À la lecture de ce projet de loi de finances, plusieurs éléments ont suscité mon étonnement. Le premier sujet, c'est que, cette année tout comme l'année dernière, le décalage entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission « Outre-mer » se pérennise. Il en résulte une baisse regrettable des crédits de paiement de 100 millions d'euros par rapport à 2019 : ce sont autant de projets de routes, d'infrastructures ou de systèmes de télécommunications non réalisés. Cela serait dû notamment à des retards liés à un manque d'ingénierie chez les acteurs publics territoriaux et aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales pour apporter les cofinancements prévus. Alors que ces territoires souffrent d'un déficit chronique d'investissement, il est impératif de permettre l'utilisation pleine et complète des crédits à disposition des outre-mer. Celle-ci ne pourra avoir lieu qu'avec un renforcement de l'accompagnement des collectivités territoriales, notamment en ce qui concerne l'ingénierie. Malheureusement le manque de moyens attribués à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), que le groupe Libertés et Territoires n'avait pas manqué de relever au moment des débats précédant sa création, laisse craindre que cette situation ne se renouvelle en 2020.
Autre problème : à l'instar de la mission « Cohésion des territoires », la mission « Outre-mer » s'illustre par son manque d'ambition en matière de logement social. En 2019, la ligne budgétaire unique consacrait 226 millions d'euros à la construction ou à la rénovation des logements, montant qui ne permettait pas de tenir l'objectif fixé de dix mille logements rénovés ou construits par an dans les outre-mer. Pourtant, pour 2020, le Gouvernement a acté une nouvelle diminution, et 215 millions d'euros seulement seront consacrés à l'action « Logement ». Aussi ce budget nous fait-il craindre de nouvelles difficultés pour atteindre les objectifs fixés en matière d'accession au logement et d'éradication de l'insalubrité.
Enfin, au-delà des seuls crédits de cette mission, d'autres dispositions de ce projet de loi de finances nous laissent sceptiques : je pense en particulier à l'écotaxe sur les billets d'avion, qui sera mise en place à compter de l'année prochaine sur les vols au départ de la France, à l'exception de ceux à destination de la Corse et de l'outre-Mer.
En séance, le Gouvernement a souhaité préciser que le dispositif n'entrerait en vigueur qu'un mois après avoir reçu un avis de la Commission européenne le validant comme conforme au droit de l'Union européenne. Deux situations seront alors possibles : soit la Commission européenne délivre un avis non conforme et, dans ce cas, nos concitoyens corses et ultramarins devront-ils s'acquitter de cette taxe, alors qu'il n'existe aucune alternative de transport ? Soit l'avis de la Commission est conforme et, dans ce second cas, qu'a prévu le Gouvernement pour dédommager les Corses et les Ultramarins du surcoût de leurs billets dans l'intervalle de temps que l'Union européenne aura mis pour statuer ?