Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille, rapporteur spécial (Environnement et prospective de la Défense et Équipement des forces) :

Je vais compléter les propos d'Olivier Gaillard en parlant des programmes 144 et 146 avec un éclairage un peu différent. Je développerai trois points qui me paraissent positifs, deux points qui me paraissent mériter notre vigilance, sinon notre inquiétude, et terminerai par deux remarques, l'une sur la maquette budgétaire, l'autre, plus général, sur notre effort de défense.

Parmi les points positifs, nous ne pouvons pas nier que l'année budgétaire 2020 est totalement conforme à la prévision de la LPM – nous pourrions chipoter à 100 millions près, mais ce n'est pas le sujet.

Globalement, la trajectoire budgétaire de la LPM est maintenue avec des crédits qui s'élèvent à 37,5 milliards et une hausse de 4,5 %. Pour le programme 144, la hausse est de 4,9 % et porte les crédits à 1,54 milliard d'euros. Pour le programme 146, la hausse est de 15,6 % et porte les crédits à 12,58 milliards. Il s'agit du premier aspect positif.

Second point indéniablement positif, nous poursuivons la sincérisation de la budgétisation des OPEX. Nous allons monter à 1,1 milliard d'euros et nous approcher du budget réel des OPEX qui est de 1,3 ou 1,4 milliard. Tout le monde était d'accord là-dessus.

Autre point que je considère comme intéressant, la maquette budgétaire évolue, notamment s'agissant du programme 146 où sont intégrées les dépenses d'infrastructures qui relèvent des nouveaux équipements, ce qui est parfaitement logique et ce qui donne une meilleure lisibilité du coût de ces équipements.

Enfin, conformément à la volonté ministérielle, le budget distingue une sous-action Maîtrise de l'espace qui correspond à un nouvel objectif du pays. Il est bien de pouvoir le suivre financièrement.

Le premier point de vigilance est la lancinante question de la fin de gestion. Les années passent et se ressemblent. Il est difficile de porter un jugement totalement satisfaisant sur le budget pour 2020 tant que l'on ne connaît pas véritablement la fin de gestion. Pour la défense c'est même un sujet très important et récurrent.

Dans son effort de sincérisation, le Gouvernement pourrait peut-être aller un peu plus loin. La question sera réglée dans quinze jours lorsque sera déposée la loi de finances rectificative (LFR). Il serait donc intéressant que nous puissions disposer des informations sur le dégel des crédits et sur la façon dont sera géré le surcoût des OPEX : y aura-t-il un financement interministériel ou pas ? A-t-on une idée d'un sujet très important, celui du report de charges ? Si la commission des finances était informée, nous aurions un débat certainement plus sincère et certainement aussi plus utile. Il s'agit du premier point de vigilance. J'invite le Gouvernement à avancer en la matière et à ne pas nous faire la surprise de la LFR chaque année ou, à défaut, à livrer quelques informations.

Deuxième point, le niveau préoccupant atteint par les autorisations d'engagement. Fin 2020, nous en serons sans doute à 104 milliards d'euros, dont 65,4 milliards sur le programme 146. Nous sommes donc en train de reconstituer une « bosse ». La version optimiste consiste à dire que cela est conforme à la loi de programmation militaire. En effet, à partir de 2023, les échéances d'augmentation du budget de la défense seront des « marches » de 3 milliards d'euros.

J'attire votre attention sur le fait que ce serait du jamais vu. C'est pourquoi nous devons à nouveau nous poser la question de la crédibilité budgétaire de la ligne qui a été fixée. Je pense qu'un lissage serait plus raisonnable. À défaut, nous nous retrouverons dans quelques années dans une situation extrêmement difficile.

Ce niveau d'engagement signifie aussi que les prochains gouvernements n'auront aucune marge de manoeuvre. Tous les crédits seront déjà en quelque sorte fléchés. Or, l'expérience nous a appris qu'en matière de défense l'apparition de nouvelles menaces peut nous amener à changer quelque peu les orientations. Il y a un problème budgétaire et un problème de réflexion sur notre outil de dépenses qui risque d'être très conditionné.

Bref, nous nous dirigeons vers des budgets totalement rigidifiés. Ce problème budgétaire doit nous amener à réfléchir sur le risque d'avoir un outil de défense très conditionné.

J'en viens à l'évolution de la maquette. Il serait souhaitable que l'on dispose d'un programme où soit clairement identifié l'effort consacré au renseignement. Le renseignement est une priorité qui intéresse tout le monde et les efforts du Gouvernement sont significatifs. Or, ce domaine est aujourd'hui réparti entre quatre programmes. Le débat budgétaire gagnerait en lisibilité avec un programme unique. Il en va de même pour la cyberdéfense, le maintien en condition opérationnelle (MCO), ou l'Agence de l'innovation de défense.

En dernier lieu, j'invite mes collègues à réfléchir sur notre effort de défense. Celui-ci est important : des marges de 1,7 milliard d'euros, ce n'est pas rien, plus de 37 milliards de budget, ce n'est pas rien. Le Gouvernement et la majorité sont fondés à qualifier l'effort de significatif.

Pour autant, nous sommes à 10 milliards d'euros en dessous du budget de la Grande-Bretagne. Nous faisons comme si nous étions devant l'Allemagne. Effectivement, en termes de produit intérieur brut (PIB), l'Allemagne est à 1,2 %. En revanche, en valeur absolue, l'Allemagne est maintenant à 4 milliards au-dessus de notre budget. Je pense qu'il faut réfléchir à cet aspect des choses.

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