Deuxième incertitude : l'issue. En moyenne, un même type de litige, pour une même ancienneté de vingt ans, entraîne des dommages et intérêts qui peuvent varier de huit à quarante mois. Oui, c'est extrêmement angoissant pour les PME – nous connaissons tous des chefs d'entreprise qui n'ont pas pu payer et qui ont dû mettre la clé sous la porte, et qui n'étaient pas de voyous pour autant – et c'est très insécurisant aussi pour le salarié, qui éprouve souvent un sentiment d'iniquité : pourquoi, parfois dans un même conseil de prud'hommes, un collègue qui était dans la même situation perçoit-il quatre fois plus d'indemnités ? Un tel flou ne protège pas. Nous avons besoin de repères, et c'est pourquoi nous voulons instaurer des barèmes plancher et plafond.
Je le dis tout de suite pour éviter une polémique inutile : nous sommes tous d'accord pour que cela ne s'applique pas dans les cas de harcèlement et de discrimination, où il n'est pas simplement question d'emploi mais d'atteinte à l'intégrité de la personne. Il n'est pas question d'instaurer quelque plafond que ce soit en la matière.
Troisième incertitude : l'incertitude juridique pure, le vice de forme qui, dans ce domaine-là, est assez prégnant. J'ai évoqué en commission des affaires sociales le cas d'un boulanger que j'ai rencontré et qui, suite à l'installation d'un concurrent dans la rue, a perdu 25 % de son chiffre d'affaires et a dû se séparer de l'un de ses cinq salariés. Il a mal rédigé sa lettre, sans préciser que le poste avait été supprimé, expliquant simplement qu'il recourait au licenciement parce qu'il avait perdu un marché. Et il a été condamné ! En toute conformité juridique d'ailleurs : les juges ont agi en toute observation du droit en vigueur. Cette insécurité juridique ne protège pas, par définition : se tromper en rédigeant une lettre de licenciement, est-ce être coupable ? Voilà encore un sujet que nous devons traiter.
Pardon d'avoir pris le temps d'entrer dans le détail, mais cette question de l'insécurité juridique est importante et je tenais à expliciter l'esprit de cet article. Je pourrais faire l'analyse alinéa par alinéa, mais le président dirait que je dépasse le champ des possibles ! Mais ce point-là est très important : plus le droit est clair, plus il est protecteur, pour le salarié et pour l'entreprise, parce que les règles du jeu sont nettes.
Enfin, il faut favoriser les procédures de conciliation. Le projet de loi contient des propositions afin de les renforcer, notamment en facilitant le régime fiscal et social : plus la conciliation a lieu en amont, mieux c'est pour tout le monde. Comme dans les procédures de divorce !