La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
J'ai le plaisir de vous retrouver en cette période automnale pour l'examen du projet de loi de finances rectificative, que j'ai présenté, jeudi dernier, à la commission des finances. Avec M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances – qui vous prie d'excuser son absence – , nous vous présentons un texte d'engagements, des engagements pris et tenus.
Il s'agit d'un texte d'engagements, car ce projet de loi de finances rectificative, comme il y en a chaque année, vient clore une année marquée par un mouvement social très important, dit des gilets jaunes, et par le grand débat national à l'issue duquel les annonces du Président de la République ont pu modifier la trajectoire budgétaire et fiscale du pays – même si la plupart des mesures en question figurent dans le projet de loi de finances pour 2020.
Puisque nous parlons d'engagements, j'ai aussi le plaisir de constater, monsieur le président de la commission des finances, que le Gouvernement a tenu sa promesse de respecter l'autorisation parlementaire exprimée par le vote des crédits ou des économies proposées : pour la deuxième année de suite, il n'y a pas de décrets d'avance. Cela n'était pas arrivé depuis trente ans et la LOLF – loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances – , qui organise nos débats financiers, n'y avait rien changé.
Madame Rabault, réjouissons-nous qu'il n'y ait pas eu de décrets d'avance ! Cela résulte d'un important travail effectué par tous les membres du Gouvernement et marque le respect porté à l'autorisation donnée par le Parlement en matière budgétaire.
Nous présentons un projet de loi de finances rectificative qui, dans son esprit, est un véritable PLFR, soit un texte de fin de gestion qui a son importance – il prévoit 1 milliard d'euros d'économies – , mais ne contient pas de mesures fiscales. Nous ne sommes pas là pour rédiger un nouveau tome du projet de loi de finances pour 2020 ni pour examiner une sorte de texte de rattrapage. Par conséquent, le Gouvernement refusera par principe tout amendement tendant à prendre des mesures fiscales. Ces dernières pourront peut-être prospérer au sein du projet de loi de finances pour 2020 – en particulier parmi ses articles non rattachés qui doivent être étudiés aujourd'hui même, si j'ai bien compris l'ordre du jour, à la suite du PLFR.
En chiffres, le projet de loi prévoit environ 3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, non intégrées à la budgétisation initiale, qui devront être financées sur l'exercice 2019. Parmi ces dépenses supplémentaires, il faut ranger 800 millions d'euros supplémentaires pour la prime d'activité – je rappelle que le montant global de la prime d'activité atteint désormais 9 milliards d'euros alors qu'il était d'environ 3,5 milliards lorsque je suis devenu responsable des comptes publics de notre pays. Ces 800 millions d'euros supplémentaires montrent que l'aide au retour à l'emploi fonctionne – grâce à la baisse du chômage, mais aussi à la politique de lutte contre le non-recours menée par le Gouvernement.
Les dépenses supplémentaires comprennent aussi 600 millions d'euros liés au décalage au 1er janvier 2020 de la réforme des aides personnalisées au logement, et 300 millions liés au dynamisme de la prime à la conversion et du bonus écologique, qui permettent aux Français d'acheter des véhicules propres.
Malgré ces dépenses supplémentaires, nous tiendrons l'engagement d'un déficit de 2,2 ou 2,3 % – 3,1 % si l'on prend en compte l'effet ponctuel de la transformation du crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, en baisse de cotisations sociales – et d'un ajustement structurel européen de 0,1 point. Certes, ce n'est pas conforme aux engagements de la France, mais cela correspond au budget que nous vous avons présenté à la fin de l'année dernière.
Au cours de l'exercice 2019, nous avons donc à la fois fait entrer l'édredon dans la valise – vous m'excuserez de parler ainsi des dépenses supplémentaires dues en particulier à la crise des gilets jaunes et au grand débat – et tenu le niveau de déficit sur lequel la France s'est engagée auprès de ses partenaires européens, ce qui lui a permis de sortir de la procédure de déficit excessif, cette infamante mise à l'index dont la présentation de ses comptes faisait l'objet. Cela mérite d'être souligné.
Ce PLFR est aussi un texte d'engagements parce qu'il illustre les efforts que nous nous imposons depuis deux ans et demi en matière de responsabilité budgétaire. Je relève en particulier que le solde du déficit public s'améliore de 10 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, passant de 107,7 milliards d'euros à 97 milliards. Ces 10 milliards de déficit en moins en une année d'exercice montrent à quel point nous avons été à la fois sincères et prudents, mais aussi bons gestionnaires des crédits que le Parlement a autorisé le Gouvernement à dépenser.
Ces bonnes nouvelles ont aussi des éléments d'explication conjoncturels et exogènes, liés par exemple à la révision à la baisse de la charge de la dette pour 1,6 milliard d'euros. Les taux d'intérêt bas reflètent aussi la crédibilité de la France aux yeux de ses prêteurs et des financiers auxquels elle fait appel. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir.
Deux éléments de nature politique jouent également un rôle. Le premier est le volontarisme dont le Gouvernement fait preuve en matière de maîtrise de la dépense : nous annulons pour 1 milliard d'euros de crédits, et maintenons un gel des crédits à hauteur de 3 % – contre 8 % lors de la précédente législature – en responsabilisant les directeurs d'administration et les ministres. Lors du Printemps de l'évaluation, cela permettra de se pencher encore plus sérieusement sur le travail accompli par le Gouvernement pour gérer les dépenses.
Un second élément tient au dynamisme de notre économie, reflet des réformes structurelles engagées depuis deux ans et demi par le Président de la République et le Premier ministre, qui se traduisent en particulier par la dynamique de nos recettes. J'en profite pour remercier la majorité d'avoir soutenu l'application, par le Gouvernement, du prélèvement à la source, une réforme qui s'est, je crois, bien passée. M. Marc Le Fur qui ne manquera pas de revenir de sa Bretagne natale pour nous en féliciter et souligner l'effet de cette mesure sur le rendement de l'impôt.
Sourires.
Grâce au prélèvement à la source, en effet, les Français, tout en payant le même impôt, …
… savent que le paient aussi, désormais, ceux qui fraudaient, étaient frappés de phobie administrative ou multipliaient les allers-retours entre la France et d'autres pays sans déclarer leurs revenus. C'est autant de recettes fiscales supplémentaires qui s'ajoutent aux bons résultats de la lutte contre la fraude fiscale, à la hausse des recettes non fiscales dont nous reparlerons, et aux 800 millions d'euros de recettes des comptes spéciaux.
Je veux rappeler l'effort très important de sincérisation des crédits engagé par le Gouvernement, d'ailleurs souligné par la commission des finances de notre assemblée, par celle du Sénat, par le Haut Conseil des finances publiques, le HCFP, et par la Commission européenne elle-même. C'est un gage de crédibilité par rapport au Parlement – la majorité comme l'opposition – , par rapport aux Français, bien sûr – ils savent ainsi que nous ne trichons pas sur les comptes – , et par rapport à nos prêteurs.
Nous poursuivrons ce travail de sincérisation dans les prochains budgets. Il faut en effet du temps pour appliquer les méthodes que nous avons adoptées en la matière, qu'il s'agisse des opérations extérieures de notre armée ou de certains comptes d'affectation spéciale ou de budgets annexes.
Il est vrai – nous l'avons reconnu devant la commission des finances – que l'examen de ce PLFR obéit à un calendrier très contraint et a lieu dans des conditions peu confortables. Mais pour la seconde année, le Gouvernement présente un texte comportant très peu d'articles, dont les incidences budgétaires sont faibles, qui confirme la sincérité des inscriptions en loi de finances initiale, ne comporte aucune disposition fiscale et ne sera modifié par aucun amendement de cette nature – ce qui fait dire à certains commentateurs que, contrairement à ce qui se passait précédemment, et comme les Français pourront le constater eux-mêmes, ce gouvernement n'a pas créé des impôts pour compenser des dépenses qu'il n'avait pas prévues ou qu'il aurait cachées. De ce point de vue, je crois que M. le rapporteur général, les commissaires aux finances et la majorité parlementaire peuvent être satisfaits du travail démocratique ainsi accompli.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Lise Magnier et M. Jean-Paul Mattei applaudissent également.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Ce projet de loi de finances rectificative est doublement bienvenu. Il est bienvenu car il permet de donner aux parlementaires l'occasion de débattre de l'ajustement des prévisions budgétaires que l'exercice en cours a rendu nécessaire. Le Parlement peut ainsi apprécier l'efficacité des prévisions de la loi de finances initiale sans attendre le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes. Il est également bienvenu car, pour la deuxième année consécutive, il révèle une amélioration sensible de la qualité de la gestion budgétaire et de la sincérité des lois de finances.
