Intervention de Annick Girardin

Réunion du lundi 28 octobre 2019 à 17h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Annick Girardin, ministre des outre-mer :

Après avoir accompagné le Président de la République durant quatre jours à Mayotte et à La Réunion puis, dans la foulée, le Premier ministre en Guadeloupe, je suis heureuse de me trouver à vos côtés pour répondre à l'ensemble de vos questions.

La présentation du budget devant les commissions est un moment privilégié. Il nous permet de débattre des questions budgétaires, généralement une semaine avant la discussion en séance publique. Elle nous permet d'affiner nos présentations et d'apporter des réponses. Je serai brève afin de laisser le plus de temps possible aux échanges et aux questions.

Le 17 octobre, j'ai eu l'occasion de réaffirmer au Sénat que l'acte II de mon mandat serait la Trajectoire outre-mer 5.0, une dynamique lancée le 18 avril en présence du Président de la République et du Premier ministre. Après le Livre bleu des outre-mer, cette trajectoire constitue la feuille de route du Gouvernement face aux défis du XXIe siècle que sont l'inclusion des populations – la trajectoire prévoit un objectif « zéro exclusion » –, l'accès à l'eau, la gestion des déchets, la résilience, la démographie, le numérique ou les questions environnementales.

Les territoires d'outre-mer sont au centre de tous ces défis. Nous devons les relever. La Trajectoire 5.0 a été pensée en ce sens. Elle est aussi la reprise des dix-sept objectifs de développement durable qui conduiront la France à retrouver en 2030 l'ensemble des pays de l'Organisation des Nations unies qui ont validé cette initiative pour faire le bilan de leurs engagements.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2020 s'inscrit dans la continuité de ce que nous avons engagé depuis mai 2017, en cohérence avec le Livre bleu et la Trajectoire 5.0. Pour ce qui est de la mission « Outre-mer », je commencerai par vous donner quelques chiffres.

À périmètre constant et hors exonérations de charges, le budget s'établit à 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement. Les chiffres sont donc maintenus au niveau élevé atteint en 2019. Ils sont présentés à périmètre constant car trois importantes mesures affectent le budget cette année, entraînant une diminution faciale des crédits.

Tout d'abord, à la demande des élus polynésiens, la dotation globale d'autonomie du territoire, jusqu'ici financée sur les crédits du ministère des outre-mer, est transformée en prélèvement sur les recettes de l'État. Un montant identique, de 90,5 millions d'euros, est débasé au profit du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Par ailleurs, conformément aux engagements qu'a pris le Président de la République lors de sa visite en Guyane, l'État se modernise et s'adapte aux spécificités de ce territoire : une nouvelle organisation budgétaire répond à la nouvelle organisation fonctionnelle. Un nouveau programme d'intervention territorialisé de l'État (PIT) est créé au sein du ministère de l'intérieur. Il regroupe l'ensemble des crédits d'intervention en faveur de la Guyane. Pour sa part, le ministère des outre-mer reverse 7,2 millions d'euros en autorisations d'engagement, somme transférée au programme 162 du ministère de l'intérieur.

Enfin, à l'inverse, une nouvelle dotation de 27 millions d'euros est créée à destination de la collectivité territoriale de Guyane. Il s'agit de mieux l'accompagner dans la démarche de performance qu'elle a engagée et que nous soutenons pleinement. Ce montant représente une compensation sur les recettes d'octroi de mer, un engagement pris par le Président de la République qui n'avait pas été inscrit dans le temps, ce que nous faisons aujourd'hui.

Au-delà de ces différents mouvements de périmètre, la préservation des autorisations d'engagement est un signal fort de la confiance et de l'ambition du Gouvernement pour les territoires d'outre-mer.

C'est un signal de confiance tout d'abord. Lorsque les restes à payer sont en augmentation et que le rythme de décaissement des crédits ralentit, la logique voudrait que l'on ajuste à la baisse les autorisations d'engagement. Or, ce n'est pas le cas : nous souhaitons garder une dynamique et pousser à davantage de transformations dans les territoires. C'est pourquoi nous maintenons les autorisations d'engagement à leur niveau de 2019.

