Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du mardi 29 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une augmentation des crédits et des emplois de l'ensemble des programmes de la mission « Justice ». Le montant des crédits demandés pour 2020 atteint près de 9 milliards d'euros en AE – autorisations d'engagement – et 9,4 milliards d'euros en CP – crédits de paiement – , le plafond prévisionnel d'emplois passant à 88 011 équivalents temps plein travaillés, ce qui correspond à un relèvement de 1 520 emplois de l'autorisation de recrutement.

Cette évolution des crédits et des emplois, certes positive, marque toutefois un décrochage par rapport aux engagements pris dans le cadre de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Celle-ci prévoyait en effet, pour l'exercice 2020, la création de 1 620 emplois et l'inscription en loi de finances initiale de près de 400 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement.

En somme, en six mois, le Gouvernement a changé de pied. Un tel écart pose un énorme problème de crédibilité pour la parole gouvernementale. Quant aux explications qui nous ont été fournies, elles suscitent des interrogations sur la capacité du Gouvernement à prévoir. Sans compter que nous doutons de la possibilité de financer réellement ces augmentations de postes avec une évolution quasi nulle de la masse salariale. Nous craignons donc qu'il s'agisse là, une nouvelle fois, d'une mesure d'affichage à des fins de communication gouvernementale et que l'on ne retrouve pas la même augmentation en exécution budgétaire en 2020.

Par ailleurs, nous l'avons dit en commission, le caractère pertinent de la budgétisation de certains postes de dépenses, comme les frais de justice et l'aide juridictionnelle, ne va pas de soi. Les indicateurs fournis à l'appui de la programmation offrent peu de perspectives d'une amélioration significative des performances du service public de la justice en 2020.

En tant que rapporteur spécial, je tiens à insister de nouveau sur un certain nombre de recommandations, qui ne sont, hélas, généralement pas suivies.

Tout d'abord, il conviendrait de veiller au respect le plus strict des engagements relatifs aux crédits et aux emplois pris dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice. Sinon, à quoi tout ce travail a-t-il servi ?

Ensuite, il faudrait s'assurer de l'accroissement effectif de la capacité d'accueil des établissements pénitentiaires et mener à bien les opérations immobilières annoncées en application du plan de construction de 15 000 places, même si nous avons bien compris qu'il faudra au minimum deux quinquennats pour atteindre cet objectif.

En outre, il serait bon d'évaluer l'impact exact de la réforme de l'organisation judiciaire et des réformes procédurales censées diminuer les délais de jugement. Là encore, nous disposons de peu d'éléments accréditant ce qui nous est proposé. Il s'agirait notamment de veiller au maintien d'un socle de crédits suffisant, afin de prévenir un nouvel alourdissement des restes à payer en matière de frais de justice – c'est un sujet récurrent.

De la même manière, nous proposons de repenser le dispositif de l'aide juridictionnelle afin d'assurer une meilleure régulation de la dépense et la viabilité de son financement à moyen et long termes, qui n'est pas assurée par le projet de loi de finances pour 2020.

Enfin, il conviendrait de poursuivre la mise en oeuvre de la transformation numérique du ministère de la justice et d'en évaluer précisément les effets sur l'efficience du système judiciaire.

En ma qualité de rapporteur spécial, je constate, comme les années précédentes, que les annonces ne débouchent pas sur des réalisations suffisamment probantes.

En conclusion, alors que j'étais plutôt enclin à préconiser l'abstention, les débats en commission des lois et en commission des finances ont mis en lumière de nouvelles questions, auxquelles nous avons reçu plutôt des non-réponses que des réponses précises.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.