Intervention de Jean François Mbaye

Séance en hémicycle du lundi 4 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean François Mbaye, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

« Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent ». Derrière ce lieu commun indûment attribué à Chateaubriand se cache une réalité dont je veux vous entretenir en ouverture de l'examen de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2020. Dans le cadre de ce deuxième rapport pour avis sur la diplomatie environnementale, j'ai en effet choisi de consacrer mes travaux à la préservation et à la restauration des forêts mondiales.

Sans doute vous souvenez-vous des récentes et terribles images d'une Amazonie en proie aux flammes et des milliers d'hectares de forêt primaire réduits en cendre. Sous les volutes de fumée noire, seul râle permis à cette victime mutique, c'est un patrimoine universel qui était immolé par le feu. Car oui, mes chers collègues, chaque offense infligée à nos forêts est un affront subi par l'humanité tout entière. Havres de biodiversité, les forêts tropicales abritent près de la moitié de la flore et de la faune connues à ce jour dans le monde. Clés de voûte écosystémiques, nos forêts jouent un rôle déterminant pour la fertilité des sols, la qualité des eaux et la régulation du climat. Lieux de vie, elles fournissent quantité de matières premières animales et végétales, et abritent nombre de populations autochtones.

À cet instant, qu'il me soit permis de rendre hommage à Paulo Paulino, défenseur de la forêt, sauvagement assassiné vendredi dernier au Brésil par des trafiquants de bois.

Malgré ses vertus inestimables, l'espèce humaine s'ingénie à détruire les espaces forestiers mondiaux. Si rien n'est fait, ces derniers diminueront de moitié au cours des deux prochains siècles. Les causes de cette destruction, ce sont les changements d'affectation des terres au profit de l'agriculture ou de l'urbanisation : en moins de deux décennies, plus d'un quart de la déforestation mondiale est devenue définitive en raison de tels aménagements. Parmi les territoires les plus touchés, on compte l'Amérique du Sud, productrice de soja, ou encore l'Asie du Sud-Est, et ses plantations de palmiers à huile.

La forêt est un patrimoine universel, et universel aussi doit être l'anathème que je lance depuis cette tribune : nous, Français, Européens, en consommant ces produits, sommes responsables de plus d'un tiers de la déforestation liée au commerce international de produits agricoles. Ma première recommandation porte donc sur la nécessité de sensibiliser le grand public aux conséquences de nos modes de consommation sur l'état des forêts mondiales. Au-delà, il nous revient de repenser la gouvernance internationale des forêts, actuellement exempte de tout cadre juridique unifié et contraignant. Tant les clivages Nord-Sud que la multiplication des initiatives non coordonnées en la matière contribuent en effet à diluer la mobilisation générale en faveur des forêts, et à affaiblir de ce fait la visibilité de ce problème sur la scène internationale. Aussi, au regard de la gravité et de l'urgence de la situation, je considère que l'adoption d'une convention cadre des Nations unies doit constituer un objectif minimum.

Dans ce contexte, la France doit jouer un rôle déterminant et tirer pleinement profit des occasions qui se présenteront à elle dans les mois à venir afin de s'imposer comme chef de file en la matière. Elle dispose pour cela de la légitimité qu'elle tire de son important couvert forestier, de même que d'une expertise mondialement reconnue à travers les actions de la filière internationale de l'Office national des forêts – ONF – et de l'Agence française de développement – AFD. La France, rappelons-le, est le premier pays à avoir élaboré et adopté une stratégie ambitieuse de lutte contre la déforestation importée. Les initiatives prises lors du dernier sommet du G7 ou encore en marge de la réunion de l'Assemblée générale des Nations unies de septembre dernier démontrent que notre diplomatie se trouve déjà en ordre de bataille.

Néanmoins, en vertu des ambitions qui doivent être les nôtres, j'appelle votre attention à tous sur le fait que la recomposition des effectifs du ministère de la transition écologique et solidaire, nécessaire appui à notre action internationale, ne saurait justifier un quelconque affaiblissement de cette mobilisation. Ainsi, et pour permettre à notre diplomatie d'effectuer une percée décisive en faveur de la préservation et de la restauration des forêts mondiales, je vous invite à voter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.