En la matière, les progrès ne valent que s'ils sont constants dans le temps.
C'est vrai !
Monsieur le ministre, le problème est que vous avez mis la barre haut. Nous serions immanquablement déçus de voir réapparaître, lors d'exercices futurs, les problèmes de gestion que nous avons constatés par le passé.
Tant que je suis là !
Sourires.
Il reste que le présent PLFR valide pour 2019 les engagements du Gouvernement.
Je note deux types de progrès remarquables. Le premier tient, bien entendu, à l'absence de décret d'avance pour la deuxième année consécutive. Avant 2018, il faut remonter à 1985, un autre siècle, …
Cela ne rajeunit personne !
… pour trouver un exercice sans décret d'avance.
Vous trouverez dans mon rapport un graphique récapitulant les crédits ouverts par cette voie depuis 1985. On a beaucoup souligné l'absence de décret d'avance en 2018. De mon point de vue, insister sur cette réussite n'est en rien exagéré. En effet, le décret d'avance porte atteinte à l'autorisation budgétaire de dépenser qui, par essence, est limitative. Il est certes encadré par la LOLF, mais cette procédure ne présente en rien les mêmes garanties que celles offertes par la loi de finances rectificative. Il est de bonne pratique que le Parlement autorise lui-même, ex ante, que l'on déroge aux limites qu'il a fixées.
Cette réussite s'est accompagnée, pour l'exécution 2019, du maintien à 3 % du taux de mise en réserve des crédits hors dépenses de personnel, ce qui permet une responsabilisation accrue des gestionnaires, mais nécessite une programmation plus sincère et une exécution rigoureuse.
Certains amendements contestent le principe même de cette réserve. Je rappelle à cet égard que l'autorisation parlementaire consiste à fixer un plafond de dépenses. Dans cette limite, le Gouvernement est libre de l'usage qu'il fait des crédits. Il n'est pas anormal qu'il prévoie une réserve pour assurer au mieux la gestion, tout comme il est normal que le Parlement l'interroge sur l'usage qui a été fait de cette réserve.
Il ne faut pas se le cacher, nous avons connu des périodes où l'autorisation budgétaire était affaiblie deux fois dans l'année : une première fois en programmation, par des sous-budgétisations chroniques et par des éléments d'insincérité, puis une seconde fois en exécution, par l'ouverture de montants très importants de crédits par décrets d'avance qui résultaient eux-mêmes des sous-budgétisations initiales.
Il s'agissait de mauvaises manières faites au Parlement. La gestion de l'année 2019 et celle de 2018 montrent qu'il est possible de pratiquer une exécution budgétaire plus raisonnable et plus respectueuse des droits du Parlement. Mais il existe encore des marges de progrès, monsieur le ministre, vous le reconnaissez vous-même. Le retour à une budgétisation totalement sincère est un processus qui ne peut pas se faire en deux ans, mais il est bien engagé, et je m'en réjouis.
Le PLFR semble retrouver la vocation que les concepteurs de la LOLF voulaient lui donner : il se limite à des opérations de fin de gestion et ne contient absolument aucune disposition fiscale nouvelle. Je me réjouis de cette bonne pratique, dont l'adoption a été réclamée sur de nombreux bancs – j'ai moi-même fait cette demande au Gouvernement, comme l'ont fait avant moi Gilles Carrez et Valérie Rabault – , et je souhaite qu'elle perdure.
En effet, au fil des ans, le collectif budgétaire de fin d'année était devenu une sorte de PLF de rattrapage, contenant des mesures fiscales qui n'avaient souvent été ni préparées ni évaluées. Or, comme vous le constatez encore cette année, chers collègues, l'examen du PLFR intervient dans une séquence particulièrement resserrée : la présentation du texte a eu lieu il y a une semaine, la date limite de dépôt des amendements était fixée à samedi, leur examen en commission s'est déroulé hier, et le rapport de la commission est paru dans la nuit.
Il est donc heureux que ce PLFR ne contienne pas de mesures fiscales nouvelles, car nous n'aurions pas pu sereinement en discuter. Je rappelle notre proposition présentée dans le cadre de la mission d'information relative à la mise en oeuvre de la LOLF de restreindre le champ d'un type de PLFR ad hoc aux opérations de fin de gestion pour donner un fondement organique à cette pratique.
Le sérieux parlementaire est donc respecté, et la vocation originelle du PLFR est retrouvée. Le Parlement doit prendre part à cette évolution vertueuse, et assumer le fait que ce texte a pour objet d'organiser la fin de gestion de l'exercice en cours, et non de répliquer les débats relatifs au projet de loi de finances pour l'année à venir. Telle est la position que notre commission a adoptée hier matin pendant la discussion du texte.
J'ajoute que le recentrage du PLFR sur son rôle de fin de gestion implique de le promulguer au tout début de décembre, afin de garantir pour ce mois la paie des agents publics, dont la préliquidation intervient au début du mois.
Nous devons donc nous astreindre à une discipline collective et réserver nos amendements fiscaux pour la discussion du projet de loi de finances. Je donnerai donc un avis défavorable, assorti d'un bref commentaire, sur tous les amendements qui relèvent du PLF et non du PLFR, car je les considère, en quelque sorte, en distinguant la lettre et l'esprit, comme des cavaliers budgétaires – ils n'ont, de fait, aucun lien direct avec une disposition de la loi de finances initiale. Ne voyez dans cette position aucune malveillance de ma part. J'observe au passage que la liasse contient un grand nombre d'amendements déjà connus, soit qu'ils ont été vus en première partie, soit qu'ils portent sur la seconde partie et ont été examinés en commission. Certains ont même déjà été adoptés l'année dernière ou en première partie. D'autres, relevant des articles non rattachés de la seconde partie, seront discutés en séance cet après-midi, à l'issue de l'examen du PLFR. En tout état de cause, je présenterai, comme à mon habitude, un argumentaire détaillé sur les amendements qui présentent un lien direct avec le texte.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d'exprimer néanmoins une légère déception. Remplacer les décrets d'avance par l'examen précoce d'un collectif est certes un progrès de principe, mais ce n'est pas pour cela que les conditions de cet examen doivent se dégrader au point de se rapprocher de celles des projets de décrets d'avance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Charles de Courson et Mme Valérie Rabault applaudissent également.
Il est certes logique d'examiner le collectif en un temps resserré, compte tenu du caractère restreint de son champ, mais il est indispensable que nous puissions le faire dans des conditions satisfaisantes, pour analyser au minimum les éventuelles questions que soulève l'exécution budgétaire.
Ces remarques étant formulées, venons-en aux chiffres que le PLFR contient et aux remarques qu'ils appellent. Les prévisions sur lesquelles il se fonde marquent une amélioration par rapport à celles de la loi de finances initiale pour 2019. Comme l'indique l'article liminaire du projet de loi, le déficit public est meilleur que prévu et s'établit à 3,1 % du produit intérieur brut – PIB –, au lieu des 3,2 % prévu en loi de finances initiale. En dehors de l'effet exceptionnel de la bascule du CICE en baisse de cotisations sociales, qui a pour effet de le creuser à hauteur de 0,8 point de PIB, la baisse du déficit public se poursuit bel et bien en 2019.
Le déficit budgétaire de l'État est révisé à 97,6 milliards d'euros par l'article d'équilibre, soit une amélioration de 10 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, en raison à la fois de meilleures recettes et de la bonne maîtrise des dépenses de l'État. La norme de dépenses pilotables de l'État serait ainsi sous-exécutée de 1 milliard d'euros en 2019 par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette sous-exécution n'est pas une surprise : elle avait été annoncée au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2019 pour financer les mesures en faveur du pouvoir d'achat des ménages.
