Examen, ouvert à la presse, d'avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2020 (n° 2272).
La séance est ouverte à 9 heures 35.
Examen pour avis des crédits de la mission Action extérieure de l'État :
– Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l'étranger et affaires consulaires (Mme Anne Genetet, rapporteure pour avis);
Mes chers collègues, nous entamons notre troisième et dernière séance d'examen des avis budgétaires dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020. Trois avis sont inscrits à notre ordre du jour de ce matin. Le premier porte sur la mission Action extérieure de l'État, dans sa partie consacrée à l'action diplomatique et consulaire, sur le rapport d'Anne Genetet ; le deuxième, également sur la mission Action extérieure de l'État, concerne la diplomatie culturelle et la francophonie, sur le rapport de Frédéric Petit. À l'issue de la discussion sur ces deux rapports, nous examinerons les amendements et les crédits afférents à la mission Action extérieure de l'État. Puis nous examinerons le troisième avis, sur la mission Aide publique au développement, sur le rapport d'Hubert Julien-Laferrière, avec une contribution de Jean-Paul Lecoq, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR). Nous terminerons avec les amendements et les crédits relatifs à cette mission.
Madame la présidente, j'aimerais que chacun sache à qui les avis que nous donnons seront communiqués et à quoi ils serviront. Je crois savoir que la commission des finances a déjà voté tous les crédits afférents. Je me demande donc quelle sera la suite réservée à nos avis. Comment seront-ils pris en compte par la commission des finances ? À l'occasion de quelle réunion ? Mais peut-être s'agit-il d'un coup d'épée dans l'eau, d'un travail qui ne sert à rien.
Comme vous le savez, monsieur Lecoq, il n'y a plus de commissions élargies – pas à notre demande, d'ailleurs : je trouvais que ce n'était pas si mal, même si cela prenait beaucoup de temps, car de notre côté nous jouions pleinement le jeu. Quoi qu'il en soit, nos avis seront évidemment pris en compte lors des débats dans l'hémicycle. Il est important que notre commission se saisisse pour avis de questions qui nous concernent. Après, bien sûr, il faut défendre haut et fort dans l'hémicycle les idées que nous exprimons en commission. Au-delà de cette question, il y aurait beaucoup à dire sur la marge de manoeuvre dont disposent les parlementaires concernant l'ensemble du budget : on voit bien qu'elle n'est pas toujours considérable, pour employer des mots choisis. Il n'empêche, je le répète, qu'il me semble important que nous exprimions notre point de vue sur des sujets qui nous concernent.
Je suis heureuse d'accueillir à la tribune Anne Genetet, notre rapporteure pour avis des crédits des programmes 105 et 151 de la mission Action extérieure de l'État, consacrés aux affaires diplomatiques et consulaires.
En 2020, les moyens de ces deux programmes budgétaires sont stables. Le Quai d'Orsay doit réaliser d'importants efforts pour tenir l'objectif fixé par le Premier ministre d'une réduction de sa masse salariale de 5,7 % d'ici à 2022. Les économies réalisées seront réaffectées vers de nouveaux projets dirigés vers l'action multilatérale de la France, la modernisation de l'administration consulaire et la diplomatie culturelle.
Madame la rapporteure, vous considérez que le ministère des affaires étrangères est « en équilibre précaire ». Selon vous, la performance de notre diplomatie, permise par le dévouement des personnels, ne doit pas conduire à la fausse conclusion selon laquelle il serait possible de renforcer les efforts demandés au Quai d'Orsay. Nous vous suivons sur ce point.
Vous approfondissez plusieurs aspects importants, dont celui de la féminisation du personnel diplomatique. Je rappelle que le Quai d'Orsay a fait l'objet, l'année dernière, d'une sanction de 450 000 euros pour non-respect des objectifs de primo-nominations féminines dans l'encadrement supérieur de l'État fixés par la loi « Sauvadet » de 2012. Le Quai d'Orsay a encore beaucoup de chemin à faire pour promouvoir des femmes à des postes à responsabilité et faire émerger des talents féminins, qui y sont pourtant nombreux.
En tout état de cause, nous pourrons revenir en détail sur ces questions de moyens lorsque vous nous présenterez avec Didier Quentin, le mercredi 13 novembre, votre rapport sur la mission flash dont nous avons a pris l'initiative sur l'audit et le contrôle des processus de gestion des postes diplomatiques.
Pour la troisième année de suite, il me revient de vous présenter les crédits du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde et du programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires de la mission Action extérieure de l'État.
Comme vient de le rappeler notre présidente, en 2020, les crédits globaux de la mission seront stabilisés, après avoir connu une baisse de près de 5 % cette année. C'est une bonne nouvelle. Je tiens à souligner que nous devons ce succès à l'engagement très fort de notre ministre, Jean-Yves Le Drian. Il est sans doute l'un des premiers ministres des affaires étrangères depuis bien longtemps à défendre aussi bien son budget.
Il est vraiment très impliqué dans la défense des intérêts de son ministère ; il n'y a aucun doute à ce sujet.
Les crédits du programme 105, qui regroupent les moyens de l'action diplomatique de la France proprement dite, augmentent très légèrement et traduisent deux priorités.
La première est la hausse des contributions européennes et internationales de la France : elles représentent les deux tiers des crédits du programme 105, hors masse salariale. Ces moyens supplémentaires viendront abonder plusieurs projets de sécurité collective et accroître la présence française dans les organisations internationales.
La deuxième priorité a trait aux travaux de maintenance immobilière, dont les crédits sont en augmentation de 7,5 millions d'euros. Cela permettra de mettre fin – je le souhaite en tout cas ; cela suffira-t-il ? l'avenir nous le dira – à l'approche court-termiste, que j'ai vivement combattue, consistant à multiplier les cessions immobilières pour entretenir le patrimoine restant, lequel se réduit comme peau de chagrin. Je voudrais insister sur le fait qu'une partie de notre patrimoine immobilier est le fruit de cadeaux qui nous ont été faits par des pays étrangers ; et un cadeau, ça ne se vend pas. L'exercice a donc ses limites. Pour avoir beaucoup visité de sites, je puis témoigner que l'état de certaines emprises devient véritablement indigne. Les montants consacrés à la rénovation, mêmes renforcés, restent à mon avis insuffisants : il faudra certainement en faire davantage pour prévenir la dégradation de long terme de nos emprises à l'étranger, dont je viens de parler.
Les crédits du programme 151, qui regroupe les moyens consacrés aux affaires consulaires, baissent très légèrement, mais ce phénomène est dû à la réduction de la dotation dédiée à l'organisation des élections : dans le PLF de l'année dernière, nous devions financer l'organisation des élections européennes, avec une dotation de 3 millions d'euros environ. Certes, il y aura encore une élection l'année prochaine, mais d'une ampleur moindre : il s'agira d'un scrutin local, quoiqu'à l'échelle du monde entier, puisque les 1,2 million d'électeurs inscrits choisiront les conseillers consulaires, c'est-à-dire les grands électeurs pour les élections sénatoriales qui auront lieu à la fin du mois de septembre 2020.
En revanche, comme le rappelait notre présidente, les moyens destinés à la modernisation de notre administration consulaire sont plus que doublés ; c'est très heureux. Ils viennent financer quatre grands projets que le ministère mène de front. Le premier concerne le vote par internet, qui représente un enjeu crucial : dans ma circonscription, qui compte des pays comme l'Inde, la Chine et l'Australie, pour aller voter, il faut parfois parcourir plus de 3 000 kilomètres, et autant au retour. Le vote par internet sera réellement un plus, même si je peux comprendre que, sur le plan philosophique, certains d'entre vous soient réticents à l'égard d'un vote sans isoloir, sans oublier les pressions qui peuvent s'exercer sur quelqu'un qui vote avec son smartphone ou son ordinateur. J'entends ces craintes, mais l'enjeu est ici différent : les contraintes géographiques ne sont pas du tout les mêmes que celles de la métropole.
Le deuxième projet de modernisation est celui de France-Visas, dont l'objectif est de permettre la dématérialisation des demandes de visa, notamment pour la fourniture des documents nécessaires. De fait, quand on demande un visa pour venir en France, même pour faire du tourisme, il faut fournir une liasse de documents plutôt épaisse. Les démarches sont aussi contraignantes que celles que la Chine impose : il faut le savoir. Le projet France-Visas est donc important ; il sera très utile non seulement au personnel, mais aussi aux demandeurs. La procédure d'obtention du visa est en quelque sorte la première vitrine d'un pays : si l'on voit que c'est simple, cela renvoie une bonne image de la France.
Le troisième grand projet de modernisation concerne le registre de l'état civil électronique. Il s'agit des actes d'état civil qui sont établis à l'étranger pour les ressortissants français et tenus par le personnel du ministère à Nantes.
Le quatrième grand projet de modernisation, enfin, concerne la plateforme consulaire de réponse téléphonique et courriel mondiale, que j'avais proposé de créer l'an dernier dans mon rapport au Premier ministre. Il s'agit simplement de faire en sorte que, lorsqu'on veut contacter un consulat, l'appel ou le message soit traité non pas sur place, ce qui nécessite des moyens humains et matériels importants, mais par une plateforme en France. En effet, 80 % des appels téléphoniques sont liés à des demandes qui sont les mêmes partout dans le monde : la dimension de la photo pour un passeport, les horaires d'ouverture du consulat – autant d'informations que l'on trouve d'ailleurs sur le site internet, mais qui peuvent tout à fait être mutualisées dans une plateforme unique située en France.
Globalement, le projet de budget comporte deux principaux motifs de satisfaction sur lesquels je voudrais insister.
Premièrement, il présente de nouveaux indicateurs et sous-indicateurs destinés à mesurer la performance de notre action diplomatique et consulaire – j'ai eu souvent l'occasion de souligner, les années passées, le fait que les indicateurs posaient question. Ceux qui sont proposés cette année permettront de mieux mesurer la qualité du service rendu aux étrangers et à nos ressortissants. J'ai souvent regretté l'insuffisance de la démarche de performance au sein du ministère, qui ne permet pas d'apprécier le travail des agents du ministère – plus de 13 000, dont 8 000 à l'étranger –, auxquels je souhaite rendre hommage. Nombre d'entre eux consacrent à certaines tâches un temps considérable, mais difficile à mesurer et plus encore à anticiper. Faute de pouvoir s'appuyer sur des critères objectifs, notamment quand il s'agit de la suppression de certains postes, certaines décisions visant à rationaliser l'organisation nourrissent un sentiment d'arbitraire. Le budget pour 2020 représente de ce point de vue une véritable amélioration, qui doit se poursuivre : beaucoup d'indicateurs restent à améliorer, notamment pour prendre en compte le temps de travail du personnel. C'est difficile, mais il faut vraiment trouver une solution.
Par ailleurs, je salue l'effort de transparence et de sincérité de ce budget, qui fait apparaître les phénomènes exogènes à la gestion du ministère, à savoir les effets de l'inflation et de la variation du taux de change. Compte tenu de l'éclatement géographique du réseau diplomatique dans le monde – nous avons quelque 200 ambassades et 500 représentations consulaires –, le Quai d'Orsay est surexposé aux effets de l'inflation mondiale et de la dévaluation de l'euro par rapport aux autres administrations, y compris celles qui ont des opérateurs à l'extérieur, ne serait-ce que le ministère des finances. Il importe de souligner qu'au cours des dernières années, ces phénomènes sont venus gonfler la masse salariale du ministère et ont pu donner l'impression que celui-ci ne fournissait pas les efforts attendus. Or, on ne peut pas appliquer à l'étranger de manière rigide la grille salariale de la fonction publique : il faut tenir compte du niveau de vie local, de l'inflation et du taux de change, faute de quoi nos agents peuvent se retrouver dans des situations très difficiles, comme ce fut le cas il y a quelques années au Chili.
Voilà qui m'amène à un grand regret concernant l'évolution actuelle du Quai d'Orsay. Certes, les moyens de la mission Action extérieure de l'État sont stabilisés – c'est une bonne chose –, mais le ministère continue à déployer des efforts substantiels pour faire des économies. Vu le budget contraint dont il dispose, on se demande vraiment où résident les économies possibles. Notre présidente le rappelait : le Quai d'Orsay doit opérer une réduction de 5,7 % de sa masse salariale d'ici à 2022, ce qui n'est pas sans m'inquiéter. Même si c'est moins que les 10 % que l'on avait exigé de lui au départ, je vois mal comment il pourrait tenir cet objectif de 5,7 %.
Je n'évoquerai pas en détail la réforme des réseaux de l'État à l'étranger, que mon collègue Didier Quentin et moi-même vous présenterons le 13 novembre prochain, en conclusion d'une mission flash que nous avons menée sur les processus de gestion des postes diplomatiques. Néanmoins, je dresse le constat suivant : après des décennies de contraction des moyens, le Quai d'Orsay est arrivé au bout des efforts qu'il pouvait fournir pour dégager des économies. Dans la mesure où les missions flash ne donnent pas lieu à la publication d'un rapport, j'ai tenu à évoquer nos travaux dans cet avis, afin qu'ils soient consignés par écrit et publiés. Je vous invite donc à vous y référer. Les secrétaires généraux d'ambassade, sur lesquels nous avons porté notre attention, sont soumis à des contraintes terribles, en tout cas particulièrement fortes.
Le ministère se retrouve face à un dilemme : soit il veut accompagner les économies que l'on demande à l'État dans son ensemble, ce qui implique selon moi de réduire le périmètre des missions des personnels ; soit il maintient ce périmètre, mais alors il faut mettre fin aux efforts financiers que l'on exige de lui. On ne peut pas faire les deux à la fois. En l'absence de décision, ce sont les personnels qui souffriront et, à plus long terme, la politique étrangère de la France.
Je me suis souvent demandé pourquoi le Quai d'Orsay a toujours été le perdant des arbitrages budgétaires. Je pense, en définitive, que cette situation est due à son attitude constante de bon élève qui grogne un peu mais finit toujours par obtempérer : et comme il cède aux injonctions budgétaires, on continue à faire pression sur lui. Cela est dû aussi à l'image qu'il traîne derrière lui : malgré les succès indéniables de notre diplomatie, nos concitoyens n'ont souvent qu'une idée très vague du quotidien d'un diplomate. Même sur les bancs de l'hémicycle, d'ailleurs, bon nombre de nos collègues seraient incapables d'expliquer à quoi sert un ambassadeur, ce qu'il fait au quotidien. Cette méconnaissance explique une grande partie des fantasmes et des fausses informations qui entourent notamment le train de vie des diplomates : certaines publicités sont à cet égard extrêmement dommageables à leur image.
La diplomatie politique classique est essentielle à notre présence dans le monde, mais elle est entourée, sur le terrain, d'un ensemble d'opérateurs et d'acteurs sur lesquels, à titre personnel, je souhaite que l'on s'appuie de plus en plus, notamment, pour ce qui nous concerne, la communauté des Français qui vivent hors de nos frontières.
Le Quai d'Orsay est donc mis au défi de s'ouvrir et de se faire davantage connaître. Rappelons donc que Nantes est, grâce au service central d'état civil du ministère, la plus grande mairie de France, celle qui enregistre le plus grand nombre d'actes d'état civil. Donnons à voir la diplomatie en action, par exemple au travers d'une série télévisée qui serait au Quai d'Orsay ce que Le Bureau des Légendes a été aux services de renseignement. Ce serait formidable.
Je ne suis pas diplomate, tant s'en faut, mais avec tout ce que j'ai vu dans nos différents postes, je n'aurais aucun mal à faire une saison complète d'une telle série. Et en nous appuyant sur nos diplomates, il y aurait de la matière pour une dizaine de saisons !
Quelques mots pour finir sur trois sujets que j'ai décidé d'approfondir dans le cadre de cet avis budgétaire.
D'abord, j'évoquerai les bourses scolaires à l'étranger, qui bénéficient à 25 000 jeunes ressortissants français du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Cette aide à la scolarité forme un ensemble très robuste et indispensable, mais des pistes pourraient sans doute être explorées pour renforcer l'équité du système et adapter la procédure d'attribution aux délais très courts auxquels sont confrontées certaines familles. En effet, les commissions d'attribution commencent à se réunir avant l'été pour statuer pour l'année scolaire suivante, alors qu'un renouvellement important des familles a lieu pendant l'été : cela pose problème.
J'ai également consacré une partie de mon rapport à la gestion qualitative des effectifs, qui est souvent le parent pauvre de la gestion des ressources humaines, dans un contexte de réduction quantitative des effectifs. Je propose notamment de réduire la fréquence des changements de poste, qui se traduit dans certains cas par la perte d'une expertise précieuse ; de renforcer la part de l'expérience dans le déroulement des carrières, au détriment du statut et du concours ; et surtout, de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, pour l'heure quasi inexistante, ce qui explique notamment le phénomène des agents sans affectation, sans parler de ceux qui se voient confier une mission qui n'est pas à la hauteur des compétences qu'ils ont développées au fil de leur parcours.
Enfin, j'évoquerai la féminisation du personnel diplomatique, dont Mme la présidente a déjà touché un mot. Malgré les efforts réalisés par le ministère, qui lui ont valu de recevoir le label de l'Agence française de normalisation (AFNOR) en 2017, le Quai d'Orsay revient de loin et accuse encore un retard considérable. Dans l'administration centrale, seuls 25 % des postes de direction et de chef de service sont occupés par des femmes. Comment la France peut-elle prétendre développer une diplomatie féministe dans le monde si elle n'est pas elle-même exemplaire dans la composition de son corps diplomatique ? Nous ne parviendrons pas à rétablir l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes sans une action plus volontariste du ministère pour promouvoir des femmes à des postes à responsabilité et, en amont, pour lever les verrous qui bloquent la progression des femmes.
Au bénéfice de ces observations, j'appelle à voter en faveur des crédits de la mission Action extérieure de l'État.
Je suis vraiment heureuse, en entendant Anne Genetet et nos autres rapporteurs pour avis, de constater à quel point ils connaissent leur sujet, qu'ils maîtrisent complètement : ils présentent leurs travaux pour la troisième année consécutive. C'est une innovation que nous avons introduite dans cette commission, et on se rend compte à quel point elle était fondée. J'adresse donc mes remerciements à l'ensemble des rapporteurs pour avis.
Ensuite, je pense qu'il faut faire évoluer la jurisprudence selon laquelle les missions flash ne donnent pas lieu à la publication d'un rapport. Moi, je pense qu'il en faut.
Ainsi, la mission flash sur le contrôle des postes diplomatiques et consulaires, que nous avons lancée, porte sur une question essentielle, à laquelle nous nous intéressons depuis longtemps. Je vous proposerai donc, si vous en êtes d'accord, qu'elle donne lieu à un rapport, et que la commission se prononce sur sa publication par un vote. Ces missions flash doivent laisser des traces écrites, car elles sont aussi importantes que les missions d'information. Je proposerai donc de faire évoluer cette jurisprudence qui vaut aussi pour les autres commissions.
Enfin, comme nous l'avons fait pour les postes, il faut créer une mission flash sur les visas – avec un rapport à la clé, évidemment.
En effet. Il faut aller voir, dans un certain nombre de pays, comment cela fonctionne – ou plutôt ne fonctionne pas, d'ailleurs.
Cela rejoint la question de notre collègue Jean-Paul Lecoq : il faut valoriser davantage nos rapports. Pourquoi, par exemple, ne remettrions-nous pas ceux que nous examinons ce matin en main propre au ministre, pour qu'il puisse mesurer, ainsi que son cabinet et l'administration, la qualité de notre travail et de nos propositions ? Cela contribuerait à valoriser le travail de nos rapporteurs.
Nous allons maintenant entendre les représentants des groupes, en commençant par celui de La République en marche.
Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour ces informations complètes concernant le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde et le programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires, qui regroupent à eux seuls 75 % des crédits de la mission Action extérieure de l'État et garantissent le bon fonctionnement de notre réseau diplomatique et consulaire à l'étranger. À cet égard, ils représentent également l'écrasante majorité des dépenses de personnel de la mission. Grâce à son déploiement géographique quasi universel, notre réseau diplomatique permet de faire entendre la voix de la France partout dans le monde. Le réseau consulaire, quant à lui, permet aux Français établis hors de notre pays de trouver un soutien et des interlocuteurs pour leurs démarches administratives dans 206 postes, mais aussi dans nos 500 agences consulaires : je tiens à souligner le travail fantastique accompli sur le terrain par les consuls, les conseillers consulaires et tous les agents des consulats, et les remercier d'accompagner au quotidien les 1,8 million de nos concitoyens enregistrés officiellement sur les registres consulaires – il y en a sans doute deux fois plus, au total, qui vivent à l'étranger.
Le programme 105 témoigne par ailleurs de la volonté d'universalisme de notre politique étrangère par sa contribution aux organisations internationales et au secteur de la sécurité internationale, notamment dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Ce programme fournit à notre pays les moyens d'être un promoteur de premier plan du multilatéralisme et de conserver son influence s'agissant des grands enjeux mondiaux. Cette ambition d'une diplomatie universelle de la France ne doit toutefois pas empêcher notre dispositif à l'étranger d'évoluer : il faut notamment rationaliser la gestion des personnels de l'État affectés à l'étranger, ce qui est d'ailleurs en cours dans le cadre du plan « Action publique 2022 ». Le dispositif doit aussi évoluer du fait de l'impact des nouvelles technologies. Si les dépenses de personnel liées au programme 151 diminuent un peu, c'est aussi parce que la dématérialisation de nombreuses démarches est prise en compte.
Ce budget préserve donc la position de la France au niveau mondial et stabilise les moyens dévolus à son réseau diplomatique et consulaire, tout en engageant des réformes nécessaires en profondeur. Pourriez-vous à cet égard, madame la rapporteure pour avis, me rappeler les chantiers engagés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en particulier par son réseau consulaire, en matière de simplification des démarches administratives pour les Français de l'étranger, et en vue de sa modernisation ?
Je voudrais d'abord remercier Anne Genetet pour la présentation de son rapport, rédigé, comme à l'habitude, avec beaucoup de compétence, de franchise, mais aussi de diplomatie… Je mesure la difficulté qu'il y a, d'année en année, à traduire en actes les grandes orientations de politique étrangère fixées par le Président de la République et par son gouvernement. Comme chaque fois, les ambitions sont grandes et les objectifs nombreux : le Président de la République aime à parler régulièrement de « diplomatie de l'audace » pour qualifier son action. Hélas, ce que l'on peut constater à la lecture du budget 2020 de la mission Action extérieure de l'État, c'est une fois encore le décalage entre les paroles présidentielles et les actes concrets, le décalage entre les ambitions affichées, souvent audacieuses, il est vrai, et les moyens que l'on se donne pour les atteindre.
L'année dernière, nous dénoncions unanimement la baisse des crédits et des effectifs du ministère des affaires étrangères, qui a déjà beaucoup participé à l'effort de redressement budgétaire ces dernières années, Anne Genetet l'a souligné, alors même que c'est un petit ministère, d'un point de vue financier : le ministre lui-même rappelait, lors de son audition, que nous étions arrivés à l'os. On ne peut donc que se féliciter que le budget de l'action extérieure de l'État cesse enfin de baisser et qu'il soit à peu près stabilisé, même si les effectifs continuent de diminuer, avec la suppression de 81 postes. Les difficultés que nous évoquions l'année dernière n'en sont pas moins toujours présentes : quand on entre dans le détail des programmes et des actions, on observe un yo-yo budgétaire d'une année sur l'autre, qui traduit en réalité un exercice comptable et de gestion de la pénurie des moyens, alors même qu'on peine à voir les grandes priorités stratégiques.
Au nom du groupe Les Républicains, je veux vous dire notre inquiétude de voir notre réseau diplomatique affaibli par ce genre de pratiques budgétaires.
Tous, ici, nous savons les difficultés que rencontrent nos agents en poste à l'étranger, le degré d'exigence toujours plus élevé à l'égard de nos diplomates, de nos ambassadeurs et des agents du Quai d'Orsay. Nous ne pensons pas que les moyens accordés au budget du ministère des affaires étrangères permettent d'assurer pleinement l'ambition qui doit être celle de la France dans le monde. C'est pourquoi nous nous opposerons à ce budget.
Pour finir, chère Anne Genetet, je voudrais vous poser trois questions. Premièrement, la nouvelle baisse de nos contributions aux organisations internationales est-elle liée uniquement à la diminution du budget des opérations de maintien de la paix, comme les années précédentes ? Deuxièmement, le patrimoine immobilier du ministère a subi une véritable hémorragie ces dernières années ; le ministre nous a annoncé que des crédits supplémentaires allaient enfin être alloués à son entretien. Quelles priorités ont été fixées dans ce domaine ? A-t-on procédé à une revue générale de la situation ? Troisièmement, vous avez fait du « teasing » sur la mission flash que vous conduisez avec notre excellent collègue Didier Quentin. Sans nous en dévoiler toutes les conclusions, pourriez-vous nous faire part de vos principales constatations et recommandations ? La mutualisation a-t-elle été source d'économies et d'efficacité ?
La mission que nous examinons revêt un caractère extrêmement important, car elle a trait à la machine diplomatique française. De ce point de vue, votre travail est très précieux, madame Genetet. Votre rapport nous permet d'avoir une vision claire des réformes menées, et surtout des enjeux à venir.
Les réformes, ce sont celles qui sont engagées dans le cadre du plan « Action publique 2022 », qui poursuit un objectif de rationalisation des moyens du ministère. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a fait beaucoup, et depuis longtemps. Un chiffre m'a particulièrement interpellé, celui du nombre de personnes sur qui repose toute la diplomatie française : 13 500. Alors que notre diplomatie est appelée à investir de nouveaux terrains d'action et à voir ses missions considérablement évoluer, il nous faudra nous interroger sur la réduction du nombre d'équivalents temps plein (ETP) – 160 en 2019 et 81 encore en 2020 ; à l'échelle du personnel du ministère, c'est loin d'être négligeable. S'il est vrai qu'il faut chercher à faire des économies, nous devrons rester très vigilants à ne pas compromettre dans le même temps notre présence physique sur le terrain, car c'est la base de toute diplomatie, surtout lorsqu'elle se veut d'influence. Comme vous le soulignez, madame la rapporteure pour avis, le nombre des missions exercées par nos diplomates est trop important. Si on peut attendre certains effets bénéfiques de cet état de fait – je pense notamment à l'extension du pouvoir des ambassadeurs –, il faut aussi mesurer ce qu'il implique pour le personnel administratif : les charges sont plus lourdes, du fait du transfert des fonctions de gestion des autres ministères.
Nous saluons, par ailleurs, les efforts du ministère pour fidéliser et soutenir son personnel, entre autres grâce à des rémunérations plus élevées. Notons aussi des améliorations concrètes du service rendu à nos concitoyens permises par plusieurs chantiers de modernisation du ministère : le vote par internet, la plateforme consulaire de réponse téléphonique et courriel mondiale, le projet France-Visas, ou encore la mise en place du registre de l'état civil électronique.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés salue l'activité du ministère et les efforts auxquels son personnel consent pour l'exercice des missions soutenues par les crédits présentés – crédits que, bien sûr, nous adopterons.
J'ai noté plusieurs points saillants de votre rapport, à commencer par la multiplication et la diversification des tâches consulaires. Après une baisse de 160 ETP en 2019, une nouvelle baisse de 81 ETP est prévue en 2020. Elle s'accompagne dans les faits d'un renouvellement important du personnel, qui devrait induire des coûts élevés de formation. La suppression de postes semble se fonder sur des critères arbitraires, mal définis et non harmonisés. Par ailleurs, les postes locaux sont peu attractifs, accompagnés de primes très faibles et d'un accès à la formation restreint.
Le groupe Socialistes et apparentés souhaiterait avoir votre analyse sur la cohérence qu'il y a à diminuer les dépenses publiques tout en cherchant à améliorer le fonctionnement de l'administration. Ira-t-on à l'encontre des acteurs de terrain en leur imposant un plan d'action qui prévoit une nouvelle baisse de leurs effectifs d'ici à 2022 et un élargissement de leurs missions, alors qu'ils sont déjà sous tension ? Jusqu'où la rationalisation de l'action extérieure peut-elle aller sans léser les agents et la qualité du réseau diplomatique ?
Je tiens à féliciter Anne Genetet pour son rapport et la passion avec laquelle elle l'a exposé. Le groupe UDI, Agir et Indépendants partage majoritairement son constat tout en nourrissant quelques inquiétudes sur les crédits de la mission.
Notre pays gagnerait à soutenir et à aider davantage les Français établis à l'étranger, qui sont une richesse : en exportant une partie de notre culture, ils contribuent au rayonnement de la France. Quant aux agents en poste dans les ambassades, ils jouent un rôle essentiel – nous l'avons vu encore récemment en Turquie, avec l'offensive en Syrie. Le réseau diplomatique français n'est plus ce qu'il était il y a quelques dizaines années : alors que c'était une vraie référence, on l'a tout simplement laissée tomber. Nous devons y investir à nouveau pour maintenir le rayonnement et surtout l'influence de la France sur la scène internationale.
Nous regrettons profondément de voir ce budget diminuer année après année, sans trop d'explications, hormis le fait que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, en bon élève, accepte tout. Parfois, quand on fait de la diplomatie, il faut aussi taper du poing sur la table !
Une question pour terminer : avez-vous une idée du nombre d'agents sans affectation et de leur coût pour le budget ?
La France joue un rôle majeur dans les opérations de maintien de la paix, notamment en matière de formation et de soutien logistique. Le ministre a indiqué au printemps que l'évolution de la situation internationale exigeait un engagement plus important de l'ensemble des États membres. Cependant, l'Organisation des Nations unies (ONU) a décidé de réduire de 65 millions de dollars le budget global de la douzaine d'opérations de maintien de la paix sur la période de juillet 2019 à juin 2020, ce qui entraîne de facto une baisse de la contribution française de 19 millions d'euros, qui s'établit ainsi à 307 millions.
Le groupe Libertés et territoires estime qu'il s'agit là d'un signal inquiétant pour les États et les populations auxquels le soutien international est indispensable. Les baisses successives des contributions aux opérations de maintien de la paix nous inquiètent et il semble dangereux de continuer sur cette voie. Pourquoi plutôt ne pas réformer le mécanisme des opérations de maintien de la paix, dont le fonctionnement n'est pas optimal ? Cette réforme est d'autant plus indispensable que le maintien de la paix est un des outils les plus efficaces pour aider les pays hôtes sur le chemin de la paix. En effet, ces opérations ne servent pas seulement à maintenir la paix et la sécurité : elles trouvent toute leur pertinence dans l'accompagnement des processus politiques et la participation à la protection des civils. Elles aident au désarmement, à la démobilisation et à la réintégration des ex-soldats. Pourriez-vous nous apporter des éclaircissements sur la stratégie française, tant budgétaire qu'opérationnelle, dans ce domaine ?
La hausse, minime, proposée pour 2020 ne compensera en rien les effets au long cours, puisqu'en trente ans, les effectifs ont subi une baisse – considérable ! – de 53 %. Cette légère augmentation ne permettra pas, loin s'en faut, d'inverser la courbe, surtout lorsque l'on sait que 10 % des effectifs devront être « sabrés » à l'horizon 2022.
Les personnels du corps diplomatique sont inquiets, et à raison. Le groupe La France insoumise défend une politique extérieure avant tout adossée sur la diplomatie, tournée vers la négociation et la paix. Le corps diplomatique qui en est, si j'ose dire, le bras armé, doit être solide.
Au-delà de ces remarques quantitatives, je voudrais interpeller la commission sur deux points. La culture de résultat, qui imprègne désormais l'administration, exerce une pression permanente sur les fonctionnaires. Faire toujours plus avec moins entraîne nécessairement des tensions mais également une bureaucratisation accrue, puisqu'il est demandé beaucoup d'évaluations pour accompagner les mesures d'austérité ; et cela vaut pour le corps diplomatique comme pour tous les fonctionnaires de l'État.
Par ailleurs, on demande désormais aux diplomates d'être les chefs de file de l'expansion économique de la France. Cela signifie concrètement qu'ils seront chargés d'établir des listes de dix contrats prioritaires et de faire le point toutes les huit semaines sur l'avancée des négociations. Lors de son discours aux ambassadeurs, le 27 août, le Président de la République a réitéré ce souhait en faisant de l'appui aux entreprises françaises une priorité. J'y vois un changement de nature de la mission du corps diplomatique. Nos ambassadeurs ne sont pas des ambassadeurs économiques ! Et quand on voit la façon dont évolue dans le même temps l'aide publique au développement, on a l'impression d'un glissement complet des objectifs de la diplomatie.
Agir en faveur de la paix et de la stabilité, promouvoir une nouvelle dynamique européenne, défendre la démocratie et les droits de l'homme, oeuvrer à une régulation économique et commerciale efficiente : telles sont les quatre missions du ministère des affaires étrangères. Selon votre rapport, madame la rapporteure pour avis, le grand nombre de missions assignées aux diplomates dilue les messages que la France peut réussir à faire passer. Les députés de la Gauche démocrate et républicaine ont toujours soutenu que la diplomatie devait, en priorité, oeuvrer à l'amitié entre les peuples et au dialogue permanent avec tous les acteurs. Seules les actions en faveur de la paix et de la stabilité et pour la défense de la démocratie et des droits de l'homme nous semblent prioritaires ; la construction européenne et la régulation commerciale ne peuvent qu'être des sous-actions.
Il ne reste que 13 500 personnels au ministère. Le Quai d'Orsay va continuer à s'affaiblir, après avoir perdu 50 % de ses effectifs en trente ans. Il n'est pas question de changer de politique : 10 % de la masse salariale devrait être supprimée entre 2019 et 2022. Mais il y a pire : on supprime des postes de fonctionnaires pour créer des postes de contractuels, que l'on paye davantage, ce qui augmente la masse salariale !
Les agents de droit local démissionnent les uns après les autres : quelles en sont les raisons, madame la rapporteure pour avis ? Pourquoi ne considère-t-on pas en France que les fonctionnaires sont les garants d'une action de qualité, fiable et fondée sur l'expertise ? C'est la connaissance du monde et de son évolution qui permet de travailler à la paix – cela vaut aussi pour le ministre. La méconnaissance des réalités empêche de repérer les signaux : on ne les a pas entendus au Liban, pas davantage en Tunisie – il faut dire que l'ambassadeur d'alors préférait la musculation, il ne pouvait pas tout faire, le pauvre garçon ! Notre diplomatie n'est plus en capacité d'écouter et d'entendre battre le coeur du monde. C'est pourtant ainsi que l'on agit pour préserver la paix.
Aujourd'hui, la déstabilisation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères crée une ambiance de pré-guerre et favorise les conflits larvés, ou actifs, dans certaines zones. On peut dès lors s'interroger : la France, qui est l'un des premiers producteurs d'armes, n'a-t-elle pas intérêt à discréditer sa diplomatie pour favoriser les ventes d'armement ? Pour ma part, je me pose la question.
Enfin, j'ai appris que le ministère a fait appel de sa condamnation, le 6 juin, à indemniser un agent en réparation d'un préjudice d'anxiété causé par son exposition à l'amiante dans un bâtiment du ministère. La CGT a dénoncé cette action scélérate, qui montre le mépris total du ministère pour son administration, alors que la justice administrative avait donné raison à cet agent.
Madame la rapporteure pour avis, j'aimerais revenir sur un point qui vous tient autant à coeur qu'à moi : les bourses et leur financement.
Vous notez que la baisse des crédits consacrés est due à la diminution du nombre d'élèves boursiers. En tant qu'ancienne cheffe d'établissement, et pour avoir participé à des commissions d'attribution, je vois trois raisons qui peuvent expliquer cette diminution. La première tient à une forme de découragement des familles devant le dossier de demande – il faut l'avoir eu en main pour comprendre de quoi je veux parler. La deuxième tient à la faible demande des classes moyennes à l'étranger, dont les revenus ne sont pas assez faibles pour prétendre à une bourse, mais pas assez élevés pour acquitter les frais d'inscription au lycée français. La troisième raison tient aux critères des bourses, qui évincent précisément les enfants des classes moyennes.
Je siège à la commission nationale des bourses et j'ai interpellé sur ce point le directeur de l'AEFE. J'espère disposer prochainement d'une analyse précise de la baisse du nombre d'élèves boursiers. Nous devons absolument maintenir et garantir la mixité sociale dans ces établissements.
Je tiens à féliciter Anne Genetet pour cette présentation qui sera complétée, le 13 novembre, par celle de notre mission flash d'audit et de contrôle des processus de gestion des postes diplomatiques.
Ce rapport contribue à faire mieux connaître notre réseau et nos diplomates, bien loin de l'image du marquis de Norpoix de Proust ou du Solal de Cohen. Deux ouvrages récents et remarquables en font la description : La Diplomatie n'est pas un dîner de gala, de mon ami Claude Martin, ambassadeur de France, qui a reçu récemment le prix Mauriac, et Le Dictionnaire amoureux de la diplomatie, de Daniel Jouanneau, également remarquable.
Je vous félicite d'avoir avancé l'idée, que nous caressons depuis longtemps, d'une série télévisée, sur le modèle d'Urgences, qui mettrait en scène des agents consulaires afin de mieux faire connaître leurs missions. Nous avons récemment rencontré, avec Anne Genetet, la consule de France à Hanoï qui a la mission de devoir régulièrement rendre visite à un détenu, dans des conditions très difficiles.
À ma connaissance, il existe une cinquantaine de ministres plénipotentiaires, l'équivalent de général dans les armées, qui se trouvent aujourd'hui sans affectation. Peut-être faudrait-il revoir la politique de recrutement en amont ?
Par ailleurs, vous avez raison de pointer un taux de rotation des personnels diplomatiques trop élevé. Comment concilier une mobilité intelligente avec la transmission d'une expertise technique, linguistique, culturelle ? Je pense au Japon, où nos ambassadeurs restent en poste entre deux et trois ans, alors que le fonctionnement du pays et sa langue sont difficiles à appréhender. Par contraste, je me souviens d'un ambassadeur des États-Unis qui y était resté près de quinze ans…
Enfin, comment concilier les missions de la jeune direction de la diplomatie économique avec les actions menées par le Trésor et des opérateurs de l'État tels que Business France et Atout France ?
Je veux commencer par dire à Anne Genetet toute l'estime que j'ai pour elle et pour son travail.
Les visas sont la première porte pour nos échanges commerciaux. Il est urgent d'assouplir les conditions d'accès : quand on voit les difficultés rencontrées par les ressortissants des pays d'Asie centrale pour obtenir des visas, alors que les Français en sont dispensés pour se rendre dans ces pays, et quand on compare les conditions faites par d'autres pays européens, comme l'Allemagne, on comprend que nos échanges commerciaux puissent en souffrir. À cet égard, j'attends avec impatience le lancement de cette nouvelle mission flash consacrée aux visas.
Je remercie notre rapporteure de dresser, chaque année, un bilan très précis et sincère de l'état du ministère des affaires étrangères.
