l'embellie est en partie liée à la faiblesse des prix importés et à la légère baisse du prix du pétrole. Je me réjouis naturellement de l'amélioration de nos performances à l'exportation mais il faut rester lucide : le déficit commercial est loin d'être résorbé.
Nos difficultés tiennent avant tout à la structure de notre tissu économique : alors que nos voisins allemands s'appuient sur un réseau d'entreprises de taille intermédiaire qui sont capables de s'illustrer dans un marché globalisé, nos PME et ETI restent tournées vers le marché français et peinent à faire valoir leurs atouts à l'international. Ce sont les grands groupes qui sont derrière les chiffres de notre commerce extérieur. En dix ans, le nombre d'opérateurs à l'exportation a progressé de seulement 5 %, tandis que les exportations ont augmenté de 18 %. Nous devons donc repenser le dispositif d'accompagnement des PME à l'export.
Le Gouvernement s'est attelé à ce chantier et les solutions préconisées par l'opérateur, Business France, vont dans le bon sens. Alors qu'une multiplicité d'acteurs se concurrençaient jusque-là, Business France a proposé de clarifier les responsabilités afin d'accroître à la fois le volume des exportations et le nombre des exportateurs. Au niveau territorial, un guichet unique réunissant Business France et les CCI, en compagnie des conseils régionaux, est proposé dans chaque région. La mission de la « Team France Export » sera d'identifier et de préparer les entreprises à l'export dans le cadre d'une offre de services différenciée.
Je partage, bien sûr, la volonté d'accompagner les entreprises au plus près du terrain, mais je regrette la faiblesse des moyens consacrés à cette mission. Alors que le rôle d'accompagnement des CCI est reconnu, ces acteurs doivent faire face à une diminution de leurs ressources. La baisse de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie se traduit par une perte de recettes significative, qui s'élève à 400 millions d'euros pour les CCI d'ici à 2023. Je regrette, de même, que les ressources de Business France diminuent encore. Il y a un vrai hiatus entre les ambitions et leur traduction budgétaire.
Merci beaucoup, cher collègue, pour la qualité de votre rapport.
Le Gouvernement a fortement insisté dans le contexte de la loi PACTE sur son intention de renforcer l'écosystème à l'export de la France grâce à la « Team France Export », mais ces déclarations ne résistent pas à l'analyse des crédits budgétaires prévus pour 2020. En effet, les crédits de Business France seront en baisse : ils passeront de 92,8 à 90,1 millions d'euros entre 2019 et 2020. Il en est de même pour Bpifrance Assurance Export, dont les crédits seront de 51,25 millions d'euros en 2020, contre 52,04 millions d'euros cette année et 59,6 millions en 2018. La baisse des ressources publiques allouées à Business France contraint cet opérateur à augmenter la part des ressources propres dans son budget : elles sont passées de 77,8 à 104,1 millions d'euros entre 2015 et 2018, ce qui représente une augmentation de 33,8 %. En conséquence, le taux de couverture des charges par les ressources propres de l'opérateur a été porté à 54,4 % en 2018, alors qu'il était de 45,9 % en 2015. Monsieur le rapporteur, le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens de Business France vous paraît-il cohérent avec le discours tenu depuis nos travaux sur la loi PACTE par le ministre, M. Bruno Le Maire ? Par ailleurs, est-ce adapté aux besoins des entreprises françaises ?
J'en viens à la partie du rapport qui est relative aux conséquences potentielles des accords de libre-échange avec le Canada et le Mercosur pour les exportations françaises de produits agricoles. Vous listez les risques et les avantages pour chacune des filières. C'est une approche à la carte de traités qui sont, sauf exclusions particulières, des accords globaux. Pensez-vous que les avantages du CETA et de l'accord avec le Mercosur surpassent leurs désavantages pour l'agriculture française ? Indépendamment de ces traités, vous soulignez qu'il y a une importante perte de compétitivité de l'agriculture française à l'export, qui est masquée par le secteur des vins et spiritueux. Vous pointez du doigt l'insuffisance de concentration des acteurs économiques. Quelles recommandations formulez-vous pour retrouver des marges sans contraindre encore les revenus, déjà très faibles, de nos agriculteurs ? Chacun sait à quel point cet enjeu est capital.
Les indications géographiques protégées (IGP) sont prévues depuis longtemps dans le cadre de l'accord de Marrakech, Monsieur le président, mais cette protection n'est pas bien transcrite dans les droits nationaux. Les accords multilatéraux, comme le CETA, sont plus protecteurs. L'État canadien s'engage à mobiliser ses moyens juridiques et administratifs pour garantir la protection des IGP listées dans l'accord. Il existe des dérogations pour des appellations utilisées historiquement par des entreprises canadiennes, qui bénéficient d'une période de transition pendant laquelle elles ont le droit de continuer à utiliser leurs appellations – je pense, par exemple, à l'appellation « Comté ».
Je partage l'analyse de Mme Beaudouin-Hubiere. Je ne souhaitais pas émettre un avis sur le Mercosur, mais réaliser une exploration en partant du point de vue de différentes filières. On a vu cet été que certains acteurs, les plus mécontents, parlaient fort, tandis que d'autres s'exprimaient moins ou laissaient entendre que l'accord n'était pas si mauvais. J'ai essayé de vous livrer un kaléidoscope, une sorte d'album de photographies, en étant conscient que mon travail n'est pas complet – il manque notamment la filière des fruits et légumes.
