En préparant mon intervention, je me suis demandé s'il fallait se féliciter d'un budget de la justice en hausse, s'indigner du non-respect des engagements de la loi de programmation ou relativiser la hausse et constater une nouvelle fois que, l'argent étant le nerf de la guerre, Bercy avait la main sur la justice.
Néophyte en la matière, je me suis demandé ce que pouvait être un bon budget de la justice. La thèse eût été que ce serait un budget permettant un égal accès de tous à la justice, garantissant des conditions de traitement identiques, grâce à la mise en place des moyens nécessaires pour permettre à l'ensemble des juridictions de répondre à la demande légitime de chacun de nos concitoyens. Ce serait un budget qui permettrait en outre la conduite d'une véritable politique pénale en adéquation avec les maux de notre société : la réponse forte d'un État fort. Ce budget serait également prospectif, de manière à éviter les écueils du passé et à construire la justice du XXIe siècle. Tel est le budget dont vous rêvez, j'en suis convaincu, madame la garde des sceaux, celui que nous voulons, celui qui aurait permis de mettre en adéquation la volonté affirmée du Président de la République de faire de la justice une priorité et la réalité à laquelle vous êtes confrontée et que nous subissons tous. Ce budget, nous l'aurions voté à l'unanimité.
L'antithèse serait un budget élaboré par des comptables, ne prenant pas en considération les engagements passés, quand bien même ceux-ci dateraient de moins de six mois et auraient été gravés dans le marbre par l'adoption d'une loi de programmation ; un budget résultant d'une politique globale ne prenant pas la mesure des responsabilités de l'État ; un budget ne distinguant pas pouvoir régalien et intervention de l'État ; un budget aveugle à la judiciarisation de notre société, sourd aux cris venus de nos prisons, ignorant la hausse de la délinquance faute de véritable politique pénale ; un budget de renoncement ; un budget ne protégeant pas la victime ; un budget ne donnant pas les moyens de poursuivre une politique pénale ferme et cohérente ; un budget ne permettant pas l'exécution des peines ; un budget écartant toute notion de réinsertion dans la sanction.
Du tout, vous avez finalement fait la synthèse.