— Désignation de rapporteurs et de membres de missions d'information.
— Désignation de rapporteurs pour avis sur deux projets de lois :
- Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien (n° 2043) ;
- Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de l'accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre (n° 1631).
— Examen, ouvert à la presse, des avis budgétaires sur le projet de loi de finances pour 2020 (n°2272) :
- Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis) ;
- Mission « Défense » : Environnement et prospective de la politique de défense (M. Didier Baichère, rapporteur pour avis) ; Soutien et logistique interarmées (M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis) ; Préparation et emploi des forces : Forces terrestres (M. Thomas Gassilloud, rapporteur pour avis) ; Préparation et emploi des forces : Marine (M. Jacques Marilossian, rapporteur pour avis) ; Préparation et emploi des forces : Air (M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis) ; Équipement des forces — dissuasion (M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis).
La séance est ouverte à neuf heures cinq.
La commission procède tout d'abord à la désignation de rapporteurs et de membres de missions d'information.
Mes chers collègues, il a été décidé lors de la dernière réunion du Bureau de confirmer la création de deux missions d'information initiées par le précédent Bureau : l'une, sur les systèmes d'armes létaux autonomes, l'autre, en partenariat avec la commission de la défense de la Chambre des Communes, sur la coopération « défense » entre la France et le Royaume-Uni. Nous allons nous coordonner avec notre collègue de la Chambre des Communes pour la création de cette mission franco-britannique.
Nous pouvons en revanche d'ores et déjà nommer les rapporteurs et les membres de la mission d'information sur les systèmes d'armes létaux autonomes. En accord avec les groupes, nous avons reçu comme co-rapporteurs la candidature de M. Fabien Gouttefarde pour le groupe LAREM et celle de M. Claude Ganay pour le groupe LR.
Par ailleurs, les groupes nous ont transmis les candidatures suivantes pour être membres de cette mission : Mme Séverine Gipson et M. Stéphane Trompille pour le groupe LAREM, M. Jean-Jacques Ferarra pour le groupe LR, M. Philippe Michel- Kleisbauer pour le groupe MODEM, M. Joaquim Pueyo pour le groupe Socialistes et apparentés, M. Joachim Son-Forget pour le groupe UDI, Agir et Indépendants, M. Yannick Favennec Becot, pour le groupe Libertés et Territoires, M. Bastien Lachaud, pour le groupe LFI, M. André Chassaigne pour le groupe GDR.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Nous devons en outre procéder à la nomination d'un co-rapporteur pour une mission d'information commune avec la commission des lois sur l'évaluation de la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015, le Bureau ayant décidé d'accepter cette proposition de collaboration, ce dont je me félicite. Cette mission comprendra trois membres : un président appartenant à la commission des lois et issu de l'opposition et deux co-rapporteurs appartenant, l'un, à la commission des lois, l'autre, à notre commission, et issus de la majorité.
Conformément à la répartition entre les groupes décidée par le Bureau de notre commission, j'ai reçu la candidature de M. Loïc Kervran pour le groupe LAREM.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Enfin, le Bureau a décidé de se saisir pour avis de deux conventions ayant trait à la défense.
La première concerne l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien (n° 2043). Cet accord concerne directement la base aérienne d'Évreux, qui accueillera le centre de formation et d'entraînement commun pour l'unité aérienne franco-allemande qui sera créée. Nous avons reçu la candidature de Mme Séverine Gipson, qui est un peu la « locale de l'étape » (Sourires).
La deuxième concerne l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de l'accord de coopération en matière de défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Chypre (n° 1631). Nous avons reçu la candidature de Mme Aude Bono-Vandorme, vice-présidente du groupe d'amitié France-Chypre.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
La commission procède ensuite à l'examen pour avis et vote des crédits des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis), « Défense » (MM. Didier Baichère, Claude de Ganay, Thomas Gassilloud, Jacques Marilossian, Jean-Jacques Ferrara, Jean-Charles Larsonneur, rapporteurs pour avis), et « Sécurités » : « Gendarmerie nationale » (Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis) du projet de loi de finances pour 2020 (seconde partie) (n° 2272).
Nous sommes aujourd'hui réunis pour examiner les avis budgétaires et voter sur les crédits des missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », « Défense », et « Sécurités » : « Gendarmerie nationale ».
Notre ordre du jour est particulièrement chargé puisqu'il est prévu que nous passions successivement en revue les huit avis sur les trois missions citées.
Je vous propose de reprendre notre organisation habituelle pour cette réunion-marathon budgétaire annuelle, divisée en trois temps.
Dans un premier temps, chaque avis fera l'objet d'un débat de trente minutes réparties de la façon suivante : dix minutes maximum pour la présentation du rapporteur suivi de vingt minutes de questions-réponses entre les commissaires et les rapporteurs. Il serait bon que le nombre de questions soit équitablement réparti sur l'ensemble des rapports et je vous demande de veiller à les poser de manière très concise de façon à respecter les horaires. Je demanderai aux rapporteurs de faire preuve de la même concision dans leurs réponses.
Dans un deuxième temps, à la suite des présentations de ces huit avis, chaque groupe aura l'occasion de s'exprimer pour une durée maximale de cinq minutes sur l'ensemble des trois missions qui nous concerne. Toutefois, M. Joaquim Pueyo devant quitter impérativement Paris à douze heures, il parlera exceptionnellement au nom de son groupe au cours de l'examen des avis de la mission « Défense ».
Enfin, dans un troisième temps, nous passerons à l'examen des amendements et au vote sur les crédits des missions.
Nous arrêterons nos travaux de la matinée à treize heures, comme prévu, et nous les reprendrons cet après-midi à quinze heures pour les interventions des groupes, puis, examen et vote des amendements et des crédits.
La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis
Cette année encore, vous m'avez fait l'honneur de me confier la fonction de rapporteur de notre commission sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », ce dont je suis profondément fier et heureux.
Cette mission s'articule autour de trois programmes budgétaires complémentaires, dont les deux premiers sont placés sous la responsabilité du ministère des Armées : le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée », qui retrace les crédits alloués à la journée de défense et de citoyenneté, au service militaire volontaire ainsi qu'à la mise en oeuvre de la politique de mémoire ; le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », qui regroupe les crédits permettant de financer l'ensemble des dispositifs au profit du monde combattant, au premier rang desquels le versement des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant ; enfin, le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale », qui relève du Premier ministre.
Le projet de budget pour 2020 des trois programmes de la mission s'élève à 2,16 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de près de 142 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2019.
Comme chaque année, cette baisse n'est que le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires des dispositifs de reconnaissance et de réparation, qui représentent à eux seuls 94 % des crédits de la mission. Il s'agit bien sûr des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant.
Faute de temps, je n'évoquerai ici que les points les plus saillants du projet de budget pour 2020 ; vos questions permettront de revenir sur des points plus particuliers.
À l'instar des années précédentes, le Gouvernement a choisi de corriger les iniquités issues de l'histoire.
En 2018, nous avons mis fin à la dichotomie entre le taux du grade et le taux du soldat, et augmenté l'allocation reconnaissance et l'allocation viagère en faveur des supplétifs rapatriés et de leurs conjoints survivants ; en 2019, nous avons procédé à l'extension de la carte du combattant à la génération déployée en Algérie entre 1962 et 1964 et engagé un plan d'actions en faveur des harkis ; cette année, nous prévoyons de majorer la réversion des pensions militaires d'invalidité touchées par les veuves des grands invalides de guerre qui ont consacré leur vie à soigner leur conjoint lourdement blessé au combat. Le projet de loi de finances instaure donc une majoration de la pension militaire d'invalidité pour les conjoints survivants des grands invalides ayant agi comme tierce personne en fournissant des soins constants pendant quinze années de vie commune.
Concrètement, il s'agit de reconnaître l'engagement de celles – car il s'agit pour l'essentiel de femmes – qui ont consacré leur vie à prendre soin de leur mari ou de leur compagnon lourdement blessé au combat au nom de la France. Renonçant le plus souvent à travailler, elles n'ont que rarement cotisé – ou si peu – et nombre d'entre elles se trouvent dans des situations financières difficiles après le décès de leur mari. Demain, elles recevront l'équivalent d'une retraite d'aide-soignante – dans les faits, tel fut leur métier.
En outre, l'année 2020 verra les pleins effets des mesures annoncées en 2019 : premièrement, l'élargissement du bénéfice de la carte du combattant aux militaires déployés sur le territoire algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964 qui, à terme, concernera plus de 50 000 personnes – 20 000 cas restent à traiter ; deuxièmement, la poursuite de la mise en oeuvre du plan d'actions décidé par le Président de la République en faveur des harkis.
Permettez-moi également de dire un mot de la politique de mémoire. La diminution de près de 30 % de la dotation budgétaire qui lui est consacrée a suscité quelques inquiétudes et nourrira vos questions. Il va sans dire que je les comprends mais il convient de rappeler que cette évolution tient compte, d'une part, de la fin du cycle du Centenaire, qui a mécaniquement entraîné une atténuation de l'effort budgétaire en raison de la diminution du nombre d'événements commémoratifs ; d'autre part, d'une contribution de 4,41 millions d'euros de la part l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), prélevée sur la trésorerie de l'établissement. Cette ressource complémentaire permettra de financer une large part des opérations d'entretien et de rénovation des nécropoles.
Au final, l'effort de l'État en la matière paraît donc relativement constant. Toutefois, il nous appartiendra de demeurer vigilant à l'avenir, en lien avec la secrétaire d'État auprès de la ministre des Armées, Mme Geneviève Darrieussecq, car nous ne pourrons pas compter éternellement sur la trésorerie de l'ONACVG.
Dès l'an prochain, le niveau de la dotation devra être rehaussé, faute de quoi il y aura lieu de réellement s'inquiéter quant à la préservation et à la transmission de la mémoire combattante et à l'entretien de notre patrimoine de pierre. Nous sommes à l'étiage ; or, de l'avis de votre rapporteur, il n'est pas possible de faire moins.
Permettez-moi d'évoquer brièvement l'avenir de l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, auquel j'ai consacré la partie thématique de mon avis.
L'Office se trouve en effet à la croisée des chemins en raison des mutations du monde combattant, confronté à la disparition croissante de ses membres, ce qui explique que le Gouvernement ait confié une mission à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale de l'administration et au Contrôle général des armées sur l'avenir de l'ONACVG, dont les conclusions sont attendues très prochainement.
Celles-ci nourriront le prochain contrat d'objectifs et de performance qui couvrira la période 2019-2023 dont la mise en oeuvre sera confiée à Mme Véronique Peaucelle-Delelis, nouvelle directrice générale de l'Office.
Au cours des dix dernières années, l'ONACVG a entrepris une vaste réorganisation : il s'est séparé des établissements médico-sociaux dont il assurait la gestion et s'est recentré sur trois grandes missions : la reconnaissance et la réparation ; l'accompagnement de ses ressortissants à travers, notamment, son action sociale ; la valorisation et la transmission de la mémoire combattante.
Pour mener à bien ses missions, l'Office s'appuie sur son mode de gestion paritaire, qui associe les représentants du monde combattant à tous les niveaux de décisions, ainsi que sur son réseau de proximité constitué, encore aujourd'hui, de 105 services départementaux, dont trois sont situés en Afrique du Nord.
Dans le champ mémoriel, l'Office assure l'entretien et la valorisation des nécropoles et des neufs hauts lieux de la mémoire nationale, dont la fréquentation ne cesse d'augmenter.
Il n'en demeure pas moins que l'Office a vocation à évoluer. Peut-être faudra-t-il même qu'il change de nom, revenant à ses origines centenaires en se muant en un Office national des combattants ? Quoi qu'il en soit, sa transformation ne pourra être réussie que si les moyens de poursuivre son action au service du monde combattant lui sont donnés.
Cinq axes de réflexion me paraissent devoir être pris en considération.
Premièrement, les ressources de l'Office devront être confortées et sanctuarisées afin de lui permettre de poursuivre son action en faveur du monde combattant.
Deuxièmement, le mode de gouvernance de l'Office pourrait être amené à évoluer afin d'associer davantage les représentants des dernières générations du feu ainsi que leurs familles. J'ai reçu l'association des épouses de militaires, lesquelles sont les premières à être au contact de ceux qui développent des symptômes post-traumatiques. Je préconise que les femmes se retrouvent au sein du conseil d'administration de l'ONACVG.
Troisièmement, l'action de l'Office a vocation à être rééquilibrée au profit de ses nouveaux ressortissants en développant toujours davantage son action au profit des jeunes anciens combattants, des blessés et de leurs familles.
Quatrièmement, le maillage territorial de l'Office pourrait être adapté aux nouvelles réalités territoriales. Si je suis convaincu de l'importance de conserver un réseau dense, à proximité des ressortissants, nous devons développer de nouveaux outils tel le numéro vert, la visioconférence, ou nous appuyer sur les maisons d'administration à venir.
Cinquièmement, le positionnement de l'Office dans la mise en oeuvre de la politique de mémoire mérite d'être clarifié alors que nombre d'acteurs interviennent en la matière ; les compétences des uns et des autres, parfois, se chevauchent, ce qui est dommageable. Mais mieux vaut plusieurs personnes qui fassent la même chose que personne du tout…
Véritable maison des combattants, l'ONACVG apporte un supplément d'âme grâce à son histoire et à l'engagement constant de ses personnels. Né des tranchées, il a évolué au cours du siècle afin de s'adapter à la transformation des conflits et aux mutations de la société. Sachons poursuivre ce travail et conforter l'Office en tant qu'Office national des combattants.
Je constate encore une fois qu'aucune mesure de réparation n'est prévue pour les pupilles de la Nation et les orphelins de guerre dans leur ensemble, qui ne peuvent bénéficier des dispositifs adoptés en 2000 et 2004 en faveur des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Pourquoi une telle iniquité ?
Je lis dans la partie du projet annuel de performance consacrée au programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » que l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre poursuit un ambitieux projet d'amélioration de la qualité des services rendus qui prévoit notamment la dématérialisation, d'ici à 2022, de l'ensemble des démarches spécifiques au monde combattant. Un tel objectif ne doit-il pas nous inquiéter ? Je pense en particulier aux demandes d'aides et de solidarité – généralement instruites en porte-à-porte par des représentants d'associations d'anciens combattants – qui remplacent l'allocation différentielle disparue il y a quelques années et dont l'attribution était automatique pour ceux qui sont sous le seuil de pauvreté. Pour des personnes très âgées et isolées, la dématérialisation des processus ne me semble pas de bon aloi.
Je donne la parole et souhaite la bienvenue à M. Arnaud Viala, qui nous vient pour ce débat de la commission des lois.
Je vous remercie pour votre accueil, Madame la présidente.
M. le rapporteur a donné beaucoup d'explications sur la baisse de ce budget, ce qui inquiète le monde combattant.
Est-il envisagé de revenir sur les implantations départementales de l'ONACVG alors que la proximité est essentielle dans l'accomplissement du devoir de mémoire ? Précisément, beaucoup reste à faire pour y associer les jeunes générations, notamment en lien avec l'éducation nationale. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
Enfin, la revalorisation de la retraite ne figure pas parmi les propositions budgétaires de cette année. Qu'en est-il ?
M. le rapporteur a indiqué qu'il faut préserver les moyens de l'ONACVG, or, ses ressources diminuent, son réseau est plus fragile, en particulier s'agissant des assistantes sociales, ce qui soulève des problèmes en matière de proximité. Il est question de restructurations, de mutualisations entre plusieurs départements ; mais lorsqu'on a besoin d'une aide, que l'on apprend, après avoir fait parfois une heure de route, que l'assistance sociale ne sera pas là avant le jeudi de la semaine suivante, les choses deviennent compliquées, surtout pour les veuves.
En outre, au-delà des chiffres, avez-vous un droit de regard, Monsieur le rapporteur, sur la réforme organisationnelle de l'ONACVG ?
Enfin, vous nous avez dit que ce budget corrige les iniquités du passé ; pourtant, certaines d'entre elles demeurent, en particulier pour les pupilles de la Nation et pour ces anciens combattants qui ont sécurisé des sites stratégiques, dans le cadre des accords d'Évian, mais au-delà des fameuses dates 62-64 : j'ai reçu le témoignage d'une personne dont sept collègues sont morts depuis. D'autres iniquités seront-elles corrigées à l'occasion des prochains budgets ?
Le régime prévu par les décrets de 2000 et 2004 ne s'applique en effet pas à l'ensemble des pupilles de la Nation, mais concerne spécifiquement les victimes de la Shoah. Il n'est donc pas étonnant que ceux dont vous parlez n'en bénéficient pas, mais il ne m'appartient pas de rouvrir seul ce dossier.
S'agissant de la dématérialisation des processus et du maillage territorial, Monsieur le président Chassaigne, la secrétaire d'État a réaffirmé l'autre jour devant nous son attachement à une « organisation territoriale départementalisée ». La mission que j'évoquai dans mon propos introductif vise notamment à définir la répartition des ressortissants, ce qui permettra une modulation ou un recours à cette dématérialisation – j'ai évoqué la télétransmission.
La secrétaire d'État tient à ce que soient maintenus des liens et des contacts avec les anciens combattants qui ne peuvent effectuer leurs démarches seuls, et à faire en sorte qu'il y ait au minimum un relais par département. Nous avons tous été victimes de ces formulaires électroniques où il faut revenir en arrière à la toute dernière question faute d'avoir effectué à un moment ou à un autre une validation… Ces outils peuvent être très utiles, mais également vous perdre dans un vide sidéral dans lequel on ne saurait laisser ces personnes toutes seules.
Cela m'amène à la question de M. Viala. La secrétaire d'État souhaite maintenir l'implantation départementale de l'ONACVG. Nous attendrons les résultats de la mission et les remontées des services départementaux pour savoir où moduler et où mutualiser, même dans des départements où les anciens combattants sont nombreux. Une aide interdépartementale pourrait même être envisagée en fonction des réseaux et des limites départementales – Var et Alpes-Maritimes, Var et Bouches-du-Rhône, Meuse et Marne etc. Nous avons besoin que les gens travaillent ensemble.
S'agissant des crédits dédiés à la mémoire et des liens avec l'Éducation nationale, il nous appartiendra de consulter à nouveau la secrétaire d'État. Le développement du service national universel, en particulier, devrait fournir quelques réponses. La jeunesse doit être pleinement associée à la politique de la mémoire, qu'elle concerne les hauts lieux de mémoire nationaux ou les musées d'armes ou territoriaux.