La directive 2015637 du Conseil européen établit les mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens de l'Union européenne non représentés dans des pays tiers. Vous faites état dans votre rapport de la politique de mutualisation du réseau diplomatique, notamment de la coopération avec l'Allemagne – qui reste pour le moment timide. Quels sont les autres pays avec lesquels la France a engagé cette démarche ? Vous avez déjà évoqué la possibilité, qui me semble intéressante, de mutualiser des ambassades d'États européens dans de très petits pays. Où en est-on ?
Je vous remercie pour les éclairages que vous nous avez apportés. Des préconisations que vous faites sur la féminisation, quelle est celle qui vous semblerait devoir être mise en avant ? Je voudrais à mon tour faire une suggestion : ne pourrions-nous pas inscrire le ministère de l'Europe et des affaires étrangères dans une démarche de budget sensible au genre ?
Monsieur Buon Tan, j'ai rappelé les chantiers de l'action consulaire : le vote par internet, la plateforme de réponse aux courriels et aux appels téléphoniques, la dématérialisation de l'état civil et le projet France-Visa.
À ce sujet, monsieur Pierre Cabaré, une partie de la procédure de délivrance des visas se déroule au niveau européen, et nous n'avons la main que sur les visas de long séjour. C'est donc au niveau européen qu'il faut traiter le sujet. Dans certains pays, comme la Biélorussie, les ressortissants savent qu'il ne faut pas aller à l'ambassade de France, beaucoup plus tatillonne que celle d'Allemagne, par exemple. Il y a donc une forme de compétition, d'autant que les visas sont payants et rapportent aux postes consulaires. Je trouve dommage de réduire le visa à cette seule dimension…
Je parle dans le rapport de la façon dont le Royaume-Uni procède, car cela donne matière à réflexion. Ce pays a décidé de traiter sur son territoire toute la procédure, tous les documents y sont envoyés. Là où existe un risque élevé de fraude documentaire, une équipe, régionale, est chargée de conduire des audits très fréquents chez les prestataires – en fait, deux prestataires mondiaux qui se partagent le marché. Il existe donc d'autres voies qui permettraient de dégager des moyens pour les consulats. Ceux-ci pourraient alors se consacrer à l'action sociale, qui n'est ni dissociable ni divisible – soit on n'en fait pas, soit on en fait, mais dans ce cas, on va jusqu'au bout.
Monsieur Michel Herbillon, vous avez évoqué un décalage entre les ambitions affichées par le Président de la République et les moyens. Je rappelle que la réduction ne porte pas sur le nombre de postes, mais sur la masse salariale. Je le dis aussi à Mme Clémentine Autain, c'est une réduction de 5,7 % de la masse salariale qui est prévue à l'horizon 2022.
Au départ, lorsque l'objectif était de 10 %, il a été demandé de procéder à une réduction de 13 % pour certains postes, de 7 % pour d'autres. On a abouti à 5,7 % au global, ce qui est « moins pire »…
C'est mieux que si c'était pire… Cela reste, en tout cas, problématique.
Madame Frédérique Dumas, la baisse des contributions internationales est liée à la baisse des contributions aux opérations de maintien de la paix. Mais comme nous n'avons pas la main sur cette question, je ne l'aborde pas dans le rapport. En revanche, le ministère est parvenu à sécuriser la partie « changes », afin que les variations des taux de change n'affectent pas négativement le budget pour ce qui touche aux opérations de maintien de la paix.
S'agissant du patrimoine immobilier, peu de choses ont été faites et je ne saurais vous dire quelles sont les priorités. La ligne budgétaire consacrée à l'entretien du patrimoine immobilier a été basculée sur le compte d'affectation spéciale 723, ce qui donne la fausse impression d'une baisse. Il s'agit juste d'un transfert des crédits, lesquels demeurent néanmoins insuffisants.
Pour ce qui est des enseignements de la mission flash, je vous renvoie à la lecture de mon rapport et à la réunion de commission du 13 novembre.
Absolument !
Monsieur Alain David, la question de la cohérence entre la baisse des effectifs et l'amélioration de la qualité de service est fondée, et je la pose moi-même depuis le début : avant de couper les têtes, il faudrait savoir pourquoi, et que ce ne soit pas une coupe comptable…
La baisse des effectifs va se ralentir encore : il n'y aura que 81 ETP en moins en 2020. C'est toujours trop à l'échelle de ce ministère, sauf si on modifie le périmètre des missions. À cet égard, je pense que le traitement des demandes de visa et de passeport, qui relèvent du consulaire, ne devrait plus se faire dans les postes. Cela permettrait des gains de temps, d'efficacité et dégagerait des moyens pour faire autre chose. Si vous en avez l'occasion, allez voir un jour le service visas d'un consulat, vous verrez que c'est terrible !
Christophe Naegelen et Didier Quentin ont posé la question des agents sans affectation. On constate un pic fin août, lorsque l'on n'a pas encore réussi à affecter tout le monde. En 2019, on dénombre en moyenne vingt-deux agents non affectés, dont six agents de catégorie A+ et huit agents de catégorie A. Mais c'est un peu la face émergée de l'iceberg. Derrière ces personnes qui sont vraiment sans affectation, d'autres se voient confier des missions qui ne sont pas à la hauteur de ce qu'ils pourraient attendre. Ainsi, certains sont envoyés pendant deux ou trois ans au sein de l'inspection générale des affaires étrangères, auprès de la direction des ressources humaines ou de la direction des affaires financières. Cela n'est pas inintéressant, mais est-ce à la hauteur de leur parcours et de leurs compétences ? Je n'en suis pas certaine. J'en ai vu certains qui s'ennuyaient et qui en profitaient pour passer deux ou trois ans à Paris à apprendre une autre langue : c'est un peu dommage, cela crée une rupture dans le parcours de compétences. Mais le problème d'encombrement des effectifs aux rangs A et A+ reste entier. Je n'ai pas recherché le coût de ces postes sans affectation.
Madame Clémentine Autain, vous soulevez un problème en évoquant, à l'instar de M. Didier Quentin, la mission de diplomatie économique. Il est important d'aider les entreprises à se propulser à l'international, nous en sommes tous d'accord, mais Business France, BPI, les régions, les chambres de commerce en France, les chambres de commerce à l'étranger, s'en occupent déjà. Team France Export, et c'est une bonne chose, permet de rationaliser le dispositif, mais on peut légitimement se poser la question de l'efficacité de cette multiplicité d'acteurs.
Les quatre objectifs, rappelés par M. Jean-Paul Lecoq, sont très précis et pourtant, on voit un décalage avec la feuille de route des ambassadeurs. On leur demande tout, y compris de faire de la diplomatie de genre, de la diplomatie de l'environnement, de la diplomatie de la technologie… Je pense moi aussi qu'il existe un risque de dispersion, donc de perte d'efficacité. À faire trop de choses, on finit par faire moins bien.
Même si nos diplomates sont absolument incroyables, force est de reconnaître que certains signaux faibles, sur différents théâtres, n'ont pas été perçus. Je plaide pour ma chapelle : les Français présents dans le monde, en dehors des réseaux institutionnels classiques, ont une connaissance du terrain différente et complémentaire de celle de nos diplomates ; nous devons donc absolument nous appuyer sur eux. Le Président, dans son discours aux ambassadrices et aux ambassadeurs, en août dernier, a secoué les diplomates, leur demandant de sortir de leur zone de confort et d'aller vers la société civile locale. Un journaliste a écrit que la diplomatie française ne faisait plus que 3 % de la diplomatie ; c'est un jugement sévère, mais il faut le garder à l'esprit. Nos diplomates, aussi compétents soient-ils, doivent s'appuyer sur d'autres réseaux pour rendre notre diplomatie et notre présence dans le monde encore plus efficaces.
Madame Cazebonne, je suis absolument d'accord avec vous à propos des bourses scolaires : la procédure est extrêmement complexe et vraiment décourageante pour les familles. Elle tient du déshabillage : les ressources et le mode de vie des familles sont mis à nu ; dans certains pays, du fait de la crainte légitime de la fraude, on va même vérifier sur place comment les gens vivent : c'est extrêmement inquisiteur. Où le curseur doit-il être placé ? C'est une question qu'il faut vraiment se poser.
Par ailleurs, je vous rejoins complètement sur la menace pour la mixité sociale : toute une classe sociale a des ressources trop élevées pour prétendre à une bourse mais trop faibles pour payer une scolarité. Pour information, le reste à charge des familles pour une scolarité à l'étranger, dans les lycées les moins onéreux, par exemple celui de Pondichéry, s'élève à 1 500 euros l'année. Cela peut déjà paraître beaucoup, mais la moyenne est souvent de 5 000 euros voire, dans certains pays, 10 000 euros l'année. À Singapour, de nombreux parents issus de la classe moyenne font l'école à la maison parce qu'ils ont trop de revenus pour obtenir une bourse mais pas assez pour payer la scolarité. Le reste à charge y est de 10 000 à 15 000 euros par an et par enfant : quand on a trois enfants, cela fait 45 000 euros l'année ! Je suis contente de savoir que vous avez posé une question au directeur de l'AEFE : il me paraît très important d'approfondir le sujet et de voir s'il est possible de modifier les critères. Il faut également faciliter l'accès de ces enfants au Centre national d'enseignement à distance (CNED), en mode scolarisation et non pas en mode soutien.
Madame Poletti, sur la mutualisation, zéro avancée… Quelques progrès ont certes été enregistrés dans la mutualisation des moyens, comme à Dacca au Bangladesh, mais il n'y a pas eu de nouveau cas de mutualisation. De toute façon, tant que nous n'aurons pas une politique étrangère européenne solide, avec des intérêts convergents, il sera difficile de mettre en place des postes diplomatiques mutualisés. Nous représentons localement des petits pays dépourvus de représentation diplomatique – pratiquement tous les grands pays agissent ainsi – mais ce n'est pas ce que j'appelle une véritable mutualisation.
La féminisation intéresse quant à elle l'ensemble des ministères, et pas seulement le ministère des affaires étrangères. Mais lorsqu'on me dit, par exemple à la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, que la difficulté de gestion des effectifs au Quai d'Orsay tient à plusieurs facteurs, dont l'entrée des femmes sur le marché du travail, je bondis de ma chaise ! L'entrée des femmes sur le marché du travail en France remonte aux années 1960 : il est très regrettable que le ministère des affaires étrangères avance encore cet argument en 2019 ! Cela témoigne d'une mentalité et de freins très puissants. Je souhaite vraiment que ces freins soient supprimés et qu'un vivier se constitue : les femmes oseront venir si elles savent qu'elles peuvent avoir une carrière à la hauteur de leurs ambitions.
Merci beaucoup, madame la rapporteure. Nous allons maintenant entendre la présentation du rapport de M. Frédéric Petit sur le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence au sein de la mission Action extérieure de l'État.
Nous avons eu l'occasion de rappeler à maintes reprises dans notre commission que la diplomatie culturelle n'est pas seulement une dimension de notre action extérieure : elle en est l'un des piliers. Vecteur d'influence, c'est aussi un élément fondamental dans la reconstruction des sociétés en crise en véhiculant des valeurs de dialogue et d'universalité, en étant lieu de rencontre et de liberté.
En vous rendant cette année en Irak, monsieur le rapporteur, vous avez démontré que la diplomatie culturelle occupait une place essentielle dans l'engagement de la France pour la reconstruction de ce pays. Souvenez-vous : à l'université de Mossoul, nous avons aidé le département de français, dont nous avions auditionné le responsable, le docteur Ahmad Hassan Jarjisse – je l'ai reçu à nouveau il y a peu, juste avant les vagues de manifestations qui secouent aujourd'hui le pays ; à l'université de Ninive, qui se trouve aussi à Mossoul, la France a financé la reconstruction de la faculté de médecine ; dans le Kurdistan irakien, l'antenne de l'Institut français à Erbil fait partie des établissements qui seront fusionnés avec un Institut Goethe, conformément au projet prioritaire défini dans le traité d'Aix-la-Chapelle.
Vous énoncez dans votre rapport plusieurs pistes de réforme pour notre diplomatie culturelle, dont vous prônez le renforcement de la cohérence et du pilotage. C'est bien dans cette ambition que s'inscrit l'amendement que vous avez déposé, qui prévoit la remise annuelle par le Gouvernement au Parlement d'un rapport sur le suivi de l'exécution des contrats d'objectifs et de moyens (COM) des opérateurs de l'action extérieure de l'État. Je vous appelle, chers collègues, à l'instar du Bureau, à voter en faveur de cet amendement qui ne pourra que renforcer le contrôle exercé par notre commission sur l'action extérieure de la France et sur ses différents opérateurs.
C'est la troisième année que je vous présente ce rapport. Plutôt que de vous en présenter une synthèse, je vais vous présenter une petite animation pour vous montrer comment fonctionne le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence, entre le programme 105 et le programme 151 dont Anne Genetet vient de parler. Dans le débat que nous venons d'avoir sur le glissement de la diplomatie, le programme 185 peut constituer une feuille de route pour notre commission. Je reviendrai en seconde partie de mon intervention sur l'Irak.
Voici à quoi ressemble, dans la tête de beaucoup de gens, notre diplomatie culturelle et d'influence :
Le cercle éclairé au centre représente ce que fait traditionnellement le ministère, et ce qu'il faisait déjà il y a vingt ans. J'ai volontairement laissé en gris le reste, les éléments dont le ministère ne s'inquiétait pas beaucoup : l'enseignement bilingue dans tous les pays, les Français dans le monde… On gérait tout ou on ne gérait rien.
Apparaissent maintenant les sujets que l'on appelle parfois les « irritants » : l'AEFE, le partenariat mondial pour l'éducation, Expertise France, le réseau culturel, etc. : ce sont ces étoiles. On s'aperçoit que, tant que l'action extérieure de la France est centralisée et administrée par Paris, il est difficile de savoir par où commencer : c'est cela qui doit changer fondamentalement.
Heureusement, on a commencé à simplifier et organiser un peu les choses : on a enlevé les experts qui se trouvaient un peu partout et créé Expertise France – c'était sous la précédente législature –, et repris le réseau de l'enseignement : l'AEFE gérera désormais un ensemble de partenaires de l'éducation, dont l'enseignement bilingue local et le « LabelFrancÉducation ». Ce sont ces bulles vertes.
Et surtout, nous avons éclairé l'ensemble de la scène : notre administration est maintenant beaucoup plus attentive à tout ce qui se passe dans le monde, même si ce n'est pas stricto sensu de l'action diplomatique.
Notre feuille de route pourrait consister à réorganiser notre vision de ces sujets de la façon suivante :
Si l'Agence française de développement (AFD) a rejoint Expertise France, il nous reste à régler le problème de Business France, dont le fonctionnement n'a pas encore évolué pour devenir un véritable opérateur de réseau.
Le réseau culturel est également un secteur mal organisé ; j'y inclus l'audiovisuel extérieur.
Dans le domaine de la recherche scientifique (partie droite), il y a encore beaucoup à faire : nous avons nos trois opérateurs – Campus France, l'agence Erasmus + et la commission des fouilles, peu connue mais très importante– , mais également nos unités mixtes internationales (UMI) et nos unités mixtes des instituts de recherche à l'étranger (UMIFRE), très peu connectées avec notre diplomatie, nos archéologues, dispersés aux quatre coins du monde, et enfin les campus binationaux au Sénégal, en Tunisie et en Côte d'Ivoire, qui commencent à démarrer.
Il nous reste à régler des sujets fondamentaux – toujours irritants – dont j'invite à nouveau notre commission à se saisir : la programmation pluriannuelle de la recherche notamment, mais également la mer et les océans, les forêts ainsi que les migrations, que l'organisation de notre administration ne nous permet pas de suivre correctement.
Je me permets d'ajouter à cette présentation une photo de la bibliothèque de l'université de Mossoul, qui vous fera certainement plaisir…
Avant que vous ne passiez à la deuxième partie de votre rapport, je veux vous remercier pour cette présentation extrêmement intéressante, fruit de votre travail personnel ; nous la transmettrons au ministère.
Concernant l'Irak, j'ai vu une diplomatie cohérente ; je le dis avec beaucoup de force et de sympathie pour les gens que j'ai rencontrés. Ainsi, le conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) m'a dit que pour créer un lycée français à Bagdad, plutôt que de téléphoner à l'AEFE à Paris, il s'employait à trouver à Bagdad des gens de terrain intéressés pour monter une structure qui serait homologuée dans deux ou trois ans par l'éducation nationale française : c'est la première fois que j'entends cela !
La fondation ALIPH fait de la restauration patrimoniale dans les zones en conflit. C'est un nouvel outil de notre diplomatie : cette fondation de droit privé, dont nous sommes les principaux contributeurs avec 30 millions d'euros, montant qui a permis de lever une somme nettement supérieure, pour restaurer le musée de Mossoul et d'autres lieux ayant été détruits. Il y a en Irak des idées nouvelles, de l'audace et une diplomatie qui ne fait pas plus, mais qui agit différemment, en osmose avec le terrain qu'elle connaît bien.
Un dernier mot sur les ressources humaines du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Dans mon programme, on ne gère pas en premier lieu la pénurie d'argent : on gère une organisation, qui doit être réformée avant tout apport de crédits, sans quoi ceux-ci seront perdus. C'est exactement ce qu'il s'est passé avec l'AEFE, qui a bénéficié de 25 millions d'euros supplémentaires : si elle les avait obtenus il y a deux ans, ils n'auraient pas été employés aussi efficacement que cette année.
Il en va de même pour les ressources humaines du ministère. Il faut redéfinir leur organisation si l'on veut disposer d'un vrai service de ressources humaines. Aujourd'hui, on gère des carrières et non pas des ressources, sans faire la différence entre compétences diplomatiques et compétences culturelles.
Il vaudrait mieux se pencher sur l'organisation des ressources humaines du ministère avant de prévoir des moyens supplémentaires. Sinon, j'ai peur que l'on fasse comme pour les services des visas qui, certes, manquent de moyens, mais qui sont surtout mal organisés. Une vraie politique de gestion des ressources est nécessaire mais, pour cela, il faut changer le système : on ne remet pas du gazole dans un système avant de l'avoir modifié.
Je remercie nos trois rapporteurs pour le contenu et pour la qualité de leurs rapports : il faut vraiment utiliser leurs compétences et leurs propositions. Nous en venons maintenant aux orateurs des groupes.
Merci à M. Frédéric Petit pour son expertise et pour son incontestable connaissance du programme 185, particulièrement cher aux députés des Français de l'étranger que nous sommes : c'est pourquoi nous sommes très vigilants sur son affectation.
Le budget de l'AEFE augmente de 24,6 millions pour s'établir à un peu plus de 408 millions d'euros ; c'est le budget le plus élevé depuis 2013. Cette augmentation doit lui permettre de mener à bien la réforme qui doit la conduire à doubler le nombre d'élèves scolarisés et à maintenir la qualité pédagogique de ce réseau. Si ces quelque 25 millions d'euros lui avaient été affectés plus tôt, ils auraient été bien différemment utilisés – et certainement pas en visant les objectifs que nous nous fixons aujourd'hui.
Vous avez également rappelé l'importance de la coopération universitaire et scientifique pour notre diplomatie d'influence, ainsi que la façon dont le réseau culturel et éducatif de la France peut être mobilisé pour participer à la reconstruction d'un pays après une période de guerre. Nous savons à quel point la culture et l'éducation jouent un rôle de premier plan pour une paix durable. En ce sens, la coopération dans ces domaines favorise la diffusion des valeurs démocratiques et l'approche multilatéraliste avec des partenaires qui ont la France à coeur.
La coopération éducative, non seulement en période de reconstruction mais également en amont, favorise les relations internationales porteuses de paix, grâce à des liens renforcés avec la société civile. Cela passe, entre autres, par un enseignement français et en français de qualité, délivré tant dans les lycées français que dans les systèmes éducatifs locaux.