C'est une marque d'ambition, ensuite, car ces autorisations d'engagement (AE) traduisent aussi une vision d'avenir : elles financeront la Trajectoire 5.0 et les projets des territoires. Nous préservons intégralement les moyens et nous soutenons les initiatives locales. Nous ne relâchons absolument pas nos efforts pour répondre aux besoins.

L'ajustement du montant des crédits de paiement (CP) est loin d'être une fatalité. Ce budget pour 2020 compte 100 millions d'euros de crédits de paiement de moins que celui établi l'année dernière. Vous le savez : il est hors de question de laisser des impayés où que ce soit. S'il était nécessaire de faire évoluer cette enveloppe à la hausse, nous le ferions. Pour l'instant, d'après les AE déjà en réalisation dans les territoires et qui appelleront les CP, une diminution de 100 millions d'euros a été prévue.

Le budget pour 2020 poursuit plusieurs objectifs.

Le quotidien des ultramarins, d'abord, est la principale inquiétude de nos concitoyens, celles que vous entendez certainement s'exprimer sur le terrain, dans les repas de famille, entre amis ou dans vos permanences. Nos concitoyens veulent que nous puissions résoudre leurs problèmes de tous les jours – l'inscription de leurs enfants à l'école comme nous l'avons abordé à Mayotte, l'accès à l'eau qui vient d'être évoqué en Guadeloupe, les sargasses dont il a été question avec l'ensemble des États insulaires du bassin des Caraïbes ainsi qu'avec la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Nous devons apporter des réponses au quotidien.

C'est aussi pour cela que nous avions institué un fonds exceptionnel d'investissement (FEI) de 110 millions d'euros, que le projet de loi de finances pour 2020 maintient à ce niveau – contre 40 millions d'euros en 2018. Nous avons donc la possibilité d'aller plus vite dans la transformation et nous continuons à y travailler. Parmi les projets soutenus, certains sont en lien avec l'électrification, les infrastructures sportives, la voirie, c'est-à-dire des préoccupations se rapportant à la vie quotidienne des ultramarins.

S'agissant des constructions scolaires, vous l'avez vu, nous maintenons un effort de 90 millions d'euros qui s'ajoute aux crédits du ministère de l'éducation nationale.

L'accompagnement des territoires est un autre domaine prioritaire. Il passe par le soutien à l'ingénierie et le montage de dossiers, qui sont fondamentaux. Nous venons de constater, lors de la discussion sur le règlement du budget 2018, qu'un accompagnement avait fait défaut. Je souhaite que nous puissions aller au-delà de ce que nous avions fait. D'une part, j'ai décidé d'augmenter les crédits dédiés à l'ingénierie confiés à l'Agence française du développement (AFD) : ils passeront de 3 à 7 millions d'euros et seront mis à la disposition des acteurs du territoire pour concrétiser leurs projets. D'autre part, 85 millions d'euros supplémentaires seront apportés en cinq ans sous la forme de dotations de péréquation aux différentes collectivités, selon un engagement pris par le Président de la République le 1er février, à l'Élysée, lors de la réception des élus des communes. Une première tranche de 17 millions d'euros est budgétisée. Un rapport, en cours d'élaboration, nous permettra de calibrer au mieux les prochaines tranches.

Par ailleurs, une conférence sur le logement outre-mer a rassemblé les élus des territoires ainsi que les opérateurs, nationaux et locaux. Deux phases ont été menées. La conférence a souhaité maintenir l'effort de la ligne budgétaire unique (LBU) au-delà de l'engagement minimal annuel de 200 millions d'euros. Il est de 215 millions d'euros pour 2020, un seuil qu'il nous reviendra de faire évoluer selon les besoins des territoires et le développement des projets.

