Intervention de Antoine Savignat

Séance en hémicycle du mardi 29 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

Vous nous proposez un projet de budget en hausse de 205 millions d'euros, soit 2,8 % en crédits de paiement, et la création de 1 520 emplois, dont 1 000 pour l'administration pénitentiaire ; un projet budget dont, à vous écouter, nous devons nous féliciter. Mais, derrière les habiles présentations, il existe une réalité qui ne peut nous inviter qu'à relativiser cette impression.

Lors de l'examen de la loi de programmation, vous affirmiez que les engagements seraient tenus et invoquiez, pour preuve de votre détermination, le fait qu'aux termes de la loi, aucune modification ne pourrait intervenir avant la fin de l'année 2021. À l'époque, j'avais eu l'outrecuidance de faire observer que Bercy seul déterminait ce que serait la justice du XXIe siècle. J'aurais tellement aimé que vous puissiez me démontrer que j'avais tort. Si seulement les 400 millions supplémentaires annoncés avaient été au rendez-vous. Vous me répondrez qu'ils viendront, que les projets annoncés sont décalés dans le temps et non abandonnés.

Soit ! Mais si, à ces habiles reports, on ajoute le fait que, sur les 205 millions supplémentaires, 83 millions proviennent de la réaffectation de fonds antérieurement versés au CNB, le Conseil national des barreaux, pour l'aide juridictionnelle – ce qui, soit dit en passant, relativise l'augmentation de seulement 60 millions des crédits de l'aide juridictionnelle – , et si par ailleurs on prend en compte le fait que les crédits de paiement servent à la fois à régler les dépenses courantes et les engagements passés, la hausse du budget ne devient plus qu'hypothétique. En effet, la différence entre les engagements de 2019 et les crédits de paiement laisse présager que les crédits de 2020 seront pour partie absorbés par les engagements antérieurs.

Si l'on considère que la justice de demain sera celle des engagements d'aujourd'hui, l'inquiétude ne peut que grandir, car alors la hausse n'est plus que de 0,67 %. On constate entre autres une baisse de 45,61 % des investissements pour la justice judiciaire, de 3,35 % du fonctionnement de l'administration pénitentiaire, de 2,51 % de la conduite et du pilotage de la politique de la justice. Alors, on se demande si, pour vider les prisons, vous n'avez pas pris le parti de ne plus donner aux parquets les moyens d'engager des poursuites et si, pour désencombrer les tribunaux, vous n'avez pas choisi de ne plus en faciliter l'accès, le support à l'accès au droit et à la justice voyant son budget grevé de 20,43 %.

Oui, vous faites un effort pour l'administration pénitentiaire, mais aviez-vous réellement le choix ? Où sont les places de prison annoncées et tant attendues ? Les objectifs à atteindre en matière de détention à domicile, placement extérieur et semi-liberté laissent légitimement à penser que la baisse du taux d'occupation des prisons se fera par le renoncement de l'État à mener une politique pénale ferme, plus que par la création de places de prisons.

La justice, c'est la paix, et celle-ci a un coût. Vous le savez puisque vous augmentez le budget du CSM – le Conseil supérieur de la magistrature – de 22,63 %.

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