L'existence de filières bilingues françaises ouvre de nouvelles perspectives aux élèves de nationalité française ou de nationalité étrangère souhaitant maîtriser la langue française. Par ailleurs, les filières bilingues, souvent publiques, constituent autant d'occasions de garder des liens avec la France pour des enfants français qui n'ont pas accès aux lycées français du fait de l'éloignement, du manque de places ou du montant des frais de scolarité. Il est important que l'enseignement français à l'étranger permette à toujours plus d'enfants français d'avoir accès à notre langue et à notre culture. La solidarité nationale doit accompagner les enfants n'ayant pas accès à nos établissements à l'étranger si nous voulons garder ce lien nécessaire avec nos concitoyens.
Aussi, monsieur le rapporteur, j'aimerais vous poser une question plus précise sur le LabelFrancÉducation : pensez-vous que le budget actuel permette le déploiement de ce label, qui représente une opportunité pour la France, pour nos concitoyens et pour la diplomatie d'influence ? Par ailleurs, la formation des enseignants doit-elle être prise en charge par le programme 185 dans le cadre du déploiement de ce label ?
Enfin, dernière question concernant le rapprochement entre la Fondation Alliance française et l'Institut français à Paris : les synergies prévues ont-elles porté leurs fruits ?
Je passe la parole à Michel Herbillon, qui est par ailleurs coauteur d'un rapport sur la diplomatie culturelle et d'influence avec Sira Sylla.
Merci beaucoup de l'avoir rappelé, madame la présidente : c'était une des premières missions d'information de la commission et nous avions fait 135 propositions pour la diplomatie culturelle et d'influence.
Je tiens à remercier également Frédéric Petit, très grand connaisseur de ce sujet ; les schémas qu'il nous a présentés illustrant parfaitement la difficulté de l'exercice en ce qui concerne la diplomatie culturelle et d'influence.
Le programme 185 est en hausse de 2,6 %, après avoir baissé en 2019 – c'est une bonne chose. Ce programme retrouve ainsi son niveau de 2018. Cependant, quand on entre dans les détails, cela se complique un peu : la hausse des crédits de l'AEFE permet de compenser la baisse de 2019 et concrétise en partie, mais en partie seulement, l'engagement présidentiel de doubler d'ici à 2030 le nombre d'élèves scolarisés au sein du réseau de l'AEFE. Dans le même temps, l'appui au réseau et la coopération culturelle ainsi que la promotion du français connaissent des diminutions de crédits substantielles, contraires aux engagements qui ont été pris.
J'ai trois questions à vous poser au nom du groupe Les Républicains. Première question concernant le rapport que nous avions remis avec Sira Sylla : l'une des propositions que nous avions faites visait à conforter les alliances françaises et à mieux les articuler avec l'Institut français. Dans votre rapport, vous indiquez que le montant des crédits alloués aux alliances françaises tient compte de l'objectif présidentiel de création de dix nouvelles alliances par an – création annoncée, je le rappelle, dans le cadre du plan pour la langue française présentée par le Président de la République en mars 2018. L'engagement présidentiel allait même encore plus loin puisqu'il s'engageait à sanctuariser les crédits alloués à ces institutions. Or la subvention pour l'Alliance française passe de 8,3 millions d'euros en 2019 à 7,3 millions d'euros en 2020, soit une baisse de 14 % des crédits. Par ailleurs, 282 emplois lui étaient affectés en 2017, 273 en 2018 et 262 en 2019 : les moyens annoncés sont-ils réellement en place pour les nouvelles créations d'alliances, ou bien ces nouvelles créations se font-elles au détriment des alliances existantes ? Les chiffres montrent en effet un décalage.
Ma deuxième question concerne l'action Diplomatie économique et développement du tourisme, dont les crédits baissent de 3 % pour 2020. Les moyens accordés à Atout France, qui sont en baisse, sont-ils compatibles avec l'objectif d'augmenter de plus de 10 % le nombre de touristes en France pour atteindre la barre des 100 millions, sachant que cet objectif, initialement prévu pour 2020, a d'ores et déjà été reporté par le Gouvernement ?
Troisième question, concernant la francophonie : le Président de la République avait annoncé un plan très ambitieux, que nous avions approuvé ; il comprenait beaucoup de mesures. Où en est-on de ce plan ? La francophonie donne l'impression d'être davantage une bataille de postes – je cite là un ancien ministre des affaires étrangères – plutôt qu'un plan ambitieux, dont on peine à voir s'il se met véritablement en place.
Je tiens d'abord à saluer le travail de Frédéric Petit. L'action de la France à l'étranger se déploie à plusieurs niveaux et les questions relatives à la diplomatie culturelle et d'influence et à la francophonie sont éminemment importantes. La culture et la diffusion de la langue, c'est aussi la transmission d'une pensée et la capacité à regarder le monde différemment ; c'est l'apprentissage du dialogue et d'une conception plurielle du monde.
Nous devons défendre cette conception d'une diplomatie d'influence au service des peuples et utile pour relever les défis du moment. Vous dites très justement, monsieur le rapporteur pour avis, que la mondialisation remet les actions éducatives, culturelles, économiques et environnementales au coeur des enjeux diplomatiques. Il ne s'agit plus de savoir mieux que les autres et de projeter notre raison dans le monde, mais de construire des réponses partenariales à des défis et à des menaces qui ne sont plus strictement nationales.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés partage pleinement cette vision et cette approche interculturelle. Il est heureux de constater que les crédits alloués au programme 185 sont en progression et que cette hausse servira principalement à soutenir le formidable réseau d'enseignement du français à l'étranger, afin d'atteindre l'objectif présidentiel du doublement du nombre d'élèves scolarisés d'ici à 2030. Alors que le prochain contrat d'objectifs et de moyens de l'AEFE couvrira la période 2020-2022 et que d'autres institutions connaîtront un renouvellement du même ordre de leur contrat d'objectifs et de moyens, quel vous semble devoir être le rôle des parlementaires dans leur préparation ?
La France s'est distinguée, au cours des dernières années, par ses excellents résultats dans le domaine du soft power et de l'influence internationale. Mais, loin de consacrer la politique du Gouvernement en la matière, la place prépondérante qu'elle occupe aujourd'hui s'explique avant tout par l'excellence de son réseau de diplomates et d'ambassadeurs, respecté bien au-delà de nos frontières. Comme vous l'indiquez dans votre rapport, la diplomatie culturelle repose avant tout sur les personnes qui travaillent sur le terrain et qui font vivre le réseau au quotidien. Leur excellence et leur haut niveau d'expertise ont été un élément clé dans diverses réussites diplomatiques françaises.
Dans ces conditions, la baisse, cette année encore, du nombre d'emplois à l'étranger affectés à la politique culturelle extérieure apparaît en contradiction totale avec les besoins et les réalités du terrain, et le groupe Socialistes et apparentés le déplore. Alors qu'entre 2017 et 2019, quarante-sept postes ont déjà été supprimés au sein du réseau, le Gouvernement poursuit cette dynamique en prévoyant, pour 2020, la suppression de vingt et un ETP sur les programmes 185 et 209 et de trente-huit postes dans les établissements à autonomie financière (EAF). Cette « rationalisation des dépenses de personnel », comme vous la nommez, est en incohérence avec les objectifs de la diplomatie culturelle française, notamment de la volonté de renforcer l'attractivité de la France. Elle entraîne, à terme, une perte d'expertise et de qualification des agents par la multiplication des recours aux contrats locaux, souvent à durée déterminée. La baisse constante des ETP de cette mission se traduira inéluctablement par une baisse de la qualité du réseau extérieur de l'État et des actions réalisées.
Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, je vous félicite également, monsieur le rapporteur pour avis, pour la qualité de votre rapport. J'ai noté avec beaucoup de satisfaction, comme tous mes collègues représentant les Français de l'étranger, que le PLF pour 2020 marque enfin, dans le programme 185, une pause dans l'effondrement du budget de l'AEFE. Celui-ci s'établit désormais à 408 millions d'euros, contre 384 millions l'année dernière, soit une hausse de 24,6 millions. Je ne vais pas faire la fine bouche : quoique représentant de l'opposition – le seul parmi les députés des Français de l'étranger –, j'estime que c'est une très bonne nouvelle.
Cette hausse des crédits doit toutefois être mise en perspective : elle ne permet même pas de compenser les 33 millions d'euros qui ont été annulés sèchement en 2017. Cette décision avait suscité un profond malaise, un mouvement de grogne sans précédent, et même des grèves dans le réseau des lycées français à l'étranger, en particulier dans ma circonscription, en Italie et en Grèce. Par ailleurs, cette évolution pose d'ores et déjà la question de sa pérennité et ne dissipe pas les craintes persistantes sur le financement du réseau de l'AEFE.
Le 3 octobre, le ministre des affaires étrangères nous a présenté, avec M. Jean-Baptiste Lemoyne, son secrétaire d'État, une stratégie très ambitieuse de développement de l'enseignement du français à l'étranger, et c'est une très bonne chose. Les objectifs affichés sont très ambitieux : doublement du nombre d'élèves à l'horizon 2030, modernisation des outils pédagogiques grâce à l'éducation numérique et aux plateformes collaboratives… Autant de très bonnes nouvelles. Mais quid du passage de la parole aux actes, et du financement, le nerf de la guerre, de ces opérations ?
Je partage votre préoccupation de mieux organiser les ressources humaines, et ce peut être une partie de la réponse à ma question. Quel est votre avis, à ce stade, sur le plan de financement de cette stratégie ? Les 25 millions d'euros supplémentaires seront-ils suffisants ? Cette augmentation marque-t-elle une véritable inflexion, ou bien devons-nous nous attendre à avoir un réseau à plusieurs vitesses, voire à géométrie variable et – c'est ce qui m'inquiète le plus – une explosion des frais de scolarité pesant sur les parents d'élèves ?
Nous avons vu la semaine dernière, lors de l'audition de la secrétaire générale de la Francophonie, Mme Louise Mushikiwabo, qu'il est essentiel de poursuivre nos efforts et de renforcer les outils qui permettent de développer l'enseignement du français à l'étranger. Le programme 185 – et son financement pour 2020 – fait état de cette priorité. Par rapport à 2019, il est passé d'environ 700 millions à plus de 718 millions d'euros. C'est bien l'action 05 Agence pour l'enseignement français à l'étranger qui a bénéficié de cette augmentation, avec une valorisation de son budget de près de 25 millions d'euros. Celle-ci doit permettre, d'ici à 2030, de doubler le nombre d'élèves scolarisés dans le réseau d'enseignement du français à l'étranger.
Cependant, cette réelle plus-value se fait au prix d'une diminution presque généralisée de toutes les autres actions de ce programme : quatre actions sur sept ont un budget en baisse. Mme Louise Mushikiwabo nous a pourtant alertés sur un point crucial : la langue française est perçue comme élitiste et éloignée des réalités. Renforcer son attractivité à travers des actions et des outils innovants devrait donc figurer au premier rang de nos priorités. Or c'est l'action 02 Coopération culturelle et promotion du français qui est la plus touchée, puisqu'elle passe de 67 à 63 millions d'euros. Son objectif, je le rappelle, est de soutenir le développement qualitatif de l'enseignement francophone, de répondre à la demande d'éducation française et en français et de promouvoir la langue française. Parmi toutes ses missions, celle concernant les subventions aux alliances françaises locales se voit par ailleurs fortement diminuée, sans que l'on en comprenne vraiment la raison : elle perd presque 1 million d'euros entre 2019 et 2020. Cette baisse fait-elle suite à une évaluation, ou bien est-elle le résultat d'une approche purement budgétaire ? Cette décision est d'autant plus discutable que les Alliances françaises sont un vecteur privilégié de la promotion de la langue française.
Malgré ces restrictions, on peut toutefois souligner que le montant global des bourses versées aux étudiants étrangers qui aspirent à devenir professeurs de français reste stable. C'est une bonne chose, car ils sont les meilleurs vecteurs de la francophonie à l'international. Je tiens également à saluer l'introduction des enjeux climatiques et environnementaux au sein de la diplomatie scientifique française : il est important qu'ils soient au coeur de toutes nos formes de coopération internationale.
Pour conclure, même si les budgets accordés aux différents programmes de cette mission ne sont pas toujours très cohérents, ni très lisibles, le groupe Libertés et Territoires salue l'effort réalisé pour augmenter une partie de ces financements : ils devraient améliorer l'enseignement du français à l'étranger.
Je salue l'ingénieur que vous êtes, monsieur le rapporteur pour avis ! Si j'avais disposé de vos schémas, j'aurais peut-être préparé, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, une intervention un peu différente, car votre présentation, très pédagogique, permet de bien visualiser les évolutions budgétaires.
J'aimerais d'abord vous interroger sur un point très précis. L'an dernier, nous avions accordé 2 millions d'euros supplémentaires à l'Institut français pour qu'il investisse dans des actions de promotion de la langue française, et ces 2 millions d'euros ont disparu cette année. Or, tous ceux qui ont déjà eu à mener des actions culturelles savent que le lancement d'un projet déclenche un besoin de financement à long terme : sinon, on reste dans un coup de communication. Ces 2 millions d'euros ont permis de lancer des actions et l'Institut français se trouve dans l'obligation, pour les poursuivre, de puiser dans ses propres fonds, ce qui complique les choses. On ne comprend pas pourquoi Bercy a décidé de supprimer ces 2 millions – ou plutôt, on comprend trop bien pourquoi ! Nous pourrions proposer à la commission des finances de rétablir ce financement de 2 millions d'euros, et sur plusieurs années, afin de mener une action durable en matière de promotion de la langue française.
Je ne reviens pas sur les suppressions de postes, mes collègues en ont déjà largement parlé. Votre rapport ne dit rien du programme « Bienvenue en France », ni de l'augmentation des frais d'inscription pour les étudiants étrangers en France, alors que cela fait aussi partie de notre action diplomatique. Pour la défense de la langue française et des valeurs de la France, pour la diplomatie et l'économie françaises, l'accueil des étudiants étrangers est une question très importante. Même si l'on ouvre des universités à l'étranger pour permettre aux étudiants étrangers de bénéficier de l'enseignement français dans leur propre pays ou dans des pays limitrophes, il n'empêche que l'accueil en France d'étudiants étrangers a une grande importance. Pourriez-vous nous donner des informations sur le nombre de bourses qui ont été attribuées et sur le nombre d'exemptions qui ont été prononcées, s'agissant des droits d'inscription ?
Enfin, et pour l'anecdote, vous avez bien fait de citer M. Bertrand Badie à la page 63 de votre rapport. Son passage devant notre commission des affaires étrangères a été remarquable et nous a tous fait grandir.
Je vais tâcher de répondre aux questions dans l'ordre où elles m'ont été posées.
Oui, madame Cazebonne, la formation des enseignants de français en dehors du réseau strict de l'AEFE est prévue. Il y a deux ans, les personnes chargées du développement du réseau, au sein de l'AEFE, n'étaient pas plus de trois et elles figuraient à peine dans l'organigramme. Depuis, l'AEFE s'est dotée d'un service d'appui au développement du réseau (SADR), avec un cadre et une équipe. Sur les 25 millions d'euros supplémentaires attribués à l'AEFE, plusieurs millions sont fléchés sur la formation, y compris à destination du LabelFrancÉducation et du programme de consolidation du FLAM, à l'extérieur du réseau.
Vous avez également parlé des zones de conflit. J'aimerais, à cet égard, évoquer un de nos partenaires de premier plan : le CNED. Il ne fait pas partie du programme 185, mais il a développé des outils et des expériences absolument magnifiques. Le nouveau président du CNED a d'ailleurs déclaré qu'avec un directeur et huit répétiteurs, il était capable de créer une école dans un pays en guerre, par exemple en Libye, et d'y former des enfants qui pourront s'intégrer au réseau français. Le CNED a monté à Izmir un projet épatant : ses élèves étudient dans la médiathèque de l'Institut français et vont, une fois par trimestre, passer une semaine au lycée français d'Istanbul, accueillis dans des familles françaises. Je rappelle aussi que nous avons créé trente et un nouveaux lycées l'année dernière, que nous comptons 15 000 nouveaux élèves dans le réseau et que le LabelFrancÉducation regroupe désormais 393 établissements au lieu de 56 en 2014. Tous ces chiffres témoignent d'une dynamique nouvelle.
Je ferai une réponse globale sur l'Institut français et les alliances françaises, dont plusieurs d'entre vous ont parlé, dont mon collègue Lecoq. Je rappellerai d'abord qu'une alliance française est une association de droit local indépendante ; je connais même une alliance française qui a préféré ne pas arborer le drapeau français pour ne pas apparaître comme une succursale de l'ambassade de France. Parmi les 839 alliances françaises, certaines sont conventionnées : cela ne veut pas dire qu'elles touchent de l'argent – les alliances françaises ne coûtent rien au contribuable –, mais elles ont le droit à une animation, en la personne d'un directeur régional envoyé par le ministère.
Monsieur Herbillon, vous demandez comment nous allons créer dix nouvelles alliances françaises par an sans leur consacrer davantage d'argent, mais cette question ne se pose pas. Le secrétaire général de la Fondation Alliance française a dit clairement que le développement de ce réseau n'est pas une affaire d'argent public – cela ne l'a jamais été. Les alliances françaises ont plus de cent vingt ans : elles existaient avant l'instauration de l'impôt sur le revenu…
Vous m'interrogez également sur l'articulation des alliances françaises et de l'Institut français. La Fondation des alliances françaises compte sept salariés, qui ne sont pas tous à plein-temps et qui sont payés par leurs adhérents. L'Institut français, quant à lui, compte 250 salariés, payés par le contribuable. L'articulation de ces deux structures est une véritable bouteille à l'encre : une réforme a été lancée, qui n'a pas abouti. Il reste beaucoup à faire pour créer une tête de réseau : il faut faire ce qui a été fait pour l'AEFE. Ce travail est en cours, on commence à se parler ; il faudra certainement élaguer l'organigramme de l'Institut français de Paris, car certains postes relèvent davantage du ministère de la culture que du rayonnement de la culture française dans le monde.
Monsieur Lecoq, les 2 millions d'euros dont vous parlez ont été attribués à l'Institut français en 2019 pour des tâches très précises : l'informatisation et le rassemblement de plateformes, qui ont été réalisées. Ce n'est pas Bercy, mais la direction générale de la mondialisation (DGM) du ministère des affaires étrangères qui a décidé de ne pas reconduire ces crédits qui n'apparaissaient plus nécessaires.
M. Michel Herbillon m'a également interrogé au sujet d'Atout France et je profite de sa question pour saluer l'action de cet opérateur. La petite baisse de budget que l'on constate est due en partie à une compensation.
Le plan francophonie est un plan énorme, qui représente quelque 200 millions d'euros. On a lancé l'an dernier, grâce à l'Institut français, un certain nombre de projets précis, dont la mise en commun de plateformes digitales. Le plan francophonie est en cours de réalisation, mais la grande difficulté va consister à créer des liens avec les autres ministères.
M. Michel Fanget m'a interrogé sur le rôle des parlementaires dans le programme 185. J'aurais pu les mentionner car, pour moi, ils font partie de la société civile. C'est ce que j'appelle l'« interparlementaire » : c'est le travail que nous faisons, en tant que députés des Français de l'étranger, et c'est un travail absolument déterminant. Je vous encourage tous, lorsque vous voyagez, à ne pas vous limiter à visiter nos postes diplomatiques et culturels, mais aussi à voir ce que font les communautés françaises sur place. C'est parfois assez extraordinaire : Le Malade imaginaire a par exemple été joué il y a quinze jours à Bratislava, en français, par une association locale. Et cela n'a pas coûté plus de 500 euros à la collectivité.
