Intervention de Gilles Carrez

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez :

Je soutiens le rapporteur général. Je pense que mon nom a été inscrit par erreur sur l'amendement de suppression.

Je suis à l'origine d'une demande de rapport à la Cour des comptes en 2018 en la matière. En tant que rapporteur spécial sur les crédits du patrimoine, j'ai constaté des abus manifestes, non pas sous forme de détournements, mais par une utilisation excessive du mécénat d'entreprise, à cause de la conjonction de plusieurs phénomènes.

Le premier découle de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite loi Aillagon. Celle-ci était absolument indispensable, car notre pays accusait un très gros retard en la matière. Le dispositif mis en place était donc extraordinairement généreux pour encourager le mécénat. L'étude d'impact de la loi évaluait le coût du mécénat d'entreprise à 200 millions d'euros par an au maximum ! Mais c'était sans compter d'autres dispositions favorables, comme la possibilité pour les fondations d'entreprise de porter le nom de l'entreprise fondatrice ou le fait que, deux ans après l'adoption de la loi Aillagon, on a favorisé la création de fondations.

Le système fiscal extraordinairement favorable, conjugué avec ces facilités de création de fondations, puis avec la création des fonds de dotation, est à l'origine de l'effet boomerang que nous constatons et qui est parfaitement illustré dans le rapport de la Cour des comptes par l'exemple de la Fondation LVMH. Allez la visiter au bois de Boulogne, c'est extraordinaire ! Mais vous ne saurez jamais que le contribuable français a payé 60 % de la facture ! À l'origine du projet, il y a quinze ans, le coût de la fondation était évalué à 100 millions d'euros. Elle a finalement coûté 900 millions, dont le contribuable a payé 60 %. Or il n'y en a trace absolument nulle part ! Le Louvre a commencé à s'inquiéter lorsque des expositions ont été organisées, avec des moyens extraordinaires, car elles bénéficient aussi de la réduction fiscale de 60 %… Je ne nie pas l'intérêt du mécénat, mais cet exemple, dans le domaine culturel, est saisissant.

Le rapport de la Cour des comptes est excellent. Il démontre que 44 % de la dépense fiscale est accaparée par vingt-quatre entreprises. Cette hyperconcentration pose question. Si l'on diminue ces avantages qui se sont accumulés, les grandes entreprises vont-elles cesser de pratiquer le mécénat ? Je ne le crois pas. Avec le rapporteur général et le président de la commission des finances, nous avons créé un groupe de travail sur ce sujet et procédé à des auditions qui ont permis d'établir le diagnostic énoncé par le rapporteur général.

À titre personnel, plutôt que de prévoir deux taux, l'un à 40 %, l'autre à 60 %, j'aurais choisi un taux unique à 50 %, mais ce n'est pas le sujet. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser dériver des dépenses fiscales dont le montant a été multiplié par quatre ou cinq en quelques années et sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle.

Dans le secteur de la culture, la dépense fiscale est exactement équivalente à la dépense budgétaire ! Le ministère de la culture, se rendant compte qu'il n'avait pas suffisamment de crédits budgétaires, a multiplié les dépenses fiscales, pour le cinéma ou d'autres politiques. On ne peut pas, d'un côté, être très rigoureux dans la gestion des crédits budgétaires et, de l'autre côté, laisser les vannes des dépenses fiscales complètement ouvertes. Je soutiens donc l'article 50.

Monsieur le président, entre 2007 et 2012, souvenez-vous, nous avons essayé de maîtriser cette dépense, en collaboration avec le ministre du budget de l'époque, mais des forces particulièrement puissantes nous en ont empêchés… Enfin, les dons du « périmètre Coluche » ne sont pas concernés.

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