Intervention de Émilie Bonnivard

Séance en hémicycle du jeudi 31 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Bonnivard, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Ne disposant que de cinq minutes pour analyser et commenter les crédits budget de L'État affecté au tourisme, j'irai à l'essentiel.

Cette année encore, au regard des propositions formulées en matière budgétaire pour le tourisme en 2020, je ne peux que constater le manque de visibilité dans l'organisation budgétaire des crédits relatifs au tourisme, éclatés dans de petites actions au sein des missions « Action extérieure de l'État » et « Économie ». J'avais déjà formulé cette remarque l'année dernière.

Les crédits budgétaires propres à l'État sont relativement faibles au total – environ 35 millions d'euros – si on les rapporte au poids du tourisme dans notre économie – plus de 7 %. En outre, depuis quatre ans, l'État a délégué à la Caisse des dépôts et à Bpifrance, la responsabilité d'investir dans le tourisme, notamment dans les secteurs stratégiques de l'hébergement et des infrastructures.

C'est donc finalement dans ce domaine qu'il conviendrait d'évaluer l'efficience de l'effort national en matière touristique, plutôt que de s'en tenir au budget dédié à la promotion. Or, si le Gouvernement communique beaucoup sur les centaines de millions d'euros d'investissements programmés par la Caisse des dépôts, Bpifrance et les investisseurs privés dans le tourisme, force est de constater que les résultats sont loin des objectifs fixés, comme l'a souligné la Cour des comptes dans un récent rapport.

En vous présentant chaque année ce rapport budgétaire, monsieur le ministre, je ressens toujours une certaine frustration. J'ai le sentiment que, par essence, vous ne pouvez répondre, malgré vos qualités et votre volonté, à l'enjeu qui me semble prioritaire : quelle politique et quels moyens en matière d'investissement et d'aménagement touristique du territoire ?

Au-delà des crédits limités à la promotion, notre pays a besoin que le tourisme soit pleinement utilisé comme levier de développement économique et d'aménagement du territoire. En tant que Breton, monsieur le ministre, vous ne pourrez qu'être d'accord avec moi sur ce point.

S'agissant des crédits du principal opérateur, Atout France, je suis au regret de constater que la subvention pour charge de service public, qui s'élevait à 32,7 millions d'euros en 2019, baisse de 13 % à 4,4 millions d'euros dans ce projet de loi de finances. C'est un effort considérable qui est demandé à l'opérateur, alors que le budget de l'État consacré à la promotion touristique est déjà relativement modeste.

Depuis quelques années, l'opérateur effectue un travail sérieux de rationalisation, dans un environnement mondial de plus en plus concurrentiel en matière touristique. Nous sommes désormais talonnés par la Thaïlande en termes de panier moyen de dépense.

Une diminution aussi importante des crédits accordés à Atout France le contraindrait à affaiblir ses missions et points de représentation à l'étranger. Cela nous paraît contraire à vos objectifs que ce soit en termes de fréquentation – nombre de touristes étrangers – que de recettes escomptées, puisque vous tablez sur un montant de 66 milliards d'euros en 2020.

J'en viens aux crédits du programme 134 de la mission « Économie ». La ligne budgétaire de la direction générale des entreprises – DGE – n'a pas été totalement supprimée mais elle est résiduelle : 140 000 euros. Nous avons encore sauvé in extremis, ce matin même en séance, par voie d'amendement, l'action 20, « Financement des entreprises », dédiée à Bpifrance. Je remercie notre collègue Olivia Grégoire pour sa mobilisation sur le sujet. Bpifrance a une activité de garantie des prêts qui est fondamentale pour les entreprises du tourisme, notamment pour l'hôtellerie familiale et indépendante dont le modèle économique est parfois fragile mais qui est essentielle à l'offre sur le territoire.

Enfin, je souhaitais revenir sur le transfert à la Caisse des dépôts de la responsabilité d'investir dans le secteur du tourisme. En 2015, le plan Fabius lui confiait la mission d'investir dans trois secteurs majeurs pour moderniser notre offre touristique : l'hébergement, les équipements et infrastructures, et les entreprises. Une plateforme d'investissements baptisée France Développement Tourisme devait mobiliser 1 milliard d'euros avant 2020.

Le diagnostic posé à l'époque était le bon : nous devons remettre à niveau notre offre touristique. Le Gouvernement actuel s'est inscrit dans le prolongement du précédent sur ce point, et c'est heureux.

Depuis, a-t-on fait le point sur la réalisation de ces objectifs ou sur le milliard d'euros à investir ? Dans son rapport, la Cour des comptes indique que, faute de pilotage stratégique clair et en raison du modèle même de la Caisse des dépôts qui doit respecter certaines contraintes en tant qu'investisseur, les objectifs ne sont pas atteints. L'échec de la Foncière Développement Tourisme en témoigne : elle n'a mobilisé que 67 millions d'euros de fonds propres sur les 500 millions d'euros prévus, et elle n'a financé qu'une seule opération depuis sa création en 2015.

S'il est positif de transférer certaines missions à la Caisse des dépôts, encore faut-il qu'elle ait les outils et l'ADN pour les réaliser. Il me semble qu'il existe actuellement une inadéquation entre ses outils et les missions qui lui sont confiées.

Monsieur le ministre, pourrions-nous revoir ensemble de l'arsenal des moyens déployés par l'État en matière d'investissement touristique ? Pourquoi ne pas consacrer une partie du programme d'investissements d'avenir, le PIA, ou des dépenses fiscales à cet enjeu ? Sans financements plus importants de l'État, je ne vois pas comment nous réussirons à préparer nos infrastructures touristiques aux défis auxquels elles ont à faire face et surtout à utiliser cette filière économique comme vecteur d'un aménagement équilibré du territoire.

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