Le Planning familial est une association nationale regroupant de 71 associations départementales implantées sur une grande partie du territoire français métropolitain et Outre-mer. Nous avons des associations à Mayotte, à La Réunion, et en Guyane, et deux associations partenaires en Martinique et en Guadeloupe. Il y a une problématique spécifique en Outre-mer où nos associations sont très mobilisées sur la question des violences.
Nous sommes une association d'accueil généraliste sur les questions de sexualité, notamment de contraception et d'avortement ; nous faisons aussi beaucoup d'éducation à la sexualité. Nous gérons aussi le numéro vert sexualité contraception avortement. Les personnes viennent nous voir de façon volontaire, anonyme et confidentielle, pour aborder des questions de sexualité, de contraception, d'avortement ; quelquefois elles viennent pour des faits de violences mais, le plus souvent, il ne s'agit pas du motif initial de leur demande. Je ne dis pas que cela n'arrive jamais mais les violences ne sont le motif de la première démarche que dans 2,5 % des cas. La question des violences apparaît généralement dans un second temps, mais après celle du rapport non protégé, après la peur de la grosses ou de la contamination par une infection sexuellement transmissible (IST).
Tous nos personnels sont formés au dépistage des violences qui est absolument fondamental. Quand des personnes viennent pour un avortement, il est par exemple important de savoir si le rapport non protégé était consenti ou non. À ce moment-là nous pouvons avoir des révélations. Nous proposons un accueil direct en permanence ; nous organisons aussi des groupes de parole.
Nous avons mis en place un important travail de réseau sur cette question des violences parce que nous ne pouvons pas travailler seuls sur ce sujet. J'évoquais les groupes de parole qui sont souvent l'occasion de révéler des violences. Nous avons par exemple développé un programme « genre et santé sexuelle » qui permet à des femmes de parler de questions de sexualité, mais aussi du coût des rapports au sein du couple. Nous avons le programme « Handicap, et alors ? » qui permet d'aborder les questions de violences au sein du couple, mais aussi les violences institutionnelles qui sont vécues par les personnes en situation de handicap.
Dans nos actions d'éducation à la sexualité auprès des jeunes, et des moins jeunes, nous essayons de prévenir les violences, toutes les formes de violences, sexistes et sexuelles ; mais elles peuvent aussi donner lieu à des révélations sur des violences vécues. Le terme de « violences conjugales » nous dérange un peu, parce que nous avons vraiment le sentiment que les violences au sein du couple peuvent s'instaurer très tôt et chez de jeunes couples. Lorsque nous travaillons avec des jeunes, nous nous rendons compte que s'installent rapidement des rapports de domination, des situations qui sont hélas considérées comme normales au sein du couple avec des phrases comme « si je refuse ce qu'il me demande, il va me quitter ». Ce phénomène commence très tôt et il faut donc agir le plus en amont possible pour prévenir ces comportements.
Nous avons signé en 2013 la convention avec le 3919 portant notamment sur les réorientations. Je vous rejoins sur le fait qu'il est important de renforcer ce numéro vert ; mais il faut aussi être en mesure d'apporter des réponses dans les structures vers lesquelles les appelantes sont orientées. Dans les territoires, nous peinons à répondre efficacement faute de places d'hébergement ou tout simplement faute de pouvoir accueillir les personnes. Je pense notamment à des territoires ruraux, mais aussi aux territoires d'Outre-mer où existent des situations de précarité et d'isolement et où il est très difficile de rester anonyme et de faire en sorte qu'on ne sache pas où vous êtes. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a d'ailleurs publié un rapport intitulé « Combattre les violences faites aux femmes en outre-mer » ; je vous en ai apporté un exemplaire car je pense utile que vous puissiez en prendre connaissance.
Le Planning familial a aussi contribué et continue à contribuer à la formation de professionnels, et notamment des professionnels de santé essentiellement sur les questions de dépistage et sur les questions d'accueil des violences. Ces formations sont à renouveler en permanence et peuvent se résumer à une action ponctuelle. Dans de nombreuses structures, les acteurs changent régulièrement. Je pense par exemple à une commissaire de police avec qui nous avons fait un travail incroyable et, de ce fait, l'accueil des femmes s'était beaucoup amélioré. À son départ l'ambiance du commissariat change et l'accueil n'est plus du tout le même. Cela veut dire que ces situations dépendent beaucoup des personnes. Il faut donc veiller à renouveler en permanence les formations pour que tous les personnels intègrent ces enjeux. L'effort doit se faire évidemment lors des formations initiales mais il faut aussi le faire en formation continue et de façon régulière.
Ces formations aident à construire un réseau et un maillage sur un territoire donné ; nous le voyons bien avec les professionnels de santé. Quand on arrive à travailler et à faire travailler ensemble des professionnels qui se font confiance, qui se rencontrent, qui savent vers qui ils peuvent orienter les femmes, ce qu'on va pouvoir leur proposer, à quel professionnel spécialisé les adresser, on constate une réelle amélioration de l'accueil et de l'orientation. À l'inverse, quand les professionnels travaillent en silo, les problèmes sont légion. Au sein du Planning de Lille, nous avons par exemple créé des formations communes à des personnels des unités médico-judiciaires (UMJ), à des professionnels de santé, à des policiers et à des travailleurs sociaux. Ces rencontres et ce travail pluridisciplinaires ont montré leur utilité.
Je crois qu'il faut également se demander comment on accueille toute violence comme un fait de violence et sans chercher à la minimiser. Les victimes entendent encore trop souvent qu'il ne faut pas s'inquiéter, que « ça va passer ». La question des violences fait peur, y compris à des médecins ou des travailleurs sociaux. On préfère parfois ne pas voir les violences ou les minimiser, faute de savoir y répondre et d'apporter une réponse adaptée. La formation permet de lever cette difficulté ; c'est l'intérêt du travail en réseau qui apporte un réel soutien à tous les professionnels.
Nous sommes en difficulté pour l'hébergement. Faire partir une femme de chez elle ne peut pas être la seule solution. Il faut voir comment la victime vit les choses et comment elle veut les vivre. La question de l'éviction du conjoint violent est largement insuffisamment traitée aujourd'hui. Les dispositifs existants ne sont pas suffisamment mis en oeuvre parce que les gens ne les connaissent pas bien, parce qu'on ne sait pas très bien comment faire et parce qu'on n'a pas toujours le courage ou la formation pour le faire.
On parle beaucoup de violences au sein des couples hétérosexuels, mais je pense qu'il faut se poser aussi la question des violences au sein des couples LGBT parce que les rapports de domination s'installent de la même façon. Ce sont aussi des violences qui sont difficiles à reconnaître, à dire et à envisager de la part de certains professionnels. Il faut donc envisager la notion de couple au sens large.