Le budget pour 2020 de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances augmentera de 6,7 % par rapport au budget 2019, ce qui représente près de 1,6 milliard d'euros de crédits supplémentaires et un total de 25,5 milliards.
Cette évolution positive correspond aux annonces faites par le Gouvernement dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale. Il est prévu de consacrer 8,5 milliards d'euros à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes d'ici à 2022. Je tiens à insister sur ce point, car il faut donner les mêmes chances de réussite à tous les jeunes et à tous les enfants, quels que soient les origines, les quartiers et les catégories sociales.
Malgré les annonces et les dispositions prises jusqu'à présent, les conditions de vie des personnes les plus précaires ne se sont pas améliorées. Selon une estimation de l'INSEE, le taux de pauvreté aurait même augmenté de 0,6 point – il serait passé à 14,7 % de la population française.
Toutes les actions du programme Inclusion sociale et protection des personnes seront en hausse. Néanmoins, l'évolution globale des crédits s'explique principalement par l'augmentation du montant de la prime d'activité, qui représente plus de 90 % des moyens du programme.
La revalorisation de 90 euros qui a été décidée n'est pas forfaitaire et appliquée à chaque allocataire : elle est progressive pour ceux qui perçoivent entre 0,5 et 1 SMIC puis plafonnée à 90 euros entre 1 SMIC et un peu plus de 1,5 SMIC. Les ménages qui ont les salaires les plus faibles ne sont donc pas tous concernés par la revalorisation de la prime, ou ils le sont peu. Qui plus est, la prime d'activité ne sera pas indexée sur l'inflation, comme c'est déjà le cas cette année, ce qui conduira à une baisse du pouvoir d'achat pour les ménages. Comment remédier, mesdames les secrétaires d'État, à cette situation surprenante ?
J'aimerais également revenir sur l'action Qualification en travail social, dans le cadre de laquelle se poursuit une réflexion en profondeur sur l'évolution du travail social afin de répondre aux nouveaux besoins sociaux, comme à ceux que l'on constatait déjà auparavant. Les crédits étant en baisse depuis plusieurs années, on peut s'interroger sur la possibilité d'assurer une amélioration de la qualité des formations, qui est un objectif ambitieux mais nécessaire. Au-delà des annonces, quelles sont vraiment les intentions du Gouvernement si vous ne prévoyez pas les moyens indispensables ?
Comme l'année dernière, c'est surtout le volet relatif au handicap qui est mis en exergue dans ce budget, avec le parachèvement de l'augmentation du montant de l'AAH, qui était étalée sur trois ans. La Cour des comptes a récemment posé la question de la soutenabilité du dispositif compte tenu de la progression du nombre d'allocataires – j'espère que nous pourrons continuer à le financer. Si l'on peut se satisfaire de la revalorisation de l'AAH, dont le montant sera porté à 900 euros par mois à partir du 1er novembre prochain, je regrette que d'autres mesures aient pour effet d'atténuer cette hausse, notamment la disposition relative au plafond de ressources pour les couples, qui tend à enlever l'AAH à un certain nombre de personnes, et la suppression du complément de ressources. Peut-on accroître encore les efforts budgétaires, madame la secrétaire d'État, afin de mieux anticiper le nombre réel des allocataires et surtout de porter enfin le montant de l'AAH au niveau du seuil de pauvreté – soit 1 026 euros par mois pour une personne seule ?
Je voudrais évoquer, une fois de plus, la question de l'inclusion scolaire des enfants en situation de handicap, qui est également chère à Gilles Lurton. Vous affichez une ambition en la matière, mais les moyens ne sont pas encore à la hauteur des besoins. N'oublions pas les établissements spécialisés, notamment les instituts médico-éducatifs, le manque de places et les enfants qui se trouvent sans solution d'accueil, pour le plus grand désarroi des parents que nous recevons.
Les attentes sont également grandes en matière de dépendance. Pourtant, le « bleu » budgétaire reste peu concerné par cette question : les seules réponses figurent dans le PLFSS, qui prévoit une hausse des crédits de 500 millions d'euros. Alors que le secteur sanitaire et le secteur médico-social sont sous tension – nous traversons une crise dans les services d'urgence et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, où les professionnels se heurtent à des difficultés croissantes pour exercer leurs missions –, ce n'est qu'une timide mise à niveau. Les besoins se chiffrent en milliards d'euros. Le rapport de Mme El Khomri sur les métiers du grand âge préconise de mobiliser 825 millions d'euros par an afin d'embaucher des milliers de salariés supplémentaires et de mieux les rémunérer. Nous attendons avec impatience la future loi sur l'autonomie : il faut trouver des solutions pour les aidants, pour rénover les maisons de retraite et pour organiser l'investissement nécessaire à la prise en charge du grand âge.
S'agissant de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, j'aimerais revenir sur la contractualisation entre l'État et les départements, qui sont les chefs de file en matière d'action sociale dans les territoires. C'est une approche novatrice qui vise à mobiliser des moyens renforcés au service d'objectifs définis en commun. Je veux saluer non seulement l'augmentation des montants alloués dans le cadre de la contractualisation mais aussi le climat de collaboration entre les acteurs concernés et la méthode choisie. Pourriez-vous, mesdames les secrétaires d'État, faire un bilan des conventions qui ont été conclues, notamment du point de vue de l'ASE, et nous préciser les missions des hauts-commissaires à la lutte contre la pauvreté ?