Cette année encore, vous m'avez fait l'honneur de me confier la fonction de rapporteur de notre commission sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », ce dont je suis profondément fier et heureux.
Cette mission s'articule autour de trois programmes budgétaires complémentaires, dont les deux premiers sont placés sous la responsabilité du ministère des Armées : le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée », qui retrace les crédits alloués à la journée de défense et de citoyenneté, au service militaire volontaire ainsi qu'à la mise en oeuvre de la politique de mémoire ; le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui regroupe les crédits permettant de financer l'ensemble des dispositifs au profit du monde combattant, au premier rang desquels le versement des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant ; enfin, le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale », qui relève du Premier ministre.
Le projet de budget pour 2020 des trois programmes de la mission s'élève à 2,16 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de près de 142 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2019.
Comme chaque année, cette baisse n'est que le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des dispositifs de reconnaissance et de réparation, qui représentent à eux seuls 94 % des crédits de la mission. Il s'agit bien sûr des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant.
Faute de temps, je n'évoquerai ici que les points les plus saillants du projet de budget pour 2020 ; vos questions permettront de revenir sur des points plus particuliers.
À l'instar des années précédentes, le Gouvernement a choisi de corriger les iniquités issues de l'histoire.
En 2018, nous avons mis fin à la dichotomie entre le taux du grade et le taux du soldat, et augmenté l'allocation reconnaissance et l'allocation viagère en faveur des supplétifs rapatriés et de leurs conjoints survivants ; en 2019, nous avons procédé à l'extension de la carte du combattant à la génération déployée en Algérie entre 1962 et 1964 et engagé un plan d'actions en faveur des harkis ; cette année, nous prévoyons de majorer la réversion des pensions militaires d'invalidité touchées par les veuves des grands invalides de guerre qui ont consacré leur vie à soigner leur conjoint lourdement blessé au combat. Le projet de loi de finances instaure donc une majoration de la pension militaire d'invalidité pour les conjoints survivants des grands invalides ayant agi comme tierce personne en fournissant des soins constants pendant quinze années de vie commune.
Concrètement, il s'agit de reconnaître l'engagement de celles – car il s'agit pour l'essentiel de femmes – qui ont consacré leur vie à prendre soin de leur mari ou de leur compagnon lourdement blessé au combat au nom de la France. Renonçant le plus souvent à travailler, elles n'ont que rarement cotisé – ou si peu – et nombre d'entre elles se trouvent dans des situations financières difficiles après le décès de leur mari. Demain, elles recevront l'équivalent d'une retraite d'aide-soignante – dans les faits, tel fut leur métier.
En outre, l'année 2020 verra les pleins effets des mesures annoncées en 2019 : premièrement, l'élargissement du bénéfice de la carte du combattant aux militaires déployés sur le territoire algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 qui, à terme, concernera plus de 50 000 personnes – 20 000 cas restent à traiter ; deuxièmement, la poursuite de la mise en oeuvre du plan d'actions décidé par le Président de la République en faveur des harkis.
Permettez-moi également de dire un mot de la politique de mémoire. La diminution de près de 30 % de la dotation budgétaire qui lui est consacrée a suscité quelques inquiétudes et nourrira vos questions. Il va sans dire que je les comprends mais il convient de rappeler que cette évolution tient compte, d'une part, de la fin du cycle du Centenaire, qui a mécaniquement entraîné une atténuation de l'effort budgétaire en raison de la diminution du nombre d'événements commémoratifs ; d'autre part, d'une contribution de 4,41 millions d'euros de la part l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), prélevée sur la trésorerie de l'établissement. Cette ressource complémentaire permettra de financer une large part des opérations d'entretien et de rénovation des nécropoles.
Au final, l'effort de l'État en la matière paraît donc relativement constant. Toutefois, il nous appartiendra de demeurer vigilant à l'avenir, en lien avec la secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées, Mme Geneviève Darrieussecq, car nous ne pourrons pas compter éternellement sur la trésorerie de l'ONACVG.