La question de la revalorisation de la retraite sera abordée dans les discussions qui auront lieu cette année au sein de la commission tripartite sollicitée par les associations et les grandes fédérations d'anciens combattants. Nous avons proposé un plan pour lutter contre ces iniquités et inégalités massives ; il appartient maintenant à l'administration, aux anciens combattants et au Parlement de travailler ensemble sur la question du point de la PMI, la pension militaire d'invalidité, première chose que nous devons réexaminer ensemble. L'année dernière, la secrétaire d'État a déjà eu l'occasion de dire qu'elle avait l'intention de convoquer cette commission tripartite – elle nous l'a rappelé l'autre jour.
M. Bazin s'est interrogé à propos du réseau des assistantes sociales de l'ONACVG. Toutes les discussions avec les associations et les fédérations ont montré qu'il fonctionne très bien et que nos aînés sont très heureux de s'adresser à ces assistantes sociales. Peut-être pourraient-ils d'ailleurs bénéficier parfois de meilleurs services de la part des conseils départementaux – qui travaillent très bien – mais les habitudes, les relations humaines qui se sont créées font qu'elles sont le biais le plus aisé. La mission, que j'ai reçue, l'a également relevé. Tout le monde est donc conscient que ces assistances sociales font un travail extraordinaire. La coordination des actions avec les conseils départementaux, si elle peut toujours être améliorée, est déjà satisfaisante. Quoi qu'il en soit, ce maillage est humainement essentiel. Nous avons recommandé à la mission de ne pas y toucher et, même, de le renforcer.
Ai-je droit de regard ? Oui, à condition de l'exercer… J'ai invité les trois missionnés à nous rencontrer et à débattre mais force est de constater que l'inverse ne s'est pas produit. Nous avons donc un droit de regard, nous pouvons les inviter à n'importe quel moment ; mais c'est nous qui avons usé de ce droit-là, pas eux.
Enfin, l'extension de la carte « 6264 » au-delà de 1964 ne constituait pas une revendication unanime de l'ensemble des associations. J'opère quant à moi une distinction un peu subtile entre ce qui concerne toute une classe d'âge – en l'occurrence la génération 1962-1964 qui, elle, avait fait l'objet d'un consensus – et ce qui est plus épars. En l'état, cette question n'est pas à l'ordre du jour et je ne sais pas si elle le sera dans les années qui viennent.
Les crédits alloués dans le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » à la Journée défense et citoyenneté sont en hausse alors que le nombre de jeunes accueillis diminue. Pouvez-vous nous garantir que cette augmentation n'a aucun lien avec un financement du service national universel – même si j'ai bien noté que sa raison officielle est la prise en charge des frais de transport des jeunes qui se rendent à la JDC ?
S'agissant du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », ne conviendrait-il pas d'augmenter, faiblement mais régulièrement, chaque année, la retraite du combattant, comme cela fut le cas sous la présidence de M. Sarkozy, au lieu de procéder par à-coups, comme ce fut le cas durant le quinquennat de M. Hollande, en prévision des élections de 2017 – et avec le succès que l'on sait ? Nous défendrons tout à l'heure une augmentation annuelle de deux points, d'autant plus envisageable du fait de l'érosion naturelle des effectifs d'anciens combattants.
Vous avez évoqué deux points qui ne nous sont pas indifférents : la JDC et le SNU.
Nous savons que 2 000 jeunes ont participé cette année au SNU et qu'ils seront 40 000 l'année prochaine. Le budget de la JDC augmente compte tenu de la prise en charge des coûts de transport, or, les jeunes qui ont effectué leur SNU ont effectué « douze jours de JDC », en immersion totale, et ils seront donc 40 000 l'année prochaine. Pour autant, il n'existe aucun transfert de charge de la JDC vers l'Éducation nationale – laquelle, demain, sera chargée de ce projet national. Pensez-vous que la JDC devrait conserver son propre budget et relever du budget « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation » afin de garder le contrôle du futur SNU ? La JDC a vocation non seulement à maintenir le lien entre l'armée et la Nation et à favoriser le devoir de mémoire mais, également, à contribuer au recrutement des armées puisque 10 % des recrues en sont issues. Comment voyez-vous l'évolution du futur budget JDC transféré vers le SNU ?
En ce 23 octobre, je souhaite rendre hommage aux 241 soldats américains et aux 58 parachutistes français qui ont trouvé la mort lors des attentats du Drakkar, à Beyrouth, en 1983.
En 2018, l'oeuvre nationale du Bleuet de France a rapporté 2,1 millions à la solidarité avec le monde combattant. Qu'en a-t-il été en 2019 et quelles sont les perspectives pour 2020 ?
La hausse du budget de la JDC est effectivement dédiée à la prise en charge des coûts de transport. Je ne saurais mettre en doute la parole de notre secrétaire d'État, en qui j'ai entière confiance : depuis que nous travaillons ensemble, je sais que les promesses sont tenues et, jusqu'à présent, la transparence est totale. Il ne s'agit donc pas de financer autre chose.
La JDC joue en effet un rôle extrêmement important. Elle permet de repérer des jeunes en rupture sociale : entre 40 000 et 45 000 cas par an, dont 35 000 sont renvoyés aux missions locales, ce chiffre étant malheureusement en augmentation. C'est l'un des seuls endroits où il soit possible de récupérer des jeunes qui étaient jusqu'alors hors radar et dont la trajectoire était négative.
Nous nous situons dans des mécanismes interministériels beaucoup plus larges car, Monsieur Blanchet, les jeunes du SNU ne seront pas accueillis sur les seuls sites militaires. Vous connaissez mon pragmatisme : je considère que nous devons conserver ce qui marche. Cela vaut également s'agissant d'organisations internationales que tout le monde n'aime pas – il y a parfois des accrochages avec des collègues – mais, en l'occurrence, lorsqu'un outil fonctionne, il faut le garder tant que nous n'avons pas mieux. D'où ma réponse à propos de la JDC.
Ce sont en effet 10 % des participants – je crois même plus encore, entre 15 % et 20 % – qui s'engagent. Selon le directeur du musée des Armées, un jeune sur trois qui s'y rend demande à se renseigner sur l'engagement. C'est probablement parmi les publics qui sont passés par la JDC et le service militaire volontaire – dont nous reparlerons lorsque nous en viendrons aux amendements – qu'il y a le moins d'attrition par la suite. D'où la valeur de ce processus d'entrée, auquel je suis très attaché.
S'agissant de l'augmentation de la retraite, soit régulièrement, soit politiquement, juste avant les élections : comme je l'ai dit à la secrétaire d'État au début de notre mandat, nous avions la possibilité de résoudre toutes les questions en suspens, comme la carte « 6264 », et de combler tous les trous de la raquette. Il fallait réunir les grandes fédérations, ce qui a été fait dans le cadre de groupes de travail – je vous invite à consulter le rapport de mai 2018 – où nos aînés ont eux-mêmes retoqué des questions dont nous traiterons dans les amendements. La commission tripartite, que nous attendons, sera le lieu idoine pour qu'ils puissent formuler leurs recommandations et que nous les suivions. Je préconise de leur donner la parole pour qu'ils nous disent ce qu'ils veulent. Je sais, en l'occurrence, qu'ils préfèrent une revalorisation du point PMI car celle-ci touche tout le monde.
Je remercie M. Larsonneur de s'être souvenu du Drakkar et des soldats du 1er Régiment de chasseurs parachutistes.
Nous poursuivons notre action avec le Bleuet de France, dont nous avons beaucoup parlé avec la nouvelle directrice de l'ONACVG, particulièrement impliquée. J'ai eu l'occasion de le dire dans le cadre de la mission gouvernementale : l'ONACVG est une « marque » connue de tous et il faut à mon avis la garder, même s'il faut transformer le A des « Anciens combattants » en « a » pour Office national des combattants — sans oublier les veuves de guerre, qui seront bientôt plus nombreuses que ces derniers. Le Bleuet doit rester le symbole de cette action. Nous devons tous travailler en ce sens.
J'aurais d'ailleurs l'occasion de revenir sur cette question lorsque nous évoquerons celle de la loterie. Je n'ai de cesse de recommander aux associations qui peuvent participer au capital de La Française des Jeux de profiter de la trésorerie pour ce faire. Je sais que telle n'est pas leur culture mais dès lors que la porte est ouverte, je les invite à faire le pas afin de pouvoir ainsi se renforcer. Il est toujours profitable de siéger dans un conseil d'administration, surtout en étant minoritaire – je suis d'ailleurs issu d'un parti minoritaire qui sait très bien profiter de cette situation (Sourires). La Française des Jeux a des points de distribution sur tout le territoire. ; s'associer avec elle, par exemple en organisant le 11 novembre la super-cagnotte du Bleuet, apporterait ainsi un peu d'argent, le Bleuet disposant de la sorte du réseau qu'il n'a pas eu jusqu'alors.
Je vous remercie d'avoir ainsi conclu sur le Bleuet. Plus que d'autres, nous devons tous, individuellement, nous investir dans l'intérêt de tous nos anciens combattants.
La commission procède à l'examen des avis budgétaire sur les crédits de la mission « Défense».
La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire « Soutien et logistique interarmées » (M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis
Le projet de loi de finances pour 2020 correspond à la deuxième année d'exercice de la loi de programmation militaire. Mon rapport pour avis vous donnera des clés, je l'espère, pour comprendre les évolutions de la maquette budgétaire qui est profondément transformée cette année, notamment dans le domaine des soutiens. En particulier, les crédits d'infrastructures, autrefois regroupés à l'action 4 du programme 212, sont désormais ventilés sur les programmes 178, 146 et 212 en fonction de leur objectif. Cela ne facilite pas les comparaisons par rapport à 2019, mais cela nous offrira dès l'année prochaine un outil de suivi plus fin des arbitrages gouvernementaux entre les infrastructures technico-opérationnelles, d'une part, et l'infrastructure de vie, d'autre part, dont dépend pour beaucoup la condition du personnel et donc, la fidélisation.
Le PLF 2020 me donne une autre source de satisfaction : l'augmentation des crédits du service de santé des armées (SSA). Après des années à déplorer l'attrition continue de ce budget ô combien indispensable pour nos armées, on peut enfin noter une vraie revalorisation : plus 17 % en autorisations d'engagement, plus 22 % du côté de la masse salariale. Il était temps ! Je rappelle qu'en 2018, le taux de projection des équipes médicales était de 106 %, malgré l'apport des réservistes, et de 200 % pour les équipes chirurgicales… Le président du Haut comité d'évaluation de la condition militaire, que j'ai rencontré et qui a consacré son treizième rapport thématique à « la mort, la blessure, la maladie », n'a pas caché ses vives préoccupations à l'égard des tensions observées au sein du SSA. Je crois savoir que le Président de la République a été légitimement alarmé du constat qu'il lui a présenté. Je me réjouis donc de cette évolution du budget du SSA tout en espérant qu'elle s'inscrira dans le temps, en particulier s'agissant du suivi de l'évolution de la santé mentale du combattant et de sa famille.
S'il y a en revanche une évolution que j'ai du mal à comprendre, c'est celle des crédits dédiés à la reconversion. Au moment où Défense Mobilité doit augmenter ses efforts en direction des militaires blessés et des conjoints de militaires dans le cadre du plan « Famille », les crédits dédiés à la reconversion baissent de plus de 5 % par rapport à 2019. Les réponses écrites que j'ai reçues m'ont laissé dubitatif. À l'heure des remontées en puissance et d'un effort concerté sur la fidélisation, il peut être tentant de croire que la reconversion n'est pas une priorité ; ce serait une erreur grossière, tant la promesse d'employabilité est fondatrice de l'attractivité des armées, en particulier pour les jeunes militaires du rang contractuels.
La partie thématique de mon rapport porte cette année sur le plan « Famille ». J'ai voulu savoir ce que recouvrait réellement ce plan et s'il s'agissait d'un « coup de com'» ou non. L'honnêteté me commande de dire qu'il serait abusif de parler d'un pur habillage, même si les efforts consentis mériteraient une meilleure ligne organisatrice. Oui, il y a eu au ministère des Armées une prise de conscience quant à la nécessité d'une approche globale de l'action sociale en direction des militaires et de leurs familles : oui, il y a une mobilisation des administrations pour mettre en oeuvre des mesures de bon sens au profit d'un meilleur accès à l'aide sociale et aux soutiens ; oui, il y a une augmentation des ressources budgétaires dédiées aux infrastructures, aux petits équipements, à l'ouverture de places en crèches et à des chantiers de numérisation, même si ces augmentations de ressources étaient en partie déjà prévues.
En revanche, la même honnêteté me commande de signaler les faiblesses de ce plan « Famille ».
Premièrement : où est la « revue stratégique » préalable au plan « Famille » ? Il n'y en a pas ! Plusieurs des personnes que j'ai entendues me disent que ce plan est bienvenu mais pas forcément novateur. Il n'y a pas eu d'analyse sur les besoins de l'action sociale des armées à long terme compte tenu des évolutions sociales. Je vais illustrer simplement ce point : prenez l'objectif d'augmenter le nombre de places en crèche de 20 %, par exemple. Pourquoi 20 % ? Parce que c'est l'effort que le ministère a estimé pouvoir fournir dans le délai imparti compte tenu du cadrage pré-loi de programmation militaire – LPM –, alors en cours d'élaboration… La méthode me paraît assez contestable et peu satisfaisante. Il faut plutôt définir un objectif sous la forme d'un taux de satisfaction des besoins de garde d'enfants et d'évaluer la pertinence de cet objectif par rapport à l'évolution probable des besoins de garde d'enfants. Le rapport de nos excellents collègues Geneviève Gosselin-Fleury et Charles de la Verpillière, en 2017, avait déjà bien pointé cet enjeu.
Deuxièmement : pourquoi les états-majors sont-ils écartés du processus d'expression des besoins ? Encore un enjeu souligné par nos deux collègues en 2017 dans leur rapport sur l'accompagnement social des militaires. Le ministère des Armées s'enorgueillit à juste titre d'avoir mené une grande concertation directe des militaires – mais sans demander aux états-majors et aux chefs de corps quelles sont leurs priorités… Résultat, le militaire du rang hébergé au 1er régiment d'infanterie-chars de marine (RICM) regarde des séries télévisées depuis sa chambre grâce à un Wifi flambant neuf et hors de prix, mais il doit prendre sa douche en traversant la cour du régiment en claquettes et en serviette, faute de budget suffisant pour rénover les douches qui tombent en ruines ! Pour un chef de corps, c'est injustifiable. Or, jusqu'à preuve du contraire, ce sont les chefs de corps et les états-majors qui sont les responsables du moral de leurs hommes ; c'est à eux d'établir les priorités dans les dépenses pour améliorer le quotidien des soldats qu'ils commandent et côtoient. Cela ne doit pas relever d'une décision unilatérale émanant de Paris.
Le plan Famille est appelé à être un formidable outil de territorialisation grâce à l'ancrage des familles de militaires dans le lien armée-nation. Il est donc grand temps d'envisager un acte II.
Premièrement, il faut développer la communication dont les modalités restent à inventer. Tout le monde vous le confirmera : peu de militaires connaissent le plan Famille en tant que tel. L'important est qu'ils sachent où trouver les réponses qu'ils se posent avec leur conjoint ou leurs parents. La communication digitale tant vantée par le ministère n'est pas encore opérationnelle et elle ne fera pas tout. J'ai rencontré des commandants de base de défense et pris connaissance de leurs initiatives. Je tiens à saluer l'intelligence de leurs propositions qui illustrent l'utilité de développer une communication adaptée à chaque public au niveau local.
Deuxièmement, le Haut comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) m'a mis, à juste titre, en garde contre la tentation de considérer ce plan Famille comme l'alpha et l'oméga de l'amélioration de la condition militaire. La qualité du soutien santé, la juste compensation des sujétions dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération et la réforme des retraites sont des chantiers autrement plus déterminants, avec des implications financières bien plus importantes, ne l'oublions pas.
Le projet de loi de finances prévoit 300 postes supplémentaires pour le ministère de la défense. Avez-vous pu constater que les grandes administrations centrales, notamment les directions de soutien, faisaient des efforts pour réduire leurs effectifs au profit des régiments et des bases de défense ?
Dans le cadre de notre mission d'information sur le suivi des blessés, Anissa Khedher et moi-même avons visité un poste avancé au Mali. Je vous confirme que les sanitaires étaient difficilement praticables, sans rideau pour les fermer… Avant de s'occuper du Wifi, il y a effectivement des efforts à faire en faveur des aménagements matériels.
Par ailleurs, s'agissant du plan Famille, nous avons eu beaucoup de remontées selon lesquelles les familles n'en avaient pas forcément connaissance. Il faudrait remédier à ce manque d'informations.
Le budget de nos armées sera augmenté de 1,7 milliard d'euros, soit une progression de 4,5 % – à peu près 3 % en réalité si l'on tient compte de l'érosion monétaire. Quelle part de cette augmentation est consacrée à l'amélioration des conditions de vie de nos militaires et de leurs familles ? Nous voyons qu'une vraie volonté s'exprime en ce sens et que les moyens correspondants sont mis en oeuvre, mais nous aimerions pouvoir mesurer les efforts consentis.
Monsieur le rapporteur, j'aimerais vous lire un extrait d'un courrier confidentiel dont j'ai eu connaissance : « À l'armée, le bien-être du soldat passe au second plan. Un terrain peut tomber au dernier moment, une garde, un déplacement. Nous pouvons être retenus ou sollicités sur du temps censé être libre. J'ai juste l'impression d'avoir été du consommable et d'avoir été consommé ».
Monsieur Gouttefarde, j'ai peu d'éléments à vous fournir sur les transferts d'effectifs. Faute d'informations suffisantes, notre rapport se borne à évoquer un effort de subsidiarité grâce à l'évolution des crédits au niveau local.
Madame Trastour-Isnart, le plan Famille vise surtout les conditions de vie quotidienne dans l'hexagone et sur l'ensemble des bases de défense. Bon nombre d'entre nous ont fait le même constat que vous, mais vous parlez d'un terrain de guerre…
La nécessité d'améliorer les modalités d'information des familles a souvent été soulignée lors de nos auditions. Des progrès doivent être faits pour faire mieux connaître aux militaires et à leurs familles les réponses à leurs besoins spécifiques, même si, là comme ailleurs, les gens ne prennent pas toujours la peine de regarder les panneaux… Les commandants des bases de défense ont d'ores et déjà pris des initiatives très bénéfiques dans ce domaine.