Le projet de loi débute par trois articles portant divers ajustements de ressources. L'article 1er modifie ainsi le plafond de la fraction de taxe spéciale sur les conventions d'assurance affectée à Action logement ainsi que celui de la contribution de vie étudiante et de campus affectée aux établissements d'enseignement supérieur et aux CROUS, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires.
L'article 2 ajuste les recettes du compte d'affection spéciale – CAS – sur les radars, en diminuant de 206,4 millions le produit que le compte perçoit en provenance d'amendes non majorées. Ce montant revient mécaniquement à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, à laquelle est attribué le solde du produit de ces amendes.
L'article 3 ajuste les recettes du CAS « Transition énergétique » et réaffecte au budget général de l'État une fraction, égale à 529,6 millions d'euros, du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, initialement affectée au compte.
Les articles 5, 6 et 7 prévoient les ouvertures et les annulations de crédits afférentes respectivement au budget général, aux budgets annexes et aux comptes spéciaux, telles que compilées pour former l'article 4 d'équilibre. Sur le budget général, le montant des annulations s'élèverait ainsi à 4,3 milliards d'euros, dont 1,6 milliard d'euros sur la charge de la dette de l'État. Les ouvertures seraient de 2,8 milliards d'euros, soit le niveau moyen des ouvertures constatées ces dernières années.
Les articles 8 et 9 ajustent à la marge, pour l'année 2019, les plafonds des autorisations d'emplois de l'État par ministères et les plafonds des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État par mission et par programme.
La commission a adopté le projet de loi de finances rectificative pour 2019 sans modification.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Fabien Lainé applaudit également.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour une durée de cinq minutes.
Pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement a déposé un projet de loi de finances rectificative bref – seulement dix articles – , qui ne comporte aucune mesure fiscale, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général. Sur le principe, ces deux éléments sont de nature à rendre nos débats à la fois plus efficaces et plus cohérents avec ceux portant sur le projet de loi de finances pour l'année à venir. Naturellement, j'approuve et je salue donc cette démarche.
Toutefois, je suis moins convaincu par le contenu de ce PLFR, et je trouve que, d'une certaine façon, la fête est gâchée en raison de la méthode employée. Chaque année, les délais d'examen sont un peu plus courts. Le rapporteur général l'a souligné non sans irritation : jeudi dernier, le texte nous est parvenu deux heures et demie avant votre audition, monsieur le ministre !
Votre attitude est contradictoire : d'un côté, vous affirmez vouloir respecter l'autorisation parlementaire en renonçant à la pratique des décrets d'avance, ce qui est en effet une bonne chose, et, de l'autre, vous laissez au Parlement un temps infime pour approuver la loi destinée à rectifier l'exécution du budget. À cet égard, la situation est encore pire que l'année dernière !
Vous présentez ce PLFR pour 2019 comme un texte à la portée restreinte, dont l'examen nécessiterait peu de temps, mais c'est au Parlement d'en décider ! J'espère que l'année prochaine, nous pourrons disposer d'une ou deux journées supplémentaires pour travailler.
Quant au fond, il me paraît important de nous détacher de certains effets d'optique. Tout d'abord, si les dépenses de l'État sont bien inférieures de 1,5 milliard d'euros à la programmation de départ, elles sont surtout supérieures de 7 milliards d'euros à celles constatées en 2018. Bref, le Gouvernement réduit la dépense tout en l'augmentant !
Ensuite, grâce à la hausse des recettes fiscales et à la bonne tenue des budgets annexes et des comptes spéciaux, vous affichez un déficit, il est vrai, en amélioration de 10 milliards d'euros par rapport à la prévision : 97,6 milliards, contre 107,6 milliards. Je comprends volontiers que la différence de 21,6 milliards par rapport à 2018 tienne à l'effet du CICE, mais je constate que ces mêmes 97,6 milliards constituent déjà un décrochage de 1,3 milliard par rapport à ce que vous annonciez fin septembre, lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2020 – cela ne remonte pas loin ! De prévision actualisée en prévision actualisée, le solde budgétaire de l'État se dégrade…
En outre, malgré une gestion correcte en dépenses et de bonnes surprises en recettes – qui plus est alors que les taux bas nous apportent beaucoup d'oxygène – , ce PLFR maintient, pour 2019, la même cible d'amortissement et d'émission de dette. En clair, le texte consacre votre renoncement à baisser l'endettement public !
Une fois encore, je constate dans les prévisions comme dans les réalisations l'absence de tout effort structurel de la part du Gouvernement, ce que dénoncent avec constance la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. Le risque est que notre pays soit rattrapé par la patrouille européenne, mais là n'est pas le plus grave, car ce n'est évidemment pas uniquement en raison du gendarme européen que nos pays cherchent à réduire leur déficit structurel. Nous avons besoin, pour nous-mêmes, de le réduire !
Vous reculez également sur le nombre de fonctionnaires : il est en hausse de 58 ETPT – équivalents temps plein travaillés – , du fait de la hausse de 294 ETPT du plafond d'emplois des ministères et de la réduction de 236 ETPT de celui des opérateurs. Certes, ce n'est pas beaucoup et vos explications sont détaillées dans les documents budgétaires, mais nous constatons, une fois encore, l'abandon de l'objectif fixé par le Président de la République. Pour réduire le nombre de fonctionnaires dans les proportions annoncées, il nous faudra trois siècles ! Le Président de la République a-t-il prévu un mandat d'une telle durée ?
Sourires.
Pour ce qui me concerne, j'aurai probablement cessé de siéger à l'Assemblée nationale d'ici là !
Probablement, oui, car on ne sait jamais de quoi est fait l'avenir !
Je voudrais vous poser une question sur les ressources et une question sur les dépenses, monsieur le ministre. S'agissant des crédits de la défense et des opérations extérieures, les OPEX, vous aviez prévu au budget 1 milliard d'euros – effort de sincérité ! – et il y a eu 400 millions d'euros de dépassement, dont 200 millions sont couverts par des ouvertures de crédits nouvelles au sein de la mission « Défense ». Qu'en est-il des 200 millions restants ? J'imagine que vous les constaterez durant l'année en levant le gel des crédits.
Quant à la « bosse budgétaire » de la défense, les restes à payer avoisinent-ils toujours une cinquantaine de milliards d'euros ? Ne l'accentuez-vous pas en ouvrant en gestion 12 milliards d'euros supplémentaires sur l'équipement des forces, soit une augmentation considérable des autorisations d'engagement ? Quelle est la signification de ces jeux d'écriture ?
Enfin, le produit des donations est revu à la hausse, comme celui des successions. Vous nous aviez en effet parlé d'une réforme en ce sens. Il s'agit certes d'une réforme fiscale, mais pourriez-vous nous préciser le calendrier ?
Pour conclure, nous arrivons à la moitié du mandat et vos perspectives budgétaires ne sont qu'à moitié sincères et qu'à moitié soutenables.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Charles de Courson applaudit également.
J'ai reçu de Mme Valérie Rabault et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Valérie Rabault.
La motion de rejet présentée aujourd'hui par les députés du groupe Socialistes et apparentés est motivée par sept raisons, que je vais vous présenter.
La première a été évoquée par M. le rapporteur général. Elle n'est pas la principale, mais elle compte tout de même : elle concerne, monsieur le ministre, le timing imposé par le Gouvernement.
Nous savons que l'automne budgétaire est une course contre la montre du fait des délais constitutionnels, mais ces contraintes n'imposent pas pour autant de bâcler le projet de loi de finances rectificative.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Charles de Courson applaudit également.
Or, monsieur le Premier ministre… Monsieur le ministre, voulais-je dire.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe LR.
Sourires.
Or, monsieur le ministre, vous avez présenté le projet de loi de finances rectificative pour 2019 jeudi dernier à 17 heures. La limite de dépôt des amendements pour la séance était fixée samedi à 17 heures, c'est-à-dire le même jour que le dépôt des amendements sur les articles non rattachés du projet de loi de finances pour 2020.