Dès l'an prochain, le niveau de la dotation devra être rehaussé, faute de quoi il y aura lieu de réellement s'inquiéter quant à la préservation et à la transmission de la mémoire combattante et à l'entretien de notre patrimoine de pierre. Nous sommes à l'étiage ; or, de l'avis de votre rapporteur, il n'est pas possible de faire moins.
Permettez-moi d'évoquer brièvement l'avenir de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, auquel j'ai consacré la partie thématique de mon avis.
L'Office se trouve en effet à la croisée des chemins en raison des mutations du monde combattant, confronté à la disparition croissante de ses membres, ce qui explique que le Gouvernement ait confié une mission à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale de l'administration et au Contrôle général des armées sur l'avenir de l'ONACVG, dont les conclusions sont attendues très prochainement.
Celles-ci nourriront le prochain contrat d'objectifs et de performance qui couvrira la période 2019-2023 dont la mise en oeuvre sera confiée à Mme Véronique Peaucelle-Delelis, nouvelle directrice générale de l'Office.
Au cours des dix dernières années, l'ONACVG a entrepris une vaste réorganisation : il s'est séparé des établissements médico-sociaux dont il assurait la gestion et s'est recentré sur trois grandes missions : la reconnaissance et la réparation ; l'accompagnement de ses ressortissants à travers, notamment, son action sociale ; la valorisation et la transmission de la mémoire combattante.
Pour mener à bien ses missions, l'Office s'appuie sur son mode de gestion paritaire, qui associe les représentants du monde combattant à tous les niveaux de décisions, ainsi que sur son réseau de proximité constitué, encore aujourd'hui, de 105 services départementaux, dont trois sont situés en Afrique du Nord.
Dans le champ mémoriel, l'Office assure l'entretien et la valorisation des nécropoles et des neufs hauts lieux de la mémoire nationale, dont la fréquentation ne cesse d'augmenter.
Il n'en demeure pas moins que l'Office a vocation à évoluer. Peut-être faudra-t-il même qu'il change de nom, revenant à ses origines centenaires en se muant en un Office national des combattants ? Quoi qu'il en soit, sa transformation ne pourra être réussie que si les moyens de poursuivre son action au service du monde combattant lui sont donnés.
Cinq axes de réflexion me paraissent devoir être pris en considération.
Premièrement, les ressources de l'Office devront être confortées et sanctuarisées afin de lui permettre de poursuivre son action en faveur du monde combattant.
Deuxièmement, le mode de gouvernance de l'Office pourrait être amené à évoluer afin d'associer davantage les représentants des dernières générations du feu ainsi que leurs familles. J'ai reçu l'association des épouses de militaires, lesquelles sont les premières à être au contact de ceux qui développent des symptômes post-traumatiques. Je préconise que les femmes se retrouvent au sein du conseil d'administration de l'ONACVG.
Troisièmement, l'action de l'Office a vocation à être rééquilibrée au profit de ses nouveaux ressortissants en développant toujours davantage son action au profit des jeunes anciens combattants, des blessés et de leurs familles.
Quatrièmement, le maillage territorial de l'Office pourrait être adapté aux nouvelles réalités territoriales. Si je suis convaincu de l'importance de conserver un réseau dense, à proximité des ressortissants, nous devons développer de nouveaux outils tel le numéro vert, la visioconférence, ou nous appuyer sur les maisons d'administration à venir.
Cinquièmement, le positionnement de l'Office dans la mise en oeuvre de la politique de mémoire mérite d'être clarifié alors que nombre d'acteurs interviennent en la matière ; les compétences des uns et des autres, parfois, se chevauchent, ce qui est dommageable. Mais mieux vaut plusieurs personnes qui fassent la même chose que personne du tout…
Véritable maison des combattants, l'ONACVG apporte un supplément d'âme grâce à son histoire et à l'engagement constant de ses personnels. Né des tranchées, il a évolué au cours du siècle afin de s'adapter à la transformation des conflits et aux mutations de la société. Sachons poursuivre ce travail et conforter l'Office en tant qu'Office national des combattants.