Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons clôt une année fiscale particulière au cours de laquelle, à la suite de la crise des gilets jaunes, d'importantes mesures en faveur du pouvoir d'achat ont été prises.
L'année 2020 sera celle de la baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu, de la réindexation des pensions de retraite de moins de 2 000 euros sur l'inflation et de l'exonération totale de taxe d'habitation pour 80 % des ménages, mesure compensée par la réforme de la fiscalité locale. Selon la Banque de France, tout cela représentera, l'an prochain, un gain de pouvoir d'achat de 2,3 % par habitant, sans oublier les allégements de cotisations patronales sur les bas salaires jusqu'à 1,6 SMIC, disposition entrée en vigueur le 1er octobre, et, pour les plus fragiles, la revalorisation de 4,6 % de l'allocation adulte handicapé qui, depuis le 1er novembre, est passée de 860 à 900 euros.
Ces mesures traduisent l'écoute dont le Gouvernement et le Parlement ont fait preuve à l'égard des revendications sociales exprimées l'hiver dernier. Elles représentent, pour le budget de l'État, un coût de plus de 10 milliards d'euros.
En réponse à cette situation exceptionnelle, le présent PLFR comporte des mesures limitées à l'exercice en cours tout en excluant, pour la deuxième année consécutive, tout décret d'avance : c'est là un gage de sérieux budgétaire.
Dans ce cadre, le PLFR entérine le financement, à hauteur de près de 3 milliards d'euros, de dépenses engagées en 2019 : 800 millions en faveur de la prime d'activité ; 600 millions pour mener à bien la réforme des aides personnalisées au logement et permettre leur versement en temps réel ; 300 millions liés à la prime de conversion et au bonus écologique.
Les actualisations économiques qui fondent ce projet de loi reposent sur des objectifs que le Haut Conseil des finances publiques estime atteignables, notamment en ce qui concerne la croissance, la consommation des ménages ou encore les rentrées fiscales, lesquelles ont constitué une bonne surprise au cours des deux dernières années.
On peut saluer, en ce sens, l'initiative du Gouvernement, et en particulier de Gérald Darmanin, d'avoir défendu le prélèvement à la source, dont l'opposition nous prédisait l'échec et qui constitue une vraie réussite sans induire d'augmentation d'impôts. Cependant, la sensibilité du groupe MODEM aux impératifs de bonne gestion publique dans l'exercice du pouvoir de contrôle qui est celui du Parlement me conduit à exprimer certaines interrogations, pour ne pas dire certaines craintes.
La première interrogation concerne l'augmentation de la dépense publique enregistrée dans ce PLFR. Même si elle est conforme aux prévisions de la loi de finances initiale, cette augmentation inclut une forte hausse des dépenses d'investissement des collectivités locales, de plus du double de ce qui était initialement prévu, à savoir 15 % au lieu de 8 %.
La seconde interrogation concerne l'incertitude qui pèse sur les recettes fiscales et sur la croissance. En effet, si les prévisions de croissance semblent étayées par un contexte dynamique de création d'emplois – lequel devrait conduire à ramener le taux de chômage à 7,9 % d'ici à la fin de 2021 – ainsi qu'à une tendance à la hausse des salaires, la consommation n'a pas encore suivi le même mouvement, même si les instituts le prévoient. De fait, le taux d'épargne des Français reste élevé, à 15,1 % au premier semestre de 2019.
Par ailleurs, même si le Gouvernement attend près de 5,7 milliards d'euros de recettes fiscales, soit 1,1 milliard de plus que les prévisions initiales – notamment grâce au dynamisme des droits de mutation et de l'IFI, l'impôt sur la fortune immobilière, et à des prévisions favorables de recettes de TVA et d'impôt sur les sociétés – , le niveau du déficit budgétaire de notre pays ne nous rassure pas.
En demeurant à 3,1 points du PIB, effet du CICE compris, le déficit public dépasse les critères fixés par la France à Maastricht. Ces critères, on peut les juger obsolètes ou dévoyés lorsque certains pays ne réalisent pas d'investissements dans leur économie, mais ils restent un objectif d'amélioration de la gestion publique.
La charge de la dette, passée de 98,4 à 98,8 % du PIB, nous inquiète également pour les générations futures, même si, avec des taux historiquement bas, la conjoncture macroéconomique est favorable.
Enfin, l'éloignement de la trajectoire du solde structurel défini par la loi de programmation des finances publiques, à raison de moins 0,2 point de PIB sur deux ans, est proche du seuil de déclenchement du mécanisme de correction prévu à l'article 23 de la loi organique de 2012, fixé à 0,25 point de PIB sur cette périodicité.
C'est donc en soutien au Gouvernement, dont nous accompagnons les réformes favorables à l'économie française et au pouvoir d'achat de nos concitoyens, que le groupe MODEM votera ce PLFR, tout en appelant le même Gouvernement à engager sans plus tarder la remise à plat fiscale que nous appelons de nos voeux et que certains de nos amendements au PLF traduisent, en vue de taxer davantage les flux de revenus – cessions, distributions de dividendes ou ventes de biens immobiliers – , et moins le patrimoine non liquide de nos concitoyens, sujet de crispation sur le consentement à l'impôt.
Sous réserve de ces différentes observations, nous voterons le présent texte.