Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du lundi 4 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

En juillet dernier, nous avons unanimement fait de l'urgence écologique et climatique le pivot de la politique énergétique de la France, en l'inscrivant à l'article 2 du projet de loi relatif à l'énergie et au climat. Ce n'était pas une simple déclaration d'intention, puisque les lois de programmation pluriannuelle de l'énergie devront désormais fixer des objectifs et déterminer des actions visant à répondre à cette urgence.

Toutefois, rien, dans les crédits budgétaires de la mission, ne transcrit cette orientation dans les faits, alors même que l'engagement de l'État en matière énergétique compte pour beaucoup dans la transition environnementale. Bien sûr, le discours que vous avez tenu est volontariste et réconforte – pour ne pas dire qu'il réchauffe – les citoyens inquiets. Dans les faits, pourtant, votre enthousiasme se révèle un peu moins concret.

Comment pouvez-vous justifier les 1 991 suppressions de postes prévues en 2020 au ministère de la transition écologique et solidaire ? Ce chiffre, qui atteindra près de 5 000 suppressions à l'horizon 2022, fera de cette administration la deuxième plus touchée par les baisses d'effectifs. Une telle diminution des moyens humains ne nous paraît pas cohérente, car ils sont nécessaires à l'accompagnement de la transition écologique.

La même remarque vaut pour la diminution des moyens dévolus au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », que j'ai présentée dans mon avis budgétaire.

Nous ne contestons pas les raisons de la diminution du programme 765, mais pourquoi ne pas profiter de cette opportunité pour mobiliser, à budget constant, les 942 millions d'euros correspondants, par exemple en faveur du soutien aux énergies renouvelables ? Le Gouvernement déclare vouloir être en pointe sur les questions environnementales, alors qu'il décide en même temps de réaliser d'importantes économies sur l'écologie. C'est pourquoi nous voterons contre les crédits affectés à cette mission.

La transition énergétique du parc de logements, qui représente, pour les seules passoires thermiques, plus de 7 millions de rénovations à réaliser, n'est pas envisageable avec un crédit d'impôt pour la transition énergétique, qui sera bientôt transformé en prime, dont les moyens stagnent. Le groupe Socialistes a mené une large réflexion sur cette question centrale – le logement représente en effet 25 % de la consommation énergétique nationale, et les dépenses d'énergie du logement pèsent toujours plus lourd dans le budget des ménages.

Nous présenterons ainsi, le 5 décembre prochain, une proposition de loi à la hauteur de l'urgence écologique et de la crise climatique. Elle prévoira un plan de 300 milliards d'euros sur trente ans, devant permettre la suppression des passoires thermiques et l'atteinte de l'objectif d'un parc de logements neutre en carbone d'ici à 2050. Si nous voulons être crédibles, nous devons nous en donner les moyens. En fonctionnant selon le principe d'une avance remboursable pouvant couvrir 100 % du montant des travaux, cette prime pour le climat supprimerait le problème du reste à charge pour les ménages, qui constitue le principal frein à l'efficacité des mesures actuelles.

Cette prime, universelle et dont le remboursement, moyennant une fraction pour subvention définitivement acquise, pourrait intervenir lors de la mutation du bien, serait financée à la fois par le recyclage de mesures budgétaires et fiscales existantes et par la mobilisation d'instruments financiers inspirés de ceux dont dispose la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Seule une telle ambition est susceptible de répondre à l'urgence écologique et à la crise climatique.

Le programme 174 s'intitule « Énergie, climat et après-mines ». Or le budget affecté aux prestations sociales des ayants droit du régime minier baisse. Pourtant, même si le nombre de bénéficiaires décroît, les dépenses augmentent, en raison de prises en charge de plus en plus lourdes. Le budget prévu pour 2020 sera-t-il suffisant, madame la secrétaire d'État ?

Je conclurai en évoquant le projet Montagne d'or mené en Guyane. Alors que le point relatif à ce projet a été retiré de l'ordre du jour de la commission départementale des mines de Guyane, la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement – DEAL – a émis un avis favorable à la reconduction des concessions « Boeuf-Mort » et « Élysée », qui se trouvent au coeur du projet minier. Cet avis serait essentiellement basé sur une stricte lecture de la loi, qui prévoit la possibilité d'une reconduction de droit. Il va sans dire, toutefois, que le résultat de cette instruction apparaît orthogonal au discours du Gouvernement sur la question.

Si la décision de prolongation des concessions n'entraîne pas, à elle seule, l'autorisation de travaux et d'exploitation, on ne saurait imaginer que l'État puisse renouveler ces concessions, potentiellement pour vingt-cinq ans, laissant toute possibilité à un futur gouvernement moins attaché aux questions environnementales d'attribuer de telles autorisations. On ne peut pas non plus renvoyer cette question à une réforme du code minier, attendue depuis des décennies, mais qui n'a encore jamais vu le jour.

Madame la secrétaire d'État, si le Gouvernement considère, comme il le dit, que le projet industriel d'extraction Montagne d'or en Guyane est incompatible avec les exigences de protection de l'environnement de notre pays, il faut y mettre fin une bonne fois pour toutes. Quel est votre engagement aujourd'hui concernant la fin de la concession dont bénéficie la Compagnie minière Montagne d'or ?

Pour toutes les raisons que je viens d'énoncer, le groupe Socialistes et apparenté votera contre ce budget « Énergie ».

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