L'examen des crédits de la politique énergétique s'inscrit dans un contexte particulier : prise de conscience générale du changement climatique et de la nécessité d'agir ; mobilisation inédite des citoyens – notamment des jeunes – en faveur du climat ; réunions de haut niveau au sein de l'Organisation des Nations unies… Pourtant, malgré ce contexte qui aurait pu être porteur, le présent budget est très décevant.
Ma première interrogation porte sur la réduction très importante et inédite des effectifs du ministère de la transition écologique et solidaire. Je regrette également certaines évolutions du programme 174 : la transformation du CITE en prime n'est pas à la hauteur des enjeux. Cette prime devrait en effet permettre de réduire davantage le reste à charge des ménages modestes et très modestes. Quant aux ménages plus aisés, les évolutions votées en séance publique sont bienvenues mais les montants d'aide prévus sont très insuffisants. Je suis pourtant convaincue qu'il est possible de concilier les deux objectifs que sont l'amélioration du pouvoir d'achat et la lutte contre le changement climatique – et que c'est là la clef de la réussite.
Les crédits relatifs au dispositif de prime à la conversion sont en baisse de 32 % par rapport à 2019 alors même que la décarbonation des transports doit être une priorité. Les crédits relatifs au chèque énergie sont en baisse de 3 %. L'accompagnement des bénéficiaires n'est pas au rendez-vous : 20 % d'entre eux n'ont pas utilisé leur chèque énergie. Les recettes affectées au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » sont en baisse, en raison de la fin du remboursement de la dette de l'État accumulée au titre de l'ancienne contribution au service public de l'électricité – CSPE. Je regrette que les recettes jusqu'alors affectées à ce compte et économisées – à hauteur cette année de 1 milliard d'euros – n'aient pas été redéployées pour financer la transition énergétique. Quant aux crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » – FACE – , ils sont chroniquement sous-consommés car les actions qu'ils peuvent financer ne sont pas adaptées aux nouveaux défis de la transition énergétique. Il est urgent que la réforme du FACE, que nous avons votée lors de l'examen du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, entre en vigueur, en y associant les territoires d'outre-mer où les difficultés sont très nombreuses. Qu'en est-il, madame la secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire ?
Au-delà des crédits, un grand nombre de dépenses prévues par ce PLF sont défavorables à la transition énergétique : près de 25 milliards d'euros, d'après l'inspection générale des finances ; il est urgent d'établir un calendrier progressif de suppression de ces dépenses.
En outre, à l'occasion de la discussion du PLF pour 2021, nous devrons disposer d'une évaluation conjointe des conséquences environnementales et des conséquences sociales des dépenses, afin d'engager une transition écologique juste et solidaire.
Enfin, une vraie réflexion sur la fiscalité écologique est indispensable. Tout au moins serait-il opportun d'affecter davantage les recettes de la mise aux enchères des quotas carbone à la rénovation énergétique. Ces recettes explosent : 840 millions d'euros sont attendus pour 2020. Des moyens budgétaires sont donc disponibles pour mettre en place des mesures vraiment ambitieuses. Face à l'ampleur de la tâche et à l'urgence des décisions à prendre, nous ne pouvons nous contenter d'ajuster certaines dépenses sans changer notre manière de faire. Nous appelons de nos voeux, chers collègues, une vision plus globale ; ne fermons plus les yeux sur certaines politiques destructrices de l'environnement en ajustant à la marge certaines démarches pour nous donner, au mieux, bonne conscience.
Pour toutes ces raisons, j'ai donné en commission un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à l'énergie.
J'ai choisi de centrer la partie thématique de mon avis sur la rénovation énergétique. Cependant que la loi relative à la transition énergétique fixait pour cible la rénovation de 500 000 logements par an, seuls 350 000 ont été rénovés en 2018. Je rappelle que le nombre de passoires thermiques est estimé à environ 7 millions de logements et que, parmi elles, 3,8 millions sont occupées par des ménages modestes : il est urgent d'agir davantage, plus vite et plus efficacement.
On note un foisonnement d'objectifs énergétiques : il faut les hiérarchiser et faire en sorte qu'ils soient partagés. L'État doit montrer l'exemple. J'ai donc déposé un amendement visant à créer un programme finançant spécifiquement des actions de réduction de la consommation énergétique des bâtiments de l'État.
Le frein financier est important. Pour le lever, il faudrait créer des dispositifs plus innovants : le groupe Socialistes et apparentés a ainsi déposé une proposition de loi qui prévoit un plan de 300 milliards d'euros sur trente ans pour rénover les logements.
Au-delà de la question du financement, il est nécessaire de se pencher sur l'accompagnement des ménages et des collectivités. Cela passe, tout d'abord, par la création d'un vrai service public de la rénovation. Le financement récemment prévu pour ce service public n'est pas du tout satisfaisant. Il a été décidé qu'il reposerait pour moitié sur des financements des collectivités et pour moitié sur des financements privés, grâce à un programme de certificats d'économie d'énergie – c'est pour le moins étonnant pour un service dit public. Aussi, madame la secrétaire d'État, comment comptez-vous aider les collectivités territoriales à mettre en place ce service, afin de ne pas créer de disparités territoriales ?
L'accompagnement des copropriétés est par ailleurs très important, tout comme l'accompagnement des collectivités. Il faut communiquer davantage sur les dispositifs de la Caisse des dépôts et consignations, notamment sur le prêt GPI-AmbRE. Voici quelques pistes de travail dont j'espère que nous aurons prochainement l'occasion de discuter pour avancer plus efficacement vers la transition écologique.