M. Alain David a posé une question fondamentale, à savoir : qu'est-ce qu'un réseau ? Il est vrai que le mot est souvent utilisé à tort et à travers. Dans l'administration, le réseau est la forme dégradée de l'administration centrale : quand on n'a pas les sous, on fait un réseau… Ce n'est pas ça, un réseau. C'est d'abord le réseau diplomatique, c'est-à-dire l'ensemble des gens placés sous le plafond d'emplois du ministère des affaires étrangères sur l'ensemble de la planète. Mais il y a aussi le réseau de l'AEFE, dont le budget n'est pas de 408 millions, monsieur Meyer Habib, mais de 2,5 milliards d'euros, et qui sert à financer plus de 500 lycées. Sur ces 2,5 milliards, le budget de l'AEFE, en tant que structure française, représente 1,2 milliard, dont 400 millions seulement de subventions : le reste est payé par les États qui abritent les établissements. Le gouvernement de Viktor Orbán, par exemple, est peut-être très critiquable ; reste qu'il donne 100 000 euros par an au lycée français de Budapest, parce qu'il a envie d'avoir un lycée français à Budapest, ouvert aux Hongrois. Voilà ce que j'appelle le réseau.
Notre administration n'a pas les compétences nécessaires pour gérer un tel réseau, en termes de management. Les gens qui ont travaillé dans les affaires sociales, comme je l'ai fait pendant plusieurs années, savent que la gestion d'un réseau nécessite des compétences, qui ne sont pas exactement celles d'une administration centrale ou d'un ambassadeur. Il faut des compétences très spécifiques pour faire travailler sur un même sujet des partenaires qui ne sont pas équivalents. Il est clair qu'on ne fera pas la promotion de la francophonie sans l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), mais l'OIF prend ses propres décisions. Nous ne sommes pas les maîtres du jeu. Il faut donc trouver un moyen d'articuler les 200 millions de notre plan francophonie avec des partenaires qui ont leur propre pouvoir décision.
Si nous créons un vrai département chargé des ressources humaines au sein du ministère, l'une de ses fonctions sera aussi de former les gens qui ne font pas partie de l'administration, qui sont en dehors du réseau. C'est une tâche que l'Institut français, à Paris, remplit très difficilement aujourd'hui. Il est officiellement chargé de former tous les professeurs de français du monde, mais il le fait assez peu.
Vous avez dit, madame Frédérique Dumas, que le français a la réputation d'être une langue élitiste. C'est effectivement un problème et je pense que les bourses peuvent nous aider à le résoudre. Je suis favorable à la rigidité du système actuel : je sais que des bourses ont été détournées pendant de nombreuses années par certains. Il ne faut pas nous faire avoir. Mais je crois aussi qu'il faudrait redonner au conseil consulaire une marge de liberté pour intervenir dans certains cas particuliers – et pas seulement au bénéfice des Français de l'étranger –, notamment dans les pays bénéficiaires de l'aide publique au développement.
Quant au trente-huit fermetures de postes dans les EAF, c'est un effet d'optique : nous avons fermé quatre EAF et les postes ont été redistribués ailleurs.
M. Jean-Paul Lecoq vous a également interrogé sur les frais d'inscription des étudiants étrangers.
On a ouvert 14 000 exemptions. S'agissant des étudiants étrangers et des programmes « Bienvenue en France » ou « Make our planet great again », ce n'est pas que je veuille botter en touche, mais ce sont des sujets que notre commission devra aborder au moment de l'examen de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Il faut casser ces frontières, envisager ces questions d'une manière globale, en réfléchissant à ce que doit être la recherche française dans le monde. J'ai par exemple de grandes idées pour développer l'archéologie française qui, aujourd'hui, bricole un peu, alors que la France est le seul pays à avoir des archéologues présents sur les cinq continents. Et c'est le fait d'une décision diplomatique : on a demandé à la commission des fouilles d'avoir un chantier de fouilles sur chaque continent. Nous aurons un grand débat sur toutes ces questions à l'occasion de l'examen de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche.
S'agissant des frais d'inscription des étudiants étrangers, je pense qu'il faudrait évaluer les choses sur le terrain, afin de savoir précisément comment les choses se passent dans un certain nombre de pays et d'universités.
Je rappelle que nous avons le deuxième réseau diplomatique du monde, ce n'est pas rien. Je veux, au nom de notre commission des affaires étrangères, rendre hommage à tous les personnels du ministère des affaires étrangères, qu'ils soient dans l'administration centrale ou dans les différents postes diplomatiques. Nous avons parfaitement conscience de leurs très grandes qualités et leurs très grandes compétences. Leur mission est absolument essentielle dans le monde tel qu'il est aujourd'hui.
Je remercie nos rapporteurs pour la maîtrise dont ils font peuvent de leur dossier, la qualité de leur travail et de leurs propositions. Je dois rencontrer prochainement le nouveau secrétaire général du Quai d'Orsay ; je lui proposerai, sur cette question essentielle du fonctionnement du ministère, d'entamer une coopération concrète et sérieuse, sur la base des propositions de nos rapporteurs.
Nous allons passer à l'examen des amendements.
Article 38, état B : Action extérieure de l'État
La commission examine l'amendement II-AE2 de M. Denis Masséglia.
Cet amendement vise, dans le prolongement de la mission d'information que j'ai réalisée sur la diplomatie économique, à financer un programme de volontariat international en entreprise (VIE) senior, à titre expérimental. Il s'agirait d'expérimenter le dispositif pour une vingtaine de personnes, sur une région donnée, avant d'envisager son développement à une plus grande échelle.
Pour commencer, cet amendement me semble poser un problème technique. Sur le fond, les volontaires internationaux en entreprise posent des problèmes dans certains pays d'accueil, et la situation serait encore plus délicate s'il s'agissait de seniors. On a l'habitude des échanges entre jeunes, mais il paraît très difficile de développer l'échange de volontaires seniors. Enfin, il existe déjà un certain nombre de dispositifs permettant à une entreprise de s'associer les services d'un senior, à des tarifs équivalent à celui du VIE – elle peut faire appel à Pôle Emploi ou recourir au portage salarial. Je vous invite donc à retirer votre amendement, qui pose un problème de recevabilité financière. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je vais retirer mon amendement pour modifier le terme de « VIE senior » dans mon exposé sommaire : nous visons non pas les personnes en fin de carrière mais les retraités. Nous souhaitons qu'ils puissent faire profiter les entreprises des fruits de leur expérience.
L'amendement II-AE2 est retiré.
L'amendement II-AE3 du même auteur est également retiré.
La commission en vient à l'amendement II-AE10 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Vous connaissez déjà cet amendement, madame la présidente, car nous le présentons chaque année. Il traduit notre opposition au cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et à notre participation à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Nous proposons de transférer vers les actions dédiées à la francophonie les fonds alloués à ces deux organismes, qui nous mettent littéralement dans le mur et paraissent totalement inadaptés à la période que nous vivons.
Ces fonds sont liés à des conventions ; décider de ne plus les verser relèverait de ce qu'on appelle la grivèlerie dans le privé. Le transfert que vous proposez paraît d'autant plus compliqué qu'il porte sur des crédits de paiement (CP) et non sur des autorisations d'engagement (AE).
Sur le fond, je m'oppose à votre découpage des crédits consacrés à l'action extérieure de la France. Certes, l'OMC ne fonctionne pas, il faut la rénover, mais notre participation financière à cet organisme contribue à la projection de la France dans le monde. Il n'y a pas que la paix et la guerre : le monde est devenu plus complexe… Avis défavorable.
Je suis très heureuse d'entendre dans votre bouche que l'OMC ne fonctionne pas. Cela nous fera au moins un point commun.
Oui, tout le monde le dit, pourtant nous continuons à l'alimenter. Cela dit, d'une certaine manière, cette machine fonctionne, mais dans un sens qui ne permet pas de répondre aux enjeux attachés à l'égalité, à la paix et à l'environnement. Elle a bien du carburant, mais elle fait des choses qui sont nocives…
Par ailleurs, il conviendrait que nous ayons un débat sur notre implication dans l'OTAN. Les choses bougent rapidement : les États-Unis de Trump ne sont pas tout à fait les États-Unis d'Obama. Et cette structure n'est pas plus adaptée au temps présent que l'OMC.
Sur l'OTAN, se tiendra une réunion conjointe avec la commission de la défense le 27 novembre, au cours de laquelle nous entendrons des intervenants extérieurs.
Certes, le fonctionnement de l'OMC n'est pas optimal, je le sais pour avoir participé aux négociations qui durent sur des jours et des jours : obtenir un consensus des cent soixante-quatre pays membres est très compliqué, d'autant que certains d'entre eux bloquent toutes les propositions. Toutefois, en ces temps tourmentés, j'estime que l'OMC a son utilité car elle constitue un centre de stabilité. De la même façon, l'OTAN, loin de « déployer une politique belliciste », comme vous l'écrivez dans votre exposé sommaire, contribue à maintenir la paix. C'est seulement en des cas extrêmes qu'elle envoie des forces armées sur le terrain.
La commission rejette l'amendement.
Cela ne doit pas nous empêcher de continuer à débattre au sein de notre commission des questions que cet amendement pose sur l'OTAN comme sur l'OMC.
La commission est saisie de l'amendement II-AE11 de Mme Clémentine Autain.
Par cet amendement, nous souhaitons appeler l'attention sur le poids croissant qu'occupe la diplomatie économique au sein de notre diplomatie. Celle-ci vise à intégrer dans l'action diplomatique le soutien à l'internationalisation des entreprises françaises. Il est ainsi demandé explicitement aux ambassadeurs d'aider à lever les barrières et les freins auxquels elles sont confrontées à l'étranger – je pense notamment à cette liste, qu'ils sont tenus d'établir, des dix contrats prioritaires dans le pays dans lequel ils sont en poste.
Cette vision managériale de la diplomatie, avec sa culture du résultat, dénature la fonction de diplomate. Les ambassadeurs sont appelés à consacrer 40 % de leur temps à faire les représentants des ventes, évolution qui a de quoi nous inquiéter. Je songe au soutien apporté à Lafarge qui a par la suite financé Daech ou encore aux ventes d'armes à l'Arabie Saoudite. Jusqu'où doit aller ce soutien aux entreprises ? Va-t-on faire comme le Danemark qui a nommé un ambassadeur auprès des GAFA ? Selon nous, la diplomatie ne saurait être le bras armé d'entreprises privées qui, par définition, ne représentent que leurs propres intérêts. Elle se doit d'être politique.
Nous proposons donc de transférer un euro symbolique de crédits de l'action 07 Diplomatie économique et développement du tourisme du programme 185 vers l'action 02 Accès des élèves français au réseau AEFE du programme 151. Notre amendement vise à interroger les objectifs poursuivis par le programme 185 – promouvoir les intérêts économiques et commerciaux de la France, donner une nouvelle impulsion à notre diplomatie économique, comme indiqué dans le « bleu » budgétaire – et les indicateurs utilisés – citons celui concernant l'accompagnement des acteurs économiques et le sous-indicateur « nombre de visites d'investisseurs auxquelles les ambassades et Business France ont contribué ». Ce n'est pas notre conception de la diplomatie.
La diplomatie économique consiste à s'assurer que les entreprises françaises respectent les lois françaises à l'étranger. Avec Mireille Clapot et Dominique Potier, nous travaillons sur le devoir de vigilance des multinationales en matière de droits de l'homme et d'environnement. Nous savons que des entreprises dont le siège est en France ne se comportent pas comme il le faudrait ; sans aller jusqu'au contentieux, notre diplomatie devrait réagir immédiatement pour leur rappeler que notre pays porte des valeurs, y compris à travers son tissu économique.
Vous avez raison de souligner l'essor de la diplomatie économique ces dernières années. Laurent Fabius avait souhaité en faire une priorité absolue pour nos ambassades. Toutefois, je suis en désaccord avec vous sur un point : je considère que nos diplomates doivent être les acteurs de la propulsion de nos entreprises à l'international mais aussi de l'attractivité de la France. C'est dans la relation politique qu'un ambassadeur entretient avec les autorités du pays où il représente la France qu'il acquiert une compréhension fine des moyens par lesquels il peut aider une entreprise française, par exemple pour remporter un marché public, mais également pour défendre l'attractivité de la France en expliquant l'intérêt de venir y investir : nous avons aussi besoin d'acteurs étrangers. La frontière entre politique et économie est ténue et il faudra peut-être redéfinir les contours de la diplomatie économique, mais nous ne pouvons pas travailler en vase clos, repliés sur nous-mêmes. Je suis tout à fait défavorable à cet amendement.
Il est difficilement concevable de dissocier totalement l'économie de la politique. Dans beaucoup de régions du monde, les contrats ont une forte dimension politique : c'est le cas, par exemple, pour les projets de musée. Les meilleurs connaisseurs de la culture et du fonctionnement d'un pays étranger, ce sont les ambassadeurs et leurs équipes. Leur apport est nécessaire, notamment pour des entreprises n'ayant pas la taille des sociétés du CAC40 car elles ont des difficultés pour accéder aux interlocuteurs les plus importants. Ce sont bien souvent les diplomates qui leur permettent d'obtenir des rendez-vous et d'activer les bons leviers.
Je citerai également l'exemple des événements culturels qui contribuent au rayonnement de la France comme le French May. S'il est financé intégralement par les entreprises étrangères, c'est bien grâce aux relations que tissent les ambassades et les consulats.
Je m'étonne des soubassements idéologiques sur lesquels repose votre position, monsieur Lecoq, madame Autain. Je trouve vraiment étrange de voir la primauté de l'économie remise en cause par des gens qui ont toujours accordé une grande attention aux liens entre les infrastructures économiques et l'expression politique… Est-ce à dire que la diplomatie devrait désormais se limiter au régalien et ignorer totalement les aspects économiques et sociaux ? Je me dis que le monde idéologique dans lequel j'ai vécu jusqu'à présent vacille…
Je donnerai simplement un exemple des bénéfices de la diplomatie économique : songez aux normes internationales. Par l'intermédiaire de la francophonie en Europe, nous pouvons parvenir à maintenir des normes qui sont les nôtres. Le jour où les normes chinoises s'imposeront, les entreprises françaises n'auront plus qu'à rentrer à la maison : elles seront exclues des marchés étrangers. La diplomatie économique est en fait bel et bien politique.
Peut-être faut-il redéfinir le périmètre de la direction de la diplomatie économique au sein du ministère des affaires étrangères pour le rendre plus précis et gagner en efficacité. Les frontières entre économie et politique sont ténues, je le répète, et nous avons besoin d'acteurs politiques pour défendre les intérêts économiques de la France.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement II-AE15 de M. Christian Hutin.
Cet amendement vise à compenser la stagnation des crédits dédiés à l'aide à la scolarité des enfants français inscrits dans les établissements du réseau de l'AEFE. Nous proposons une augmentation de 5 millions d'euros pour retrouver le niveau antérieur à la baisse opérée dans le PLF 2018.
Le budget des bourses scolaires a été maintenu par rapport au PLF 2019 alors que les années précédentes, il avait fait l'objet de baisses. L'enveloppe n'est pas consommée en totalité pour des raisons mystérieuses qu'il nous faudra clarifier. Mme Cazebonne et moi-même sommes persuadées que certains élèves ne sollicitent pas de bourses alors qu'ils pourraient en bénéficier. Mais dans l'immédiat, il n'y a pas lieu d'augmenter ces crédits.
Je serais la première à m'associer à la demande formulée par M. David si nous constations que le budget alloué ne suffisait pas à couvrir les demandes. Or c'est le contraire : il n'y a pas suffisamment de demandes. Il faut que nous cherchions à savoir pourquoi. Cet éclaircissement est d'autant plus important que l'obligation d'accueillir des élèves en situation de handicap ou à besoin particulier s'impose aussi aux établissements d'enseignement du français à l'étranger. Il faudra donc prendre en compte la part des bourses qui leur seront dévolues et ajuster, s'il en est besoin, les crédits en conséquence.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement II-AE16 de M. Christian Hutin.
Cet amendement vise à pallier les baisses de crédits quasi mécaniques que subissent les grands opérateurs de l'État du secteur de la coopération culturelle, de la promotion du français et du tourisme en les compensant à hauteur de 7 millions d'euros.
Ces différences s'expliquent par des transferts dont j'ai déjà exposé les raisons pour Atout France, l'Institut français et les alliances françaises.
J'ai décidé de me tourner vers la cellule de Bercy qui s'occupe du programme 185 de manière à avoir plus de clarté sur les chiffres. Plusieurs matrices se croisent et j'aimerais disposer de tableaux dont le format nous permette d'y travailler.
Il s'agit en effet de transferts. Les AE et les CP du programme 185 augmentent de 2,65 % en 2020, retrouvant ainsi leur niveau de 2018.
Par ailleurs, les crédits des opérateurs, dont ceux de l'AEFE, sont eux aussi en hausse de 24 millions. La réduction des dépenses des opérateurs dans le cadre d'Action publique 2022 doit être vue comme une rationalisation destinée à optimiser l'efficacité de nos opérateurs à laquelle nous sommes particulièrement attachés.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement II-AE17 de M. Christian Hutin.
Les crédits de paiement du programme 105 sont quasiment stables : ils sont en légère augmentation, de 9 millions d'euros, par rapport au PLF 2019 mais connaissent des diminutions par rapport au PLF 2018, principalement pour ce qui est de l'action 04 Contributions internationales et de l'action 07 Réseau diplomatique.
Le Gouvernement est pleinement conscient de la nécessité d'assurer la sécurité de nos postes à l'étranger : la preuve en est que 100 millions d'euros sont investis en 2019 et en 2020 à cette fin. Cette enveloppe n'est plus incluse dans le programme 105, d'où cette impression de stagnation, mais dans le compte d'affectation spéciale 723 Gestion du patrimoine immobilier de l'État. Pour cette raison, j'émets un avis défavorable sur votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement II-AE18 de M. Christian Hutin.
Nous proposons de financer à hauteur d'un million d'euros le Fonds citoyen commun créé par l'article 12 du traité franco-allemand d'Aix-la-Chapelle le 22 janvier 2019. Il est destiné à appuyer les projets conjoints d'acteurs de la société civile, notamment les initiatives citoyennes et les jumelages de communes – autrement dit une multitude de petites réalisations et non quelques grands projets : l'étude d'impact précise qu'il a vocation à apporter une contribution financière des acteurs de l'amitié franco-allemande souvent exclus de tout appui intergouvernemental.
Soyez assurés que ce financement nous tient tous à coeur. Le Gouvernement est déterminé à trouver une solution dans le cadre de discussions interministérielles. Vous savez combien le budget du ministère des affaires étrangères est contraint. D'autres ministères ont davantage vocation à abonder ce fonds qui ne représente qu'une petite ligne de crédit. Avis défavorable.
J'aurais préféré que ce soit un ministre qui m'assure de la détermination du Gouvernement à trouver un financement… Malgré tout le respect que j'ai pour vous, madame la rapporteure, je ne suis pas obligé de croire que le Gouvernement compte agir dans ce sens. Cet amendement me paraît essentiel : il est bon que notre commission affirme à travers son avis qu'il faut consacrer un million à ce fonds. Je vous invite, chers collègues, à le voter à l'unanimité. Dans l'hémicycle, le Gouvernement pourra nous dire qu'il a bien entendu notre appel et qu'il a pu trouver telle ligne budgétaire dans tel ministère. Cela aura le mérite de la clarté. Ne nous autocensurons pas !
