Pour atteindre les objectifs d'une école véritablement émancipatrice, nous devons donner à l'éducation nationale les moyens de son ambition et apporter aux élèves, aux parents et à la communauté éducative des réponses concrètes, en phase avec leurs questionnements.
Le projet de budget que vous nous présentez, en augmentation, reste, à 0,7 point de PIB, en deçà du pourcentage moyen investi dans l'éducation par les onze pays d'Europe comparables au nôtre. Pourtant, nous le savons, notre système doit encore progresser pour alléger le poids que l'origine sociale et géographique fait peser sur la réussite, l'orientation et l'accès aux diplômes, et offrir à chacun la possibilité de se tracer un chemin éclairé, ambitieux et porteur d'espoir. Cependant, malgré ce bel objectif, le métier d'enseignant n'est toujours pas considéré comme attractif.
Les chiffres que vous nous donnez ne traduisent qu'une partie de la réalité : une augmentation de 1,2 milliard d'euros, certes, mais dont 323 millions d'euros affectés à la masse salariale, 435 millions dédiés au GVT, 300 millions liés aux mesures relatives au PPCR prises par la majorité précédente, 60 millions au titre de la revalorisation des personnels en REP+, une augmentation conséquente, de 11 millions d'euros, des heures supplémentaires, sans parler des 30 millions pour le SNU – service national universel – , dont nous ne voyons pas l'intérêt.
Nous sommes en désaccord sur plusieurs points.
Pour revaloriser les métiers de l'éducation, nous formulons des propositions concernant les grilles de carrière et vous demandons de faire évoluer la valeur du point d'indice. Le système consistant à toujours augmenter les primes, les indemnités – assez inégalitaires – ou les heures supplémentaires, dont beaucoup d'enseignants ne veulent pas n'est pas une bonne réponse, pas plus que le recours aux contractuels sous couvert d'une réforme de la fonction publique et de passerelles permettant le passage du public au privé.
L'augmentation insuffisante de 444 postes dans le primaire pose de nouveau la question du redéploiement que vous opérez, tout comme le fait que ces moyens ne peuvent permettre d'étendre les dédoublements, mesure phare du Gouvernement, à l'ensemble des territoires afin de prendre en considération l'ensemble des élèves les plus en difficulté, ni d'absorber les 26 000 élèves supplémentaires qui devraient rentrer à l'école. Il reste en France 90 000 classes de plus de vingt-cinq élèves.
Et puis, comme le montre l'amplification du débat sur les accompagnements des sorties scolaires, il faut donner aux chefs d'établissements les moyens d'organiser l'ensemble du continuum pédagogique. La place des parents ne peut être réduite par le ministre à une controverse sur le port du voile. Toute la laïcité, mais rien que la laïcité.
Dans le second degré, environ 2 600 postes ont été supprimés en 2019, et 440 le seront en 2020, malgré l'annonce d'une augmentation des effectifs. La baisse démographique au collège doit justement nous permettre d'améliorer les conditions d'apprentissage dans toutes les classes et d'augmenter le nombre d'adultes présents aux côtés des élèves pour les accompagner dans des moments délicats et essentiels de leur parcours – passage du primaire en collège, choix de l'orientation, décrochage scolaire – ou pour mettre en place des activités artistiques.
Au lycée professionnel, 685 postes disparaissent entre 2019 et 2020. Le réaménagement des horaires par l'intermédiaire de la réforme diminue globalement les grilles horaires des enseignements généraux et les réorganisent. Ces postes sont pourtant essentiels à la réussite et à l'égalité des chances. Le décalage entre les budget annuels que nous votons et la réalité de l'année scolaire gêne l'analyse des chiffres.
Dans l'enseignement agricole, que nous nous accordons tous à défendre, on note la suppression d'une quarantaine de postes malgré une augmentation d'effectifs à cette rentrée, et un objectif de 20 000 élèves supplémentaires fixé par le ministre de l'agriculture.
Quant à la formation des enseignants, elle permet selon nous la construction d'une culture commune, qui pose l'enjeu de la démocratisation scolaire. Pour cela, elle doit se nourrir de travaux scientifiques et surtout s'appuyer sur la légitimité des enseignants, leur permettre de faire des choix éclairés en fonction d'un contexte pédagogique et personnel, et leur donner le temps nécessaire à des échanges sur leurs pratiques.
Vous avez créé par décret, contre l'avis unanime du comité technique ministériel, une allocation de formation pendant les périodes de vacance des classes, afin de répondre aux besoins didactiques liés aux nouveaux enseignements induits par la réforme du bac. Sur ce point, vous êtes bien loin de la demande des enseignants !
Nous sommes nombreux sur ces bancs à vous demander de prendre en compte les besoins immenses en matière de la médecine scolaire. Le milieu social des jeunes pèse en effet sur leur capacité à s'intégrer dans notre système scolaire et à s'y épanouir. La santé dans toutes ses dimensions est un facteur déterminant de la réussite.
Nous avons souligné l'effort consenti en direction des personnels AESH, sur lequel notre collègue Christophe Bouillon avait fortement insisté l'an dernier, mais nous pensons qu'il faut allouer des moyens supplémentaires à leur formation, en relation avec celles des autres personnels, afin de créer de véritables équipes.
Enfin, nous vous avons interrogé en commission sur certaines baisses de budget relatives aux crédits de fonds sociaux et de vie lycéenne. Vous avez allégué la sous-utilisation des crédits, ce qui pose question : au moment où l'on constate que, malheureusement, la pauvreté ne diminue pas dans notre pays et que les inégalités explosent, il est incompréhensible que les mesures et les moyens dédiés à ceux qui en ont le plus besoin ne soient pas mobilisés. Il y a là une responsabilité collective que nous portons tous.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas pour les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».