En somme, nous avons eu 48 heures pour étudier le budget révisé de l'État, qui s'élève à 474 milliards d'euros : cela fait près de 10 milliards par heure et 164 millions par minute. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, ce n'est pas sérieux. Vous ne pouvez pas demander aux parlementaires d'examiner 164 millions d'euros de crédits par minute !
Deuxième raison : l'absence de réponse crédible du Gouvernement à la Commission européenne. Je suis la première à dire que nous ne sommes pas aux ordres de Bruxelles, mais je suis aussi la première à dire, quand nous prenons des engagements vis-à-vis de nos partenaires européens, …
… qu'il faut tout faire pour les respecter, sinon on se décrédibilise politiquement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LT.
C'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer pour le Président de la République, et par conséquent pour la France, sur la scène européenne. Le 22 octobre dernier, la Commission européenne a écrit au Gouvernement pour lui demander des précisions sur les efforts structurels qu'il entend mettre en oeuvre. Dans ce courrier, il est indiqué : « Ces informations nous permettront de déterminer s'il existe un risque de déviation significative par rapport à l'ajustement budgétaire recommandé pour l'année 2020 et pour les années 2019 et 2020 prises dans leur ensemble. »
À ce courrier, votre collègue Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, a répondu le 23 octobre dernier, sans toutefois concentrer sa réponse sur l'effort structurel au coeur de la question de la Commission. Il est à craindre, monsieur le ministre, que la France ne soit de nouveau soumise à la procédure de déficit excessif, au titre du volet préventif du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Troisième raison : le déficit public repart à la hausse pour la première fois depuis 2010, sans que cela ne se traduise par des améliorations pour nos concitoyens, tout du moins pour les moins favorisés d'entre eux.
J'ai bien conscience que, dans un contexte de taux d'intérêt bas, voire négatifs, la question du déficit de la France n'intéresse plus grand monde. Les taux négatifs conduisent à une situation dans laquelle on se fait payer pour emprunter ! Mais gouverner, monsieur le ministre, c'est aussi prévoir. En cas de retournement des taux, ce qui constitue une perspective réaliste, la France se retrouverait dans une situation dangereuse compte tenu de son niveau d'endettement.
On peut légitimement s'interroger, par ailleurs, sur la nature de l'investissement : emprunter pour investir dans les hôpitaux ou dans les infrastructures relève du bon sens économique ; emprunter parce que l'on a délibérément réduit les recettes de l'État en supprimant l'ISF et en créant la flat tax, …
… c'est au contraire le non-sens économique ! Cette mesure n'a d'ailleurs eu aucun impact macroéconomique sur notre économie, ce dont témoigne la chute d'un point du taux de croissance depuis 2017.
Le déficit public repart donc à la hausse : c'est une première depuis 2010. On pouvait s'y attendre, mais on ne s'attendait pas à ce qu'il dépasse de nouveau la barre des 3 % du PIB. Cette situation s'explique également par la transformation du CICE en baisse de charges, je ne le méconnais pas, mais le seuil est bel et bien franchi.
Quatrième raison : le niveau des annulations de crédits en fin de gestion. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre : depuis votre nomination, vous vous louez de n'avoir jamais pris de décrets d'avance, signe selon vous d'une bonne gestion, ou tout du moins d'une bonne prévision.
Il est exact que vous n'y avez pas eu recours depuis 2017 mais, en contrepartie, vous utilisez le PLFR de fin d'année comme voiture-balai.
Cela n'a rien de choquant, tous les gouvernements l'ont fait. Toutefois, je me permets de vous lire ce qu'écrit le rapporteur général, page 26 de son rapport : « un niveau d'annulations [de crédits] relativement important », titre-t-il. À la lecture du tableau qui s'ensuit, on se rend compte que le montant d'annulations de crédits de fin d'année, à hauteur de 4,3 milliards d'euros, est le plus élevé depuis douze ans, si l'on excepte 2009 – année de crise – , et 2013 – année de consolidation budgétaire. Certes, une part de ces annulations découle d'économies de constatation liée à l'évolution de la charge d'intérêt : …
… comme les taux d'intérêt ont baissé, le coût de la dette a été en 2019 moins élevé que celui prévu en loi de finances initiale. Si l'on retire ces économies de constatation liées à la baisse des taux d'intérêt…
Eh si, mon cher collègue, puisque le montant des annulations est encore de 2,7 milliards d'euros, c'est-à-dire dans le haut de la fourchette s'agissant des annulations pratiquées au cours des années passées. En somme, monsieur le ministre, vous ne faites pas de décret d'avance, ce qui vous permet de communiquer habilement – je vous reconnais bien là – sur la qualité de vos prévisions, mais, en fin d'année, vous annulez des crédits pour des montants parmi les plus élevés de ces dernières années. Annuler des crédits en fin d'année constitue une forme de mensonge par rapport à la loi de finances initiale.
Vous faites croire à votre majorité, qui a voté cette loi, que vous consacrez aux différentes missions le niveau de crédits qu'elle a prévu, alors qu'en réalité, le niveau réalisé est parfois très inférieur à ce qui a été voté. Monsieur le ministre, tous les gouvernements ont procédé ainsi. Mais dans ce PLFR, l'ampleur des annulations est significative.
Prenons d'abord l'exemple de la mission « Aide publique au développement » : vous supprimez 302 millions d'euros d'autorisations d'engagement. On en vient à s'interroger sur la sincérité du Président de la République quand il promet que la France portera son aide publique au développement à 0,5 % du revenu national brut d'ici 2022.
Ensuite, s'agissant de la mission « Défense », vous annulez pour 1,4 milliard d'euros d'autorisations d'engagement, alors que les opérations extérieures ne sont pas intégralement financées et que le renouvellement de l'équipement des armées a pris du retard.
De même, dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables », vous supprimez 212 millions d'euros de crédits de paiement, notamment sur le programme « Prévention des risques », alors que l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen a montré la faiblesse des moyens accordés par l'État à la prévention des risques industriels.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous n'avez pas suivi les débats en commission !
À propos de la mission « Outre-mer », vous maniez avec la même dextérité la stratégie du double discours : vous vous dites très mobilisé en faveur de l'économie ultramarine et, en même temps, vous supprimez 176 millions d'euros de crédits de paiement, soi-disant en raison « de la baisse des crédits nécessaires pour certains projets financés par le programme ». On arrive ainsi à la contradiction suivante : vous dites annuler les crédits parce qu'ils ne sont pas consommés et, en même temps, vous incitez les administrations à ne pas consommer les crédits qui leur ont été attribués en loi de finances initiale.
Autre exemple : les crédits de la mission « Culture » sont amputés de 40 millions. Il y a une certaine hypocrisie à afficher ainsi en loi de finances initiale des crédits en augmentation avant d'effectuer des coupes en loi de finances rectificative.
La mission « Justice » ? Vous annulez 118 millions d'euros de crédits ! Vous l'expliquez en partie par le retard rencontré dans certains projets immobiliers. Mais quels sont ces projets ? S'agit-il des prisons que votre gouvernement s'était engagé à construire ? Quelles sont les raisons de ces retards ? Là aussi, aucune réponse n'est apportée dans le projet de loi de finances rectificative.
Et pour ce qui est de la mission « Recherche et enseignement supérieur », c'est très grave, monsieur le ministre : vous annulez 323 millions d'euros de crédits, contre 11 millions en 2016 et 100 000 euros en 2017. Les annulations que vous demandez sont incompréhensibles et inacceptables à l'heure où un étudiant a tenté de mettre fin à sa vie…
Protestations sur de nombreux bancs du groupe LaREM
… pour alerter l'opinion sur la précarité des étudiants. Supprimer une dizaine de millions, ou bien 100 000 euros comme en 2017, on aurait peut-être pu l'admettre, mais pas 323 millions d'euros ! Mesdames, messieurs de la majorité, n'acceptez pas cette coupe dans les crédits ! Il vous suffit d'adopter un amendement en ce sens.
Vous vous décrédibilisez !
