Intervention de Alain David

Séance en hémicycle du mardi 29 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain David :

Un SOS a été lancé en 2016 à propos du budget de la justice, le garde des sceaux d'alors, Jean-Jacques Urvoas indiquant qu'elle était « en voie de clochardisation », une façon, pour lui, de mettre le sujet sur la table.

Le budget alloué au ministère de la justice pour 2020 s'élève à 7,5 milliards hors charges de pensions, soit une hausse de 2,8 % par rapport à la loi de finances pour 2019. C'est la troisième année consécutive que ce budget augmente, la moyenne des augmentations étant de 3,7 % sur cette période. Ce taux doit être rapproché de ceux constatés par le passé, toutes majorités confondues : Jacques Toubon avait obtenu une hausse du budget de 1,6 % puis de 6,4 %, et Christiane Taubira, entre 2013 et 2017, une augmentation de 8,5 %. La tendance s'est poursuivie en 2018, l'augmentation étant de 12,3 % par rapport à 2013. J'ai rappelé ces chiffres pour démontrer que la loi de programmation budgétaire 2018-2022 et de réforme pour la justice ne constitue pas un changement radical par rapport à la politique menée depuis des années par les gouvernements successifs.

Cette politique apporte une réponse mesurée à un problème qui continue, hélas, de se poser. Le présent budget entérine les réformes adoptées dans le cadre de la loi de réforme pour la justice : une nouvelle politique des peines et de réinsertion, avec la promotion du prononcé de peines alternatives à l'emprisonnement, l'amélioration des délais de prise en charge des mineurs et de leur accompagnement, la transformation numérique, le plan prison et la construction de centres éducatifs fermés. Le réseau dédié à l'accès au droit serait développé, grâce à la présence de conciliateurs de justice dans les maisons France service – des bénévoles qu'il vous faudra trouver, madame la garde des sceaux.

Le débat sur le projet de budget doit cependant s'appuyer sur une lecture attentive du rapport de la Cour des comptes, opportunément demandé par les commissaires aux finances et remis début 2019. Ce rapport traite de l'organisation et de l'allocation des moyens de la justice. Il met en évidence les dysfonctionnements et constate surtout que l'administration du ministère n'est pas en mesure d'établir un budget solide, en l'absence d'outils fiables lui permettant d'orienter les efforts. Il comporte trois remarques essentielles.

Premièrement, malgré l'augmentation des crédits budgétaires, la situation se dégrade. Au demeurant, selon les données du Conseil de l'Europe, les juridictions françaises bénéficient d'un effort budgétaire moindre par rapport aux États européens comparables, malgré la hausse significative de ces dernières années.

Deuxièmement, l'administration du ministère ne dispose pas de tous les outils de connaissance et de pilotage nécessaires. Nous l'avons constaté s'agissant de la justice des mineurs, et rappelé dans le cadre de la mission d'information sur la justice des mineurs, dont Jean Terlier fut président et le rapporteur, et Cécile Untermaier corapporteure. Ceux-ci, en l'absence de tout élément statistique et qualificatif, n'ont pas pu déterminer quelle était l'utilité d'un passage en CEF – centre éducatif fermé – pour la réinsertion d'un enfant. Pourtant, le budget pour 2020 fait référence à la création de 20 CEF.

Troisièmement, les méthodologies adoptées par les juridictions administratives pourraient inspirer les juridictions judiciaires françaises. Le magistrat administratif est soumis à une norme d'activité qui permet d'apprécier le temps de travail nécessaire et les effectifs disponibles. Nous légiférons sans vraiment connaître l'activité judiciaire. La seule certitude partagée, fondée sur les standards européens, est que nous ne nous trompons pas en augmentant globalement les crédits.

Concernant le programme 101 « Accès au droit et à la justice », la politique en la matière doit permettre à toute personne d'avoir connaissance de ses droits et de les faire valoir, quelle que soit sa situation sociale ou son domicile. Cette politique doit associer l'État, les collectivités locales, le milieu associatif et les milieux du droit. Les conseils départementaux de l'accès au droit et les points d'accès au droit doivent être développés dans tous le territoire – actuellement, seuls 97 tribunaux sur 164 disposent de tels points d'accès.

Dans ce contexte, nous ne nous expliquons pas, madame la garde des sceaux, que vous affirmiez que l'accès au droit ne nécessite pas davantage de crédits, ni que vous soyez réticente à mettre en oeuvre les dispositions de soutien à cette politique prévues dans la loi de 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, …

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