Monsieur Furst, vous nous demandez comment mesurer les efforts consentis en termes de masses budgétaires. Mais il faut bien avoir à l'esprit à quoi ils sont consacrés. Il me souvient d'une mesure prise il y a plusieurs années en faveur d'étudiants : constatant que les chambres de résidences universitaires n'avaient pas de prises téléphoniques, le Gouvernement avait lancé un grand programme d'équipement ; mais entre-temps, le téléphone portable s'est généralisé et cet investissement s'est révélé totalement dépassé… Le Wifi a été très attendu par les familles, mais la 4G est désormais disponible dans beaucoup d'endroits et nos soldats peuvent regarder des films téléchargés sur leurs tablettes. À côté de cela, ils se retrouvent parfois à devoir traverser la cour en claquettes, avec leur serviette, pour aller se doucher – et croiser un ministre en visite accompagné d'un général, comme c'est déjà arrivé ! Il faut trouver une cohérence dans les actions destinées à améliorer la qualité de vie de nos militaires. Cela rejoint le témoignage que nous a rapporté M. Chassaigne : on y trouve toujours l'expression de mécontentements, mais aussi un peu de caricature. L'amélioration des conditions de vie des militaires fait l'objet d'une véritable prise de conscience ; peut-être faudrait-il mieux y associer les états-majors et les chefs de corps.
Ma première question portera sur la politique environnementale du ministère des armées. Nous savons que les armées ont une forte empreinte écologique ; la ministre a récemment présenté une feuille de route pour construire une défense durable.
Ma deuxième question concerne le service des essences des armées qui prévoit une hausse de 20 % de la consommation des carburants. Cette évolution a-t-elle été abordée au cours de vos échanges, Monsieur le rapporteur ? Quelles conclusions en tirez-vous au plan matériel ?
La politique environnementale n'a pas été beaucoup abordée, pas plus que le service des essences. Le calcul fait par les armées en amont tient compte des modulations : l'évolution du coût des carburants est donc largement anticipée. Je vous remercie d'avoir évoqué le service des essences des armées ; j'y avais consacré une partie de mon rapport de l'année dernière car il n'est pas souvent sous le feu des médias.
Intervention de M. Joaquim Pueyo pour le groupe socialiste et apparenté
Avant de donner la parole à M. Thomas Gassilloud, rapporteur pour avis pour les crédits relatifs à la préparation et à l'emploi des forces terrestres, je vais laisser M. Joaquim Pueyo exprimer par avance la position générale de son groupe, comme je l'ai indiqué au début de notre réunion.
Madame la présidente, je tiens à vous remercier de me donner la parole maintenant. Des impératifs m'obligent à quitter notre réunion vers onze heures cinquante.
Comme nous sommes plusieurs à nous exprimer sur ce budget, je ne vais pas revenir longuement sur les grandes évolutions budgétaires des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Je tiens à saluer l'augmentation de 1,6 milliard d'euros des crédits de la mission « Défense », ce qui place le budget à plus de 37 milliards d'euros pour l'année 2020, hors pensions. L'effort de notre pays permet de consacrer 1,86 % du produit intérieur brut aux dépenses de défense, ce qui nous rapproche de l'objectif de 2 % fixé à l'horizon 2025 par la LPM.
Plusieurs évolutions sont à saluer.
Les budgets relatifs à la défense sont spécifiques, nous le savons. Ils doivent être considérés sur le temps long. Les investissements matériels se développent sur plusieurs années. Il est donc essentiel de maintenir des budgets de recherche importants afin de concevoir les matériels du futur. Cela évitera des ruptures capacitaires qui viendraient mettre en cause l'autonomie de la France dans ses opérations. L'augmentation des crédits alloués aux études en amont est donc particulièrement pertinente.
Plusieurs livraisons de matériel attendues par nos soldats seront effectuées cette année. Citons 138 blindés dans le cadre du programme SCORPION et les hélicoptères NH90, particulièrement bienvenus car la fonction stratégique de protection pâtit des tensions sur le parc des aéronefs. La livraison des A400M Atlas et la commande du C-130 rénové viendront soulager le transport aérien.
Les évolutions positives des budgets consacrés à l'entretien programmé des matériels (EPM) et au maintien en condition opérationnelle (MCO) sont également appréciables.
Face à un engagement élevé des matériels sur des zones de combat éprouvantes, nous devons nous assurer que les personnels déployés disposent des équipements nécessaires à l'accomplissement de leurs missions. Notons toutefois qu'une attention particulière devra être portée à la réforme du MCO aéronautique dans les mois à venir. Beaucoup d'aéronefs sont issus de programmes menés en coopération avec d'autres États européens et comme le précisait un avis budgétaire de 2018, « l'amélioration de la disponibilité de ces équipements dépend donc d'une démarche européenne et non du seul bon vouloir de la France ».
La création de 300 équivalents temps plein pour renforcer les services de renseignement et de cyberdéfense est à souligner. C'est une augmentation indispensable compte tenu de la conjoncture géopolitique qui évolue très vite. Face à la menace grandissante dans le domaine numérique, notre pays doit se doter de tous les moyens nécessaires pour se défendre et répondre aux agressions de plus en plus fréquentes venues d'États ou d'entités proches de certains pouvoirs.
Cependant, certains points appellent notre vigilance.
Se pose tout d'abord la question des restes à payer, que j'avais déjà soulignée lors des auditions. Le volume des engagements non couverts par des paiements au 31 décembre 2018 connaît une croissance inédite : il atteint 3,8 milliards d'euros. La trajectoire prévisionnelle de maîtrise puis de réduction du report de charges prévue par la LPM est de 16 % en 2019 et de 10 % d'ici à 2025. Cela reste un objectif ambitieux qui pose question.
Il y a ensuite la fidélisation. Nous reconnaissons les efforts consentis : 40 millions lui sont consacrés ainsi qu'à l'attractivité ; 12,5 millions d'euros sont dédiés à une prime de lien au service, qui permettra d'accorder entre 5 000 et 25 000 euros à des personnels opérant dans des spécialités sous tension face au privé. Cependant, c'est bien l'ensemble des militaires qui sont affectés par les défauts de fidélisation, notamment les militaires du rang. Il est donc temps de réfléchir sérieusement à étendre ces primes ou, de manière plus ambitieuse, à réévaluer le point d'indice afin d'améliorer le pouvoir d'achat des militaires.
Autre point important, l'immobilier. Je salue l'effort de 120 millions effectué dans le cadre de l'action soutenant la politique immobilière. Il permettra la création et l'adaptation de logements. Toutefois, nous assistons à une baisse du budget fléché vers les aides au logement, notamment celles destinées à soutenir les familles dans les zones tendues comme la région parisienne.
Enfin, certains matériels font toujours défaut, ce qui entame les contrats opérationnels. Je pense notamment aux MRTT ou aux nouveaux patrouilleurs outre-mer dont les premières livraisons ne sont prévues qu'après 2022, selon le bleu budgétaire.
Concernant les anciens combattants, j'ai trois motifs d'inquiétude, mais notre rapporteur a déjà donné des éléments de réponse.
Tout d'abord, les crédits de l'action « Politique de mémoire » du programme 167 « Liens entre la nation et son armée » diminuent de 30 %. La ministre des anciens combattants m'avait donné à ce sujet une réponse dont je ne suis pas totalement satisfait. Cette baisse sera en partie compensée, nous dit-on, par des ressources prélevées sur la trésorerie de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Les documents budgétaires évoquent pour le service militaire volontaire 2,5 millions d'euros pour 1 000 stagiaires ; or le Gouvernement prévoit 1 200 stagiaires en 2019 et 1 500 pour 2020, avec un budget identique. C'est une bonne chose de développer le service militaire volontaire ; encore faudrait-il que son budget évolue suffisamment pour accueillir ces jeunes dans de bonnes conditions.
L'ONACVG se voit imposer plusieurs baisses, qu'il s'agisse des crédits qui lui sont dévolus en tant qu'opérateur de l'État, des montants affectés à la sous-action 03.34 « Action sociale en faveur du monde combattant », en diminution de 400 000 euros, ou de la ponction de 4,4 millions d'euros de trésorerie ; ce à quoi s'ajoute la suppression de trente-trois emplois. Nous nous inquiétons de cette évolution et tenons à rappeler que les actions de l'ONACVG doivent toujours être liées aux départements si nous voulons assurer un accompagnement au plus proche du terrain.
Pour répondre aux diverses préoccupations que je viens d'exprimer, nous avons déposé plusieurs amendements. Cela dit, nous abordons ce budget de manière très positive.
La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits relatifs à la préparation et à l'emploi des forces : forces terrestres (M. Thomas Gassilloud, rapporteur pour avis).
Pour commencer, je souhaiterais m'associer à l'hommage que notre collègue Jean-Charles Larsonneur a rendu aux cinquante-cinq parachutistes du 1er régiment de chasseurs parachutistes qui trouvèrent la mort le 23 octobre 1982 à Beyrouth dans l'attentat contre l'immeuble qu'ils occupaient. Ce triste exemple nous rappelle que les forces terrestres subissent l'essentiel des pertes au combat : on dit souvent que l'armée de terre est l'armée du sang versé. Raison supplémentaire pour nous d'être attentifs à son budget.
Le budget pour 2020 est marqué par une régénération du capital opérationnel, conforme à la LPM.
Après quatre années de recrutement à marche forcée, la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre à 77 000 soldats est achevée. Les ressources humaines de l'armée de terre entrent donc dans une phase de consolidation où la fidélisation devient un enjeu fondamental, à la fois pour le maintien de la masse et le développement des compétences, comme nous l'avions mis en évidence l'an dernier.
Les crédits du BOP Terre, le budget opérationnel de programme géré directement par le chef d'état-major de l'armée de terre, continuent d'augmenter. Les crédits d'entretien programmé du matériel (EPM) qui avaient significativement augmenté depuis 2015 dans le cadre du « paquet EPM régénération » diminuent légèrement mais se maintiennent à un niveau élevé, conformément à la trajectoire fixée par la LPM. Ils répondent à la poursuite du maintien en condition opérationnelle des équipements terrestres.
Les autres ressources du BOP Terre – entraînement, petits équipements de cohérence – continuent leur progression pour accompagner la remontée en compétences d'une armée de terre profondément renouvelée ces dernières années. La reconstruction du capital opérationnel, mis à mal par le surengagement opérationnel et l'effort de recrutement des quatre dernières années, pourra s'appuyer sur des crédits en hausse de 27 millions d'euros cette année, soit une augmentation de 17 % par rapport à l'an dernier.
Le PLF 2020 permettra par ailleurs la livraison de nouveaux équipements.
Citons d'abord la poursuite du programme SCORPION : 128 Griffon seront livrés et 271 nouveaux exemplaires de ces blindés seront commandés tandis que les quatre premiers Jaguar seront livrés et 42 autres commandés. À cela s'ajoute la commande de 364 Serval ; les premiers essais de ce blindé se sont déroulés ces dernières semaines sur les pistes d'expertise et d'essai de la Délégation générale de l'armement (DGA). Sept nouveaux NH90 Caïman viendront renforcer les moyens de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT). Enfin, mille véhicules légers tactiques polyvalents (VT4) seront livrés et 1 500 seront commandés pour remplacer les P4, après plusieurs dizaines années de service.
Conformément à l'engagement en faveur d'une LPM « à hauteur d'homme », le PLF 2020 prévoit également la livraison de 12 000 HK 416 F, en remplacement du FAMAS, cinquante postes de missiles de moyenne portée (MMP) et 290 minidrones, microdrones ou nanodrones.
Enfin, l'ensemble de la force opérationnelle terrestre sera prochainement équipée de la tenue de sport rénovée de l'armée de terre… Il semblerait que l'amendement qui réclamait son renouvellement l'année dernière ait porté ses fruits.
La partie thématique de notre rapport porte cette année sur la réserve de l'armée de terre.
La professionnalisation a conduit à la mise en place d'unités de réserve plus réduites mais mieux entraînées et parfaitement intégrées dans les unités d'active. En 2015 ont été fixés pour 2019 des objectifs ambitieux de remontée en puissance de la réserve opérationnelle et d'augmentation du nombre de jours d'activité. Ces objectifs seront atteints avec près de 24 000 réservistes opérationnels dans l'armée de terre sur un total de 40 000 toutes armées confondues. Il s'agit de la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1). La réserve opérationnelle de deuxième niveau (RO2) est quant à elle composée des 18 000 anciens militaires de l'armée de terre soumis à une obligation de disponibilité pendant cinq ans.
Les réservistes opérationnels de l'armée de terre sont devenus une ressource absolument indispensable à son fonctionnement, y compris en temps de paix. L'ensemble des entretiens que nous avons menés a mis en évidence l'utilité de leur apport.
Le succès des réserves masque toutefois des fragilités importantes auxquelles nous devons être attentifs. Si le processus de réforme est d'ores et déjà amorcé par les armées en interne, bon nombre de dispositions régissant le fonctionnement des réserves sont de nature législative. Elles renvoient notamment au code du travail.
En 2018, nous avons adopté des mesures concernant la LPM dont il serait bon de faire l'évaluation. Nous avons, par exemple, appris que l'une des dispositions que nous avions votée permettant à un militaire placé en congé pour convenance personnelle pour élever un enfant de moins de huit ans de servir dans la réserve opérationnelle n'était purement et simplement pas appliquée du fait des limites des règles statutaires et des systèmes de gestion.
L'actualisation de la LPM en 2021 nous offrira une occasion unique de continuer à faire évoluer le cadre légal des réserves militaires. Les évolutions stratégiques récentes replacent en effet la réserve au coeur des enjeux de défense et de résilience de notre pays, qu'il s'agisse du retour possible d'un conflit majeur, de l'intervention sur le territoire national ou du lien armée-nation. Cet enjeu a d'ailleurs été évoqué par le ministre samedi dernier dans son discours devant l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) ; il a déclaré qu'il souhaitait qu'une réflexion soit engagée sur les moyens de « faciliter le recrutement des réserves et la conciliation avec la vie familiale et professionnelle ».
Notre rapport fera état des autres propositions actuellement discutées au sein des états-majors sur les outils de gestion, la protection sociale des réservistes, leur formation, leur emploi dans les forces pour les opérations intérieures ou extérieures ou encore leur fidélisation. J'en citerai deux.
La première consiste à renforcer la mobilisation d'une capacité collective à agir afin que la réserve opérationnelle puisse générer après un court préavis des unités Proterre équipées pour répondre à une crise. Cet objectif pourrait s'inscrire dans les ambitions actuelles de l'armée de terre en matière de recréation de stocks d'équipements stratégiques afin de donner à chaque régiment une capacité de réaction rapide sur le territoire national. Une amélioration de nos outils de gestion de la réserve pourrait augmenter cette réactivité. Je me souviens, pour ma part, de l'extraordinaire mobilisation des réserves de la gendarmerie lors de l'ouragan Irma : en quelques heures, 700 réservistes ont répondu à l'appel.
La deuxième proposition concerne la valorisation de la réserve au niveau national et auprès de leurs employeurs. Sereine Mauborgne nous en dira plus dans un instant sur la certification des compétences acquises. Nous pourrions nous inspirer de la journée des réserves canadienne au cours de laquelle les réservistes ont la possibilité de porter leur uniforme, notamment sur leur lieu de travail, ce qui permet de valoriser leur engagement dans la vie de tous les jours.
Enfin, il importe de réfléchir aux moyens de mieux articuler les réserves avec le service national universel (SNU) qui monte en puissance. Cette année, 2 000 jeunes l'ont effectué et l'année prochaine, il est prévu que ce chiffre monte à 30 000 – sur un objectif initial de 40 000, il est vrai. Un engagement dans la réserve constituerait une suite logique au SNU. Il pourrait exonérer de la mission d'intérêt général de quinze jours correspondant à la seconde phase du service. Cela constituerait un double avantage pour les armées, puisqu'un grand nombre de réservistes s'engagent chaque année dans l'active.
Pour toutes ces raisons, Madame la présidente, je souhaiterais vous proposer avec Sereine Mauborgne de constituer une mission d'information portant sur l'ensemble des réserves militaires, avant l'actualisation de la LPM en 2021. Ce serait l'occasion pour nos collègues rapporteurs sur les crédits de la marine, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie de mettre en lumière des problématiques spécifiques.
Je donne un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux forces terrestres du PLF 2020 et vous remercie pour l'attention que vous voudrez bien porter à la question des réservistes.
Vous avez annoncé la livraison attendue des nouveaux équipements du programme SCORPION. J'appelle l'attention sur les conditions dans lesquelles ceux-ci seront utilisés : c'est bien de les recevoir, mais c'est encore mieux de pouvoir les entretenir, ce qui ne relève pas forcément des mêmes budgets. Je pense en particulier aux infrastructures de maintenance.
Je citerai le cas du régiment de transmissions de Lunéville qui doit effectuer la maintenance de son matériel sur un deuxième site, à une vingtaine de kilomètres de ses quartiers. Vous imaginez les inconvénients liés à cette situation : près de soixante hommes et femmes sont mobilisés et le déplacement de certains équipements n'est pas toujours aisé. Or les crédits nécessaires au déménagement ne sont attendus que pour dans huit ans. J'appelle à une mise en cohérence des politiques publiques. La réception de nouveaux équipements ne suffit pas ; l'intendance doit suivre.
La question qui se pose est de savoir comment l'armée de terre accompagne la montée en puissance de SCORPION. Ce programme a été pensé depuis plus d'une dizaine d'années et les livraisons d'équipements ont été synchronisées. En 2018, nous avions consacré la partie thématique de notre rapport à ce sujet. Lors de notre visite auprès du troisième régiment d'infanterie de marine (RIMA) de Vannes, nous avions pu constater que les infrastructures nécessaires à l'accueil des véhicules SCORPION étaient programmées, notamment pour les Griffon, beaucoup plus hauts que les VAB (véhicules de l'avant blindés).