Selon certains, ce million d'euros serait financé par une ligne budgétaire de l'éducation nationale mais je rejoins tout à fait M. Lecoq : nous devons être plus clairs. Il y va de notre crédibilité auprès de notre partenaire allemand qui, lui, était prêt à consacrer une somme bien plus importante à ce fonds. Il est nécessaire que nos concitoyens se saisissent des enjeux internationaux. La géopolitique actuelle montre que le moindre de nos villages est relié au monde. Si nous pouvons le faire sentir aux Français autrement que par des décisions arbitraires de M. Trump, nous en sortirions grandis. Je voterai donc en faveur de cet amendement.
Si cette ligne budgétaire est ouverte au sein de la mission Action extérieure de l'État, il faudrait opérer un transfert à partir de l'action consacrée aux visas – la commission doit en avoir conscience.
Je ne suis pas d'accord pour qu'on dépouille le ministère des affaires étrangères dont j'ai à coeur de défendre le budget. Je maintiens mon avis défavorable.
La rapporteure a raison : ce serait une innovation assez curieuse d'adopter au sein d'une mission des crédits qu'on veut faire supporter par une autre mission. Cela force l'étonnement.
Renvoyer l'ouverture de cette ligne budgétaire à d'autres ministères, c'est la quasi-garantie que ces initiatives citoyennes ne seront jamais financées. Nous devons faire le premier pas.
La situation semble effectivement assez kafkaïenne… La seule chose à faire serait peut-être de ne pas adopter les crédits de cette mission pour marquer notre désaccord. Pourquoi ponctionner l'éducation nationale ? C'est incompréhensible.
Pour ce qui est de la diplomatie culturelle et d'influence, les crédits de l'Office franco-allemand de la jeunesse (OFAJ) sont en légère augmentation. Traditionnellement, c'est la mission Sport, jeunesse et vie associative qui sert de support pour des telles actions. Mais la coopération décentralisée, qui inclut les jumelages, relève plutôt de l'action extérieure de l'État.
La commission rejette l'amendement.
Les arguments qui viennent d'être exposés méritent d'être repris dans l'hémicycle : il serait utile qu'il y ait un dialogue avec le Gouvernement sur cette question.
La commission examine ensuite l'amendement II-AE19 de M. Christian Hutin.
Nous proposons de compenser les baisses que l'AEFE a subies en abondant le budget qui lui est consacré par un montant équivalent.
Tout à l'heure, je n'ai pas répondu à M. Habib sur ces fameux 33 millions. Mon analyse budgétaire est totalement différente : j'estime que cette baisse a été compensée dès le projet de loi finances suivant, ce qui n'avait rien d'aisé puisqu'il s'agissait de crédits de paiement et non d'autorisations d'engagement. Vos 25 millions viendraient s'ajouter à un budget déjà réparé. Mieux vaut bien gérer les crédits ayant fait l'objet d'une augmentation qu'augmenter pour augmenter. Avis défavorable.
Avec 408,6 millions, ce budget n'a jamais été aussi élevé depuis 2013. Quant aux frais de scolarité, les établissements partenaires, qui fonctionnent sans aucune dotation de l'État, sur fonds privés, facturent les mêmes : dans le réseau espagnol, par exemple, les établissements partenaires fournissent des enseignements de la même qualité, avec des résultats au bac et post-bac équivalents, sans qu'il en coûte quoi que ce soit à l'État. Ces 33 millions d'euros ne sont pas du plus, mais du mieux dans le budget de l'AEFE.
La commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l'amendement II-AE21 de M. M'jid El Guerrab.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Action extérieure de l'État, sans modification.
Article additionnel avant l'article 73 : Rapport du Gouvernement au Parlement sur l'exécution budgétaire et financière des contrats d'objectifs et de moyens et les contrats d'objectifs et de performance des opérateurs de l'action extérieure
La commission est saisie de l'amendement II-AE7 de M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis.
Cet amendement, adopté à l'unanimité du bureau de notre commission, porte sur l'exécution, budgétaire et financière, des contrats d'objectifs et de moyens (COM) et des contrats d'objectifs et de performance (COP). Nous sommes très rarement saisis de ces contrats ; notre commission avait refusé de se prononcer en novembre 2018 sur un COM qui portait sur la période 2017-2019, en signe de protestation.
Nous demandons au Gouvernement de remettre un rapport sur l'avancée des COM et des COP, de manière à revenir à l'esprit de la loi, qui prévoit que le Parlement soit saisi en amont des COM et des COP. Il était très compliqué de formuler cette exigence, puisque cette disposition figure déjà dans la loi. Je vous propose donc d'utiliser une demande de rapport pour constater, avec le Gouvernement, que les COP et les COM ne nous sont pas soumis dans les délais. Nous pourrons ensuite trouver les moyens pour rattraper notre retard et nous assurer d'être saisis pour signature, et non pour ratification.
Je soutiens évidemment cet amendement qui va dans le sens de notre mission d'évaluation et d'anticipation, ce qui ne se fait jamais assez.
Le Gouvernement nous a assuré qu'il soutiendrait cet amendement en séance.
Nos moyens de contrôle et d'évaluation du Gouvernement sont très limités ; nous en sommes réduits à nous appuyer sur des rapports du Gouvernement au lieu de produire nos propres analyses. Les moyens du Parlement, et particulièrement ceux des groupes d'opposition, ne permettent pas de faire sérieusement le travail de contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement.
Je vous entends, mais nous avons néanmoins optimisé le suivi des COM et des COP, en saisissant les mêmes rapporteurs au fond chaque année ; c'est déjà une évolution positive.
J'admets que nos moyens d'investigations sont limités, nous nous en plaignons depuis longtemps. Mais autant mobiliser ces petits moyens au début de la procédure plutôt qu'à la fin…
Les données ne sont pas aussi évidentes. Le rapporteur nous a déclaré que les baisses au budget d'Atout France étaient compensées ; or nous constatons une baisse de 4 millions d'euros, qui n'est pas compensée par les collectivités. Nous avons donc quelques petits problèmes d'investigation.
Je n'ai pas dit que la baisse était compensée, mais que le financement était assuré par ailleurs. La subvention baisse, mais la subvention d'Atout France n'est pas le budget d'Atout France.
Quoi qu'il en soit, renforcer le suivi de ces opérateurs publics me semble fondamental. Et je suis d'accord avec Jean-Paul Lecoq : si l'Assemblée nationale avait davantage de moyens d'évaluation et de contrôle, j'en serais très heureuse ; c'est un combat qu'il nous faut poursuivre.
La commission adopte l'amendement.
Avant l'article 73
Elle en vient à l'amendement II-AE20 de M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis.
Cet amendement tendait à donner davantage de responsabilités aux conseillers consulaires locaux pour l'attribution de bourses, mais il n'est pas recevable. Je le retire.
L'amendement est retiré.
Examen pour avis, ouvert à la presse, des crédits de la mission Aide publique au développement du projet de loi de finances pour 2019 (M. Hubert Julien-Laferrière, rapporteur pour avis).
Nous allons maintenant examiner les crédits de la mission Aide publique au développement, dont le rapporteur est Hubert Julien-Laferrière. M. Jean-Paul Lecoq y a apporté une contribution au nom de son groupe.
L'aide au développement est un domaine de plus en plus essentiel de notre politique étrangère. Elle est au coeur de notre relation avec l'Afrique. Elle contribue à la stabilisation du Sahel, à la lutte contre les grandes pandémies, aux progrès de l'éducation, en particulier des filles, et à la mise en place d'une meilleure gouvernance dans le monde.
Notre aide publique au développement est actuellement dans une phase de reconstruction. La trajectoire budgétaire fixée en 2018 veut que son montant passe de 0,38 % du revenu national brut (RNB) en 2016 – un niveau historiquement faible – à 0,55 % en 2022 ; nous veillerons à ce qu'elle soit respectée.
Mais l'aide au développement de la France doit aussi revoir en profondeur son mode de fonctionnement.
Le pilotage de l'aide doit être revu, afin qu'elle fasse l'objet d'une véritable stratégie, et il lui faut pour cela un véritable suivi politique au plus haut niveau.
Sa nécessaire appropriation par l'opinion publique ne sera possible que si un véritable contrôle parlementaire de l'aide est mis en place, ainsi qu'une évaluation indépendante et continue de ses résultats, par secteur et par projet.
L'aide multilatérale doit aussi être plus stratégique, plus concentrée sur les secteurs essentiels – comme celui de la santé dont parlera le rapporteur – et les priorités françaises doivent y être mieux défendues.
C'est pourquoi le rapporteur a déposé un amendement que j'espère voir adopté aussi largement qu'au sein du bureau de notre commission ; il tend à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport annuel sur l'activité du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, et sur la façon dont la France fait entendre sa voix sur les orientations de ces deux organisations. Les récents événements, au Chili et ailleurs, nous rappellent combien la question de l'intervention des institutions financières internationales doit retenir toute notre attention.
Cet examen budgétaire n'est qu'une première étape, puisque nous serons appelés cette année à examiner le prochain contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD, et surtout la loi d'orientation et de programmation de l'aide publique au développement.
Je propose que l'année prochaine, la mission Aide publique au développement soit examinée en première place par notre commission : ce n'est pas la première fois que je me retrouve à la présenter devant une salle clairsemée.
Chers collègues, nous en sommes à l'an II de la trajectoire définie par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) en février 2018. Cette trajectoire n'est pas uniquement financière ; elle est également qualitative, avec une véritable feuille de route pour notre aide publique au développement.
Nous étudions ici la mission budgétaire Aide publique au développement (APD), mais les montants pris en compte par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour le calcul de la part de RNB consacré à l'aide au développement dépassent largement le cadre de cette mission. Les 3,3 milliards d'euros de la mission représentent 30 % du total que la France déclare à l'OCDE.
L'aide publique au développement de la France rassemble le programme 110 Aide économique et financière au développement et le programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, réunis dans cette mission, auxquels s'ajoutent les dépenses du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), alimenté par la taxe sur les billets d'avion, et toute la politique transversale : les dépenses d'écolage en faveur des étudiants issus des pays en développement, les dépenses d'asile et d'immigration, la contribution française au Fonds européen de développement (FED), la part du prélèvement européen dépensée dans la politique de développement de l'Union européenne, les allégements de dette, etc. Le total s'élève à 11 milliards d'euros.
Cette précision est importante, car pour juger de la trajectoire financière, encore faut-il identifier les postes en augmentation. Contrairement à nombre de mes collègues, je pense que nous arriverons à consacrer 0,55 % du RNB à l'aide publique au développement en 2022, car nous sommes aujourd'hui dans les clous, à 0,01 % près.
Aujourd'hui, l'aide publique atteint 0,46 % du RNB alors que le CICID prévoyait 0,47 % ; encore cette différence de 0,01 % tient-elle au changement de la méthode de comptabilisation des prêts par l'OCDE. Auparavant, les prêts nets étaient pris en compte, ce qui n'était guère satisfaisant : certaines années étaient très importantes, d'autres presque nulles lorsque des remboursements étaient intervenus. Désormais, l'OCDE prend en compte le coût réel, c'est-à-dire les crédits budgétaires que nous donnons à l'AFD pour compenser le coût de la différence entre les taux du marché et ceux des prêts bonifiés que nous accordons. Cela explique l'écart avec les prévisions réalisées il y a un an et demi par le CICID.
Nous suivons donc la trajectoire financière prévue par le CICID, même si je vous accorde que les deux prochaines années seront plus difficiles…
… car la part de l'aide au développement dans le revenu national a été fixée à 0,47 % pour 2020, 0,51 % pour 2021 et 0,57 % pour 2022. C'est donc à partir de 2021 que les sauts seront plus importants. Il faut espérer que les autorisations d'engagement se seront concrétisées en crédits de paiement, que les projets concrets auront avancé afin que la trajectoire soit respectée.
Pour mesurer le volume de l'aide de la France, il est important de prendre en compte, en plus de la mission Aide publique au développement, les recettes de la taxe sur les billets d'avion et de la part de la taxe sur les transactions financières (TTF), également consacrées au développement. L'ensemble constitue ce que l'on appelle la partie pilotable de notre aide au développement, qui se traduit en transferts directs vers les pays en développement.
À côté de cette trajectoire quantitative, la feuille de route du CICID prévoit une trajectoire qualitative, en s'attachant à l'articulation entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Le CICID a décidé que l'augmentation importante des crédits devra profiter d'abord au bilatéral et dans une moindre mesure au multilatéral, dans une proportion de deux tiers – un tiers. Il ne s'agit pas de dire du mal du multilatéral, mais depuis 2010, l'aide bilatérale a été la variable d'ajustement budgétaire. Les engagements dans le cadre du multilatéral étant pluriannuels, c'est donc l'aide bilatérale qui subissait les restrictions budgétaires : elle a ainsi perdu près de 40 % de ses crédits. La priorité redonnée à l'aide bilatérale apparaissait clairement dans le budget 2019.
La feuille de route du CICID prévoit également l'équilibre entre prêts et dons, et définit des priorités sectorielles et géographiques.
En 2020, les autorisations d'engagement profitent plutôt au multilatéral, du fait de la forte augmentation de notre contribution à la Banque mondiale, mais également de reconstitutions de fonds, ce dont nous pouvons nous réjouir : la contribution française au Partenariat mondial pour l'éducation, par exemple, est une bonne chose. Encore faut-il regarder comment on l'articule avec le bilatéral et comment elle sert les priorités sectorielles et géographiques de la France. Le Fonds vert pour le climat bénéficie également de cette importante augmentation des autorisations d'engagement.
L'aide multilatérale passe aussi par les contributions volontaires. Il y a deux ans, j'avais remarqué que nos contributions volontaires étaient faibles comparativement à celles de nos voisins européens ; elles augmentent de manière importante dans le budget 2020, au profit du Fonds des Nations unies pour l'enfance, l'UNICEF, et d'autres fonds ayant retenu ce mécanisme de financement.
L'augmentation du montant des AE au profit de l'aide multilatérale s'accompagne d'une réduction des AE en faveur des dons-projets, ce qui n'est pas très cohérent avec la feuille de route du CICID. Rappelons toutefois que ces dons avaient connu une augmentation notable l'an dernier, qui s'est concrétisée par de nombreux projets pilotés par l'AFD, en particulier dans les dix-neuf pays prioritaires identifiés par la feuille de route du CICID.
On relève par ailleurs une hausse importante de l'enveloppe des dons aux organisations non gouvernementales (ONG), tandis que les crédits en faveur de l'action humanitaire augmentent de plus de 140 millions, l'objectif étant d'y consacrer 500 millions d'ici à 2022. Le fonds d'urgence humanitaire en particulier voit son enveloppe doubler en 2020.
L'enveloppe des fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) augmente également cette année ; les FSPI permettent à nos ambassades d'aider de petits projets qui amorcent parfois des projets d'infrastructures plus importants, financés par l'AFD.
Pour en finir sur les autorisations d'engagement, la diminution des AE pour les dons-projets n'est pas totalement cohérente avec la feuille de route ; elles devront augmenter en 2021.
L'importante augmentation des AE enregistrée l'année dernière s'est concrétisée, je l'ai dit, en CP au profit des projets en cours. Pour 2020, l'augmentation des CP s'élève à 300 millions d'euros, dont 202 millions pour l'aide-projet bilatérale, qui passe à 639 millions d'euros si l'on inclut les 185,5 millions d'euros en provenance du FSD. Traditionnellement, les recettes de la TTF et de la taxe sur les billets d'avion affectées au développement financent plutôt de l'aide multilatérale, mais 170 millions de ces recettes avaient été affectées à l'AFD il y a trois ans, puis il y a deux ans. Le Gouvernement a décidé l'année dernière de budgétiser cette somme au profit de l'aide publique au développement. Cette année, à nouveau, une part des recettes de ces deux taxes vient financer l'aide-projet bilatérale, c'est-à-dire la réalisation de projets en cours, qui génèrent des crédits de paiement.
Parallèlement au rééquilibrage entre le multilatéral et le bilatéral, la feuille de route du CICID prévoit une réorientation géographique de l'aide vers dix-neuf pays prioritaires, dix-huit pays africains et Haïti, et une réorientation thématique en direction de cinq secteurs : la santé, l'éducation, l'égalité femmes-hommes, le climat et la lutte contre les fragilités. La ventilation des engagements de l'AFD en dons-projets fait clairement apparaître cette réorientation vers l'Afrique, en particulier vers les pays en crise, et au bénéfice des secteurs sociaux plutôt que des secteurs productifs.
Enfin, le financement par l'État de la coopération décentralisée est en hausse de 24 %, pour une enveloppe de 11,5 millions d'euros. De nombreux collègues sont attachés au rôle de la coopération décentralisée et à sa complémentarité dans l'architecture de notre aide publique au développement.
Nous attendons tous avec impatience la loi de programmation et d'orientation sur l'aide publique au développement, que nous espérons pouvoir examiner dès le premier semestre 2020. Notre commission a participé à son élaboration, en formulant des propositions sur le pilotage, l'articulation entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, la consolidation des partenariats avec les entreprises privées, la société civile et les collectivités locales, la réappropriation par les citoyens et le renforcement de l'évaluation.
Je conclus mon propos en appelant votre attention sur l'aide multilatérale dans le domaine de la santé, dans le contexte de la conférence de restitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Même si un rattrapage de notre aide bilatérale était nécessaire, gardons à l'esprit que l'aide multilatérale peut être très efficace dans le domaine de la santé. La France consacre 882 millions d'euros de son aide à la santé, dont 729 millions dans le cadre multilatéral ; l'aide bilatérale pourrait donc monter en puissance. Mais dans le domaine de la santé, l'aide multilatérale est plus efficace que l'addition d'aides bilatérales. Si l'ensemble des contributeurs au Fonds mondial, à UNITAID et à GAVI en étaient restés à l'aide bilatérale, chacun de leur côté, nous n'aurions pas obtenu les résultats que nous connaissons. Un exemple : en 2005, 4 millions de personnes sont mortes du sida, de la tuberculose et du paludisme ; en 2017, ce chiffre est tombé à 2,5 millions. On estime que 27 millions de vies ont été sauvées depuis la création du Fonds mondial.
Je sais si elle est attendue, madame la présidente ; je vous renvoie à mon texte, que je vais résumer compte tenu de l'heure tardive.
J'ai voulu mettre l'accent sur la coopération décentralisée, insuffisamment mise en avant et parfois freinée par des dispositions législatives ou des orientations dont les conséquences ne sont pas immédiatement comprises. Ainsi, le dispositif « Cahors » limite l'augmentation des dépenses de fonctionnement des plus grandes collectivités à 1,2 % par an. Du coup, les actions les moins prises en compte dans le cadre des jumelages ou du soutien aux associations locales sont précisément les actions de développement… Nous devons donc mieux prendre en compte l'impact de nos décisions.
Un autre frein tient à l'insuffisante montée en puissance de la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales, que nous n'arrivons pas à porter au niveau requis : 11 % alors que nous n'en sommes qu'à 6 %. Or, les demandes existent, et les projets de coopération décentralisée sont d'autant plus contrôlés que les citoyens des villes et des villages ont un oeil dessus et se font les sentinelles de l'utilisation de fonds publics issus de leurs impôts locaux.
L'exemple de la Seine-Maritime montre que l'État n'est pas seul à intervenir lors des crises internationales : nombre de communes, de départements ou de régions s'engagent également. Par exemple, d'énormes sommes d'argent ont été mobilisées lors de la crise en Haïti ou après les tremblements de terre en Algérie. Depuis 1979, la Seine-Maritime intervient année après année, projet après projet, dans la province du Bam au Burkina-Faso, et y réalise un vrai travail d'aide au développement, sérieux et efficace. Tout y passe : pour l'accès à l'eau, un dispositif permet aux syndicats de traitement des eaux de consacrer un pourcentage du budget de l'eau à l'aide au développement international. Des dispositifs analogues devraient être mis en place avec la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, afin de financer des projets internationaux qui permettraient notamment de réduire les rejets de déchets en mer.
