Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du vendredi 27 octobre 2017 à 9h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Article 14

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Monsieur Dharréville, vous avez raison, je n'ai pas totalement répondu à votre question. Effectivement, le problème est complexe. Vous avez cité le cas de l'Égypte, mais ce pays fait souvent appel à des génériques, ce que nous ne pouvons pas faire pour de multiples raisons.

Quant aux prix en Europe, ils sont éminemment différents en prix faciaux, mais tous les « grands pays » négocient des remises. Les prix faciaux correspondent à ce que l'industrie négocie, de façon à ce que l'on soit dans le cadre du « corridor européen », ce système dans lequel les prix sont harmonisés en Allemagne, Italie, Espagne, France et Angleterre. Nous n'avons effectivement aucune transparence sur les remises, et beaucoup de pays ne souhaitent pas rendre celles-ci transparentes, car ils ont toujours l'impression de mieux négocier que le pays voisin.

Malheureusement, le prix se fixe d'abord aux États-Unis où, une fois que l'AMM est octroyée, il n'y a pas d'instance de régulation, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'agence fixant la valeur ajoutée du produit. Le prix est déterminé par une négociation directe entre l'industriel et les compagnies d'assurances. C'est l'une des raisons pour lesquelles le prix des assurances explose au fil des années aux États-Unis – les compagnies d'assurance prennent en compte des prix exorbitants. De plus, aux États-Unis le prix du médicament intègre les coûts liés à la publicité. Quiconque voyage aux États-Unis sait que les médicaments font l'objet de publicités à la télévision, qui coûtent des fortunes aux industriels.

Je souhaiterais que l'Europe puisse négocier des prix sans tenir compte du prix américain, mais les industriels exercent des pressions intenses sur le marché de tel ou tel pays européen.

Quand le Royaume-Uni s'oppose à des prix trop élevés, il n'accède pas aux médicaments. Ainsi, dans le domaine de la cancérologie, les patients britanniques n'ont pas accès à au moins vingt-cinq médicaments très utiles que nous avons en France. On observe donc une médecine à deux vitesses : en Angleterre, soit le médicament anticancéreux figure dans la liste du Cancer Fund et il est alors accessible aux malades ; soit il n'y figure pas, parce qu'il est trop cher, et il n'est pas accessible aux patients, à moins que ces derniers soient fortunés et aillent l'acheter en Suisse. Cela explique pourquoi le taux de survie des patients britanniques après un cancer est 10 % inférieur à celui des patients français.

Tant que nous négocions pays par pays, notre marge de manoeuvre est donc relativement faible : du fait de la petite taille des marchés nationaux, les industriels gardent en partie la main sur les négociations.

Différentes pistes sont possibles. Nous pourrions d'abord remettre en cause le fait que le prix d'un nouveau médicament soit systématiquement supérieur au prix du médicament précédent, quelle que soit sa valeur ajoutée intrinsèque. C'est un vrai sujet aujourd'hui : le mode de fixation des prix des médicaments est inflationniste car, même lorsque la valeur ajoutée du produit est très faible – deux mois de survie supplémentaires – , nous n'avons aucun moyen d'établir un prix inférieur à celui du produit précédent.

Voilà donc différentes pistes de travail. Vous pouvez compter sur moi pour faire avancer les choses.

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