Le PLF prévoit aussi le rétablissement, pour les seuls départements et régions d'outre-mer (DROM), d'une allocation pour l'accession à la propriété et à la rénovation. Les paramètres sont donc entièrement rétablis. C'est la reconnaissance non seulement de la spécificité des territoires d'outre-mer, mais aussi de la fragilité de leurs populations. C'est pourquoi cette aide qui existait auparavant dans l'ensemble de nos territoires est rétablie.

Je n'oublie pas le Plan d'investissement volontaire d'Action logement, qui prévoit un volet spécifique pour les outre-mer de 1,5 milliard d'euros sous forme de prêts et de subventions. Cela ne signifie pas que les outre-mer sont exclus des autres volets – au contraire, puisqu'ils ont accès l'ensemble des dispositifs.

Le dernier domaine prioritaire, très sensible dans l'ensemble des territoires d'outre-mer, est le soutien à l'emploi. C'était un axe fort du déplacement du Président de la République à La Réunion. Conformément à l'engagement pris sur place, le Gouvernement a sous-amendé et soutenu les amendements d'origine parlementaire qui proposaient d'élargir le bénéfice des exonérations de charges dans les secteurs renforcés jusqu'à deux fois le salaire minimum de croissance (SMIC). L'an dernier, une réforme importante des exonérations de charges avait été menée, qui comportait une clause de revoyure. Des réunions se sont tenues en juillet dernier, pour lesquelles certaines informations manquaient. Ces données ont été reçues récemment, ce qui nous a permis d'agir. Ce sont donc 35 millions d'euros d'allégements supplémentaires qui ont été décidés pour les entreprises ultramarines. Ces montants viennent aussi en soutien à la presse – une décision attendue notamment aux Antilles et à La Réunion où ce secteur rencontre de grandes difficultés du fait de l'évolution rapide des canaux d'information. La presse est désormais placée intégralement en secteur renforcé dans ces territoires.

Il convient de saluer ces avancées qui accompagnent la réforme d'ampleur de l'an passé. Je me suis toujours engagée à effectuer rapidement une évaluation du dispositif et à le modifier si nécessaire.

Le Président de la République a également annoncé à La Réunion un nouveau plan d'accompagnement pour l'emploi – le plan Pétrel – sur lequel je reviendrai si vous le souhaitez. La lutte contre le travail dissimulé est aussi au coeur de nos travaux puisque nous avons constaté qu'il minait les entreprises par une concurrence déloyale.

D'autres actions sont prévues, comme flécher 24 millions d'euros pour des outils spécifiques d'aide aux entreprises, qu'il s'agisse du microcrédit avec une convention de 1,8 million d'euros avec l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), ou de l'augmentation des montants prêtés qui passent de 12 000 à 15 000 euros. Ce dispositif, expérimenté à Mayotte et étendu à La Réunion, sera mis en place dans tous les territoires. Plusieurs petites entreprises y ont accès.

Nous avons aussi lancé des appels à projets, élargi les conditions d'accès au prêt de développement outre-mer et augmenté les crédits de l'aide au fret.

Comme nous avons pu le dire à Mayotte, à La Réunion et en Guadeloupe, le combat pour l'emploi est un beau combat que nous devons mener ensemble. Il vise à réduire les inégalités, mais aussi à redonner de la fierté aux jeunes à travers la formation et le développement de leur territoire.

Je dirai un dernier mot sur les contrats de convergence et de transformation issus de la loi de programmation du 28 février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer et du Livre bleu. Nous avons tous acquis la conviction que les outre-mer doivent se transformer pour répondre aux défis auxquels ils sont confrontés. Ces contrats ont été signés le 8 juillet dernier avec presque tous les départements et régions d'outre-mer (DROM) et certaines collectivités d'outre-mer (COM). Ils représentent une enveloppe de 2,1 milliards d'euros jusqu'en 2022. Nous sommes donc au rendez-vous des attentes de l'ensemble de nos interlocuteurs – citoyens, collectivités, entreprises – qui développent le territoire, et surtout, qui luttent contre le chômage pour permettre à chacun de trouver une place.

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