Notre Gouvernement doit mesurer que les projets peuvent être menés localement. Nous avons parlé des relations entre la France et l'Allemagne ; il ne serait pas simple de nous refaire la guerre, tant les liens entre nos deux peuples se sont multipliés. Il faut que, grâce à l'aide publique au développement, des liens du même ordre se créent entre tous les peuples à l'échelle de nos communes ou de nos départements. Les aspects économiques ne sont pas les seuls à prendre en compte pour oeuvrer à la paix ; le fait de se côtoyer jour après jour sur des questions d'aide au développement permettre d'y remettre un peu d'humanité. Cette évocation de la coopération décentralisée me donne l'occasion de le rappeler.
Merci beaucoup de cette contribution, je crois que nous en partageons tous l'inspiration, et je sais ce sujet est très important pour notre collègue Bruno Joncour, qui a dû nous laisser.
Je tiens à sincèrement, au nom du groupe La République en marche, remercier les rapporteurs pour la qualité de leurs contributions écrites, notamment l'incise sur les collectivités locales qui traduit tout l'amour qu'ils portent aux mairies et aux collectivités.
L'année 2019 a été marquée par une actualité internationale particulièrement chargée, avec le G20 à Osaka, le G7 à Biarritz, la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et du Fonds vert pour le climat. À chacune de ces rencontres, la France a été au rendez-vous. La contribution française au Fonds mondial a augmenté de 20 %, la plaçant à la hauteur des enjeux de la lutte contre les grandes pandémies, et surtout à la hauteur de sa responsabilité dans le système multilatéral.
La participation de la France au Fonds vert a doublé, pour atteindre 1,6 milliard d'euros sur quatre ans, et nous connaissons l'importance de ce fonds dans la lutte contre les changements climatiques.
Notre soutien à l'entreprenariat féminin a également été renforcé lors du G7, avec une contribution de plus de 25 millions d'euros au fonds pour l'Initiative pour favoriser l'accès des femmes au financement en Afrique (AFAWA) de la Banque africaine de développement.
Cet effort accru se traduit dans le programme 110 Aide économique et financière au développement dont le montant passe de 4,5 à 7,3 milliards d'euros, ce qui permettra à la France de tenir ses engagements multilatéraux et de répondre aux exigences du développement durable. Ce qui ne dispense évidemment pas d'une réflexion sur l'efficacité de cette action et du système multilatéral ; peut-être le rapporteur pourra-t-il nous apporter des éclaircissements à cet égard.
Ce projet de loi de finances est tout à la fois en ligne avec nos ambitions internationales et conforme à la trajectoire financière définie lors du CICID, la part de l'aide au développement atteignant 0,46 % du RNB en 2020, ce qui permet d'envisager raisonnablement d'atteindre 0,55 % en 2022.
Un sujet nous tient particulièrement à coeur dans le monde fracturé que nous connaissons : l'augmentation inédite – 100 millions d'euros – des fonds français dévolus à la réponse humanitaire, auxquels s'ajoutent les 10 millions que le Président de la République a annoncé consacrer à la question syrienne. Lors de la discussion de la future loi de programmation, nous devrons porter une attention toute particulière à notre capacité d'agir sur différents théâtres d'opération humanitaires, notamment pour l'éducation dans ces zones en temps de crise.
Enfin, je me félicite de l'augmentation des crédits du FSPI octroyés aux ambassades, ils permettent de mettre en oeuvre de petits projets, visibles sur le terrain politique, et donnent de la flexibilité et de l'agilité à l'action extérieure de l'État.
Ce budget est solide, crédible, à la hauteur des enjeux. C'est un budget de confirmation, mais il faut passer la marche au cours des années 2020, 2021 et 2022. Le groupe La République en marche votera ce budget, mais sera attentif à ce que la loi d'orientation sur l'aide au développement soit débattue l'année prochaine, et que ces crédits continuent de croître.
Je souhaite commencer en félicitant notre collègue Hubert Julien-Laferrière d'avoir réussi à présenter de manière cohérente et globale une politique aussi opaque et peu compréhensible. Même avec la meilleure volonté, en se référant aux documents budgétaires, je ne sais pas si l'un d'entre nous est capable de dire combien la France souhaite consacrer à cette mission en 2020… C'est vraiment abominable.
Michel Herbillon évoquait, au sujet de l'action extérieure de l'État, l'écart important entre les ambitions, louables, affichées et les décisions concrètes. Les engagements pour l'aide publique au développement sont malheureusement essentiellement déclaratifs. L'ambition affichée par le Président de la République est de la porter de 9 à 15 milliards d'euros au cours du quinquennat. Peut-être était-il prévu, là encore, de commencer tout doucement pour accélérer par la suite, mais force est de constater que, trois exercices budgétaires plus tard, nous sommes très loin du compte ! La mission budgétaire que nous examinons aujourd'hui s'élève à 200 millions d'euros ; au total, nous sommes bien en deçà de la trajectoire budgétaire nécessaire pour atteindre 0,55 % du RNB en 2022 : il aurait fallu augmenter le budget de 1,6 milliard d'euros. Certes, nous l'avons augmenté de 500 millions d'euros depuis le début de ce mandat, mais rappelons qu'il avait diminué de 600 millions entre 2012 et 2017 ; autrement dit, nous n'avons même pas rattrapé la baisse.
La mission Aide publique au développement en tant que telle ne représente qu'une partie de l'effort français en la matière, environ 36 %. Pas moins de huit ministères concourent à cette politique, ce qui rend d'autant plus pressant le besoin d'une loi d'orientation et de programmation, promise pour cette année. Depuis plus d'un an, divers projets ont circulé, malheureusement sans aboutir. Nous avons besoin de visibilité, de clarté et de transparence ; car pour l'instant, nous sommes dans le flou complet.
Le rapporteur pour avis a rappelé qu'outre le quantitatif, il fallait faire évoluer le qualitatif. Le Président de la République a affiché une ambition importante, essentielle et juste, sur ce que la France doit faire en matière de soutien à l'éducation. Nous constatons certes une amélioration, mais nous sommes très loin du niveau de contribution des autres pays qui pratiquent l'aide publique au développement, presque les derniers. Il est temps que la France s'investisse dans cette dimension essentielle de l'aide au développement.
J'aimerais savoir de combien il faudrait augmenter le budget total de l'AFD est nécessaire pour respecter les engagements du Président de la République… Je n'ai trouvé aucun chiffre là-dessus. Il semblerait même, d'après ce que j'ai compris, que les actions concrètes seront loin des promesses ; j'ai même entendu dire que l'AFD aurait décidé de stopper ses recrutements pour la mise en oeuvre des politiques.
Je tiens enfin à rappeler l'amendement dont nous avons débattu dans l'hémicycle pour augmenter la part de la TTF consacrée à l'aide au développement. J'ai été sidérée – bien que venant de Bercy, cela n'a rien d'étonnant – en entendant la réponse du Gouvernement. J'en ai déduit qu'il ne souhaitait pas du tout augmenter l'aide publique au développement.
Le groupe Les Républicains s'abstiendra sur ces crédits, car leur petite augmentation reste loin du compte.
Je rappelle que Bérengère Poletti a été corapporteure, avec Rodrigue Kokouendo, d'un rapport consacré à l'aide publique au développement.
Merci, cher collègue Julien-Laferrière, pour ce rapport. J'ai beaucoup apprécié le focus en seconde partie de votre rapport : comme l'an dernier, elle est passionnante. Cela montre concrètement ce qu'est l'aide au développement.
Je voudrais faire une suggestion : il me semble important que, dans cette commission, nous prenions en compte l'outil de calcul de l'OCDE, afin d'arrêter de discuter sur les chiffres. C'est une des propositions de mon rapport, dont je vais discuter à Bercy. En effet, pour certains chiffres, on nous dit : « Certes, mais on calcule aussi autrement. » Eh bien, il faut que l'on sache comment on calcule. Cela permettrait notamment de mettre fin aux discussions oiseuses tendant à savoir s'il y a assez de ceci ou pas assez de cela. Il y a une méthode de calcul de l'OCDE : il faut savoir sur quoi elle se fonde. Il a une méthode de calcul pour la mission : là aussi, il faut savoir sur quoi elle repose.
J'ai été très touché par la contribution de Jean-Paul Lecoq. Nous, Français de l'étranger, sommes très souvent concernés par les jumelages ; parfois même, nous nous sommes expatriés à cause d'un jumelage. Il est vrai que les jumelages sont quelque chose d'extraordinaire. Il y a même des jumelages franco-allemands qui débouchent sur des actions en Afrique, c'est-à-dire intégrant un troisième partenaire. Certaines choses extraordinaires se produisent ; c'est une donnée importante. Je vous invite aussi à lire l'excellent rapport de notre collègue Vincent Ledoux sur les collectivités territoriales et l'Afrique : il a, lui aussi, réalisé un travail remarquable.
Je suis également très attentif à un outil qui est du ressort de la mission que nous étudions maintenant, mais qui était aussi très important pour celle dont j'ai parlé tout à l'heure – cela apparaissait d'ailleurs dans ma présentation : je veux parler des FSPI, qui sont une nouvelle arme donnée aux ambassadeurs : sans que cela leur prenne plus de temps, ils peuvent accompagner le lancement de projets – il y en a eu deux en Irak, notamment. C'est un outil très souple, qui témoigne de notre confiance à l'égard des postes diplomatiques : ces derniers peuvent aller chercher, grâce au FSPI, tous les partenaires possibles.
J'ai beaucoup aimé aussi l'expression « citoyens sentinelles » de Jean-Paul Lecoq : le concept me paraît très intéressant. Dans le prolongement de ce que j'ai dit tout à l'heure, la question que je pose – que je me pose – et qu'il faudra que nous traitions dans la loi, est la suivante : l'opérateur actuel de l'aide publique au développement de la France, autrement dit l'AFD, joue-t-il son rôle dans le domaine de la coordination, de l'animation d'un réseau des citoyens sentinelles ?
On sent bien qu'il serait compliqué de créer un autre opérateur à côté de celui-ci, car il est très gros, mais si nous souhaitons une participation des parlementaires, il va falloir que nous réglions ce problème dans la loi. Je crois qu'il est fondamental que nous ayons un opérateur de ce type capable d'assurer un accompagnement dans l'ensemble du réseau et de servir l'interface entre le peuple, les parlementaires, les collectivités territoriales et l'État.
En ce qui concerne l'OCDE et les chiffres, nous pourrons revenir sur la question prochainement, puisque la cheffe économiste de l'organisation, Laurence Boone, devrait être auditionnée par notre commission au début du mois de décembre.
Merci, tout d'abord, monsieur le rapporteur pour avis, pour votre exposé qui démontre votre attachement au sujet ; merci également d'avoir choisi de mettre l'accent sur l'aide multilatérale en matière de santé, quelques semaines après le sommet de Lyon, qui a permis la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Je souhaite revenir sur les propositions polémiques d'un certain nombre de nos collègues députés ou sénateurs qui souhaitent conditionner l'aide publique au développement à la coopération des pays sources d'immigration. Je crois que vous leur avez répliqué par voie de presse : pourriez-vous développer vos justes arguments dans le cadre de notre commission ?
Monsieur le rapporteur pour avis, vous êtes assez optimiste en ce qui concerne la trajectoire. Nous pensons quant à nous que les crédits prévus pour cette mission l'année prochaine ne vont pas permettre d'atteindre l'objectif consistant à y consacrer 0,55 % du revenu national brut en 2022, puisque, comme vous l'avez vous-même rappelé, il faudrait mobiliser environ 5 milliards : c'est un effort très important, qu'il sera extrêmement difficile de mettre en oeuvre, quoi que vous en disiez.
Par ailleurs, lors du dernier CICID, la France a annoncé qu'elle interviendrait davantage sous forme de dons à destination des pays les moins avancés. Il nous semble donc que la mission Aide publique au développement, qui est au coeur du dispositif budgétaire français pour soutenir les pays en développement, avec le FSD et les FSPI, est la plus à même de répondre à ces priorités. C'est pourquoi nous aurions souhaité que son budget soit plus important et que les montants alloués soient clairement fléchés.
Par ailleurs, le groupe Libertés et territoires tient à dénoncer, comme vient de le faire M. David, la démarche qui consisterait à faire supporter le coût de la politique migratoire par l'APD. Nous sommes interpellés par ce qu'a déclaré le Premier ministre lors du débat sur l'immigration. En effet, il a clairement évoqué son intention de demander un « degré élevé de coopération dans la maîtrise de l'immigration clandestine » de la part des États que la France soutient par l'intermédiaire de l'APD. Qu'est-ce que cela veut dire ? Quelle est la nature de ce « degré élevé de coopération » ? On nous a parlé de l'aide à la Syrie. Lorsqu'on voit que la Turquie cherche à déplacer les réfugiés originaires de Syrie…
… en organisant leur retour, mais aussi à construire un mur, il est permis de se demander quelles pourraient être les modalités de la conditionnalité de notre aide au développement. Nous estimons, quant à nous, que l'intégration d'une telle politique serait contraire à nos valeurs, ainsi qu'à l'objectif principal de l'APD, tel qu'il a été fixé par l'OCDE : favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays en développement. Car c'est bien l'aide au développement qui permet une véritable maîtrise de l'immigration, et non l'inverse.
Enfin, nous pensons qu'il est souhaitable que la France oeuvre fortement en faveur de projets à l'échelle humaine, d'initiatives partant des territoires et s'adressant aux populations les plus défavorisées afin d'encourager le développement d'écosystèmes autonomes. Ce maillage d'actions apparemment peu importantes quand elles sont prises séparément peut avoir des effets concrets sur le développement d'un pays et constitue un formidable vivier de développement ; malheureusement, cette démarche que nous devons soutenir sans réserve ne figure pas vraiment parmi les priorités. Enfin, nous attendons toujours, nous aussi, la loi d'orientation. Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas en faveur de ces crédits.
Je ne change pas de casquette, même si je m'exprime une seconde fois : c'est également au nom de mon groupe que j'ai déposé ma contribution. Nous non plus, nous ne voterons pas les crédits de cette mission, avant tout parce que nous pensons qu'ils sont largement insuffisants.
S'agissant de l'aide au développement, nous ajoutons toujours à l'expression l'adjectif « durable ». En effet, on ne peut pas avoir fait la COP21, la COP22, etc. et ne pas se dire, à un moment donné, qu'il faut faire de l'aide au développement durable en direction de ces pays, que ces derniers ne sont pas obligés de passer par l'étape par laquelle nous sommes passés et qui a tant dégradé notre planète. Il faut donc aussi débloquer des fonds pour ce développement d'un type un peu nouveau, un peu original, et qui a un coût. Chez nous, quand nous voulons construire des logements qui ne soient pas des passoires thermiques, nous acceptons que cela ait un surcoût ; quand il s'agit de mener des actions de développement durable dans certains pays, en revanche, nous ne tenons pas compte de ce surcoût qui suppose que les crédits budgétaires soient à la hauteur de l'exigence. Or, pour l'instant, même s'il y a une augmentation, le point de départ est très bas. Deux attitudes sont possibles : on peut saluer l'augmentation en se disant qu'elle va dans le bon sens, et s'en contenter ; mais on peut considérer – c'est notre cas – qu'en partant de si bas, les efforts ne sont pas à la hauteur à la fois des besoins ni de ce qui a fait la richesse de notre pays : n'oublions pas qu'une partie de l'Afrique a fait, à un certain moment, la richesse de la France. C'est exactement notre lecture : nous considérons qu'il faut rendre à l'Afrique ce qu'elle nous a donné. Or ce qui est proposé n'est pas à la hauteur des objectifs.
Nous avons entendu, devant notre commission, la secrétaire d'État chargée des affaires européennes nous expliquer qu'il fallait faciliter le cheminement des dossiers pour accéder aux fonds européens. Eh bien, je pense la même chose en ce qui concerne les actions décentralisées, notamment au niveau des communes, pour ce qui est de trouver des financements auprès du ministère des affaires étrangères ou de l'AFD : le chemin reste difficile, le montage des dossiers une affaire toujours aussi compliquée. Parfois, des villages veulent engager des actions avec d'autres villages, et c'est la croix et la bannière, si vous me permettez l'expression.
Nous attendons donc nous aussi avec impatience la loi de programmation : outre la trajectoire financière et les objectifs qu'elle fixera, elle devra être l'occasion d'un travail sur la manière de solliciter des fonds, sur le chemin qu'il faut emprunter pour y parvenir. Il faudra surtout éviter de se retrouver, comme on sait si bien le faire en France, avec quelque chose d'ultra-bureaucratique. Peut-être cette loi proposera-t-elle un chemin intéressant : cela expliquerait que son élaboration prenne du temps. Elle sera peut-être exemplaire dans ce domaine, à défaut de l'être sur le plan financier. En attendant, et pour toutes les raisons que j'ai exposées, nous voterons contre les crédits de cette mission.
Je rappelle que la commission des affaires étrangères a publié un document stratégique en amont du projet de loi, qui met en avant sept objectifs très politiques de pilotage, de stratégie, de réappropriation par les Français de leur aide publique au développement, d'un meilleur contrôle. L'élaboration du projet de loi prend un peu de temps, mais cela ne sera pas en vain si l'on y tient compte de ces orientations.
Afin d'atteindre l'objectif de 0,55 % du RNB d'ici à 2022, les crédits de l'APD poursuivent leur augmentation, avec le doublement des contributions aux ONG ou encore l'augmentation de 24 % des crédits relatifs à la coopération décentralisée. Les acteurs de la société civile, associations, ONG oeuvrent en faveur des cinq secteurs prioritaires que vous avez rappelés, monsieur le rapporteur, et nous continuons à soutenir leurs actions par un engagement financier à la hauteur des enjeux et grands discours.
Nous défendons avec ce budget une approche qualitative, avec une aide plus bilatérale, davantage tournée vers la société civile, et plus de dons. Cette démarche implique un meilleur contrôle de l'usage des fonds, le développement d'une culture du résultat et de la transparence, le respect des règles fixées entre pays donateurs et bénéficiaires. Dans la perspective de la nouvelle loi de programmation et d'orientation qui reconnaîtra le rôle des organisations de la société civile, comment garantir l'usage effectif des fonds tout en assurant leur contrôle ?
Je vous remercie pour votre rapport, cher collègue Julien-Laferrière, et pour votre contribution sur les collectivités locales, cher Jean-Paul Lecoq : c'est effectivement un sujet majeur.
La France contribue au développement des pays en défendant aussi les démocraties et en soutenant les entreprises françaises, acteurs importants de l'essor économique. Les crédits de la mission Aide publique au développement poursuivent leur hausse, dans l'objectif d'atteindre 0,55 % du RNB en 2022, ce qui implique toutefois une hausse de 57 % entre 2019 et 2022 – à rapporter aux 5 % pour l'ensemble du budget de l'État ! Cela corrobore ce que disait Bérengère Poletti : nous aimerions y croire, mais il vaut mieux des actes que de la com' !
Même si cette hausse, relative, est utile pour répondre aux trois « D » – diplomatie, défense, développement –, je crois plus que jamais à la nécessité, pour le Parlement, d'évaluer les actions. Il est impératif que nous donnions une nouvelle dimension à l'évaluation des projets d'aide publique au développement, en favorisant progressivement la mise en place d'un pilotage par les résultats et en communiquant davantage sur les rapports d'évaluation. Il s'agit d'un outil diplomatique majeur.