Compte tenu de la forte interdépendance de ces agendas, nous prêtons une attention particulière à la livraison des 92 Griffon en temps et en heure. Un décalage aurait des conséquences préjudiciables sur l'ensemble des plannings pensés pour rendre la coordination optimale.
SCORPION est un programme qui change fondamentalement le rapport au combat : c'est une révolution dans les technologies, les savoir-faire mais aussi les savoir-être.
Le premier régiment de chasseurs d'Afrique implanté à Canjuers est le premier à avoir reçu les nouveaux véhicules – avec quatre mois de retard certes, mais tout de même en 2019. Le service d'infrastructure de la défense (SID) a conçu les nouveaux espaces et Nexter, qui assure le MCO, est intégré sur l'emprise militaire. Pour le régiment que vous évoquez, Monsieur Bazin, je ne sais pas quand seront perçus les nouveaux véhicules mais sans doute l'installation des locaux pour le MCO se fera-t-elle au même moment. L'augmentation des crédits du SID laisse entrevoir la possibilité d'une accélération des travaux, même si vous savez que, à côté des autorisations d'engagement, il a besoin de moyens humains pour gérer la totalité des crédits.
Le député de l'opposition que je suis voit bien que le ton employé témoigne d'un super-enthousiasme pour la LPM… À entendre certains, elle aurait tout bouleversé. Elle marque évidemment une rupture, une inversion du processus, je ne saurai le nier, mais il faut raison garder. Les crédits progressent de 4,5 % d'une année sur l'autre, autrement dit de 3 % si l'on tient compte de l'érosion monétaire : on ne peut pas dire que ce soit la révolution du siècle. Sans compte le fait que l'augmentation de 1,7 milliard l'année dernière a été en grande partie absorbée par l'intégration des OPEX.
Des progrès considérables ont été accomplis et vos collègues vous le rappelleront s'il en est besoin. La parole est à Monsieur Gouttefarde.
La réserve a deux composantes : les anciens militaires et les salariés. La réserve salariée augmente-t-elle au sein de l'armée de terre ? L'enjeu est d'importance pour l'approfondissement du lien armée-nation.
Par ailleurs, sauf erreur de ma part, la solde de réserviste ne donne pas droit à pension de retraite. Dans la perspective de la réforme des retraites qui promeut un système à points, des changements sont-ils envisagés ?
Monsieur Furst, il est bien loin le temps où l'on cirait les pneus des véhicules pour le défilé du 14 juillet… La ministre s'est engagée à une plus grande sincérité budgétaire dans la prise en compte des crédits dédiés aux opérations extérieures. Nous passons notre temps auprès des unités terrestres ; et sur le terrain, nous constatons les effets concrets de la LPM, notamment pour ce qui est des équipements individuels des soldats qui ont été un point clef des investissements les deux premières années. Vous ne pouvez pas laisser croire que l'augmentation budgétaire est insincère. Elle est bien réelle.
Monsieur Gouttefarde, merci d'appeler notre attention sur la retraite des réservistes. Environ 70 % d'entre eux sont « en sous-marin » dans leur entreprise, ce qui est regrettable : non seulement notre société devrait être fière d'eux, mais ils ne sont pas en mesure de valoriser leurs compétences, leurs savoir-faire, leur savoir-être auprès de leurs employeurs civils qui ignorent souvent ce qu'ils font dans la réserve opérationnelle. Par exemple, un moniteur de premiers secours ne peut pas faire valoir sa qualité dans son entreprise… Pire encore, s'il est employé dans un autre ministère que celui de la défense, il ne peut pas y être moniteur de premiers secours ! Il faut vraiment remettre en cause cette organisation en silo des compétences, qui a toujours posé problème pour la valorisation des acquis de l'expérience.
La valorisation des acquis des réservistes se limite à une équivalence au niveau licence pour le certificat d'état-major, tandis que le cours supérieur des officiers de réserve spécialistes d'état-major donne droit à une équivalence en master en organisation. L'armée de terre envisage de délivrer des attestations et des brevets et a admis qu'il conviendrait d'avancer sur ces questions. Cela contribuerait à fidéliser les réservistes, à les valoriser, à convaincre leurs employeurs de les libérer et à augmenter les capacités de résilience de la nation. Le rapport entre les réservistes et les employeurs, qui bénéficieraient de compétences nouvelles apportées par le milieu de la défense, serait davantage « win-win ».
L'activité des réservistes est prise en compte pour le calcul des retraites mais selon des modalités très diverses. C'est un sujet qu'il faudrait prendre en compte dans le cadre de la réforme en cours.
Il importe de distinguer la RO2, composée d'anciens militaires d'active soumis à une obligation de disponibilité dans la réserve pendant cinq ans, de la RO1, composée d'anciens d'active ou de civils qui signent un engagement à servir dans la réserve, avec en moyenne 37 jours d'activité par an. Nous pourrions progresser pour mieux mobiliser la RO2 en cas de nécessité. Les retours d'expérience de l'exercice VORTEX (Vérification de l'aptitude opérationnelle de la réserve Terre – exercice) sont à cet égard plutôt mitigés.
Je ne peux qu'adhérer, Monsieur le rapporteur, à votre proposition de créer une mission d'information sur la réserve et ses liens avec le service national universel. Vous avez souligné que le nombre de recrues du SNU serait sans doute revu à la baisse, mais nous savons bien que cela renvoie à des problèmes de formation des recruteurs et des encadrants, mais aussi d'accès aux lieux d'accueil, qui ne seront pas militaires : ils appartiennent à l'éducation nationale. Autant de difficultés organisationnelles qui devront être résolues d'ici à la prochaine session qui aura lieu dans huit mois.
Ma question porte sur les contrats dans les armées. Considérez-vous qu'ils sont à la hauteur des attentes et des enjeux ? Leur durée vous semble-t-elle être adaptée ?
Dans l'active, il existe toute une palette de contrats en fonction des catégories et leur durée varie entre deux et huit ans pour les engagés volontaires, coeur battant de l'armée de terre. Celle-ci est soumise à une injonction contradictoire puisqu'elle doit à la fois disposer de forces de plus en plus compétentes et formées et renouveler en profondeur ses personnels afin d'être assurés qu'ils sont en pleine possession de leurs moyens physiques. Les contrats actuels me semblent répondre à ce double impératif.
Un dialogue s'instaure entre le soldat et son chef pour déterminer la progression de sa carrière professionnelle. Les chefs sont mobilisés pour fidéliser leurs troupes afin d'avoir des caporaux ou caporaux-chefs, ou des sous-officiers, adjudants et adjudants-chefs, formés à l'encadrement et dotés de compétences spécifiques. En 2015 a été engagé le processus de remontée en puissance de l'armée de terre avec beaucoup de contrats de cinq ans. En 2020, quand ils arriveront à échéance, nous aurons donc à faire face à un nouveau « surge ». Pour garantir un renforcement rapide des effectifs, il faudra que l'armée de terre veille à fidéliser tous ceux qui ont signé en 2015.
Vous l'avez dit, Monsieur le rapporteur, ce budget est un bon budget pour l'armée de terre car il contribue à sa remontée en puissance. C'est un bon budget pour les familles et pour le logement : 60 millions sont consacrés au plan Famille et à l'hébergement. C'est un bon budget à hauteur d'homme et de femme : 376 millions d'euros en crédit de paiement sont dédiés aux petits matériels, qui sont essentiels comme nous l'avons vu avec la tenue de sport – même si elle est de fabrication italienne…
Le principal point de vigilance concerne le suivi des engagements de calendrier pour les programmes à base industrielle et le MCO. Quel est votre diagnostic pour les livraisons de matériel et la conduite du MCO externalisé ?
Le plan de transformation de maintien en condition opérationnelle terrestre est un enjeu extrêmement important. Avec Sereine Mauborgne, nous suivons sa mise en oeuvre avec attention. La ministre a fait des annonces au cours de l'année pour procéder à un rééquilibrage entre part publique et part externalisée. Ce plan commence déjà à produire ses effets : la disponibilité technique opérationnelle (DTO) des matériels s'améliore.
En outre, il me semble bon de préciser que les véhicules du programme SCORPION sont équipés de capteurs qui permettront de faire de la maintenance prédictive : avant même que le pneu éclate ou que le moteur tombe en panne, il sera possible d'anticiper et d'intervenir en fonction des conditions d'utilisation. Ajoutons que les équipements sont totalement rationalisés : aujourd'hui, quand vous partez avec un VAB, il faut emporter sept ou huit types de pneumatiques ; avec un Griffon, un seul suffira. Cela allégera considérablement la charge logistique du MCO.
Pour le MCO, qu'il soit effectué en interne ou externalisé, nous rencontrons le même problème structurant : l'apprentissage et la formation initiale de nos jeunes. Il faut impérativement rendre plus sexy les métiers du monde de la défense, armées et soutien industriel confondus. Cela suppose de favoriser les Erasmus de l'apprentissage grâce aux programmes européens et à l'implantation internationale des entreprises.
Vous avez bien fait de rappeler que SCORPION est une révolution, attendue depuis plus de dix ans. Cela changera profondément les métiers et les comportements des militaires professionnels. L'état-major prévoit-il des formations spécifiques, compte tenu des connaissances fines que suppose l'utilisation d'équipements hausse pointus ?
Vous avez raison : il ne suffit pas d'avoir de bons outils, encore faut-il savoir les utiliser correctement. Le passage de matériels relativement rudimentaires comme les VAB à des Griffon exige, au-delà des connaissances de base, une formation extrêmement pointue. La simulation notamment a été prise en compte nativement dans SCORPION – jusqu'alors, on prenait le véhicule existant et on y ajoutait des capteurs pour reproduire son utilisation sur le champ de bataille. Thales a mis au point un environnement très réaliste qui permet d'ores de déjà de s'entraîner au combat SCORPION. J'ajoute que les centres d'entraînement collectifs, notamment le centre d'entraînement au combat (CENTAC) de Champagne, vont bientôt l'intégrer afin d'acquérir une capacité collective afin que SCORPION produise ses meilleurs effets.
Cet univers extrêmement connecté suppose une grande attention et une grande concentration : il faut donc que les soldats fassent preuve, non seulement d'endurance physique, mais aussi d'une grande résistance à la connexion permanente, qui sollicite beaucoup le cerveau et peut être très fatigante.
La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits de la marine (M. Jacques Marilossian, rapporteur pour avis
Madame la présidente, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter que, pour la troisième année consécutive, le budget de la défense soit en hausse et qu'il soit, en outre, conforme à la loi de programmation militaire pour la période 2019-2025. La marine nationale bénéficie de cet effort.
L'évolution des crédits de l'action 3 « Préparation des forces navales » du programme 178 « Préparation et emploi des forces » fait apparaître une croissance significative des crédits de paiement par rapport à l'exercice 2019, notamment en matière d'infrastructures d'accueil. Je pense par exemple à l'exécution du plan famille pour les personnels militaires et civils, qui se déploie avec efficacité dans la marine. Je pense aussi au renouvellement de nos capacités opérationnelles, avec des commandes symboliques, comme celle de sept avions de surveillance et d'intervention maritime Albatros, ou des livraisons tout aussi symboliques, avec un premier sous-marin de la classe Suffren, deux hélicoptères Caïman marine et un lot de missiles Aster pour les frégates multi-missions (FREMM).
J'exposerai d'abord nos priorités pour la marine, à travers les crédits pour 2020, puis j'évoquerai la gestion des ressources humaines, un enjeu majeur pour le recrutement et le renouvellement des forces. Et, cette année, je ne vous parlerai pas des futurs porte-avions !
Les crédits du projet de loi de finances pour 2020 confirment l'effort de réarmement de notre marine nationale. Je veux commencer par souligner un point qui doit être amélioré : il concerne le renouvellement des équipements et des infrastructures de la marine. Notre marine doit surveiller notre zone économique exclusive (ZEE), la deuxième plus vaste du monde après celle des États-Unis. Paradoxalement, alors que la France est à la fois une puissance européenne et mondiale, elle ne dispose pas de moyens suffisants pour assumer pleinement son rôle outre-mer. Notre rythme d'engagement est soutenu, et même très soutenu, puisque nous dépassons, une fois encore, les contrats opérationnels. Cette situation nous conduit d'ailleurs à faire des choix en cas d'indisponibilité technique non programmée de certains bâtiments.
Le lancement du programme des patrouilleurs d'outre-mer (POM) est attendu d'ici la fin de l'année, mais il dépendra de la levée des réserves : si les autorisations d'engagement nécessaires, aujourd'hui mises en réserve, ne sont pas dégelées, cela mettrait à mal la volonté politique affirmée de renouveler nos capacités outre-mer.
Si l'action permanente de l'État en mer demeure à l'évidence insuffisante pour couvrir l'étendue de notre zone économique exclusive, notre dispositif pour la métropole donne lui aussi des signes inquiétants ; un renouvellement immédiat s'impose. Je songe en particulier au Brexit : le rétablissement d'une frontière maritime va provoquer des trafics et des litiges en tous genres, particulièrement pour les zones de pêche et les mouvements migratoires. La France a certes prévu un dispositif en cas de Brexit sans accord, mais nous devons rester très vigilants. Nos patrouilleurs côtiers de gendarmerie, par exemple, sont hors d'âge et il importe de ne pas reporter le renouvellement capacitaire prévu en 2022.
Je voudrais également appeler votre attention sur le devenir des programmes d'armement. La conduite de certains programmes est affectée par des difficultés industrielles. Notre base industrielle et technologique de défense a subi, sous l'empire des précédentes lois de programmation militaire, des baisses répétées de commandes, ainsi que des décalages calendaires motivés par un souci d'économies.
Son outil de production s'est donc adapté à ces conditions de marché. Or le retour à une phase de croissance suppose des adaptations de l'outil de production, qui sont nécessairement longues et non exemptes de difficultés. La politique de commande de munitions mériterait, par exemple, un examen approfondi. Faute de commandes suffisantes, la France a du mal à atteindre ses objectifs de stocks de munitions, notamment pour la marine. Les difficultés industrielles créant ces stop-and-go ne rendent pas non plus crédible l'idée selon laquelle, en cas de besoin opérationnel soudain, l'industriel pourrait répondre à une demande urgente de façon prompte et fiable. Ainsi, par exemple, les Français ont commandé 160 missiles Meteor, alors que les Britanniques ont passé d'emblée une commande de 600 unités, avec un calendrier étalé dans le temps. Restons vigilants sur ces points.
Je dois aussi saluer des aspects positifs. Le budget pour 2020 est conforme en tout point aux dispositions de la loi de programmation militaire et nous pouvons nous en féliciter. Le Gouvernement a pris une bonne initiative en confiant pour la première fois une sous-action « Infrastructures marines » à la marine, et non plus au secrétariat général pour l'administration. La marine devient ainsi la donneuse d'ordres sur les infrastructures qui la concernent directement. Et chacun sait combien les infrastructures marines sont essentielles…
Les opérations d'armement se poursuivent, elles, sans difficultés majeures, afin de compenser les réductions temporaires de capacité. L'année 2019 a été marquée par la réception du sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Suffren, à laquelle j'ai assisté avec certains d'entre vous, en présence du Président de la République. Cette année également, nous avons commandé quatre bâtiments ravitailleurs de flotte, qui permettront de compenser à nouveau les réductions temporaires de capacité. Enfin, l'année 2023 verra l'arrivée des premières frégates de défense et d'intervention (FDI), qui ont enfin été commandées. Dans l'attente de ces nouvelles frégates, un programme de rénovation des frégates de classe La Fayette a également été lancé cette année. J'ajoute que la marine à tout à gagner à se doter de drones, notamment pour la surveillance des approches et des côtes métropolitaines. Un drone par bâtiment, tel est l'objectif ambitieux du chef d'état-major.
Un dernier motif de satisfaction concerne le MCO : l'investissement reste soutenu, les crédits du service correspondent à la trajectoire définie par la programmation militaire et sont cohérents avec les besoins de la marine. Ils augmentent de 2 % en crédits de paiement, pour atteindre près de 2 milliards d'euros. Ils permettront notamment de financer les arrêts techniques majeurs de certains types de bâtiments : deux SNA, un SNLE, ainsi que divers patrouilleurs et frégates. La chaîne du MCO naval en France est reconnue pour sa performance, et elle devrait encore s'améliorer avec le développement de techniques de maintenance prédictive et l'intégration des représentants du service de soutien de la flotte aux plateaux industriels dès la conception des unités.
J'en viens à la question des ressources humaines de la marine. Il n'y a point de marine sans marins. Lorsqu'il a jugé nécessaire de donner à cette armée un nouveau plan stratégique, dénommé « Mercator », le chef d'état-major de la marine nationale, l'amiral Prazuck, a fait de la politique des ressources humaines l'un des trois axes de transformation de cette armée. L'axe qui consiste à construire « une marine qui compte sur chacun de ses marins » est en effet mis sur le même plan que les deux autres axes : « une marine de combat » et « une marine à la pointe de la technologie ».
Toutefois, l'attractivité de la vie de marin décroît. Au niveau du recrutement, la marine se trouve en situation de sous-effectif, non faute de crédits, mais faute de volontaires pour s'engager sous les drapeaux ou y demeurer. Les déficits ont principalement concerné les quartiers-maîtres de la flotte et l'école de maistrance, qui forme les officiers mariniers. Nous souffrons également de déficits particulièrement lourds dans certaines spécialités, comme l'informatique, les systèmes d'information et le cyber. Au niveau de la fidélisation, la perte d'attractivité de la marine ne s'explique pas seulement par des motifs pécuniaires : elle tient beaucoup au décalage entre ce qui fait la vie de marin et les aspirations de la majorité des jeunes Français d'aujourd'hui. Si les soldes s'améliorent avec les primes, la difficulté à concilier vie privée et vie professionnelle est de moins en moins bien acceptée. Ces métiers sont très exigeants en matière de disponibilité et de mobilité, ils se caractérisent par une forte imprévisibilité de la charge de travail et font peser des contraintes sur la vie de famille : ce sont les principaux freins au recrutement.