Cinquième raison : la faiblesse de l'investissement de l'État affaiblit notre réponse à l'urgence écologique. Si l'investissement public se maintient, c'est uniquement grâce aux collectivités locales. En 2018, elles ont investi 46,3 milliards d'euros, ce qui représente 2 % du PIB ; en revanche, l'investissement de l'État et des organismes divers d'administration centrale – les ODAC – ne cesse de baisser en proportion du PIB. Cette évolution n'est pas souhaitable, surtout au regard des enjeux de transition énergétique. Dans l'interview qu'il a récemment donnée à The Economist, le Président de la République plaide pour « plus d'expansionnisme », « plus d'investissement ». Il a parfaitement raison. Mais avant de le demander aux autres, il conviendrait de donner l'exemple.
Or, s'agissant des transports, l'investissement de l'État dans ce projet de loi de finances rectificative est en baisse de plus de 100 millions d'euros en crédits de paiement, alors que les émissions de CO2 dues aux transports continuent à augmenter.
En ce qui concerne le logement, rien n'est mis en place pour résorber les sept millions de passoires thermiques, alors que cela présenterait un triple avantage : faire baisser la facture énergétique des ménages – à hauteur de 500 euros en moyenne annuelle – , réduire les émissions de CO2 et soutenir l'activité du bâtiment.
Sixième raison : l'aggravation de la fracture territoriale. Samedi prochain marquera le premier anniversaire du mouvement des gilets jaunes. Ce mouvement, on le sait, a évolué au fil du temps. Mais il est né de la fracture territoriale, du fait que les Français, selon l'endroit où ils vivent, ne sont pas tous traités à la même enseigne.
Souvenez-vous, monsieur le ministre, nous vous avions alertés : lors de la deuxième séance du mercredi 17 octobre 2018, j'avais mis sous les yeux du ministre de l'économie et des finances la réalité des hausses de taxe énergétique que vous aviez prévues. Lorsque Bruno Le Maire m'avait demandé d'où je sortais le chiffre que je citais, je n'avais eu qu'à lui répondre : « J'additionne les montants supplémentaires payés chaque année ! » Nous vous mettions en effet sous les yeux l'ampleur des hausses – nous avions même mis en ligne un simulateur de pouvoir d'achat, que chacun peut toujours consulter à l'adresse : lessocialistes. frsimulateur ; et pourtant, vous et votre majorité aviez décidé de persister. Vous avez été rattrapés par le mouvement des gilets jaunes, mais le plus grave, c'est que notre pays tout entier en a été fragilisé.
Si je vous le rappelle aujourd'hui, c'est parce que le risque de fracture territoriale continue à grandir : ce sont les mêmes départements qui vont à la fois subir la réforme de l'assurance chômage, bénéficier le moins de l'amélioration de pouvoir d'achat apportée par la baisse de l'impôt sur le revenu et la suppression de la taxe d'habitation, les mêmes départements qui sont fragilisés par le recul des services publics.
Les « moins » de votre politique se concentrent toujours sur les mêmes territoires, les « plus » toujours sur les mêmes autres. Ainsi, dans un département que je connais bien, le Tarn-et-Garonne, où il n'y a pas de transports en commun, …
… la hausse des taxes énergétiques a coûté en moyenne aux habitants 240 euros en 2018 et la même somme en 2019. Depuis votre arrivée aux responsabilités, les Tarn-et-Garonnais ont donc payé 480 euros de plus de taxes énergétiques, ce qui représente 480 euros de pouvoir d'achat en moins – sans compter, et heureusement, les quatre hausses que vous aviez prévu d'appliquer par la suite. S'agissant de la taxe d'habitation, 17 % des foyers les moins riches – moins de 900 euros par mois – de Tarn-et-Garonne, soit 23 437 au total, ne payent pas cette taxe et ne bénéficieront pas de sa suppression. Ils n'auront pas un euro de plus en pouvoir d'achat. La moyenne nationale est de 12 % : vous voyez que le département du Tarn-et-Garonne est pénalisé : le pouvoir d'achat de ses habitants n'est pas affecté de la même façon par votre réforme. Et il en est de même dans votre département, monsieur le ministre, où 16,7 % des foyers ne payent pas la taxe d'habitation, et n'auront par conséquent pas un seul euro de pouvoir d'achat en plus. Je pourrais faire la même démonstration avec l'impôt sur le revenu ou encore avec la réforme de l'assurance chômage.
Dernière raison : l'oubli des Français les plus pauvres. L'Institut national de la statistique et des études économiques a publié le mois dernier ses derniers chiffres sur la pauvreté et les inégalités en France : par rapport à 2017, elle constate que 400 000 personnes supplémentaires sont en situation de pauvreté, soit une augmentation de 4,5 %. Selon l'INSEE, cette hausse « s'expliquerait en partie par la diminution des allocations logement dans le parc HLM en 2018 ». Tout est dit, monsieur le ministre : vous portez une part de responsabilité dans l'augmentation de la pauvreté, en raison des politiques que vous et vos collègues menez depuis 2017 et que nous, nous continuerons de combattre.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Je passe rapidement sur le lien que vous avez établi, madame la députée, entre certaines annulations de crédits et le malheureux décès de ce jeune étudiant. Nous vous connaissons trop bien pour douter que ces mots aient très largement dépassé votre pensée – du moins, je l'espère.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et SOC.
Mais ce qui m'étonne le plus, de la part d'une ancienne rapporteure générale du budget, ce sont les approximations, voire les contrevérités manifestes que vous avez assénées. C'est d'autant plus vrai que j'ai apporté toutes les réponses en commission – il est vrai que je ne vous y ai pas vue. Ainsi, vous liez les annulations de crédits sur le programme « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » avec ce qui s'est passé à Rouen, mais si vous étiez venue en commission des finances – en tant qu'ancienne rapporteure générale, vous savez pourtant combien son travail est important et avec quel sérieux les ministres des comptes publics répondent à ses interrogations légitimes – , vous auriez appris que ces annulations de crédits concernent l'immeuble Le Signal, en Gironde, et n'ont rien à voir avec Rouen ni avec la prévention des risques industriels.
Je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention, madame la députée, souffrez maintenant que je puisse vous répondre.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et SOC.
Permettez-moi donc de vous apporter quelques éléments d'information en me contentant de répéter ce que j'ai dit en commission des finances : les crédits dont vous parlez vont être annulés parce que le contentieux avec les copropriétaires de l'immeuble Le Signal – menacé par l'érosion côtière, et dont les habitants ont dû être évacués – a enfin trouvé une solution grâce à un amendement du député girondin Benoit Simian et de plusieurs de ses collègues. Cela n'a rien à voir, je le répète, avec Rouen et la prévention des risques industriels ; vous comparez l'incomparable.
Vous soulignez que le déficit augmente à nouveau, pour la première fois depuis dix ans. Un tel manque de sincérité dans le propos a de quoi nous laisser coi ! Vous savez très bien, en effet, que sans « l'effet retour » du CICE, qui représente 0,9 point, notre pays aurait un déficit de 2,2 ou de 2,3 %, c'est-à-dire tout de même 1,3 point de moins que celui que vous nous avez laissé !
Vous ne pouvez pas affirmer cela, avec la conjoncture dont vous bénéficiez !
Mais si, je peux le dire et même le répéter, madame Dalloz : le déficit s'élevait à 3,4 % à notre arrivée ; il est descendu de plus d'un point depuis. Par ailleurs, madame Rabault, comment pouvez-vous à la fois nous reprocher l'augmentation du déficit – ce qui est faux – tout en dévidant, pour les déplorer, la litanie des annulations de crédits, en associant de surcroît des choses qui ne peuvent l'être ? Vous avez évoqué la mission « Justice », mais nous avons souligné en commission que les crédits sont au rendez-vous et que si les constructions de prisons prennent du retard, c'est parce que certaines collectivités locales ne veulent pas libérer les terrains – vous devriez d'ailleurs vérifier que cela ne concerne pas les villes gérées par certains de vos amis. De même, vous auriez pu constater que le nombre d'ETP prévus, lui, n'a pas diminué. Nous ne tirons donc pas prétexte du retard pris dans la construction des prisons pour justifier une réduction des effectifs. S'ajoute donc manifestement, au constat que vous n'avez pas totalement suivi les débats de la commission des finances, le fait que vous avez manifestement envie de distiller de l'insincérité dans vos propos.
Mme Marie-Christine Dalloz proteste.
Vous en venez même à dire qu'il est heureux que les collectivités locales soient là pour soutenir l'investissement public et l'économie ! C'est très amusant, parce que c'est tout le contraire de ce que l'on entend lors des assemblées des maires – où votre parti est représenté – et au cours des débats parlementaires. Il faudrait savoir : vous ne pouvez pas à la fois nous accuser d'égorger les collectivités locales et nous reprocher de nous en remettre à elles pour l'investissement public. Je rappelle que c'est grâce à nous, et d'ailleurs fort légitimement, qu'elles connaissent la plus grande stabilité observée depuis longtemps en matière de dotations, alors que la majorité à laquelle vous apparteniez avait justement diminué très fortement les dotations aux collectivités locales.
Vous avez été rapporteure générale d'un budget qui a baissé les crédits de la dotation de solidarité urbaine – DSU – et de la dotation globale de fonctionnement – DGF – dans les communes dont 40 % des habitants étaient sous le seuil de pauvreté. Je crois inutile de vous le reprocher chaque année, mais je vous rappelle que c'est vous et les vôtres qui étiez aux responsabilités. Dans ma ville de Tourcoing, nous avions droit à une baisse systématique de la DGF – sans même parler de la politique de la ville : l'intégralité des crédits théoriquement prévus par M. Kanner pour l'éducation prioritaire avaient été supprimés. Nous, nous dédoublons les classes dans les collectivités locales qui connaissent des difficultés, soit douze enfants par classe, et multiplions par deux l'enveloppe attribuée à l'ANRU – l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Je rappelle également que nous avons tous ensemble considéré que les contrats de Cahors ayant bien fonctionné, ils méritaient d'être relancés, et que nous avons maintenu à cet effet une augmentation des dotations inédite, soit 600 millions encore cette année.
Vous dites donc tout et son contraire.
Enfin, madame la députée, vous soulignez que nous ne rembourserons pas l'impôt à ceux qui ne le payent pas. M. de La Palice ou le créateur des Shadoks n'auraient pas dit mieux !
Il est vrai que nous avions bien perçu, dès le début, la nature de votre politique fiscale : elle a consisté à considérer qu'il fallait augmenter les impôts des classes moyennes, des ouvriers et des employés et à refuser toute forme de redistribution fiscale. Sous prétexte que 17 % de la population de votre département ne paie pas la taxe d'habitation, …
… il faudrait la maintenir pour les 63 % restants, alors même que sa suppression donnera aux foyers concernés un bol d'air fiscal.
En vérité, madame la députée, les habitants de votre département ou du mien qui ne payent pas la taxe d'habitation parce qu'ils gagnent moins de 1 000 euros par mois bénéficient, pour ceux qui reprennent le travail – et les chiffres montrent qu'ils sont très nombreux – de la prime d'activité, laquelle a connu une revalorisation sans précédent, pouvant atteindre 100 euros entre 0,5 et 1 SMIC.
Ils peuvent également profiter de la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés, dès lors qu'ils gagnent moins de 900 euros par mois. Cette population n'est évidemment pas concernée par la suppression de la taxe d'habitation, mais elle bénéficie de l'augmentation de prestations compensatoires la plus importante jamais instaurée par un gouvernement.
Que perçoivent en outre les personnes qui gagnent moins de 900 euros par mois dans votre département, madame, …
… si ce n'est le minimum vieillesse, qui augmente – et j'espère que vous leur dites – comme sous aucun gouvernement précédent ?
Nous pourrions effectivement faire la litanie de toutes les politiques que nous déployons. Indépendamment des contre-vérités que vous avez énoncées, et parfois de la provocation dont vous avez fait preuve, …
… j'estime non seulement qu'il conviendrait de rejeter cette motion de rejet préalable, mais également que le débat budgétaire et fiscal mérite des discussions politiques, et non des contre-vérités budgétaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.
La parole est à M. Charles de Courson.
Le groupe Libertés et territoires votera en faveur de la motion de rejet préalable.
Pourquoi ? Parce que, monsieur le ministre, comme je le développerai tout à l'heure dans mon intervention, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Le mépris du Parlement n'est pas nouveau, me direz-vous. Il atteint néanmoins des sommets, ne serait-ce que pour une des sept raisons évoquées par Mme Rabault : nous n'avons disposé que de deux jours ouvrés pour examiner ce texte et déposer des amendements.
Vous me répondrez que vous ne voulez pas d'amendements. Mais ce n'est pas vous qui décidez, monsieur le ministre : c'est la représentation nationale.
C'est encore l'un des droits constitutionnels qui ne peuvent nous être retirés. J'évoquerai d'ailleurs tout à l'heure comment vous-même avez contourné la procédure en ne déposant aucun amendement sur le PLFR, mais en le faisant tout à l'heure en commission des finances, en vertu de l'article 88 du règlement, pour qu'ils soient examinés dans la foulée, ce qui montre bien que, contrairement à ce que vous affirmez, vous aviez besoin du projet de loi de finances rectificative pour déposer des amendements. Parmi les onze que vous avez ainsi présentés – je les ai comptés – quelques-uns sont d'ailleurs importants. Je songe par exemple à celui portant sur le projet Cigéo, le Centre industriel de stockage géologique.
Ces amendements portent sur le projet de loi de finances pour 2020, et non sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019 !
C'est précisément ce que je viens de dire : vous avez contourné la procédure. Vous prétendez avoir les mains blanches et ne déposer aucun amendement – et M. le rapporteur général nous a fait savoir que tous nos amendements seraient rejetés sans même être examinés – , alors que vous avez vous-même déposé, tout à l'heure, en commission des finances réunie au titre de l'article 88, des amendements concernant les articles non rattachés de la deuxième partie du projet de loi de finances.
Cela n'a rien à voir !
Pourquoi avez-vous fait cela ? Parce que vous ne vouliez pas discuter de nos amendements. Le résultat est là : nous n'avons même pas eu une minute pour les examiner ! J'y reviendrai longuement lors de la discussion sur les articles non rattachés. Ainsi, vous plaidez vous-même coupable. Il est inacceptable de traiter le Parlement comme vous le faites !
Personne, monsieur le ministre, n'est à l'abri de commettre des erreurs. Si le Parlement sert encore à quelque chose, c'est bien à appeler l'attention des gouvernants sur ce qui n'est pas acceptable, et à instaurer un débat.
Voilà pourquoi nous voterons en faveur de la motion de rejet préalable.
Le groupe La France insoumise votera lui aussi en faveur de cette motion. Je dois dire, monsieur le ministre, que vous ajoutez l'inélégance à l'indécence de votre politique.
Mme Rabault n'a pas besoin que je la défende : elle le fait très bien elle-même. Mais en lui reprochant de n'avoir pas toujours été présente en commission des finances, alors que les délais que vous nous imposez sont proprement scandaleux, vous y allez vraiment fort.
En outre, vous lui avez répondu en évoquant le « décès malheureux » du jeune étudiant qui s'est immolé à Lyon. Tellement malheureux que vous le tuez par avance – puisque, par chance, il n'est pas encore décédé. Vous devriez donc vérifier vos sources : cela vous éviterait de tenir des propos pour le moins indécents.
Enfin, je dirai tout à l'heure plus largement pourquoi nous votons pour cette motion de rejet préalable, mais je souhaitais revenir sur un point précis : vous avez évoqué l'immeuble Le Signal. Dans ce dossier, ce sont 7 millions d'euros, et non 19 millions, qui ont été prévus dans le cadre de la loi de finances pour 2019. Révisez donc vos fiches.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
Le premier argument développé par Mme Rabault concernant les conditions d'examen de ce PLFR suffit à justifier le vote du groupe de la Gauche démocrate et républicaine en faveur de la motion de rejet préalable.
Elle a cependant ajouté d'autres éléments qui ont retenu notre attention, notamment concernant les annulations de crédits, que celles-ci concernent l'aide publique au développement – alors que le Président de la République avait pris des engagements dans ce domaine – , ou les missions « Outre-mer », « Culture », ou encore « Recherche et enseignement supérieur ». En réalité, vous faites de l'affichage, pour ensuite couper dans les crédits.
L'aggravation de la fracture territoriale est aussi, malheureusement, une triste réalité. Je ne ferai pas l'inventaire à la Prévert des raisons qui nous y poussent, mais nous voterons pour cette motion.
Le groupe La République en marche votera contre la motion de rejet préalable.
En toute honnêteté, j'avais prévu de rejoindre les propos de certains de mes collègues – à commencer par la présidente Rabault – concernant, entre autres questions, la méthode de travail parlementaire, mais votre discours, madame Rabault, a tout gâché. Je vous répondrai donc sur plusieurs points qui, de votre part, m'ont choqué et déçu.
Parlons d'abord, puisque c'est l'exemple concret que vous avez cité, du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Vous le savez bien mieux que moi, du fait de votre expérience : la baisse à laquelle vous faites référence concerne essentiellement des crédits qui étaient mis en réserve – la réserve de précaution que, justement par effort de sincérité, la majorité a réduite à 3 % – , le reste résultant de sous-exécutions de crédits immobiliers. C'est donc tout sauf une coupe dans le budget du ministère.
À tel point, madame Rabault, qu'entre l'exécution de l'exercice 2018 et celle de l'année 2019, plus de 500 millions d'euros supplémentaires ont été dépensés. Pourtant, vous avez laissé penser, au cours de votre intervention à la tribune, que le Gouvernement et la majorité coupent en 2019 dans les crédits du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. C'est dommageable. Vous le faites en outre – et c'est sur ce point que j'ai été personnellement choqué et blessé – en dressant une comparaison avec un drame survenu récemment. Si vous faisiez une lecture totalement honnête des crédits, vous verriez que, s'agissant du programme 231, qui concerne la vie étudiante et plus particulièrement le CROUS, puisque vous avez voulu parler de ce cas précis…
Non, madame ! Le PLFR accroît de 45 millions d'euros, en plus des 95 millions déjà alloués, les moyens accordés aux CROUS.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Soyez précise : non seulement vous osez une comparaison profondément maladroite – pour ne pas dire plus, car j'ai beaucoup de respect pour vous – , mais en plus, vous vous trompez sur le fond.
Au-delà, nous voterons bien entendu contre la motion de rejet préalable, parce que l'effort de sincérisation et l'absence de nouvelles mesures fiscales ou budgétaires dans le PLFR sont à saluer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La colère perceptible dans votre réponse à notre collègue Valérie Rabault m'a surprise, monsieur le ministre. Il faut croire que son analyse était juste, pour que vous réagissiez aussi vertement.
Sur la forme, cette motion de rejet préalable est justifiée : il était inadmissible que vous présentiez le projet de loi de finances rectificative le jeudi 7 novembre à 17 heures. Les députés passent certes des semaines entières à l'Assemblée nationale durant la période budgétaire, mais il arrive qu'ils doivent rentrer en circonscription. Lorsque vous présentez un projet de loi le jeudi soir à 17 heures, pour une limite de dépôt des amendements fixée le lendemain à 15 heures, vous créez des conditions de travail qui ne sont pas acceptables.
On a effectivement évoqué, précédemment, votre mépris pour le Parlement, mais une telle conduite va encore au-delà : vous affichez purement et simplement un déni du Parlement et de la représentation parlementaire.
Sur le fond, comme cela a été très bien souligné, vous ne proposez que des économies de constatation, essentiellement liées à la baisse des taux d'intérêt. Ces derniers, devenant négatifs, vous permettent d'atteindre, en matière d'annulations de crédits, un terrible record, qui met en péril votre sincérité budgétaire : si votre projet de loi de finances initial avait été aussi sincère que vous le prétendez, vous ne seriez pas contraint, en fin d'exercice, d'annuler tant de crédits. C'est une tromperie à l'égard de l'ensemble de la représentation nationale, mais surtout de votre majorité, qui serait très mal avisée de cautionner une telle conduite. La sincérité du projet de loi de finances initiale s'en trouve en effet remise en question.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera bien sûr en faveur de la motion de rejet préalable.
Le groupe MODEM ne votera pas en faveur de cette motion. Si on peut effectivement regretter nos conditions de travail, je rappelle que nous nous prononçons sur un projet de loi de finances rectificative prévoyant des mesures limitées, conformes au budget, et sans décret d'avance. J'ai le souvenir de projets de loi de finances rectificative qui étaient véritablement des projets de lois de finances bis, avec une multitude d'articles, et pour lesquels nous aurions pu nous prononcer sur une motion de rejet préalable. Dans le cas présent, en revanche, j'ai du mal à comprendre la démarche.
Nous n'allons pas refaire la loi de finances. On peut être choqué concernant l'exercice du droit d'amendement, mais j'estime au contraire que nous déposons beaucoup d'amendements et que la liberté d'amendement est relativement conservée.
Pour toutes ces raisons, et parce que le texte ne mérite pas, à nos yeux, une motion de rejet préalable, nous ne voterons pas en faveur de cette motion.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Le groupe Socialistes et apparentés défend bien évidemment la motion de rejet préalable.
Sur la forme, d'abord, même si l'on peut saluer une forme de sincérité budgétaire, on ne peut – comme cela a été rappelé sur tous les bancs – admettre la dégradation des conditions d'examen des collectifs budgétaires par le Parlement. Il y a également une indécence sans nom à reprocher à Mme la présidente Rabault son absence en commission. Je vous le dis, monsieur le ministre : c'est petit.
Sur le fond, ensuite, nous ne pouvons pas soutenir l'augmentation du déficit budgétaire, qui atteint 3,1 % du PIB. Une telle aggravation est inédite depuis 2010 : le déficit passe de 2,5 % à 3,1 % du PIB entre 2018 et 2019. Vous l'expliquez par la transformation du CICE, mais il était possible de faire autrement, notamment en reportant les réductions de charges, pour ne pas avoir à acquitter une double facture en 2019.
S'agissant du solde structurel, on s'approche dangereusement du seuil de déclenchement du mécanisme de correction. Ainsi, en vous éloignant de la trajectoire définie dans la loi de programmation des finances publiques, vous ne respectez pas non plus, en quelque sorte, les engagements européens.
Pour ce qui est de la sincérité budgétaire, que dire d'un PLFR qui ouvre 2,6 milliards d'euros de crédits nouveaux par des mesures non financées, comme la paie des enseignants pour le mois de décembre ? Les annulations de 320 millions d'euros de crédits aux dépens des universités sont quant à elles absolument scandaleuses.
En matière de respect de vos engagements, vous prétendiez à une époque que la dette serait maîtrisée, et même réduite. Il n'en est rien, puisqu'elle atteint 98,8 % du PIB. Le fond du problème n'est d'ailleurs pas le niveau de la dette, mais ce qui justifie son évolution. La dette qui résulte simplement du déficit budgétaire est bien différente de celle qui serait constituée en réalisant les investissements nécessaires dans les territoires, qui sont très attendus par les habitants de notre pays, notamment dans le domaine de la transition énergétique.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l'adoption 33
Contre 59
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Mes chers collègues, je vous informe que, pour la discussion des articles non rattachés du projet de loi de finances pour 2020, en application de l'article 95, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande que soient examinés par priorité les articles 52 à 64, 66, 67 et 72, ainsi que les amendements portant article additionnel après ces articles. Par ailleurs, le Gouvernement demande que les articles 51 et 65, ainsi que les amendements portant article additionnel après ces articles soient examinés le jeudi 14 novembre à 21 heures 30.