D'ailleurs, je plaide pour que l'aide soit rattachée au réseau des ambassades. Lors d'un déplacement parlementaire au Haut-Karabagh et en Arménie, nous avons été surpris d'apprendre que l'ambassade n'avait pas été consultée sur une aide concernant un projet remontant à l'ère soviétique : il s'agissait d'un barrage, dont la réalisation était assurée par la République islamique d'Iran, dans une province complètement désertée. À un moment donné, il faut être cohérent !
La future loi d'orientation et de programmation relative à la politique française de développement et à la solidarité internationale nous donnera l'occasion de discuter à nouveau de ces sujets, mais je pense qu'un débat devrait être organisé chaque année au Parlement. En effet, l'aide, conçue comme un outil de rayonnement et d'influence, peut et doit servir à l'intérêt national.
Comme je l'ai expliqué lors de la présentation de mon rapport sur la mission Immigration, asile et intégration, la prévention des départs constitue depuis 2015 un axe majeur de la politique menée par l'Union européenne dans le domaine migratoire. Au printemps 2015, alors que les flux migratoires augmentaient et que les drames humains en mer Méditerranée se multipliaient, une réunion extraordinaire du Conseil européen avait conclu à la nécessité de renforcer notre coopération politique avec les partenaires africains à tous les niveaux, afin de mieux s'attaquer à la cause de la migration illégale et de lutter contre les trafics de migrants et la traite d'êtres humains : au Niger, par exemple, la mise en place d'équipes conjointes d'investigation a permis de démanteler des filières internationales de trafic d'êtres humains et d'interpeller des individus. D'autres projets, très importants, consistent à fiabiliser les états civils et requièrent une action structurelle plus large afin d'améliorer la gouvernance au sein des administrations publiques. Ce bel outil diplomatique mériterait d'être mieux connu par la représentation nationale, mais aussi par les Français.
Je vous remercie d'avoir salué ma contribution et d'avoir pris part au débat. M. Hubert Julien-Laferrière le disait en introduction, c'est un budget très important que notre commission examine pour avis. J'insiste sur la coopération décentralisée car elle requiert la participation de citoyens sentinelles, et bénévoles. Or le bénévolat, et les valeurs qu'il véhicule, est une richesse pour nos communes et pour ce que j'appelle « la culture de paix ». Le Gouvernement doit concevoir cette aide comme un investissement d'avenir, car elle permet de sensibiliser les jeunes. Comme on le dit souvent, cela va du local au global. Si l'on veut contribuer au développement et à la préservation de notre planète, porter l'effort sur les actions locales me paraît nécessaire.
Il se trouve que j'ai été adjoint en charge de la coopération décentralisée et vice-président du Grand Lyon pendant des années et que, par ailleurs, j'ai fait beaucoup de plaidoyers pour l'organisation mondiale des collectivités locales. Cet outil a longtemps été considéré comme un supplément d'âme, et nous en avons besoin aujourd'hui dans l'architecture de l'aide au développement. D'ailleurs, l'AFD passe de plus en plus des conventions avec des collectivités françaises : il vaut mieux travailler avec la collectivité qui est depuis longtemps enracinée dans un territoire plutôt que d'y aller sans connaître les acteurs. Il existe donc une vraie complémentarité, et c'est la raison pour laquelle il est important de consolider, voire d'augmenter, le financement par l'État de la coopération décentralisée.
Chère collègue Poletti, depuis le début du mandat, j'entends dire qu'il faudrait 4 ou 5 milliards d'euros supplémentaires pour atteindre 0,55 % du RNB, soit un milliard d'euros par an. Mais il est normal que le budget augmente davantage à la fin du quinquennat car il faut d'abord lancer des projets, qui ne tombent pas du ciel. Au début, les autorisations d'engagement sont importantes puis, au fur et à mesure que les projets se réalisent, les crédits de paiement augmentent. Si l'augmentation que nous prévoyons dans les deux prochaines années paraît impressionnante, cela répond à une logique : les autorisations d'engagements étaient très importantes l'année dernière et restent conséquentes cette année afin de faire démarrer des projets, qui nécessiteront eux-mêmes des crédits de paiement. Il faut parler du concret, et ne pas se contenter de diviser l'augmentation par cinq et dire qu'il faut tant de milliards d'euros par an : cela ne marche pas comme cela.
Je n'ai pas exactement compris votre question sur l'AFD. Son budget s'élève à environ 11 milliards d'euros, dont deux tiers sont affectés à l'aide publique au développement et un tiers à l'outre-mer.
Le projet de loi de finances précise le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement qui transitent par l'AFD. Nous pourrions peut-être demander des précisions à l'AFD sur la part de l'aide publique au développement mais cela se retrouve assez facilement : elle représente deux tiers de l'activité de l'AFD.
Je me permets d'apporter ma contribution à ce débat puisque j'ai exactement le même souci avec l'AEFE : j'ai appris à notre collègue Meyer Habib que le budget de l'AEFE était de 2,5 milliards d'euros alors qu'il pensait que c'était 400 millions !
Il existe une différence entre le programme de l'AFD et son budget : cela nécessite que le Parlement fasse son travail dans le suivi des COM mais aussi que les présidents des opérateurs soient nommés par le Parlement, puisque leur exécutif est nommé par le Gouvernement. Les opérateurs servent d'interface : heureusement que le budget de l'AFD ne se limite pas à la subvention qui lui est accordée ! L'AFD cumule les autorisations d'engagement et, au bout d'un an ou deux, elle met en oeuvre des projets, avec les dépenses afférentes. Cela doit être surveillé, mais à l'intérieur des documents AFD ; c'est un travail différent de celui que l'on fait lorsqu'on étudie la mission.
Concernant la TTF, j'ai présenté deux amendements dans l'hémicycle. Cette taxe, créée pour financer le développement, n'est pas affectée à 100 % à l'aide publique au développement, une part revenant au budget général. Mais l'on oublie de dire que, depuis 2016, les recettes ont quasiment doublé : or, la part qui va au développement est restée stable, voire a diminué selon la méthode de calcul utilisée – c'est un peu compliqué. Du coup, la part qui va dans le budget général a donc fortement augmenté ! Nous débattrons à nouveau, l'année prochaine, du pourcentage d'affectation à l'aide publique au développement : il me semblait donc important de le rappeler.
Pour le reste, je suis assez d'accord avec ce qui a été dit sur le calcul de l'OCDE et sur les FSPI, dont nos ambassades se servent pour financer de petits projets mais aussi souvent d'amorcer des projets qui seront ensuite financés par l'AFD. Cette complémentarité permet à notre aide publique au développement d'être plus efficace.
Enfin, je ne sais pas comment Valérie Boyer a trouvé qu'il faudrait encore augmenter de 57 % notre APD pour arriver à 0,55 %. Pour commencer, personne ne sait ce que sera notre RNB en 2022… Nous déclarons aujourd'hui plus de 11 milliards d'euros à l'OCDE et nous savons qu'il faudra atteindre 14 à 15 milliards : 3 ou 4 milliards supplémentaires, par rapport à 11 milliards, cela ne fait pas 57 % d'augmentation ! Cela fait beaucoup, mais pas 57 % !
Vous avez dit, monsieur le rapporteur, qu'il fallait des projets : pour ma part, je connais énormément d'acteurs dont les projets sont bloqués : ils n'arrivent pas à obtenir les fonds parce qu'il y a toujours quelque chose qui ne va pas ! Par ailleurs, avec un budget de 5 milliards d'euros, il ne sera pas si facile de trouver les financements complémentaires en fin de course !
On pourrait penser, en regardant nos débats télévisés, que ceux qui travaillent tous les jours sur le terrain, à l'ambassade, à l'AFD ou dans d'autres organisations, font n'importe quoi, que les projets ne sont pas sortis ou que l'AFD ne répond pas aux collectivités.
L'AFD dispose de la FICOL, la facilité de financement des collectivités territoriales françaises, un outil très simple qui est utilisé par les collectivités. La délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT), travaille aussi très bien avec les collectivités.
En fait, et là est le bémol, le problème ne vient pas d'un manque de moyens ou de la complexité administrative. En trois ans, le paysage des collectivités a été totalement bouleversé par la loi NOTRe – loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – et la loi MAPTAM – loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles –, qui ont beaucoup contribué à isoler les différents acteurs. Ainsi, des départements comme les Côtes-d'Armor, qui étaient jusqu'alors très actifs dans ce domaine, n'ont plus rien fait parce qu'ils ont été dépossédés d'un certain nombre de compétences par les régions. On peut toujours chercher à améliorer la loi, mais il n'y a pas que cela.
Je reviens pour finir sur les propos de Mme Boyer : nous avons la chance que des parlementaires siègent au conseil d'administration de l'AFD – en l'occurrence Bérengère Poletti et moi-même. Les parlementaires qui vont sur le terrain doivent donc faire remonter les problèmes pour les inscrire à l'ordre du jour du conseil d'administration de l'AFD : nous devons tout simplement jouer notre rôle de membres du conseil d'administration. Nous avons les moyens d'agir pour améliorer les choses.
Vous avez raison sur le principe, mais les choses ne sont pas aussi simples : les parlementaires qui siègent au conseil d'administration de l'AFD n'ont pas toujours toutes les informations. Par ailleurs, c'est un fait que le Parlement, en France, a des difficultés à contrôler et à évaluer les politiques publiques. En Grande-Bretagne, c'est une agence indépendante qui évalue l'ensemble des projets relevant de l'aide publique au développement. Je ne vais pas rouvrir ce débat maintenant, mais il faudra peut-être, un jour, que l'on se pose la question d'une évaluation indépendante.
Madame Dumas, en matière d'aide publique au développement, il ne suffit pas de multiplier les projets ; encore faut-il s'assurer de leur faisabilité. On peut avoir des tas de projets dans les tiroirs, mais il faut avoir les moyens humains et matériels de les réaliser sur le terrain. Passer du projet à la réalisation n'est pas toujours simple.
Je veux rappeler l'engagement que vous aviez pris, madame la présidente, d'auditionner le directeur de l'AFD, M. Rémy Rioux, une ou deux fois par an. Ce serait une bonne chose.
Nous sommes d'accord : ce serait tout à fait le rôle de notre commission, et cette audition est d'ores et déjà prévue. Nous allons passer à l'examen des amendements.
Article 38 et état B : Aide publique au développement
La commission examine l'amendement II-AE8 de M. Alain David.
Cet amendement vise à transférer une partie des crédits du programme 110 vers le programme 209.
Les autorisations d'engagement du programme 110 visent à tenir nos engagements vis-à-vis des fonds multilatéraux. L'aide multilatérale a montré son efficacité. Le programme 110 regroupe également les crédits budgétaires qui permettent à l'AFD de faire des prêts. Contrairement à ce que l'on entend parfois, les prêts ne sont pas accordés uniquement aux pays solvables, c'est-à-dire à des pays émergents. Nous faisons aussi des prêts aux pays les plus pauvres, lorsqu'ils financent des secteurs productifs, par exemple l'adaptation au changement climatique ou la transition énergétique. Nous avons donc besoin de ces crédits budgétaires pour la bonification de ces prêts. Je signale, par ailleurs, que le programme 209 est en augmentation.
Il est sain de s'inquiéter du budget de l'aide publique au développement, mais nous suivons une trajectoire qui nous permettra d'atteindre 0,55 % du RNB en 2022, comme le rapporteur pour avis l'a rappelé. Nous en sommes aujourd'hui à 0,46 % et c'est dans le budget de l'année prochaine que l'effort le plus important sera réalisé.
L'augmentation des crédits de l'action Aide économique et financière multilatérale est la conséquence des engagements du Président de la République : celui, pris au G7 de Biarritz, de doubler la contribution de la France au Fonds vert pour le climat et celui, pris à Lyon au début du mois, de contribuer davantage au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Il ne faut pas oublier non plus la contribution de la France au Fonds africain de développement et au Partenariat mondial pour l'éducation. Rappelons enfin que l'objectif du multilatéralisme est aussi de pousser les autres pays à contribuer davantage.
Ce que nous souhaitons faire évoluer, c'est la proportion entre les dons et les prêts. On sait très bien que les pays les plus pauvres ne peuvent pas rembourser les prêts. Il convient donc de développer les dons à leur profit : voilà ce que serait une véritable aide au développement.
Ce budget rééquilibre déjà les choses. Il est vrai que ces prêts ont parfois constitué une facilité à une certaine époque : on accordait aux pays émergents des prêts très peu bonifiés, qui avaient pour effet de gonfler notre aide publique au développement, puisqu'il suffisait d'une toute petite bonification pour que l'on comptabilise la totalité du prêt. Tant qu'il n'était pas remboursé, le prêt était comptabilisé au titre de l'aide publique au développement, alors qu'il était à peu près au taux du marché. Les choses ne se passent plus ainsi aujourd'hui : la comptabilité se fait autrement.
Je veux, surtout, souligner une nouvelle fois l'importance des prêts accordés aux pays les plus pauvres, lorsqu'ils financent des secteurs productifs, comme l'adaptation au changement climatique et à la transition énergétique. Dans de tels cas, les prêts servent à amorcer un nouveau modèle économique.
La commission rejette l'amendement II-AE8.
Elle examine ensuite l'amendement II-AE9 de M. Alain David.
Cet amendement vise à augmenter les crédits de l'aide publique au développement qui transitent par les organisations de la société civile, notamment les ONG.
Je suis défavorable à cet amendement. L'aide de l'AFD en direction des ONG augmente déjà, puisqu'elle passe à 110 millions d'euros. Par ailleurs, le budget de l'aide humanitaire, qui passe essentiellement par les ONG, va doubler en 2020 et sera amené à augmenter encore très fortement d'ici à 2022.
Cet amendement a le mérite de soulever une question fondamentale. Au cours des dix dernières années, on avait eu tendance à réduire le budget des ONG et à augmenter les prêts. Or, l'action du ministre Jean-Yves Le Drian et de la majorité a consisté à soutenir les ONG. Dans ce budget, trois véhicules permettent de le faire. Premièrement, l'enveloppe des FSPI, qui transitent notamment par des ONG locales, passe de 32 à 60 millions d'euros. Deuxièmement, l'aide humanitaire gagne 100 millions et passe de 58 à 158 millions d'euros, notamment pour des ONG. Enfin, la subvention Dons aux ONG mise en oeuvre par l'AFD, dépassera pour la première fois le seuil des 100 millions d'euros, pour atteindre 104 millions.
Les ONG sont effectivement un outil important et innovant et, lorsque nous aurons une commission indépendante d'évaluation, nous nous apercevrons peut-être qu'elles sont un outil plus efficace et moins coûteux que d'autres organisations. Nous avons vraiment besoin d'une instance d'évaluation.
La commission rejette l'amendement.
Elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Aide publique au développement, sans modification.
Article additionnel avant l'article 73 : Rapport du Gouvernement au Parlement sur les activités et le financement par la France du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale
La commission examine l'amendement II-AE6 de M. Hubert Julien-Laferrière, rapporteur pour avis.
Vous avez déjà fait allusion à cet amendement adopté à l'unanimité par le bureau de notre commission, madame la présidente : il vise à demander au Gouvernement un rapport sur l'activité des banques multinationales auxquelles nous apportons des financements élevés, le FMI et la Banque mondiale.
Il y a deux semaines, le service des affaires multilatérales et du développement de la direction du Trésor a convié certaines personnes pour leur présenter une évaluation de la dotation de la France à l'Association internationale au développement (AID). Par ailleurs, le Trésor évalue en ce moment la contribution française à la Banque asiatique de développement et ce genre d'exercice est fait pour toutes les grandes banques multinationales.
Le problème, c'est que ces informations sont éparses. La commission indépendante d'évaluation aura la charge d'élaborer une synthèse et de la transmettre systématiquement au Parlement, à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères. J'ajoute qu'il serait bon qu'elle s'attache également à formuler des préconisations en matière de politique publique.
J'irai même plus loin : ce qui est intéressant dans cet amendement, c'est qu'il est politique. Le rapport demandé porte sur les positions défendues par la France au sein des instances dirigeantes du FMI et de la Banque mondiale. Si nous disposions d'un tel document en amont, nous pourrions demander au Gouvernement pour quelles raisons il compte défendre telle ou telle position et débattre des options retenues.
Notre commission a très bien identifié les importants problèmes posés par les organisations internationales. Il s'agit de savoir quelle est l'influence de la France en leur sein. Nous avons déjà évoqué la possibilité de créer une mission propre à notre commission. Au-delà des rapports, elle nous permettrait de savoir comment les choses se passent dans chaque organisation.
Je suis entièrement d'accord. Il est très important que les Français, par le biais de l'Assemblée, sachent à quoi sert notre aide multilatérale aux grands organismes financiers internationaux. De même, il est important qu'ils sachent que ceux qui parlent au nom de la France portent des stratégies et des propositions que le Parlement a préalablement examinées.
Il serait intéressant que la mission d'information travaille à partir des informations fournies par le rapport annuel du Gouvernement. Elle pourrait en particulier contribuer à une plus grande lisibilité.
Une réorientation de la politique publique de l'aide publique au développement vers plus de transparence me semble absolument vitale pour notre démocratie.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement.
Elle en vient à l'amendement II-AE5 de Mme Constance Le Grip.
Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le montant de l'aide publique au développement accordée à des pays qui ne délivrent pas les laissez-passer consulaires demandés par les autorités françaises. Nous savons en effet que certains pays refusent d'admettre sur leur territoire certains de leurs ressortissants entrés en France illégalement.
À titre personnel, j'estime qu'il ne convient pas de remettre en cause l'aide publique au développement d'une manière générale – on ne va pas arrêter d'aider les pays à mieux soigner et mieux éduquer leurs habitants – mais qu'il est possible de prendre appui sur les aides budgétaires directes pour exercer une influence. Prenons l'exemple du Mali qui est revenu sur ses positions.
Je ne suis pas favorable à ce qu'on lie de manière outrancière la politique d'aide publique au développement et les questions migratoires.
N'oublions pas que ces aides servent à réduire les inégalités, à lutter contre la pauvreté et à promouvoir les biens publics mondiaux ; or l'exposé sommaire met en avant une conditionnalité de ces aides.
Nous savons bien qu'il y a des discussions entre le Gouvernement et les pays aidés au sujet des documents consulaires mais il ne convient pas d'inscrire une telle disposition dans le projet de loi de finances.
J'ajoute que l'amendement n'a plus d'objet puisqu'il propose que le rapport soit rendu « dans un délai raisonnable avant la présentation du projet de loi de finances pour 2020 ».
La commission rejette l'amendement.
Merci aux rapporteurs pour la qualité de leurs contributions et aux membres de la commission pour leur participation à cette séance de travail qui aura duré près de quatre heures…
Informations relatives à la commission
La commission a nommé :
- Mme Mireille Clapot, rapporteure sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole au traité de l'Atlantique Nord sur l'accession de la République de Macédoine du Nord (n° 2344) ;
- Mme Michèle Tabarot, co-rapporteure de la mission d'information sur la protection des espèces menacées.
La séance est levée à 13 heures 30.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 9 h 35
Présents. - Mme Clémentine Autain, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Yves Blein, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cabaré, Mme Samantha Cazebonne, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, Mme Frédérique Dumas, Mme Laurence Dumont, M. Pierre-Henri Dumont, M. Michel Fanget, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, M. Mustapha Laabid, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Denis Masséglia, M. Christophe Naegelen, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. François de Rugy, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, M. Buon Tan, Mme Liliana Tanguy, Mme Nicole Trisse
Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Ramlati Ali, Mme Aude Amadou, M. Moetai Brotherson, M. Olivier Dassault, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M'jid El Guerrab, M. Philippe Gomès, M. Christian Hutin, Mme Sonia Krimi, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Hugues Renson, Mme Sira Sylla, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman