Intervention de Françoise Dumas

Séance en hémicycle du mercredi 30 octobre 2019 à 15h00
Condamnation de l'offensive militaire turque dans le nord-est syrien — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Les Américains ont aussi tenu leur rôle. En apportant une aide décisive en matière de commandement et de logistique, ils furent la colonne vertébrale de cette coalition.

En dépit des succès militaires, la guerre contre le terrorisme n'était cependant pas définitivement gagnée, et la récente mort du chef de Daech, Al-Baghdadi, n'y change rien. Il existe dans la région de nombreuses cellules et l'expansion de Daech continue en Afrique : au Mali, au Burkina Faso, en Somalie, et plus récemment au Mozambique.

Pour éradiquer le terrorisme, après avoir gagné la guerre, il nous fallait maintenant gagner la paix par la stabilisation et la reconstruction de la région. Ce sont ces cinq dernières années d'efforts en ce sens qu'a balayées l'intervention turque, en remettant en cause la stratégie qui était la nôtre. Cette attaque contre le territoire syrien a été autorisée par les États-Unis et l'annonce de leur retrait.

L'intervention turque suscite de nombreuses interrogations. D'abord celle du devenir des Kurdes, nos frères d'armes. On dénombre déjà près de 300 000 déplacés et le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme est en train de documenter toute une série d'exactions commises à leur encontre, dont nombre constituent des crimes de guerre. La perspective d'une région autonome au nord-est de la Syrie, avec un gouvernement majoritairement kurde, est sérieusement compromise.

La deuxième question est celle du renforcement de Daech. Les Forces démocratiques syriennes – FDS – jouaient un rôle très actif, épaulées par les Occidentaux, dans la lutte contre les cellules de Daech ; les miliciens kurdes contrôlent toujours des prisons où sont enfermés les combattants djihadistes capturés dans les combats de libération de leur territoire. L'attaque turque remet ces acquis en question et on assiste déjà à des évasions. Est-il réaliste de compter sur Bachar al-Assad pour combattre les djihadistes ?

Notre action contre Daech va devenir beaucoup plus difficile, puisqu'elle devra être conduite sans l'appui de forces locales et depuis le territoire irakien. Le principal bénéficiaire de nos divisions au sein de l'OTAN est la Russie. Face à ce fiasco, que pouvons-nous faire ? Nous ne pouvons pas nous contenter du statut quo actuel, avec une partie de la Syrie occupée par les Turcs et des millions de déplacés et réfugiés.

Nous avons déjà pris des mesures, dont la plus visible est l'embargo sur la livraison des armes à la Turquie. Il nous faut continuer – c'est un impératif moral – à plaider la cause des Kurdes dans le cadre d'un futur règlement politique.

II nous faudra encore, dans la lignée des objectifs du Président de la République, construire une autonomie stratégique de défense européenne. Nous ne pouvons continuer à subir les décisions d'alliés contraires à nos intérêts stratégiques.

Mais pour être écoutés, il nous faut aussi être en mesure d'agir. C'est ce que je vous prie de ne pas oublier dans quelques instants, mes chers collègues, au moment de voter les crédits de la mission « Défense ».

Pour conclure, je voudrais à mon tour vous féliciter, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, chère Marielle de Sarnez, pour votre belle initiative. Vous nous avez permis de connaître un beau moment républicain d'unanimité, et de fraternité avec le peuple kurde. Je vous en remercie vivement.

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