Ces tensions dans le recrutement et la fidélisation affectent par exemple les équipages de sous-marins nucléaires d'attaque : nous manquons de marins pour ce type de bâtiments, aussi indispensables pour notre dissuasion qu'exigeants quant à leur emploi. Nous manquons aussi de plongeurs-démineurs. Face à ces défis, il est vital que la marine renforce son attractivité, et nous devons la soutenir dans cet effort. La prime de lien au service, par exemple, a été répartie par la marine de façon à privilégier la réorientation ou le post-recrutement dans les métiers en tension, comme les postes de mécanicien nucléaire. La marine propose aussi des bourses d'études, dont l'octroi est subordonné à un engagement de service. Enfin, la marine a entrepris de diversifier son offre de contrats d'engagement pour s'adapter à des viviers hétérogènes de candidats potentiels. Certains critères de recrutement ont été assouplis.
Certaines mesures visant à favoriser la fidélisation des marins tiennent à l'organisation de la marine elle-même, et l'institution a su s'adapter aux attentes des marins. La mesure la plus emblématique de ces adaptations réside dans l'extension du système de double équipage aux frégates multi-missions. Ce dispositif a un double effet : premièrement, il accroît significativement la présence à la mer de nos navires – on passe de 110 à près de 190 jours ; deuxièmement, il améliore de manière très sensible la vie familiale des équipages, puisque les rotations sont prévisibles et qu'elles durent quatre mois. Une meilleure organisation des soutiens améliore le moral des marins : je pense notamment aux centres d'accès en tout temps, en tout lieu au soutien (ATLAS), qui sont l'un des points forts du plan « Famille ». Dans cette démarche, le logiciel destiné à remplacer le trop célèbre LOUVOIS (logiciel unique à vocation interarmées de la solde), appelé Source-solde, a précisément été conçu et développé de façon à éviter un « LOUVOIS bis », ce que nos armées ne pouvaient se permettre. Les premiers tests réalisés dans la marine montrent que le nouveau logiciel répondra bien aux attentes des marins.
En conclusion, la marine s'adapte et se réorganise pour répondre aux multiples attentes de ses jeunes recrues, mais aussi aux besoins exigeants d'une marine efficace dans les missions que les politiques lui donnent. Rappelons que l'une de ces grandes adaptations est la féminisation des effectifs. Sur ce point, la marine est en bonne voie : nous avons connu, sur un SNLE, des équipages féminins. Les efforts de la marine pour le recrutement, la formation et la fidélisation méritent donc d'être soutenus.
Victor Hugo disait que la mer est un espace de rigueur et de liberté : c'est en continuant à exécuter avec rigueur la loi de programmation militaire que la France se donnera les moyens de défendre sa liberté sur toutes les mers du globe. J'émettrai donc un avis favorable sur le budget de la marine pour 2020.
Je vous remercie, Monsieur le rapporteur pour avis : vous êtes un excellent ambassadeur de la marine…
Notre capacité à être présents dans nos zones économiques exclusives est une question qui me préoccupe. L'amiral Prazuck a eu cette excellente formule : « Ce qui n'est pas protégé est pillé et ce qui est pillé est contesté. » Pensez-vous que les délais du programme POM seront respectés, eu égard à ce que vous avez dit sur la réserve ? Sachant que les POM ne seront pas livrés avant 2022, voire 2024, et que notre flotte de P400 est de moins en moins en mesure d'opérer, pouvez-vous nous dire ce qui est prévu pour la période intermédiaire qui précédera la livraison des POM ? Pensez-vous que, budgétairement, on fait ce qu'il faut pour gérer cet entre-deux ?
Nous avons besoin de protéger et de surveiller notre ZEE. La commande des POM dépend de la réserve des autorisations d'engagement ; je n'imagine pas un instant que cette commande ne soit pas passée. La date de livraison, elle, dépendra des délais industriels. Mais nous avons, dans ces domaines des OPV (Offshore Patrol Vessel) de quatre-vingts mètres ou plus, d'excellents industriels en France, capables de nous produire des bâtiments en acier ou en aluminium : je ne doute pas qu'ils seront capables de nous les livrer à temps.
Votre deuxième question concernait les P400. Nous devons assurer le tuilage entre les P400 et les POM mais, tant que nous n'avons pas les budgets nécessaires, nous ne pouvons pas remplacer certains de nos patrouilleurs métropolitains. C'est pourquoi j'insiste sur le fait qu'il faut, avant 2022, lancer ce programme de nouveaux patrouilleurs métropolitains.
Vous avez dit que vous ne vouliez pas parler des porte-avions ; mais moi, j'aurais aimé que l'on parle du ou des porte-avions du futur. Où en sont les études et quel est votre point de vue à ce sujet ?
Les études sont en cours. Elles devraient être achevées en 2020 et servir de base à l'actualisation de la loi de programmation militaire, que nous étudierons au début de l'année 2021. Je pense que nous pourrions lancer l'année prochaine, au sein de notre assemblée, une mission d'information sur cette question, afin de disposer, le moment venu, de tous les éléments utiles pour trancher.
Je pense utile de parler du groupe aéronaval dans sa globalité : il comporte un porte-avions, mais aussi des frégates, des bâtiments de commandement et de ravitaillement ainsi que des sous-marins. Si nous voulons avoir un groupe aéronaval en mer en permanence, nous devons impérativement disposer de deux porte-avions, puisque l'arrêt technique majeur (ATM) du Charles de Gaulle, qui dure théoriquement dix-huit mois, le rend indisponible pendant pratiquement deux ans. Or, dans le contexte actuel, la France ne peut pas se permettre d'avoir un groupe aéronaval aussi peu disponible sur les mers du globe.
Pour ce qui est du format du futur porte-avions, les études en cours portent sur la taille du bâtiment, sur son mode de propulsion et sur les catapultes. Faut-il une propulsion classique ou une propulsion nucléaire ? Si vous me garantissiez à la fois l'approvisionnement et le prix du pétrole pour les cinquante prochaines années, je signerais tout de suite pour la propulsion classique ; mais comme cette garantie est loin d'être certaine, je pense que nous nous orienterons vers une autre solution. La taille du bâtiment quant à elle dépendra à la fois des catapultes et des avions qui seront embarqués. Au démarrage, les avions seront des Rafale, mais ils seront progressivement remplacés par des avions du Système de combat aérien du futur (SCAF). La taille des catapultes, comme celle des hangars, sera déterminée par celle des nouveaux appareils, qui seront beaucoup plus gros que les Rafale et pèseront probablement plus de 35 tonnes.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie de prendre en compte les effets attendus du Brexit, notamment sur la pêche, et de veiller à ce que notre marine ait les moyens de faire face à cet événement.
Ma question porte sur l'interopérabilité de nos forces avec la marine britannique. Le porte-aéronefs HMS Queen Elizabeth a débuté ses essais en mer avec ses F-35. Si mes informations sont bonnes, la Royal Navy devrait donc intégrer son second porte-aéronefs en décembre. Nos liens avec nos homologues britanniques sont étroits, plus étroits encore que ceux qu'ils entretiennent avec l'US Navy. Quelles coopérations opérationnelles sont envisagées dans le détroit d'Ormuz, en mer d'Oman ou dans le golfe de Guinée ? Envisage-t-on une force expéditionnaire commune, voire, à terme, un groupe aéronaval commun ?
Nous avons, depuis Lancaster House, une force combinée avec nos amis britanniques. Ce qui est envisageable aujourd'hui, c'est d'organiser des exercices communs, comme nous l'avons déjà fait par le passé. L'année dernière, par exemple, nous avons fait un exercice amphibie au large de la Bretagne.
Par ailleurs, lors de la mission Clemenceau, le groupe aéronaval français était accompagné de frégates de plusieurs pays européens, comme le Danemark et la Pologne, et même de l'Inde et de pays asiatiques. De la même manière, des bâtiments français seront nécessairement accueillis par le groupe aéronaval britannique, autour du HMS Queen Elizabeth ou du HMS Prince of Wales, et des bâtiments britanniques seront accueillis par le groupe aéronaval français, lorsque celui-ci se déplacera. Pour ce qui est des aéronefs eux-mêmes, il est plus difficile d'imaginer que des avions britanniques, surtout si ce sont des F- 35, puissent se poser sur des porte-avions français : en tout cas, ce n'est techniquement pas possible sur le Charles de Gaulle. Mais l'efficacité d'un groupe aéronaval dépend de l'ensemble de ses composantes : si des FREMM accompagnent le HMS Queen Elizabeth, je pense qu'elles démontreront l'efficacité de notre marine nationale.
Monsieur le rapporteur pour avis, je voudrais appeler votre attention sur un problème de méthode : pour se prononcer sur le budget pour 2020, il serait important de savoir ce qui a été réalisé en 2019. Or la fin de gestion est toujours un peu évacuée puisqu'il est trop tôt, en novembre, pour faire un bilan. Il faudrait pourtant savoir, surtout avec le réchauffement climatique, s'il y aura, ou non, dégel des crédits !
S'agissant des POM, l'amiral Prazuck nous a dit, lors de sa première audition devant notre commission, que la situation de nos vieux patrouilleurs était inquiétante et que nous risquions un trou capacitaire dans nos territoires d'outre-mer. Il est urgent d'agir et nous avons besoin de savoir où nous en sommes. Vous nous avez d'abord dit que vous étiez inquiet, puis vous avez répondu à notre collègue Jean-Louis Thiériot que vous n'aviez pas de doute sur notre capacité à produire des POM. Vous êtes toujours dans le « en même temps »… Or j'ai besoin de réponses précises de votre part. Qu'aura-t-on dépensé en 2019 ? Quel est le montant, pour 2020, des autorisations d'engagement et des crédits de paiement ?
Nous n'avons fait aucune dépense pour les POM en 2019, puisque nous en sommes encore au stade de l'appel d'offres. La DGA devrait bientôt rendre publique sa décision. Ce n'est qu'en 2021 ou en 2022 que nous en viendrons aux crédits de paiement, car il faut tout de même laisser le temps à nos industriels de fabriquer ces bâtiments. Il faut déterminer la longueur et l'équipement des bâtiments et choisir entre l'acier et l'aluminium : l'un et l'autre ont leurs avantages, selon que l'on prend en compte la consommation, le bruit ou la pollution. La marine doit faire son choix je ne doute pas que nous le connaîtrons bientôt.
Monsieur le rapporteur pour avis, je souhaite vous interroger sur l'évolution de Naval Group. Ne doit-on pas s'inquiéter de son rapprochement avec les Italiens de Fincantieri, comme de sa stratégie qui consiste à répondre d'abord aux commandes privées, des paquebots notamment, avant de répondre à celles de la marine nationale ? Celle-ci n'est plus qu'un client comme les autres pour Naval Group. Ses choix en matière de production sont également problématiques : les petites frégates sont plus facilement exportables, mais elles ne correspondent pas aux besoins de l'armée française. N'est-ce pas un problème ?
Monsieur le président Chassaigne, le problème que vous soulevez n'est pas directement lié à la stratégie propre de Naval Group. Les industriels qui interviennent dans le domaine de la défense ont deux possibilités : ou bien ils se consacrent uniquement à cette activité, ou bien ils ont une activité civile à côté, qui leur assure d'importants revenus. C'est le cas du groupe Safran : en tant que leader mondial de la motorisation des avions, il peut voir venir les programmes industriels avec plus de calme que les groupes plus centrés sur la défense.
Comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse aux remarques de M. Laurent Furst, il se trouve qu'au cours des dernières années, nombre de programmes ont été, soit supprimés, soit ralentis. Décider de ralentir un programme pour faire des économies est toujours une mauvaise décision. Prenons l'exemple des fameuses FREMM : lorsqu'on prévoit de construire dix frégates en dix ans et que, du jour au lendemain, on décide de passer à huit frégates en quinze ans dans le seul but de réduire – en apparence – les budgets annuels, on ne fait pas un bon calcul. Le coût des huit frégates en quinze ans sera supérieur à celui des dix frégates en dix ans, à cause des frais fixes et des compétences à maintenir : toute personne qui connaît un peu l'industrie le sait très bien. Réduire des programmes et allonger leur durée, ce n'est bon ni pour nos armées ni pour notre économie.
L'enjeu désormais pour Naval Group, c'est de maintenir un outil industriel performant. Or le rythme de commandes de la marine ne suffit pas à entretenir l'outil industriel. Il est donc bien normal que Naval Group soit amené, notamment à l'export ou dans le civil, à produire des bâtiments, ne serait-ce que pour maintenir ses compétences techniques – soudeurs, architectes, etc. Naval Group est dans l'obligation de concilier une contrainte industrielle et une contrainte militaire.
S'agissant de son rapprochement avec Fincantieri, nous sommes face à un problème très simple. Naval Group nous a expliqué que sur certains appels d'offres, ce ne sont pas deux, trois ou quatre concurrents venant de l'étranger qui se présentent, mais une vingtaine, avec notamment des industriels chinois qui sont en train de se regrouper. Demain, ce sont de grands industriels chinois, russes, américains, indiens et asiatiques qui seront en concurrence avec les industriels européens. Et si chaque industriel européen représente un dixième de ses concurrents, je vous laisse imaginer ce qui va se passer… Naval Group et Fincantieri n'ont pas le choix : ils doivent se regrouper si nous ne voulons pas disparaître de ces marchés industriels, et même militaires. Si ce sont des étrangers qui fabriquent nos bateaux, vous imaginez bien que lorsqu'ils arrêteront de les fabriquer, nous n'en aurons plus. Nous avons besoin d'une industrie navale européenne, et un des seuls moyens d'y arriver, c'est d'encourager ce rapprochement entre Naval Group et Fincantieri. C'est comme pour les retraites, Monsieur Chassaigne : si nous ne faisons rien, tout le monde y perdra.
Ma question ne concerne pas directement le budget de 2020, mais les perspectives en matière de capacités opérationnelles héliportées, puisqu'au-delà de trois milles marins, c'est la marine nationale qui assure le secours en mer. Qu'en est-il des nouveaux NH90 marine et de la flotte intermédiaire ?
Comme l'amiral Prazuck le dit fort justement, il faut remplacer les hélicoptères de Fantômas. Pour avoir des hélicoptères tout beaux, tout neufs aujourd'hui, il aurait fallu les commander il y a cinq ou dix ans. Nous avons trouvé une solution intermédiaire, qui consiste à remplacer tous nos vieux hélicoptères par des hélicoptères relativement neufs, des Dauphin et des H160 de chez Airbus, mais en location.
Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie d'avoir parlé du domaine maritime français, qui représente 11,5 millions de kilomètres carrés, soit l'équivalent de la surface de la Chine et de la Mongolie, ou des États-Unis et du Mexique, réunis, ce qui est considérable. Au total, 3,5 millions de kilomètres carrés sont sous l'administration des terres australes et antarctiques françaises (TAAF), dont les eaux ont parfois un potentiel économique majeur : je pense à la légine des îles Kerguelen ou aux nodules polymétalliques autour de Clipperton.
La présence du pavillon français est absolument essentielle dans ces terres. Notre collègue Philippe Folliot a fait un travail absolument remarquable sur l'île de Clipperton : il a montré que le bateau qui part de Tahiti y va une fois tous les deux ans. On sent bien que ces espaces représenteront, à moyen et à long terme, un enjeu stratégique considérable. Pourquoi ne pas demander à la marine de nous faire un point précis sur la présence du pavillon français sur ces terres et ces eaux qui sont sous notre administration ? Nous pourrions ainsi évaluer si cette présence est satisfaisante ou s'il y a encore des manquements.
Sur les terres australes et antarctiques françaises, la surveillance s'exerce en coopération avec l'Australie, qui partage la responsabilité de cette zone. L'Astrolabe fait également un certain nombre de patrouilles. Pour dire les choses franchement, la situation est peut-être maîtrisée aujourd'hui, mais elle ne le sera certainement pas demain : chacun connaît les zones de conflits potentiels que constituent le canal du Mozambique, le détroit d'Ormuz, une large partie de l'océan Indien et, demain, peut-être, le Pacifique. Il est clair que nous devons accroître notre présence dans ces terres et dans ces mers.
Je rappelle que notre ZEE rassemble 3 millions de citoyens français, non seulement à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, mais aussi dans de nombreuses îles plus petites et dispersées. Il ne vous a pas échappé que le Président de la République est actuellement à Mayotte et qu'il doit se rendre dans les îles Glorieuses : cela montre que la France tient à être présente dans ces régions. Je pense sincèrement que nous devons faire des efforts pour maintenir la présence française dans notre ZEE, pas forcément dès 2020, mais à l'horizon 2030. La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale nous proposait deux lois de programmation militaire pour rétablir un modèle d'armée équilibré et complet dans la durée : je pense que ce sera la préoccupation, soit de la révision de l'actuelle loi de programmation, soit de la prochaine LPM.
La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits de l'armée de l'air (M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis
Madame la présidente, chers collègues, à mon tour de prendre la parole pour vous présenter les principales orientations du projet de loi de finances pour 2020 relatives à l'armée de l'air. Globalement, celles-ci vont dans le bon sens, mais les ambitions renouvelées et l'arrivée de nouvelles capacités ne doivent pas faire oublier la persistance de fragilités durables.
Le niveau de disponibilité des flottes demeure largement insuffisant et pèse tant sur la régénération organique que sur les capacités d'intervention. Les premières actions de la jeune direction de la maintenance aéronautique sont encourageantes, mais il faudra encore attendre plusieurs années avant d'en tirer tous les bénéfices. Les personnels s'épuisent, parce qu'ils n'ont pas toujours les moyens de conduire leurs missions et que l'impact du rythme opérationnel est fort. Il en ressort une certaine frustration, à l'origine d'un nombre croissant de départs non désirés, que l'état-major tente d'endiguer par divers outils de fidélisation.
J'en viens à la présentation des crédits alloués à l'armée de l'air par le PLF pour 2020, et d'abord à ceux inscrits à l'action 4 « Préparation des forces aériennes » du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».
Les crédits de cette action s'élèvent pour 2020 à 5,05 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,28 milliards d'euros en crédits de paiement. D'une année sur l'autre, cela représente une augmentation de 16,6 % des AE et une diminution de 1,7 % des CP. Plusieurs facteurs expliquent ces évolutions.
D'abord, l'augmentation des autorisations d'engagement traduit notamment la poursuite de la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de maintenance aéronautique. En 2020, les principales flottes concernées seront celles des Mirage 2000D, des C135, des Alphajet et des Fennec. Un contrat devrait également être conclu pour l'entretien des équipements optroniques. Plus généralement, l'entretien programmé des matériels représente 83 % des autorisations d'engagement et 68 % des crédits de paiement.
Ensuite, l'évolution de la maquette budgétaire a conduit au transfert, au sein du programme 178, des crédits dédiés au financement des infrastructures opérationnelles de chaque armée, auparavant inscrits au programme 212. Pour l'armée de l'air, cela concerne par exemple des travaux de sécurité et de protection sur différentes bases ou la construction d'un bâtiment pour l'école de formation des pilotes de chasse à Cognac.
Enfin, la création annoncée du commandement de l'espace, au début du mois de septembre, s'est traduite par la création d'une nouvelle sous-action budgétaire dédiée aux « activités spatiales ».
Au final, le budget proposé par le Gouvernement est conforme aux dispositions de la loi de programmation militaire. Il faut s'en féliciter et, bien que je fasse partie de l'opposition, je n'ai pas de raison de m'opposer à son adoption. Toutefois, ne soyons pas dupes : si les ressources semblent à peu près consolidées jusqu'en 2022, il y a lieu de s'interroger sur la couverture des besoins pour les trois dernières années de la programmation. Même avec l'actualisation prévue en 2021, il apparaît déjà que l'objectif de 2 % de PIB, s'il est atteint, ne correspondra pas aux 50 milliards évoqués en raison de la baisse attendue du PIB. Comme vous le voyez, je suis d'humeur changeante : quelques secondes après m'être réjoui, me voilà de nouveau lucide, voire inquiet… (sourires).
J'en viens à présent à la thématique que j'ai retenue cette année : les hélicoptères de l'armée de l'air. Ceux-ci remplissent plusieurs types de missions, que l'on peut regrouper en deux grandes catégories : d'une part, les missions d'appui, parmi lesquelles on retrouve l'aéromobilité, l'évacuation sanitaire, le renseignement ou l'appui feu ; d'autre part, les missions spécialisées, avec les interventions des forces spéciales, le contre-terrorisme, le sauvetage au combat, la recherche et le sauvetage des personnels et des civils, la sûreté aérienne dans le cadre de la posture permanente de sûreté aérienne.
Pour conduire ces missions, l'armée de l'air compte sur un parc d'appareils variés, répartis sur l'ensemble du territoire national : quarante Fennec, âgés de trente ans, dont vingt sont stationnés à Orange, quinze à Villacoublay, deux en Guyane, un au Gabon et deux en Côte d'Ivoire ; dix Caracal stationnés sur la base aérienne de Cazaux ; vingt Puma, âgés de plus de quarante ans, dont trois sont stationnés à Djibouti et à Nouméa, deux au groupe interarmées d'hélicoptères (GIH), cinq en Guyane et sept à Solenzara ; trois Super Puma « VIP » basés à Villacoublay ; deux H225 loués auprès de la société Icare, afin de conduire des activités de formation à Cazaux.
Quasi oubliée par la LPM, la composante héliportée semble être remontée dans l'ordre des priorités avec l'annonce par la ministre des armées, d'abord de l'accélération du programme Hélicoptère interarmées léger (HIL), les premiers exemplaires du Guépard devant être livrés en 2026 à l'armée de terre et, ensuite, de la commande, ô combien attendue ! d'un hélicoptère Caracal destiné à remplacer l'un des deux détruits en opération.
Ces décisions vont certes dans le bon sens, mais la composante héliportée de l'armée de l'air est en souffrance. Quatre questions me semblent devoir retenir l'attention de notre commission.
La première concerne le renouvellement de la flotte Puma. Alors que l'hélicoptère de manoeuvre de nouvelle génération (HMNG) n'est pas attendu avant 2035, il est vital de procéder au remplacement anticipé de la flotte. Le ministère des armées semble soutenir une opération de location-vente d'hélicoptères H225, selon deux modalités : soit d'un parc de vingt appareils ; soit d'un parc de douze appareils, dans l'attente du transfert des huit Caracal de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), attendu à l'horizon 2025. Quelle que soit l'option retenue, il nous faut aller vite, car il ne reste plus qu'une trentaine d'appareils sur le marché de l'occasion, contre près d'une centaine il y a encore peu de temps. Les auditions que nous avons menées montrent qu'une décision doit être prise d'ici la fin de l'année si nous voulons mener à bien ce projet. J'y veillerai.
La deuxième question concerne la détermination des spécifications du Guépard propres à l'armée de l'air. Pour l'heure, seules les caractéristiques générales du Guépard ont été définies. Les spécifications propres à chaque armée devront être arrêtées d'ici l'actualisation de la LPM.
Pour l'armée de l'air, la priorité porte sur les équipements optroniques et sur la capacité de ravitaillement en vol. Au Sahel, le ravitaillement en vol permet de s'affranchir toujours plus des contraintes de l'élongation du théâtre et de limiter la mise en place des fameux « FARP » (pour « Forward arming refueling point »), ces points de ravitaillement en armement et en carburant où l'hélicoptère se pose et s'expose. À terme, la possibilité de conduire des opérations associant Guépard et Caracal constituerait un avantage décisif, tant pour des opérations d'appui, que de sauvetage au combat.
La troisième question concerne la modernisation des dix Caracal. Le développement d'un standard 2 du Caracal est attendu, afin de corriger les obsolescences – armement axial et de sabord, robustesse cyber, connectivité, autoprotection et avionique – et de préparer l'arrivée dans les forces du Guépard par la constitution d'une flotte cohérente du point de vue capacitaire. Une modernisation est indispensable si l'on veut éviter que les Caracal soient mis sur la touche lors de d'opérations conduites avec nos alliés.
La quatrième question concerne l'opportunité de doter nos forces d'une capacité de transport lourd par hélicoptères. Antienne s'il en est, l'acquisition d'hélicoptères de transport lourd a refait surface à l'été sous l'effet, d'une part, de l'apport majeur à l'opération Barkhane des trois Chinook CH-47 britanniques et, d'autre part, de la propagation d'une information selon laquelle l'armée de l'air étudie actuellement son acquisition pour les forces spéciales françaises. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il me semble que nous devrions soutenir le lancement d'une unité franco-allemande d'hélicoptères de transport lourd, sur le modèle de l'escadron de transport tactique de C- 130J, en cours de construction sur la base aérienne d'Évreux. J'en profite pour vous faire part, en premier lieu à vous, Madame la présidente, ainsi qu'à Mme Séverine Gipson, de ma relative inquiétude quant au calendrier de ratification de l'accord franco-allemand qui sous-tend le lancement de ce projet : il ne faudrait pas que les crédits alloués nous échappent.
Voilà, Madame la présidente, chers collègues, ce qu'il me semblait important de partager avec vous au terme de mes travaux.
Au mois de juillet, le Président de la République a annoncé la création d'un commandement de l'espace. Aujourd'hui, la communauté de l'armée de l'air est préoccupée par la défense de nos satellites. Pouvez-vous nous en dire plus sur les programmes en cours pour développer l'autodéfense de nos satellites ou leur protection depuis la terre ?
Le budget pour 2020 du ministère des Armées prévoit une enveloppe de 25 milliards d'euros pour la période 2019-2023, dont 4,7 milliards pour l'année prochaine, dans le cadre des programmes de renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire française, la navale et l'aéroportée. Le 4 octobre, l'armée de l'air a célébré, sur la base de Saint-Dizier, ses 20 000 jours de permanence : cinquante-cinq ans d'alerte nucléaire ininterrompue depuis 1964. Au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces », les crédits alloués à l'armée de l'air sont inscrits à l'action 4 « Préparation des forces aériennes ». Ces crédits doivent permettre aux forces aériennes de conduire les missions qui leur sont assignées par la loi de programmation militaire. L'une de ces missions est la dissuasion nucléaire, à travers la mise en oeuvre de la composante aéroportée, sous la responsabilité du commandement des forces aériennes stratégiques. Comment les crédits de la sous-action 04-04 « Activités des forces aériennes stratégiques » ont-ils évolué ? Les forces aériennes stratégiques ont-elles, selon vous, les moyens de remplir leur mission ?
L'année 2019 a été marquée par la création d'un grand commandement de l'espace, qui compte 220 personnes et qui montera progressivement en puissance sur la durée de la programmation. Je m'interroge sur les moyens qui sont alloués à ce programme. À titre de comparaison, les États-Unis souhaitent investir annuellement 8 milliards de dollars dans la recherche spatiale, alors que la loi de programmation militaire française prévoit un budget de 3,6 milliards d'euros, pour toute la durée de la programmation. Ma question est très simple : selon vous, ces moyens sont-ils suffisants pour faire face aux défis qui nous attendent dans ce domaine ?
J'aimerais revenir sur les Mirage 2000D, auxquels je suis très attaché, puisque la base aérienne 133 se situe non loin de chez moi. Le 6 mai dernier, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de cet appareil, qui a atteint le milieu de sa vie, le général Rondel a annoncé que cinquante-cinq de nos soixante et onze Mirage 2000D seraient rénovés. Or, dans le projet de loi de finances pour 2020, on évoque la livraison de deux Mirage 2000D rénovés. J'aimerais donc avoir des précisions sur les chiffres : est-on plus près de deux ou de cinquante-cinq ? Qu'est-ce qui est prévu concrètement, pour 2020 et les années à venir, pour ces Mirage 2000D ?
Au mois de janvier, nous avons perdu un Mirage 2000D dans le massif du Jura : quelle est l'incidence de cette perte sur nos capacités ?
MM. Fabien Lainé et Yannick Favennec-Becot m'ont interrogé sur le commandement de l'espace. Ce projet est très enthousiasmant, puisqu'il y a là un vrai défi à relever. À titre personnel, je me réjouis que l'on associe désormais l'air et l'espace : tout cela est parfaitement cohérent. Dans un premier temps, la réorganisation va consister dans la réunion de deux structures existantes : le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS), basé à Lyon Mont Verdun, et une unité basée à Creil. Les commandes de satellites font partie du programme 146 : notre collègue Jean-Charles Larsonneur vous en parlera mieux que moi.
Pour avoir rencontré à plusieurs reprises le général Maigret, commandant des forces aériennes stratégiques, je peux vous assurer, Monsieur Lejeune, que nous disposons des moyens de dissuasion nucléaire nécessaires pour mener à bien nos missions. L'arrivée du MRTT, dont le premier modèle livré – il était temps… – a donné entière satisfaction, est une véritable petite révolution ; on peut se réjouir de l'augmentation de la cible finale et de l'accélération des livraisons par rapport à la précédente loi de programmation militaire. Je ne suis donc pas inquiet pour la mission de dissuasion nucléaire, qui me paraît bien dotée.
S'agissant des Mirage 2000D rénovés, j'avais déjà demandé l'an dernier à la ministre de nous fournir un calendrier précis de leurs livraisons, car il me paraissait important de disposer d'un tel tableau de bord. Votre question est donc très pertinente, cher collègue Thibaut Bazin, et je réitérerai cette demande, restée sans suite pour l'instant.
Nous avons toujours une pensée émue pour le commandant et la capitaine qui ont trouvé la mort dans l'accident de janvier 2019. Christophe Lejeune et moi-même avons eu l'occasion, dans le cadre de notre mission d'information sur l'action aérospatiale de l'État, d'assister à un débriefing en préfecture sur les opérations menées pour retrouver l'appareil disparu. Nous avons ainsi eu accès à toutes les informations et pu rencontrer tous les acteurs impliqués, ce qui nous a permis d'apprécier la qualité des intervenants. C'était un moment fort de notre rapport. Je tiens à remercier le préfet et toute son équipe pour ce moment fort de notre travail. J'ai pu mesurer l'abnégation, la résilience des aviateurs dont j'ai recueilli les réactions à chaud. J'ai retenu ces mots émouvants et admirables : « Ce jour-là, la terre a gagné ».
Un pilote m'avait quant à lui lancé, en me racontant un accident auquel il avait réchappé, que ce n'était pas un moment d'avenir…
J'aimerais saluer les pilotes qui font actuellement des essais de ravitaillement entre les hélicoptères et les A400M ; j'ai une admiration sans borne pour ces hommes qui tentent des opérations en vol pour rallonger la durée des missions.
Pour en revenir au plan capacitaire, il me semble que l'approche n'est pas toujours pertinente. Je souhaite avoir votre opinion par exemple sur la refonte en profondeur de dix-huit avions de patrouille maritime ATL2, qui sont des structures de trente ans. On ne peut raisonnablement demander aux industriels de soutenir des pièces d'avionique, par exemple des empennages, sur des durées aussi longues. Immanquablement, cela créera des difficultés en termes d'interopérabilité avec les matériels modernes. Concernant les Caracal, nous devons vraiment soulever ce problème en amont avec les futurs opérateurs compte tenu de l'âge des structures.
MM. Jacques Marilossian et Christophe Blanchet. C'est bien ce que nous disions tout à l'heure !
Monsieur le rapporteur, je voudrais vous interroger sur les inquiétudes que vous avez formulées au début de votre intervention quant au niveau de disponibilité des flottes. Les contrats verticalisés constituent-ils une réponse satisfaisante ? Le service industriel d'aéronautique (SIAÉ) est responsable de la réalisation de la maintenance, qu'il assure grâce à son compte de commerce en s'appuyant sur des sous-traitants. Le problème viendrait-il d'un niveau d'investissement insuffisant pour permettre le maintien des matériels en condition opérationnelle ? N'est-il pas lié, plus encore, à la gestion du personnel ? Les ouvriers d'État sont en effet moins nombreux alors qu'ils garantissent la pérennité du savoir-faire sachant que la durée d'utilisation des avions est extrêmement longue. Les salaires ne seraient-ils pas trop bas pour garantir la fidélisation des jeunes ? Bon nombre d'entre eux, sitôt formés, partent dans le privé.
Le sujet des ressources humaines, crucial pour notre armée de l'air, me paraît en effet devoir appeler toute notre attention et notre vigilance. Je ne donnerai qu'un exemple : l'armée de l'air estime son besoin de mécaniciens et de mécaniciennes à environ 11 500 personnels ; il en manquerait aujourd'hui 500 à 600. La LPM prévoit si je me souviens bien 1 246 postes supplémentaires d'ici à 2025. Quels leviers d'action avez-vous identifiés ? Quelles propositions formulez-vous en tant que rapporteur ?
Monsieur le rapporteur, j'aimerais connaître votre réaction à deux actualités très récentes. En septembre dernier, l'Airbus A400M a réalisé 51 contacts « secs » pour simuler un ravitaillement en vol d'hélicoptères avec un H225M, et plusieurs vols de rapprochement avec un H160. Plus récemment encore, cette semaine même, il a réussi un largage simultané de parachutistes par les deux portes latérales – enfin ! – ainsi que de matériel et de matériaux à basse altitude. Comment analysez-vous ces succès ? Des économies pourront-elles être réalisées sur les locations grâce au gain d'autonomie escompté ?
En septembre dernier, un essai de ravitaillement d'un H225 – un Caracal – depuis l'A400M a réussi. Dans son sillage, un H160, modèle du futur Guépard, s'est encore mieux comporté, ce qui ouvre des perspectives réjouissantes.
Le Caracal, même s'il est plus récent que le Puma et le Fennec, a impérativement besoin, pour tenir jusqu'en 2035, de passer au standard 2. Il est donc tout à fait légitime de demander aux industriels d'effectuer les modifications et apports nécessaires. Cette mise à niveau est requise en particulier pour l'utilisation de ces hélicoptères au sein de coalitions ; faute de quoi, nos alliés refuseront à l'avenir de travailler avec nous sur ces appareils.
S'agissant de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), Monsieur Chassaigne, ses premières actions sont très encourageantes, mais les résultats ne seront pas immédiats. Les entretiens que j'ai eus avec sa directrice laissent penser qu'il faudra attendre deux ou trois ans. Les premiers effets constatés sont néanmoins très rassurants et nous incitent à persévérer. En 2019, des contrats ont été signés pour la flotte Rafale – le contrat Ravel –, pour les hélicoptères Fennec de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), pour l'A400M, et les négociations sont en cours pour le Caracal. En 2020 seront concernées les flottes de Mirage 2000D, de C135 et d'Alphajet. Un travail remarquable a en outre été effectué par le SIAÉ sur le C-130.
Effectivement, Monsieur Larsonneur, la montée en puissance de nouvelles capacités suppose évidemment des infrastructures et des ressources humaines. Or il est difficile non seulement de recruter, mais aussi de fidéliser. Votre question me donne l'occasion d'évoquer la visite que j'ai pu faire à l'école de formation des sous-officiers de l'armée de l'air de Rochefort, dont je suis revenu ébahi. Il est en effet merveilleux de voir des jeunes gens s'orienter quelques mois après leur entrée à l'école vers l'une des nombreuses spécialités offertes par l'armée de l'air : mécanicien drone, mécanicien avion, commando, renseignement… J'ai pu constater aussi quels moyens étaient mis à disposition, notamment dans le cadre du projet numérique Smart School. On ne comprend pas tout à fait à quoi cela correspond tant qu'on ne le voit pas fonctionner ; ce système est rassurant et enthousiasmant, il fonctionne bien auprès des jeunes. Tout est mis en oeuvre pour les attirer et les fidéliser. La condition du militaire a en outre été améliorée. L'équilibre atteint reste cependant précaire, en particulier compte tenu de l'expansion probable de l'aviation civile dans les années à venir. Je ne suis pas inquiet quant au recrutement ; pour la fidélisation, ce sera plus difficile. Il va falloir serrer les dents.
L'A400M, il donne aujourd'hui pleine satisfaction, même si le développement de ses capacités tactiques aura mis du temps : il faut s'en réjouir et arrêter de regarder dans le rétroviseur. Avec le largage de parachutistes par les deux portes latérales, on change véritablement d'échelle. Comme je l'ai dit, les essais de ravitaillement de Caracal se sont très bien passés, le H160 s'est encore mieux comporté dans le sillage de l'A400M. Cela va nous permettre de franchir l'obstacle des théâtres d'opérations, en particulier dans la bande sahélo-saharienne ; l'armée de l'air a souhaité que le Guépard puisse également être équipé de cette fameuse perche de ravitaillement.
La concurrence du privé, que j'ai déjà un peu évoquée, devient de plus en plus rude. Les capacités du transport civil devraient doubler dans les vingt années à venir et provoquer une hémorragie de mécaniciens et de pilotes pour le secteur militaire. Comment faire pour la juguler ?
