Intervention de Frédéric Petit

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 9h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit, rapporteur pour avis (Diplomatie culturelle et d'influence) :

Je vais tâcher de répondre aux questions dans l'ordre où elles m'ont été posées.

Oui, madame Cazebonne, la formation des enseignants de français en dehors du réseau strict de l'AEFE est prévue. Il y a deux ans, les personnes chargées du développement du réseau, au sein de l'AEFE, n'étaient pas plus de trois et elles figuraient à peine dans l'organigramme. Depuis, l'AEFE s'est dotée d'un service d'appui au développement du réseau (SADR), avec un cadre et une équipe. Sur les 25 millions d'euros supplémentaires attribués à l'AEFE, plusieurs millions sont fléchés sur la formation, y compris à destination du LabelFrancÉducation et du programme de consolidation du FLAM, à l'extérieur du réseau.

Vous avez également parlé des zones de conflit. J'aimerais, à cet égard, évoquer un de nos partenaires de premier plan : le CNED. Il ne fait pas partie du programme 185, mais il a développé des outils et des expériences absolument magnifiques. Le nouveau président du CNED a d'ailleurs déclaré qu'avec un directeur et huit répétiteurs, il était capable de créer une école dans un pays en guerre, par exemple en Libye, et d'y former des enfants qui pourront s'intégrer au réseau français. Le CNED a monté à Izmir un projet épatant : ses élèves étudient dans la médiathèque de l'Institut français et vont, une fois par trimestre, passer une semaine au lycée français d'Istanbul, accueillis dans des familles françaises. Je rappelle aussi que nous avons créé trente et un nouveaux lycées l'année dernière, que nous comptons 15 000 nouveaux élèves dans le réseau et que le LabelFrancÉducation regroupe désormais 393 établissements au lieu de 56 en 2014. Tous ces chiffres témoignent d'une dynamique nouvelle.

Je ferai une réponse globale sur l'Institut français et les alliances françaises, dont plusieurs d'entre vous ont parlé, dont mon collègue Lecoq. Je rappellerai d'abord qu'une alliance française est une association de droit local indépendante ; je connais même une alliance française qui a préféré ne pas arborer le drapeau français pour ne pas apparaître comme une succursale de l'ambassade de France. Parmi les 839 alliances françaises, certaines sont conventionnées : cela ne veut pas dire qu'elles touchent de l'argent – les alliances françaises ne coûtent rien au contribuable –, mais elles ont le droit à une animation, en la personne d'un directeur régional envoyé par le ministère.

Monsieur Herbillon, vous demandez comment nous allons créer dix nouvelles alliances françaises par an sans leur consacrer davantage d'argent, mais cette question ne se pose pas. Le secrétaire général de la Fondation Alliance française a dit clairement que le développement de ce réseau n'est pas une affaire d'argent public – cela ne l'a jamais été. Les alliances françaises ont plus de cent vingt ans : elles existaient avant l'instauration de l'impôt sur le revenu…

Vous m'interrogez également sur l'articulation des alliances françaises et de l'Institut français. La Fondation des alliances françaises compte sept salariés, qui ne sont pas tous à plein-temps et qui sont payés par leurs adhérents. L'Institut français, quant à lui, compte 250 salariés, payés par le contribuable. L'articulation de ces deux structures est une véritable bouteille à l'encre : une réforme a été lancée, qui n'a pas abouti. Il reste beaucoup à faire pour créer une tête de réseau : il faut faire ce qui a été fait pour l'AEFE. Ce travail est en cours, on commence à se parler ; il faudra certainement élaguer l'organigramme de l'Institut français de Paris, car certains postes relèvent davantage du ministère de la culture que du rayonnement de la culture française dans le monde.

Monsieur Lecoq, les 2 millions d'euros dont vous parlez ont été attribués à l'Institut français en 2019 pour des tâches très précises : l'informatisation et le rassemblement de plateformes, qui ont été réalisées. Ce n'est pas Bercy, mais la direction générale de la mondialisation (DGM) du ministère des affaires étrangères qui a décidé de ne pas reconduire ces crédits qui n'apparaissaient plus nécessaires.

M. Michel Herbillon m'a également interrogé au sujet d'Atout France et je profite de sa question pour saluer l'action de cet opérateur. La petite baisse de budget que l'on constate est due en partie à une compensation.

