Intervention de Alain David

Séance en hémicycle du jeudi 31 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain David :

Au moment où la France peut une nouvelle fois s'enorgueillir de son classement flatteur dans divers palmarès internationaux mesurant le fameux soft power – la diplomatie d'influence – , le budget qui nous est présenté peut nous inquiéter quant à la pérennité de l'excellence de notre action diplomatique.

Les crédits de paiement du programme 105 dans le PLF pour 2020 semblent quasi stables, voire en légère augmentation de 9 millions d'euros par rapport au PLF pour 2019 ; ils sont cependant en baisse de 118 millions d'euros par rapport au PLF pour 2018. On observe la même tendance pour les autorisations d'engagement, en baisse de 110 millions d'euros dans le PLF pour 2020 par rapport au PLF pour 2018.

Les principales baisses de crédits du PLF pour 2020 par rapport au PLF pour 2018 concernent principalement les contributions internationales, qui diminuent de 81 millions d'euros, et le réseau diplomatique, dont la dotation décroît de 24 millions d'euros. Lorsqu'on regarde les choses dans le détail, les baisses de dépenses du réseau diplomatique sont même supérieures : on observe une diminution de 34 millions d'euros des crédits de fonctionnement par rapport à 2018, sur un total de 183 millions d'euros, due essentiellement à des économies sur l'immobilier à l'étranger. On observe par ailleurs une baisse moins justifiable de 29 millions d'euros de crédits de paiement en dépenses d'investissement : alors que ces dernières s'élevaient à 65 millions d'euros en 2018, seuls 36 millions d'euros sont prévus pour 2020, soit une baisse des investissements de 50 % en deux ans.

Concernant les emplois, on constate une perte de 81 équivalents temps plein par rapport à 2019 dans un ministère qui, depuis plusieurs années, a plutôt devancé les exigences de Bercy en matière de suppressions de postes.

Outre ces baisses d'effectifs constantes depuis plusieurs années, on constate, ce qui est nouveau, dans le cadre de la réforme « Action publique 2022 », que le ministère remplace de plus en plus d'agents titulaires de la fonction publique nationale par des agents de droit local, pour des raisons d'économies budgétaires. Cela est tout à fait critiquable, tant parce que les diplomates exercent des fonctions qui relèvent de la souveraineté nationale que pour des raisons pratiques. En effet, les fonctionnaires du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sont habitués et formés pour gérer des crises dans les différents postes où ils ont servi ainsi que pour opérer des tâches multiples et transverses dans des moments de tension – ce pour quoi ne sont pas faits ni formés les agents de droit local. Ce remplacement comporte donc des risques en matière de fonctionnement et de continuité du service, notamment dans les périodes de tension ou de crise.

Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » connaît, lui aussi, une baisse qui frappe particulièrement l'AEFE. En raison de la stagnation ou de la diminution des financements publics, les dépenses de l'AEFE sont, chaque année depuis 2015, supérieures à ses ressources. Pour les établissements confrontés à l'atonie des financements publics, l'ajustement budgétaire conduit donc principalement à l'augmentation des frais de scolarité, qui connaissent effectivement une hausse de 25 % depuis 2012 – ils s'élèvent à 5 300 euros en moyenne. En sous-finançant l'AEFE, on force donc à une augmentation des frais de scolarité, au détriment des familles les moins fortunées, dont certaines n'ont plus les moyens de scolariser leurs enfants dans l'enseignement français, voire sont contraintes de quitter leur lieu de résidence pour rentrer en France.

Par ailleurs, la réforme administrative de l'enseignement du français à l'étranger nous apparaît tout à fait critiquable, car elle vise, pour parvenir à l'objectif du doublement du nombre d'élèves scolarisés en français à l'étranger, non pas à augmenter le financement des établissements publics de l'État, mais à développer massivement le soutien aux écoles privées franchisées qui pourront recevoir cette nouvelle manne financière.

L'aide à la scolarité des enfants français inscrits dans les établissements du réseau AEFE reste au même niveau, à 105,3 millions pour 2020. On peut critiquer cette non-augmentation des crédits pour plusieurs raisons : l'augmentation continue du nombre de Français à l'étranger, estimée à 2 %, l'évolution à la hausse des frais de scolarité, et la variation des taux de change.

En outre, il convient de ne pas passer sous silence la mauvaise mise en oeuvre de la réforme du mode d'attribution des bourses de scolarité, qui a abouti, à cause d'obstacles et de dysfonctionnements administratifs, à une baisse du nombre de demandes de ces bourses. Il conviendra donc d'abonder cette ligne budgétaire pour remédier à cette situation.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas le budget qui nous est proposé.

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