Il faut développer et améliorer les conventions telles que celles qui existent avec Air France et Airbus de façon à circonscrire cette fuite de compétences vers le civil en la programmant, en l'accompagnant, car il sera difficile de l'empêcher. Et pour ce qui est de la motivation et de la fidélisation, il faut compter sur les valeurs qui animent ces jeunes gens désireux d'entrer au service des armes de la France : ils n'arrivent pas là par hasard. Ils ne feront peut-être pas l'ensemble de leur carrière au sein de nos forces, mais pour les fidéliser, il faut compter sur cette motivation et leur donner satisfaction.
S'agissant du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord avec l'Allemagne sur le transport tactique aérien, je vous indique que la commission des affaires étrangères, saisie au fond, l'examinera le 6 novembre, et notre commission, saisie pour avis, le 5 novembre. Le texte sera ensuite discuté au Sénat. Nous souhaitons qu'il puisse être voté avant la fin de l'année.
La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits du programme 146 « Équipement des forces – dissuasion » (M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis
Madame la présidente, mes chers collègues, ce sont, comme l'an dernier, les crédits du programme 146 « Équipement des forces – dissuasion » qu'il me revient de vous présenter. Sur le front de ces crédits d'armement, les nouvelles sont bonnes. Ces derniers sont en effet conformes aux dispositions de la LPM, et nous pouvons tous nous en féliciter. D'abord, qu'une loi de programmation militaire soit exécutée avec exactitude est en soi une bonne chose. Ensuite, la trajectoire de cette LPM est ambitieuse : en 2020, la mission « Défense » s'est vue attribuer 1,7 milliard d'euros de crédits de plus qu'en 2019, dont 1,3 milliard d'euros pour les équipements. Les crédits du programme 146 augmentent ainsi de 15,6 % en crédits de paiement et de 75 % – c'est exceptionnel ! – en autorisations d'engagement. Il ne me paraît donc pas exagéré de qualifier cet effort budgétaire de très important.
Il s'explique en partie par les besoins de financement du renouvellement des matériels de la dissuasion. En effet, 2020 est l'année prévue pour l'entrée en phase de réalisation du programme des sous-marins lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE 3G). Parallèlement, les travaux en vue de la modernisation puis du remplacement du missile nucléaire air-sol progressent.
Cet effort budgétaire d'ampleur bénéficie aussi à l'ensemble des autres systèmes de forces. Je ne passerai pas ici en revue une à une les soixante-treize lignes budgétaires du programme 146, car mon rapport présente en détail l'évolution et la justification de ces crédits, mais je tiens à signaler quelques commandes et quelques livraisons emblématiques que ce PLF finance. Parmi les livraisons, retenons par exemple pour la marine nationale le premier sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) du programme Barracuda, le Suffren, deux avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés au standard 6, deux hélicoptères NH90 Caïman, deux lots de missiles de croisière navals (MdCN), sept missiles Aster 30 destinés aux frégates multi-missions (FREMM) et dix-neuf torpilles lourdes Artémis ; pour l'armée de terre, la livraison de 128 véhicules blindés multi-rôles (VBMR) Griffon, des quatre premiers Jaguar, de sept NH90 Caïman, du premier système de drone tactique, de 1 000 véhicules légers tactiques polyvalents (VLTP), de 100 véhicules blindés légers (VBL) rénovés, de cinquante postes de tir et de 300 munitions de missile moyenne portée (MMP), de 1 250 radios pour les communications numérisées tactiques et de théâtre (CONTACT), ainsi que de 12 000 fusils d'assaut HK 416 F ; pour l'armée de l'air, les premiers Mirage 2000D rénovés, deux A400M, un multi-rôle transport tanker (MRTT), un C-130J ravitailleur et un C-130H modernisé, ainsi qu'un système de trois drones moyenne altitude longue endurance (MALE) Reaper.
L'année 2020 sera également riche en commandes. Retenons par exemple le financement d'un système de commandement et de contrôle aérien pour l'armée de l'air, ainsi que quatre drones MALE européens, quatre C-130H modernisés, 1 500 VLTP, 12 000 fusils HK 416 F, 271 VBMR Griffon, 42 Jaguar et 364 Serval – la version légère du VBMR – ainsi que 50 chars Leclerc et 120 véhicules blindés légers rénovés. Je m'en tiendrai là s'agissant du plan de commandes et de livraisons financé par ce budget d'armement, qui me paraît à la hauteur des enjeux et de nos ambitions.
Il ne faudrait pas toutefois qu'un tel effort soit entamé sur un flanc ou un autre. Deux hypothèques en particulier pèsent souvent sur les crédits d'armement : le financement du surcoût des opérations extérieures (OPEX) et le report de charges. Là encore, les nouvelles sont bonnes. La provision pour les OPEX ayant été portée à 900 millions d'euros en 2019 puis à 1,1 milliard d'euros en 2020, autrement dit à un niveau réaliste et sincère, nous devrions pouvoir éviter les arbitrages de fin d'année, presque toujours défavorables au programme 146. Quant au report de charges, conformément à la loi de programmation militaire, il est en baisse. Deux dangers majeurs pour la bonne exécution des crédits d'équipement soumis à notre vote sont donc ainsi écartés.
Une fois que ces crédits auront été votés, il faudra encore que les programmes avancent. L'État fait sa part du travail, l'industrie doit également faire la sienne. Pour ce qui concerne les programmes français, contrôler le bon avancement des études, des développements et des productions fait pleinement partie de notre travail ; à cet égard, mon rapport présente un état précis des aléas industriels qui ont pu être rencontrés.
Pour ce qui est des programmes en coopération, les affaires sont plus complexes car, par nature, tout ne dépend pas de nous, et les enjeux sont considérables. Nous misons beaucoup sur de telles coopérations pour le renouvellement de nos principaux armements conventionnels, dont les programmes les plus emblématiques sont le système principal de combat terrestre ou main ground combat system (MGCS), le système de combat aérien du futur (SCAF), et le système de lutte anti-mines du futur (SLAMF).
J'ai décidé cette année de consacrer la partie thématique de mon rapport à la question de nos coopérations d'armement à l'heure du Brexit.
Bien malin qui pourra nous dire quand et comment le Brexit aura lieu… L'objet de mon rapport n'étant pas d'ordre divinatoire, je me suis attaché à étudier ses conséquences possibles sur les programmes d'armement que nous conduisons en coopération.
Quelle qu'en soit la forme, le Brexit ne devrait guère avoir de conséquences directes sur les programmes bilatéraux et multilatéraux auxquels participent les Britanniques, car ils reposent sur des instruments de droit international autres que les traités européens, au premier rang desquels les accords de Lancaster House. Les conséquences indirectes, en revanche, moins prévisibles, sont plus à craindre. Le possible rétablissement d'une frontière douanière, d'abord, risque d'engendrer des surcoûts, qu'ils soient liés à d'hypothétiques droits de douane ou, plus certainement, aux délais qui s'attacheront aux formalités de douane. Des groupes industriels européens tels que MBDA seront particulièrement exposés, les chaînes d'approvisionnement étant de plus en plus intégrées. Le risque est aussi que l'impact du Brexit sur l'économie britannique conduise le Royaume-Uni dans une période de difficultés budgétaires, ce qui n'est jamais favorable aux crédits d'investissements militaires. De plus, sans accord spécifique, le Royaume-Uni ne serait plus éligible aux dispositifs européens de soutien à la recherche et au développement, sur lesquels nous fondions de solides espoirs. Enfin, et surtout, le Brexit placera de nouveau les Britanniques devant l'éternelle question de savoir s'ils voient leur avenir du côté du continent ou au grand large. Pour illusoires que paraissent les promesses américaines, les autorités britanniques seront peut-être tentées d'y croire.
Dans ce contexte, quels sont les intérêts de la France ? Comme l'écrivait Talleyrand, qui fut ambassadeur au Royaume-Uni, les vrais intérêts de la France ne sont jamais en opposition avec les vrais intérêts de l'Europe. C'est pourquoi nous coopérons activement avec l'Allemagne, notamment sur les projets SCAF et MGCS. L'actualité de ces programmes montre toutefois que le dialogue franco-allemand n'est pas toujours facile, car nos intérêts ne sont pas toujours parfaitement alignés avec ceux de nos collègues allemands, dont certains ne se sont d'ailleurs pas privés de le faire savoir. Dans ces conditions, l'intérêt de la France me semble être de poursuivre et d'approfondir la coopération avec le Royaume-Uni afin de diversifier nos partenariats.
Or l'année 2020, qui sera – peut-être – la première année du Brexit, marquera aussi le dixième anniversaire de Lancaster House, ce qui me paraît constituer une bonne occasion pour signer un nouveau traité de coopération franco-britannique et, en parallèle, un traité au format « vingt-sept plus un » pour permettre le maintien du Royaume-Uni dans les cadres européens de coopération à titre d'État tiers. Ce nouveau Lancaster House pourrait a minima reprendre les termes de l'accord d'il y a dix ans en les expurgeant des références au droit communautaire, afin d'en affermir les stipulations sur le plan juridique. Il pourrait aussi ouvrir la voie à de nouveaux champs de coopération. Au vu de la qualification concomitante de la force expéditionnaire commune interarmées et du très encourageant retour d'expérience de l'appui britannique à l'opération Barkhane, les champs de coopération les plus prometteurs se situent, à mon avis, dans le domaine opérationnel, mais pourraient également concerner le cyber, l'intelligence artificielle ou le spatial.
Je conclus, mes chers collègues, en recommandant l'adoption des crédits d'armement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2020.
Nous savons que la DGA négocie actuellement avec les industriels le prix du drone EuroMALE. Pensez-vous que le coût effectif de ce programme sera bien en ligne avec les crédits alloués au titre de la LPM ?
Monsieur le rapporteur, j'aimerais avoir votre avis sur la capacité de nos industriels à honorer des carnets de commandes importants dans le respect du cadre budgétaire fixé par la nouvelle LPM, tout à la fois ambitieuse et à hauteur d'homme. Une des clés de réussite de ce texte réside dans la satisfaction des besoins en recherche et développement, en optimisation des sites de production et, bien sûr, en recrutement et formation.
Nous avons lancé avec nos amis allemands le système de combat aérien du futur, auquel nos amis espagnols ont confirmé leur participation, mais nos amis britanniques ont contre-attaqué avec le programme d'avion de combat Tempest… Quel est selon vous l'avenir du Tempest face au SCAF ?
Je souhaitais également vous interroger sur le système de combat aérien du futur associant Dassault et Airbus dans un cadre franco-allemand, auquel vient de s'associer l'Espagne. Au vu des difficultés que nous avons rencontrées avec le Rafale, l'indépendance du programme SCAF vis-à-vis des États-Unis vous paraît-elle garantie ? Je suis soucieux de la protection de nos savoir-faire nationaux et il me paraît important que nous soyons particulièrement vigilants face à la volonté des États-Unis de tout diriger.
Ma question porte sur la stratégie spatiale de la France. L'armée utilise quotidiennement nos vingt satellites en orbite ; à titre de comparaison, les Américains en ont près de 200. Est-il prévu dans le programme 146 la commande de systèmes de défense de nos satellites ? J'ai hâte de vous entendre sur ce sujet, Monsieur le rapporteur, car cette question récurrente émeut tout l'écosystème spatial français et international et inquiète en outre nos compatriotes.
Je rappellerai tout d'abord les enjeux de la construction du drone MALE européen. L'idée est bien de disposer d'un drone européen en propre pour ériger une base industrielle technologique de défense européenne et donc s'affranchir des contraintes qui peuvent peser sur des matériels achetés sur étagère ; je pense en particulier au Reaper. Le ministère a fortement insisté sur la nécessité pour les industriels de maîtriser leurs coûts, et la DGA semble plutôt optimiste quant à l'issue des négociations en cours. On peut donc raisonnablement penser que le budget prévu dans le programme 146 pour l'année 2020 est réaliste.
Monsieur Lejeune, vous vous inquiétez de la capacité des industriels à répondre à nos besoins. Avec la nouvelle loi de programmation militaire, nous rencontrons en effet des difficultés inédites, des problèmes de riche, en quelque sorte : auparavant, c'était une tension à la baisse qui s'exerçait sur les effectifs, aujourd'hui ce sont les chaînes de production qui ont parfois du mal à fournir ! On rencontre ce problème dans le domaine terrestre, mais pas seulement. Le frein principal ne réside d'ailleurs pas tant dans l'outil de production que dans les ressources humaines. C'est là que se font jour les besoins les plus criants, dans les métiers les plus techniques, pour les compétences rares parfois dites orphelines, comme les soudeurs : dans les ports de Saint-Nazaire ou de Brest, on n'en recrute pas assez, faute de candidats. Voilà où nous devons porter notre effort en agissant efficacement avec le tissu industriel et l'ensemble de notre système d'éducation et de formation pour accompagner ces filières et éviter qu'elles ne soient trop en tension à l'avenir.
Monsieur Marilossian, vous m'interrogez sur le programme franco-allemand SCAF et sur le projet Tempest des Britanniques, appuyés par les Italiens et les Suédois. J'ai eu l'occasion lors des auditions d'interroger longuement les Britanniques sur ce sujet ; plusieurs questions se posent.
Le projet Tempest est à prendre au sérieux : avec l'engagement des Suédois, c'est en quelque sorte le « club Eurofighter » qui se reconstitue – moins les Allemands –, entre des acteurs qui savent travailler ensemble, tout comme les industriels BAE Systems et Leonardo. Ils le montrent d'ailleurs déjà. Quant à savoir s'il s'agit d'un simple développement technologique visant à rester au niveau de la compétition mondiale ou si l'ambition est d'aboutir à la construction d'un véritable avion de combat, l'avenir nous le dira. On peut également s'interroger sur le financement du projet, la situation de la Grande-Bretagne étant pour l'heure assez incertaine. Nous verrons dans les prochains mois sur quels leviers les Britanniques pourront s'appuyer pour financer le Tempest.
S'agissant du programme SCAF, il avance bien. Le conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu la semaine dernière a permis de lever certaines incertitudes. Sur l'initiative de nos amis allemands, le MGCS et le SCAF ont commencé d'être développés conjointement. Les parlementaires allemands du Bundestag avaient été quelque peu réticents à financer les études amont sur le SCAF ; cette difficulté est désormais écartée. Français et Allemands sont tombés d'accord sur une architecture industrielle pour le MGCS, et un démonstrateur d'avion de combat de nouvelle génération devrait voler d'ici à 2026. La question du moteur reste en suspens : si Safran et MTU sont convenus de travailler ensemble, reste à trouver l'équilibre industriel qui permettra de donner un moteur à cet avion du futur.
Monsieur Chassaigne, vous m'interrogez sur notre degré d'indépendance vis-à-vis des États-Unis dans le programme SCAF, dont l'objectif est précisément que nous atteignions en 2040 une capacité autonome dans le domaine aérien. Pour le dire crûment, le but est que nous ne nous retrouvions pas avec leur F-35… Or cela suppose un travail en commun, car le coût unitaire des matériels croît de manière très significative. Si on ne sait pas construire un avion ensemble en 2040-2050, on ne saura pas en faire du tout.
Dans le cadre des études qu'elle mène en amont, la DGA prévoit des spécifications permettant de garantir notre souveraineté sous tous les aspects, y compris celui de la dissuasion nucléaire qui, pour la France, reste un enjeu de taille.
S'agissant du secteur spatial, la loi de programmation militaire l'a doté d'un budget de 3,6 milliards d'euros. Sont en commande trois satellites du programme de composante spatiale optique (CSO), qui ont été qualifiés récemment de merveilles technologiques, des satellites du système de capacité de renseignement électromagnétique spatiale (CERES), la quatrième génération de système de radiocommunication utilisant un satellite (Syracuse 4) avec trois satellites prévus. Des systèmes de modélisation numérique devraient nous permettre de trouver des solutions plus économiques, car le coût de ces capacités est évidemment élevé. Ont également été programmées la rénovation, puis le renouvellement du système de radar grand réseau adapté à la veille spatiale (GRAVES) ; je vous renvoie sur ce sujet au rapport de nos collègues Olivier Becht et Stéphane Trompille sur le secteur spatial de défense. Concernant le renouvellement des différents moyens d'action dans l'espace, il faut de l'innovation, et de l'innovation duale ; je pense notamment aux technologies laser, aux satellites « chiens de garde » ou aux caméras d'autoprotection, sur lesquelles des études sont en cours.
J'ajouterai que le spatial n'est pas forcément le domaine où cela coûte le plus cher si l'on considère la dimension quasiment galactique des enjeux… Du reste, les coûts ont plutôt mécaniquement tendance à diminuer dans le sillage du New Space, grâce aux nouvelles technologies et à l'innovation. Il importe donc de maintenir l'effort budgétaire pour innover.
Monsieur le rapporteur, sur la capacité de nos industries à répondre à nos besoins, vous vous êtes restreints au levier des ressources humaines, alors que celui de la recherche et développement est tout aussi important. Comment aider les petites PME innovantes à accéder à ce marché, par exemple ? J'ai évidemment à l'esprit l'exploit de Franky Zapata.
Ne serait-il d'ailleurs pas utile d'établir un rapport, ou de créer une mission d'information sur les retombées économiques de l'effort budgétaire en matière d'équipements à l'échelle locale ? Ces investissements, loin de ne servir que la défense nationale et la protection de nos territoires, sont en effet pourvoyeurs d'emplois et créateurs de richesse. Un éclairage de cette nature rendrait ces dépenses plus acceptables aux yeux de nos concitoyens.
Les enjeux liés aux PME sont multiples. La création de l'agence de l'innovation de défense (AID) a marqué une inflexion importante à cet égard : celle-ci mène une action de terrain pour repérer l'innovation de défense, notamment au sein des PME et ETI. Elle gère aussi désormais le régime d'appui pour l'innovation duale (RAPID), dispositif que Zapata a utilisé pour développer son flyboard. Un appui en phase de développement est essentiel pour de tels projets. Le segment des études amont représente environ 1 milliard d'euros dans la loi de programmation militaire, ce qui est un budget significatif. Nous pouvons donc nous appuyer à la fois sur des outils institutionnels et un financement important, et les premiers résultats sont là.
J'ai également eu de nombreux échanges au sujet de l'accompagnement des PME à l'export, qui doit être amélioré. Un travail est en cours sur le sujet des compensations industrielles, des offsets, et sur l'appui des grands groupes aux PME dans ce cadre.