Le plan francophonie est un plan énorme, qui représente quelque 200 millions d'euros. On a lancé l'an dernier, grâce à l'Institut français, un certain nombre de projets précis, dont la mise en commun de plateformes digitales. Le plan francophonie est en cours de réalisation, mais la grande difficulté va consister à créer des liens avec les autres ministères.

M. Michel Fanget m'a interrogé sur le rôle des parlementaires dans le programme 185. J'aurais pu les mentionner car, pour moi, ils font partie de la société civile. C'est ce que j'appelle l'« interparlementaire » : c'est le travail que nous faisons, en tant que députés des Français de l'étranger, et c'est un travail absolument déterminant. Je vous encourage tous, lorsque vous voyagez, à ne pas vous limiter à visiter nos postes diplomatiques et culturels, mais aussi à voir ce que font les communautés françaises sur place. C'est parfois assez extraordinaire : Le Malade imaginaire a par exemple été joué il y a quinze jours à Bratislava, en français, par une association locale. Et cela n'a pas coûté plus de 500 euros à la collectivité.

M. Alain David a posé une question fondamentale, à savoir : qu'est-ce qu'un réseau ? Il est vrai que le mot est souvent utilisé à tort et à travers. Dans l'administration, le réseau est la forme dégradée de l'administration centrale : quand on n'a pas les sous, on fait un réseau… Ce n'est pas ça, un réseau. C'est d'abord le réseau diplomatique, c'est-à-dire l'ensemble des gens placés sous le plafond d'emplois du ministère des affaires étrangères sur l'ensemble de la planète. Mais il y a aussi le réseau de l'AEFE, dont le budget n'est pas de 408 millions, monsieur Meyer Habib, mais de 2,5 milliards d'euros, et qui sert à financer plus de 500 lycées. Sur ces 2,5 milliards, le budget de l'AEFE, en tant que structure française, représente 1,2 milliard, dont 400 millions seulement de subventions : le reste est payé par les États qui abritent les établissements. Le gouvernement de Viktor Orbán, par exemple, est peut-être très critiquable ; reste qu'il donne 100 000 euros par an au lycée français de Budapest, parce qu'il a envie d'avoir un lycée français à Budapest, ouvert aux Hongrois. Voilà ce que j'appelle le réseau.

Notre administration n'a pas les compétences nécessaires pour gérer un tel réseau, en termes de management. Les gens qui ont travaillé dans les affaires sociales, comme je l'ai fait pendant plusieurs années, savent que la gestion d'un réseau nécessite des compétences, qui ne sont pas exactement celles d'une administration centrale ou d'un ambassadeur. Il faut des compétences très spécifiques pour faire travailler sur un même sujet des partenaires qui ne sont pas équivalents. Il est clair qu'on ne fera pas la promotion de la francophonie sans l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), mais l'OIF prend ses propres décisions. Nous ne sommes pas les maîtres du jeu. Il faut donc trouver un moyen d'articuler les 200 millions de notre plan francophonie avec des partenaires qui ont leur propre pouvoir décision.

Si nous créons un vrai département chargé des ressources humaines au sein du ministère, l'une de ses fonctions sera aussi de former les gens qui ne font pas partie de l'administration, qui sont en dehors du réseau. C'est une tâche que l'Institut français, à Paris, remplit très difficilement aujourd'hui. Il est officiellement chargé de former tous les professeurs de français du monde, mais il le fait assez peu.

Vous avez dit, madame Frédérique Dumas, que le français a la réputation d'être une langue élitiste. C'est effectivement un problème et je pense que les bourses peuvent nous aider à le résoudre. Je suis favorable à la rigidité du système actuel : je sais que des bourses ont été détournées pendant de nombreuses années par certains. Il ne faut pas nous faire avoir. Mais je crois aussi qu'il faudrait redonner au conseil consulaire une marge de liberté pour intervenir dans certains cas particuliers – et pas seulement au bénéfice des Français de l'étranger –, notamment dans les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement.

Quant au trente-huit fermetures de postes dans les EAF, c'est un effet d'optique : nous avons fermé quatre EAF et les postes ont été redistribués ailleurs.

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