Intervention de Dominique David

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique David, rapporteure spéciale (Création ; Transmission des savoirs et démocratisation de la culture) :

Cela fait exactement 50 ans qu'André Malraux a inauguré la Maison de la Culture d'Amiens ; 50 ans que la politique culturelle de la France a commencé à s'ouvrir à notre territoire ; 50 ans que Malraux a prononcé ces mots qui résument si bien l'enjeu central de notre politique culturelle : « il n'est pas vrai que qui que ce soit au monde ait jamais compris la musique parce qu'on lui a expliqué la Neuvième Symphonie ; que qui que ce soit au monde ait jamais aimé la poésie parce qu'on lui a expliqué Victor Hugo ; aimer la poésie, c'est qu'un garçon, fût-il quasi illettré, mais qui aime une femme, entende un jour ces vers : “lorsque nous dormirons tous deux dans l'attitude que donne aux morts pensifs la forme du tombeau” et qu'alors il sache ce qu'est un poète ».

Vous voyez bien que la culture n'est pas une affaire de verticalité. C'est une rencontre. La fonction même de notre politique culturelle est de favoriser ces rencontres, en particulier dans les territoires qui en sont les plus éloignés.

Mes chers collègues, à la lecture de ce budget, les chiffres – qui manquent cruellement de poésie, sauf quand ils sont en hausse – décrivent parfaitement cette ambition. C'est une bonne nouvelle pour nos concitoyens et pour nos territoires. Cette priorité se manifeste par l'augmentation des crédits alloués à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture, qui s'établissent à 508 millions d'euros pour 2020.

Ils progressent de 33 millions d'euros cette année. Ces nouveaux moyens vont financer des dispositifs qui sont le fer de lance de notre politique culturelle en faveur des territoires : la montée en puissance du Pass Culture qui reçoit 10 millions d'euros supplémentaires, pour un total de 39 millions d'euros ; 4 millions d'euros qui permettront de financer le volet « offrir plus » du plan bibliothèque ; 3 millions d'euros qui seront consacrés au déploiement des microfolies, avec pour objectif de passer en seulement 2 ans de 300 implantations à plus de 1 000 sur le territoire hexagonal et ultra-marin ; 2 millions d'euros supplémentaires pour le projet Démos porté par la Philharmonie de Paris : un projet exemplaire de démocratisation de la pratique musicale, qui s'adresse à des enfants issus de quartiers relevant de la politique de la ville ou de zone rurale ; l'extension de l'éducation artistique et culturelle à l'ensemble des élèves de primaire et de collège, avec des moyens renforcés. Ce sont, par exemple, de belles initiatives comme « l'orchestre à l'école » ou le « plan chorale ».

Depuis le début de mes travaux sur cette mission budgétaire, deux constats me préoccupent particulièrement : le relatif défaut de pilotage des opérateurs et la concentration des moyens en Île-de-France.

Concernant le pilotage, il faut savoir que 34 % des crédits de la mission financent des opérateurs – par exemple l'Opéra de Paris ou la Comédie Française. Je l'avais souligné lors du Printemps de l'évaluation, ces opérateurs sont encore trop nombreux à n'avoir signé aucun contrat d'objectif et de performance.

Je crois qu'il faut essayer de dépasser la caricature qui consiste à dire que deux mondes – celui des artistes et celui de l'administration – ne pourraient pas se comprendre. C'est pourquoi j'attends avec impatience les conclusions de la mission que le ministère a confiée à Jean-François Hébert, intitulée « Repenser la fonction de tutelle des opérateurs et organismes dans un sens plus stratégique et moins gestionnaire ».

Deuxième constat : les crédits de la mission bénéficient pour une large part à Paris et à l'Île-de-France. D'après les chiffres du ministère, 59 % des crédits de la mission sont exécutés dans la région francilienne. S'agissant des opérateurs, ce taux s'élève à 84 %. Là encore, il y a le poids de l'histoire, et même la volonté de décentralisation, qui a permis de donner un vrai dynamisme à l'échelle locale. Toutefois, la politique culturelle de l'État doit continuer à irriguer les territoires et à résorber la fracture territoriale.

Ce rôle stratégique de l'État est indispensable. Imaginez qu'un jour, certains élus locaux choisissent, pour des raisons politiques et au service d'une ligne plus radicale, de fermer les portes des théâtres, ou de restreindre l'offre culturelle…

C'est pour cela que je salue l'action du ministère qui vise dès janvier 2020 à rapprocher la prise de décision au plus près des citoyens, en déconcentrant dans les DRAC la gestion d'une soixantaine de dispositifs jusque-là gérés par l'administration centrale. Je salue aussi la volonté de renouveler le dialogue avec les collectivités locales en renforçant les partenariats et en intégrant dans la prochaine génération des contrats de plan État-régions un volet culturel.

Démocratisation, déconcentration, partenariat : tout cela va dans le bon sens et je vous demanderai d'encourager cette volonté de rapprocher la culture de nos concitoyens et des territoires en votant le budget 2020 de la mission.

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