Indépendamment des aspects liés au commerce extérieur, un des motifs de mécontentement des éleveurs est que l'augmentation de la consommation de viande bovine que l'on observe depuis deux ans – c'est une nouveauté, car la consommation, jusque-là, n'avait pas cessé de diminuer – n'a aucun impact sur le prix pour les producteurs. Lorsque la demande progresse plus vite que l'offre, le prix doit normalement augmenter, mais ce n'est pas ce que l'on constate. Il y a donc une création de valeur qui se perd quelque part dans la chaîne de transformation et de distribution. Au-delà de la question de la concentration des outils, il faut réfléchir à la transparence de la chaîne, de la ferme au consommateur, afin que les producteurs puissent bénéficier des prix qui doivent leur revenir.
C'est un sujet dont j'ai clairement parlé avec les représentants des éleveurs bovins. Je leur ai demandé s'il ne faudrait pas créer une espèce de cadran, comme celui de Plévin pour l'élevage porcin, afin de mesurer en temps réel l'équilibre entre l'offre et la demande. Mes interlocuteurs m'ont répondu qu'il faut certainement imaginer quelque chose, mais qu'un cadran a aussi des inconvénients : quand il y a un déséquilibre très fort, les prix chutent très vite. Il y a néanmoins une question qui se pose. Si on veut que les éleveurs soient convaincus que l'ouverture aux exportations est une bonne chose pour eux, il faut qu'ils puissent le constater lorsqu'ils regardent leurs revenus – sinon ils n'y croiront jamais. Pour ma part, je partage leurs inquiétudes.
Mme Pinel a souligné que la réduction du déficit de la balance commerciale est notamment due au fait que l'énergie coûte moins cher. C'est une réalité, mais je voudrais vous faire part d'un autre élément. Un de mes interlocuteurs, le directeur général de Business France, m'a dit que le déficit commercial français correspond, presque à l'euro près, à la somme des dividendes versés par les filiales des industries françaises à leurs maisons mères. Les entreprises françaises ont davantage délocalisé leur production – cela a été dit tout à l'heure – que les entreprises allemandes. Il y a une logique : personne n'imaginerait acheter un véhicule automobile allemand haut de gamme, d'un prix très élevé, sans avoir la garantie qu'il est fabriqué avec le soin dont on sait que les industriels allemands font preuve. Or cela ne concerne pas les produits français qui se situent à un autre niveau de gamme. Notre économie n'est pas si malade qu'on le dit parfois : elle est organisée différemment. Il est vrai, néanmoins, comme je le souligne dans mon rapport, que nous avons des marges de progression considérables en matière d'exportation. Seulement 20 % des PME françaises se tournent à l'export alors que 80 % de leurs homologues participent à une stratégie d'exportation en Allemagne. C'est l'objet de la création de la « Team France Export », qui va réellement dans le bon sens.
Mon propos n'était pas de trancher entre les avantages et les inconvénients, dans une sorte d'anticipation d'un futur rapport sur la ratification de l'accord avec le Mercosur ou d'autres accords commerciaux. Comme nous avons senti qu'il y a de très fortes tensions dans le monde agricole, je voulais simplement faire une photographie de la situation et de la manière dont le défi de l'exportation est ressenti. Je vous livre une matière première, et je laisse chacun apprécier ce qui peut constituer des avantages ou des inconvénients pour l'économie française ou certaines circonscriptions.
J'ajoute qu'on parle de contingents négociés de 67 000 tonnes pour la viande bovine avec le Canada et de 18 000 tonnes pour la volaille dans le cadre du Mercosur – je cite des ordres de grandeur –, alors que l'enjeu du Brexit est d'un million de tonnes pour le secteur de la volaille, soit l'équivalent de l'ensemble de la production française, dont je rappelle qu'elle est la plus chère d'Europe. Il n'y a pas que les accords commerciaux dont nous avons déjà eu l'occasion de débattre : le Brexit constitue une véritable bombe à retardement qui peut totalement déstabiliser la production française et, plus généralement, européenne. Je souhaitais aussi émettre ce signal d'alerte à travers mon rapport.
Notre commission a prévu d'organiser, le 29 octobre prochain, une table ronde sur la manière dont l'administration française se prépare à faire face au Brexit. Nous souhaitions qu'une deuxième table ronde porte sur certaines filières particulièrement exposées, mais ce n'est pas possible pour des raisons de calendrier. Il faudra organiser très vite une telle réunion, étant entendu que nous pourrons mieux mesurer l'impact économique lorsque nous connaîtrons les règles qui régiront le Brexit.
Merci de nous avoir apporté ces éclairages, Monsieur le rapporteur. Les crédits de la mission « Économie » seront examinés lors de notre prochaine réunion, après la présentation de l'avis sur les communications électroniques et l'économie numérique.
Informations relatives à la commission
Une mission d'information commune sur l'identité numérique a été créée avec la commission des lois. Mme Christine Hennion a été nommée rapporteure pour la commission des affaires économiques.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18 heures
Présents. – M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, M. Sébastien Cazenove, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, M. Daniel Fasquelle, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Antoine Herth, M. Sébastien Jumel, Mme Frédérique Lardet, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Didier Martin, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, Mme Sylvia Pinel, M. Vincent Rolland, M. Denis Sommer
Excusés. – Mme Anne Blanc, M. Dino Cinieri, M. Guillaume Kasbarian
Assistaient également à la réunion. – Mme Valérie Rabault, M. Cédric Roussel