Il existe déjà un certain nombre d'études sur les retombées économiques des investissements de défense, différents observatoires ou think tanks produisent régulièrement des papiers sur le sujet. De mémoire, le multiplicateur keynésien en matière de défense est estimé à 1,38. Quant à l'opportunité de créer une mission d'information sur cette question, je laisse à notre présidente le soin d'en juger. J'ai pour ma part le sentiment que notre commission nourrit régulièrement la réflexion sur ce sujet, et je souhaite que nous continuions à le faire.
Puisque vous avez déposé un amendement dans ce sens, Monsieur Blanchet, nous aurons l'occasion de revenir sur la question cet après-midi.
La commission en vient à l'examen de l'avis budgétaire sur les crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » (M. Didier Baichère, rapporteur pour avis
Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » vise justement à soutenir l'innovation, en particulier celle des petites et moyennes entreprises (PME). Je reviendrai sur les crédits avant de me focaliser sur l'agence de l'innovation de défense (AID) créée il y a douze mois et sur la recherche biomédicale et cognitive, qui pèse budgétairement peu, mais est très intéressante.
Le budget de l'environnement et de la prospective de la politique de défense a une ambition essentielle : préparer l'avenir, soutenir l'effort indispensable d'innovation et irriguer notre base industrielle constituée de PME, mais aussi de grands groupes. Les technologies nouvelles doivent faciliter le travail de nos soldats.
Le budget du programme 144 augmente de 5 % en crédits de paiement et de 8 % en autorisations d'engagement, et passe ainsi de 1,5 à 1,7 milliard d'euros. Vous vous souvenez probablement des jalons de la loi de programmation militaire et de notre objectif d'un milliard d'euros en 2022 pour les études amont – principale dépense du programme. L'objectif sera largement tenu, ce qui est une excellente nouvelle compte tenu des défis que nos armées doivent relever.
La préparation de l'avenir est un concept assez large, puisque le programme 144 embrasse des domaines aussi différents que le renseignement, les études technologiques, les sciences humaines et cognitives, les instituts de recherche, les écoles et la contribution versée en raison de l'implantation des forces françaises à Djibouti – estimée à 26,44 millions d'euros pour 2020, stable d'une année sur l'autre.
Les équilibres traditionnels sont respectés en 2020 : le renseignement est toujours une priorité. Ses crédits vont augmenter de 14 % en AE et 2 % en CP, pour atteindre respectivement 399 et 364 millions d'euros. La direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) poursuit sa politique de rationalisation immobilière et de recrutement, la LPM prévoyant un important volume de recrutements pour le renseignement.
Les crédits de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) font un bond exceptionnel de plus de 49 % en AE, lié à la dotation d'une nouvelle base de souveraineté qui doit, notamment, nous permettre de développer nos capacités d'aide à la décision, grâce à un nouveau logiciel de traitement des habilitations.
La direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), en charge de l'analyse stratégique et des études, est dotée d'un budget de 10 millions d'euros, en hausse de 6 %. La DGRIS s'est fixé comme objectif de contribuer à long terme à la création d'une filière académique d'études stratégiques dans le domaine de la défense, qui nous fait cruellement défaut. Les précédentes LPM ayant été moins généreuses, le sujet avait été un peu laissé de côté.
Les crédits alloués aux études amont représentent la majeure partie du budget. Ils sont de 821 millions d'euros en CP – contre 758 en 2019 – et vont atteindre un milliard d'euros en AE. Les études amont, ce sont avant tout trois poids lourds, toujours les mêmes : la dissuasion, l'aéronautique et les missiles. Bien que j'aie repris récemment l'avis budgétaire, j'ai noté l'inquiétude de l'armée de terre : les crédits qui lui sont alloués ne représentent qu'environ 5 % des crédits des études amont. Or les opérations des militaires de l'armée de terre se numérisent massivement et les soldats doivent faire face à de nouveaux défis cognitifs : la masse d'informations à leur disposition est tellement importante qu'ils vont avoir besoin d'aide pour savoir gérer leur priorisation et leur utilisation. Les études manquent en la matière. Il me semble que ces 5 % sont insuffisants au regard des enjeux.
Une autre difficulté fait écho à la question posée tout à l'heure par M. Blanchet et a été très largement soulignée dans les auditions : celle que rencontrent les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour accéder directement aux marchés d'études amont. Nous l'avons déjà évoqué dans le cadre du groupe d'études sur les industries de la défense et j'avais alors fait des recommandations. Les 830 millions affectés à ces études sont largement « trustés » par les grands industriels même si, bien sûr, ils animent un écosystème de PME. Les PME duales ou celles du secteur civil rencontrent les mêmes difficultés, alors qu'elles pourraient développer de nouveaux produits intéressant l'armée.
Il faut faire preuve d'une intense pédagogie dans nos régions et nos territoires afin de sensibiliser le tissu industriel aux besoins des armées, mais aussi de l'informer des possibilités de financement accessibles aux PME. Enfin, le secteur bancaire est particulièrement frileux pour financer la défense. Or les PME travaillent avec les banques locales et ont donc beaucoup de difficultés à financer l'innovation, mais aussi, par exemple, à rapatrier les fonds issus de ventes à l'étranger, bien qu'elles soient titulaires d'une licence d'exportation.
Je l'avais également souligné dans le rapport du groupe d'études, les hausses de crédits du futur Fonds européen de défense – porté à plus de 13 milliards d'euros – vont encore complexifier son accès et sa compréhension pour les PME et les ETI françaises. Là encore, il faudra faire preuve de pédagogie et communiquer.
Je l'ai constaté au cours des auditions, le ministère des Armées a ces éléments en tête – la réorganisation en profondeur de la direction générale de l'armement (DGA) vise aussi à préparer cette transformation.
L'agence de l'innovation de défense (AID), créée il y a douze mois, héberge désormais le budget du programme 144 et dépend de la DGA. Elle gère les dispositifs existants, qui ont fait leurs preuves : l'accompagnement spécifique des travaux de recherche et d'innovation défense (ASTRID), très en amont en matière de recherche et développement, ASTRID maturation, pour la deuxième phase et ensuite le régime d'appui à l'innovation duale (RAPID) qui concerne bon nombre de nos PME.
En outre, le fonds Definvest, géré par Bpifrance, est désormais opérationnel et pourra investir à hauteur de 50 millions d'euros – 10 millions par an. Le deuxième versement de 10 millions va avoir lieu. Six entreprises en ont jusqu'à présent bénéficié, plutôt en phase de production, post-R & D. C'est essentiel, mais ces 50 millions d'euros ne sont pas à la hauteur des besoins ; il faudra y réfléchir au cours des prochaines années. Soulignons malgré tout la cohérence de l'accompagnement : plus de la moitié des entreprises qui ont bénéficié de Definvest avaient déjà bénéficié d'ASTRID ou de RAPID.
Les attentes des états-majors d'armées, comme des organisations professionnelles vis-à-vis de l'agence, sont très fortes – et pour cause, puisque tout est désormais centralisé au même endroit. Il conviendra d'observer avec attention comment se déroulent les interactions de l'agence avec l'écosystème en matière d'innovations ouvertes – il lui revient faire émerger un écosystème de start-up et d'innovation pour la défense – puis de mesurer combien de ces innovations ouvertes irriguent nos armées.
Au sein de l'AID, l'Innovation défense lab commence à trouver sa place. Nous pourrions d'ailleurs y organiser une réunion décentralisée de la commission de la défense. C'est un lieu moderne, qui doit assurer la visibilité, au sens marketing du terme, de la DGA auprès des start-up et des PME. Le plateau conjoint DGA-état-major, inauguré la semaine dernière à Balard, montre bien la volonté d'un travail conjoint d'innovation au service des forces armées.
Je passe aux crédits alloués aux instituts de recherche. Vous connaissez tous l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) et l'Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL). L'ONERA est un institut de recherche du ministère dans le domaine aérospatial. Son budget est fixé à 105,7 millions d'euros, soit un million d'euros de plus qu'en 2019. Sa soufflerie, à Modane, a été complètement rénovée suite à des effondrements – comme cela a été évoqué ici au cours des années passées. Le chantier est désormais terminé. Je suis, je l'avoue, assez inquiet de la situation de l'ONERA : il rassemble des compétences critiques dans le domaine aérospatial, mais le nombre considérable de départs à la retraite, auquels, fait encore plus inquiétant, se sont ajoutées près de trente démissions de personnels recrutés depuis moins de trois ans, traduit un réel problème de positionnement. Je m'y pencherai l'an prochain, mais je préconise d'ores et déjà une révision du contrat d'objectifs et de performance. L'office, comme l'ISL, rencontrent des difficultés en termes de rémunération de leurs personnels. Ainsi, à l'institut, les rémunérations des chercheurs allemands sont plus élevées que celles des chercheurs français. À l'ONERA, le différentiel de rémunération est de 300 euros en moyenne avec la DGA.
Des écoles d'ingénieurs sous la tutelle du ministère sont également hébergées dans le programme 144. La création de l'Institut polytechnique de Paris va regrouper sur le plateau de Saclay l'École polytechnique, l'École nationale supérieure des techniques avancées, l'École nationale de la statistique et de l'administration économique, Télécom Paris et Télécom Paris Sud. L'institut bénéficiera de 2,4 millions d'euros du ministère des armées et de 1,6 million d'euros du ministère de l'économie. Je serai attentif à son évolution, d'autant qu'il s'est désolidarisé du nouveau pôle universitaire du plateau de Saclay, issu de la fusion de trois universités. Il est important qu'il conserve des relations fortes avec ce tissu académique – c'était une des raisons de mettre en place cette opération d'intérêt national (OIN).
Pour finir, j'évoquerai la recherche biomédicale des armées. Elle représente un budget de trois millions d'euros – à comparer au 1,7 milliard d'euros du programme. On pourrait légitimement se demander quel est l'intérêt de préserver une recherche spécifique aux armées – je m'étais moi-même posé la question. Mais lorsqu'on visite l'Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et que l'on discute avec les chercheurs, on se rend compte que l'armée a des besoins très spécifiques. La recherche biomédicale de défense se concentre sur la prévention et le maintien de la santé des militaires, confrontés en opérations à des conditions d'emploi peu fréquentes dans la vie civile : exposition aux accélérations des pilotes d'avion, immersion de très longue durée dans des eaux froides ou très chaudes pour les nageurs de combat, utilisation de systèmes d'armes complexes avec une surcharge informationnelle et environnementale dans un environnement hostile, exposition à des climats extrêmes – pensons à nos troupes au Mali –, cycles de sommeil très irréguliers, risques liés aux armes non conventionnelles, nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC)… Cette liste n'est pas exhaustive. En outre, l'IRBA effectue des recherches sur la multi-exposition des forces à ces facteurs de risque, ce qui n'est pas le cas de la recherche civile qui travaille davantage en silos.
Cette recherche biomédicale contribue également à la résilience nationale, notamment dans le domaine des risques NRBC. Le service de santé des armées est le seul à avoir l'autorisation de fabriquer certains médicaments dans sa pharmacie centrale. Enfin, malheureusement, ces dernières années, le service de santé des armées, dont l'IRBA, ont aussi été beaucoup sollicités au moment des attentats, compte tenu de son expertise en matière de blessés de guerre. Lorsque la France a été attaquée, il a fallu réagir et soigner des polytraumatisés.
Je reviendrai sur l'analyse cognitive dans un prochain avis, mais la surcharge informationnelle de nos combattants, liée au numérique, nécessite de travailler très en amont afin de les aider à traiter ces informations beaucoup plus nombreuses que par le passé.
L'IRBA n'est pas seul à pratiquer des activités de recherche. Il ne faut pas oublier tout l'écosystème qui l'entoure avec les huit hôpitaux d'instruction des armées ou le centre de transfusion sanguine des armées, qui a mis au point le plasma lyophilisé. Ils sont tous au service de la santé des soldats, vont sur le terrain, échangent avec les services médicaux en opérations extérieures (OPEX) pour y tester leurs expérimentations.
Cette recherche qui s'effectue en collaboration avec de nombreuses entités civiles, trouve pleinement sa place dans le budget du programme 144, sur lequel je vous demande de bien vouloir émettre un avis favorable.
la DGRIS assure la contribution de la France au titre de la présence des forces armées stationnées, notamment à Djibouti pour laquelle le budget est d'environ 26 millions d'euros. Les Chinois, puissance stratégique rivale émergente, y sont également présents depuis un an. Le sujet est sensible, d'autant qu'ils s'installent ailleurs dans le monde. Pensez-vous que les moyens budgétaires alloués sont satisfaisants pour assurer notre présence et notre influence à l'étranger ?
La semaine dernière avait lieu à l'École militaire un colloque sur le « soldat augmenté », avec la réflexion éthique qui en découle. Avec ce soldat, nous ne touchons pas seulement à la place de l'homme dans son environnement : nous manipulons la nature même de l'homme. Le meilleur côtoie le moins bon, mais il n'est jamais utile ni souhaitable de refuser les révolutions technologiques, comme le battlefield super soldier suit, prototype d'uniforme qui permet d'administrer directement des médicaments aux soldats. Cela leur confère un avantage militaire certain, en augmentant leur vigilance ou en diminuant leur stress, par exemple. L'innovation de défense travaille-t-elle sur ces sujets ?
Les programmes d'études amont (PEA) de la marine, comme ceux de l'armée de terre, seront dotés l'an prochain de 50 millions d'euros. Vous avez souligné l'inquiétude de l'armée de terre. Pour ma part, je suis inquiet pour la marine… Cinquante millions d'euros, est-ce suffisant pour financer les études d'un futur porte-avions ?
Quelles sont vos préconisations concernant les compensations industrielles (« offsets ») pour nos PME à l'étranger ? Le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) a publié un guide à leur attention sur ce thème et ces dernières demandent régulièrement plus de transparence sur les coefficients multiplicateurs, un accès aux grilles offset, le soutien d'un médiateur, etc.
La dernière partie des propos du rapporteur m'a particulièrement intéressée, du fait des travaux scientifiques que j'ai menés au cours de mon ancienne vie professionnelle. Il est regrettable que cette recherche ne soit pas plus directement transposée dans les applications industrielles. Cela aurait par exemple évité la charge cognitive et physique à la limite du raisonnable des premiers systèmes FÉLIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés), au point de rendre des matériels militaires inutilisables. Comment faire pour que cette recherche fondamentale dans le domaine militaire soit intégrée à l'élaboration de nouveaux matériels afin d'en améliorer l'ergonomie ?
Je salue la continuité de l'effort porté sur le renseignement. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : + 14 % en autorisations d'engagement. C'est la clé de la souveraineté et de la sécurité de la France.
Le budget de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense connaît une progression importante. Avant même les événements à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, la gestion des habilitations était sensible car elle est au coeur de la détection des vulnérabilités de nos personnels. Avez-vous pu vous assurer que les moyens de la DRSD sont cohérents avec ses missions de plus en plus nombreuses, du fait de recrutements qui vont croissant, tout comme le besoin de protection de nos personnels ?
La DGRIS s'est largement réorganisée au cours des dernières années Notre implantation internationale, dans les bases et les ambassades, est suffisante. En outre, la hausse du budget démontre notre volonté de maintenir notre influence stratégique à l'international.
Concernant l'éthique, la ministre a souhaité créer un conseil d'éthique dédié aux armées. Les nouvelles technologies – intelligence artificielle, reconnaissance faciale, nouvelles armes, etc. – doivent nous conduire à nous poser des questions et à rester extrêmement vigilants : dans quelles situations nos soldats doivent-ils utiliser ces nouvelles technologies ? Quel est leur impact sur la population ? Je salue la décision de la ministre : c'est effectivement le chemin qu'il faut prendre. Et cela ne se limite pas au seul secteur de la défense : pour l'intelligence artificielle notamment, la plus grande vigilance éthique s'impose.
S'agissant des PEA, évitons les querelles budgétaires. En comparaison des grands consommateurs habituels, le terrestre est effectivement en retrait. Il faudra y être attentif.
Vous avez entièrement raison concernant les offsets : c'était d'ailleurs la troisième recommandation du rapport du groupe d'études « industrie de défense ». Vous l'avez mentionné, une des pistes envisagées est le recours au médiateur des entreprises du ministère des finances. La DGA a noué des contacts avec lui et recherche des personnels du ministère des Armées – mieux à même de comprendre les marchés de défense – afin qu'ils deviennent eux-mêmes médiateurs. C'est en très bonne voie, même si cela ne va peut-être pas aussi rapidement que nous le souhaiterions.
Monsieur Son-Forget, vous avez évoqué à juste raison le problème de la charge cognitive et le cas du programme FÉLIN. Désormais, ces études sont incluses dans les demandes de l'état-major ; c'est un saut gigantesque. L'analyse de la charge cognitive est déclinée dans le plan d'études stratégiques d'innovation de l'état-major, avant toute décision, et l'IRBA y contribue. Je vous invite à aller visiter son laboratoire dédié à la recherche cognitive, c'est tout à fait passionnant.
Enfin, le renseignement est effectivement la clé de notre souveraineté. C'est ce qui explique la progression exceptionnelle de 49 % du budget de la DRSD. Il s'agit de mettre en place une base de données améliorée afin de gérer l'ensemble des habilitations, qui sont effectivement en croissance très forte. Lorsqu'elle sera opérationnelle, la nouvelle base pourra répondre de manière satisfaisante aux demandes.
Je vous remercie pour cet excellent exposé et vous propose d'arrêter nos travaux pour les reprendre à quinze heures avec l'avis budgétaire sur la gendarmerie, sur le rapport de Mme Aude Bono-Vandorme. Nous passerons ensuite aux exposés des groupes puis à l'examen des amendements et aux votes sur les crédits des trois missions.
La séance est levée à douze heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Louis Aliot, M. Didier Baichère, M. Xavier Batut, M. Thibault Bazin, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Stanislas Guerini, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, M. Jean-François Parigi, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Thierry Solère, M. Joachim Son-Forget, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Stéphane Travert, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Pierre Venteau, M. Charles de la Verpillière
Excusés. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Florian Bachelier, M. Stéphane Baudu, M. Olivier Becht, M. Sylvain Brial, M. Alexis Corbière, M. Richard Ferrand, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Gilles Le Gendre, M. Franck Marlin, M. Patrice Verchère
Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Arnaud Viala