Intervention de Muriel Ressiguier

Séance en hémicycle du mardi 29 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Enseignement scolaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Ressiguier :

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez déclaré : « Un pays qui a confiance en son avenir investit massivement dans son école ». Qu'en est-il ? Le budget du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse s'élèvera l'année prochaine à 52,7 milliards d'euros contre 51,68 milliards cette année, soit une augmentation de 1 milliard.

Regardons de plus près ce que recouvre ce milliard. Environ 500 millions sont destinés à financer la progression d'ancienneté des fonctionnaires, ainsi que l'application de l'accord relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations – PPCR. Le doublement des primes en REP+, qui ne concerne qu'un petit nombre de personnes, devrait coûter environ 100 millions. La prise en charge des AESH sur le budget de l'éducation nationale est plus difficile à évaluer, mais elle représentait 200 millions en 2019. Enfin, on peut estimer à un peu moins de 100 millions le montant supplémentaire en faveur du service national universel, dont les effectifs passeront de 2 000 jeunes en 2019 à 40 000 en 2020.

Oublié, l'investissement massif pour l'école ! Le milliard est déjà presque dépensé. Alors que des voix s'élèvent dans tout le pays pour réclamer davantage de justice sociale et territoriale, vous persistez dans votre politique d'austérité. L'école de la République mérite tellement mieux !

Vous affirmiez une ambition renforcée pour le premier degré. Qu'en est-il ? Eh bien, la hausse de 1,3 milliard en 2018 et celle de 0,9 milliard en 2019 n'ont pas suffi à assurer le dédoublement annoncé des classes de maternelle et de primaire, malgré votre choix de redéployer des emplois du second degré vers le premier degré.

Vous annonciez le maintien des moyens d'enseignement dans le second degré et le renforcement de l'attractivité des métiers de l'éducation. Qu'en est-il ? La suppression de 440 emplois d'enseignants en 2020 porte à 6 290 les suppressions sur les années 2018, 2019 et 2020. Or, sur cette période, on estime que les effectifs d'élèves auront augmenté de 99 300.

Cette austérité pèse lourd sur les personnels et a des conséquences désastreuses sur les conditions d'étude des élèves. Les effectifs augmentent dans les classes ; les enseignants sont contraints d'accepter des heures supplémentaires ; le recours à des contractuels est en hausse ; malgré vos tentatives de rafistolage, de trop nombreux professeurs absents restent non remplacés, d'où un nombre important de cours non assurés aux élèves. Lassées d'être abusées, dix-neuf familles dont les enfants sont scolarisés au collège Colonel-Fabien, en Seine-Saint-Denis, préparent un recours devant le tribunal administratif pour « discontinuité du service public ».

Vous annonciez aussi une école pleinement inclusive. Qu'en est-il ? La rentrée est chaotique pour les AESH : on constate des problèmes d'édition de contrat ou de versement de salaire pour plusieurs centaines d'entre eux. Et il n'y a toujours aucune création de postes d'assistants sociaux, de psychologues de l'éducation nationale, de médecins scolaires, d'infirmiers, de conseillers principaux d'éducation, d'assistants d'éducation ou d'agents administratifs.

Vous indiquiez vouloir « accompagner les élèves dans leur choix par un renforcement du service public d'orientation », mais, dans les faits, vous le démantelez.

Vous annonciez « un budget à la visée profondément sociale ». Qu'en est-il ? Sous prétexte qu'ils ne sont pas utilisés en totalité, vous divisez par deux les crédits alloués aux fonds sociaux des établissements : passant de 59 à 30 millions d'euros, ils sont amputés de 29 millions. Ils sont pourtant destinés aux familles en difficulté, de plus en plus nombreuses, pour améliorer les conditions d'étude. Or, bien souvent, ces familles n'exercent pas ce droit, par pudeur ou par manque d'information.

Vous parliez de « sanctuarisation » des emplois du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Qu'en est-il ? Vous appliquez des mesures qui entraînent un mal-être grandissant chez les enseignants, le personnel pédagogique et les directeurs. Ils se retrouvent démunis et dans l'impossibilité d'assurer correctement leurs missions, ce qui pousse certains d'entre eux au désespoir, voire parfois au suicide.

Vous affirmiez traduire votre confiance dans la jeunesse de notre pays par la réforme des lycées. Qu'en est-il ? Votre réforme du bac et l'instauration du contrôle continu touchent de plein fouet les élèves : elle crée une inégalité des chances, puisque le diplôme n'aura désormais plus la même valeur selon l'établissement dans lequel il sera obtenu. Sortir du déterminisme social relève désormais de l'exploit.

Le décalage entre vos paroles et vos actes est criant. Reconnaissons cependant que vos choix politiques ont le mérite d'être clairs : vous développez une philosophie de l'éducation compétitive et libérale, avec en ligne de mire l'employabilité seulement. Vous formerez à l'avenir non plus des citoyens émancipés, mais des employés, destinés à servir votre « start-up nation ».

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