Comme cela a déjà été dit, le projet de loi de finances rectificative pour 2019 montre les efforts renouvelés du Gouvernement dans l'utilisation sincère de cet outil d'ajustement de l'équilibre budgétaire de la loi de finances initiale, qui n'est pas un instrument de rattrapage destiné à faire adopter des mesures fiscales qui ne seraient pas passées dans le PLF – projet de loi de finances. Pour la deuxième année consécutive, donc, le projet de loi de finances rectificative renoue avec la forme qu'il aurait toujours dû avoir, puisqu'il ne contient aucune disposition fiscale, mais uniquement des mesures d'ordre budgétaire. À cela s'ajoute l'absence de décrets d'avance qui illustre – et j'en félicite le Gouvernement – la poursuite du processus engagé depuis le début du quinquennat pour rendre le budget plus sincère.
Je dois quand même vous exprimer, monsieur le ministre, ma déception sur un point. En effet, il nous a fallu examiner ce PLFR en commission et déposer d'éventuels amendements pour cette séance en moins de 48 heures, tout en poursuivant en parallèle l'examen de la deuxième partie du PLF pour 2020. Je suis flattée, au nom de mes collègues, que vous nous attribuiez ainsi le don d'ubiquité – mais nous en sommes malheureusement dépourvus et attendons que vous nous en donniez la recette. J'espère donc que, pour les prochains textes budgétaires, vous serez en mesure de nous laisser un délai plus raisonnable.
Pour en revenir au fond, le projet de loi de finances rectificative, qui ne comporte que dix articles, n'en donne pas moins quelques clés macroéconomiques, en premier lieu sur la croissance dans notre pays. Lors de l'examen du projet de loi de finances initiale, nous vous avions signalé que la croissance pour 2019 s'annonçait plus faible que celle qui avait été estimée. En effet, vous avez construit ce texte sur une prévision de croissance de 1,7 %, que vous revoyez ici pour la porter à 1,4 %. Cette nouvelle estimation est jugée atteignable par le Haut Conseil des finances publiques, bien que l'INSEE table plutôt sur 1,3 % et le Fonds monétaire international sur 1,2 %. Ne serait-il donc pas plus raisonnable de rectifier les prévisions d'exécution budgétaire en suivant notamment la Banque de France, qui prévoit une croissance de 0,2 % seulement au quatrième trimestre ?
Par ailleurs, ce PLFR nous confirme la difficulté que rencontre le Gouvernement pour résorber notre déficit public. La prévision de déficit pour 2019 reste certes la même que dans la loi de finances initiale, à 3,1 % du PIB, mais l'effort structurel est nul et la trajectoire du solde structurel s'éloigne des objectifs initiaux de la loi de programmation des finances publiques que vous nous avez présentée et que la majorité a adoptée, mais qui n'est donc plus respectée. Comment tenir désormais l'engagement pris devant les Français de résorber notre déficit public ?
Sans entrer dans le détail de chacun des articles du projet de loi, notre groupe s'interroge sur plusieurs transferts qu'il prévoit.
Il s'agit, en premier lieu, de l'emploi en outre-mer, qui connaît une annulation de crédits de l'ordre de 100 millions d'euros. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette sous-exécution ou de cette surestimation ?
Ensuite le programme d'investissement de l'administration pénitentiaire connaît une annulation de 52 millions d'euros de crédits de paiement, alors que le PLF pour 2020 prévoit également une nette diminution de ces crédits, qui doivent pourtant financer le plan prisons annoncé par le Gouvernement. Monsieur le ministre, vous avez évoqué certaines raisons à cela, notamment la difficulté de trouver des communes acceptant d'accueillir un nouvel établissement pénitentiaire sur leur territoire, mais cela invite à s'interroger sur la qualité de la préparation de ce plan : je n'ose croire que les nouvelles implantations aient pu être décidées sans consulter les collectivités concernées !
Je tiens à préciser que, dans ma ville de Châlons-en-Champagne, l'ensemble des élus est favorable à cette implantation, prévue en outre sur un terrain appartenant à l'État, mais que le ministère de la justice ne nous donne aucune information quant à la concrétisation du projet. En tout état de cause, nous sommes prêts, dans la Marne, à aider le Gouvernement dans la bonne exécution de ses prévisions budgétaires.
Enfin, en ce qui concerne la masse salariale des différents ministères, il nous semble nécessaire de poursuivre les efforts déjà entrepris pour mieux en appréhender la réalité, de façon à nous assurer, dès le vote de cette loi, que nous serons en mesure de verser l'intégralité des salaires à nos fonctionnaires sur les douze mois de l'année.
En conclusion, et malgré les quelques questions qu'il se pose, le groupe UDI-Agir et Indépendants votera le projet de loi de finances rectificative.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le ministre, en matière de délais d'examen d'un projet de loi de finances rectificative, c'est du jamais vu ! Et je ne suis élu que depuis vingt-sept ans… Comment voulez-vous que les députés puissent, en seulement deux jours, se saisir du texte, faire un travail de qualité et rédiger des amendements ? Si je ne doute pas de la volonté de mes collègues d'exécuter leur mission avec la plus grande rigueur intellectuelle, encore faudrait-il leur en donner le temps ! Le travail à marche forcée qui nous est imposé est un manque de respect non seulement à l'égard du Parlement, mais aussi à l'égard de la nation. Derrière ses aspects techniques, le PLFR est un texte important, qui concerne l'ensemble de nos concitoyens. Les Français ont le droit d'exiger que leurs représentants puissent contrôler l'action gouvernementale dans la sérénité indispensable au fonctionnement de toute démocratie.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.
Moins de deux jours ouvrés pour lire le texte, rédiger, déposer et examiner des amendements, ce n'est pas sérieux !
Si nous avons déposé des amendements, c'est pour vous montrer, monsieur le ministre, que nous sommes les défenseurs du système parlementaire. Sur les articles non rattachés du projet de loi de finances, vous avez d'ailleurs déposé vous-même, au titre de l'article 88, onze amendements que nous n'avons même pas eu le temps d'examiner. Aucune simulation n'a été effectuée – que l'on pense au projet Cigéo ! C'est inacceptable, et c'est comme cela que vous vous planterez, car la représentation nationale est peut-être moins intelligente que vous, mais nous avons parfois un peu de bon sens et nous voyons des choses qui échappent à vos propres services – j'y reviendrai tout à l'heure lors de l'examen des articles non rattachés. Si vous aviez écouté davantage les parlementaires – ceux de votre majorité comme ceux de l'opposition – , vous auriez sans doute pu éviter certaines erreurs que vous avez commises.
Ce texte, même s'il contient peu d'articles – une dizaine – , aborde plusieurs sujets qui méritent une vraie discussion.
Monsieur le ministre, je vous plains beaucoup : il n'y a plus de budget. Le Président de la République l'a dit lui-même dans une interview à The Economist : « le débat autour du 3 % dans les budgets nationaux, et du 1 % du budget européen, est un débat d'un autre siècle ». Allons-y donc ! Ouvrons les vannes ! L'important, c'est d'investir !
Mais, chers collègues, la France ne peut pas se payer un déficit public dépassant 1,1 ou 1,2 %, c'est-à-dire son taux de croissance potentiel. La thèse du Président de la République ne peut pas tenir avec un déficit de fonctionnement estimé à 78,1 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2019 et à 70,6 milliards d'euros en 2020. Notre déficit est donc massivement un déficit de fonctionnement et nous devons réaliser, avant de pouvoir nous permettre d'investir, au moins 70 milliards d'euros d'économies pour atteindre l'équilibre de fonctionnement.
Les chiffres sont là : nous n'investissons plus qu'une vingtaine de milliards d'euros pour 370 milliards de dépenses de fonctionnement en 2019. Le projet de budget pour 2020 suit la même direction, avec un déficit de fonctionnement de près de 71 milliards d'euros. Ce n'est pas tenable. Les finances publiques dérivent et la France ne respecte pas ses engagements européens – qui, je le rappelle, étaient de réduire de 0,5 point de PIB par an son déficit structurel.
Venons-en à vos prévisions de croissance. Monsieur le ministre, votre gouvernement continue à s'accrocher à l'espérance d'un taux de croissance de 1,4 % pour 2019, mais vous êtes les derniers à y croire. En effet, pour atteindre ce niveau, la croissance devrait être, au quatrième trimestre, de 0,5 point de PIB. Or la Banque de France vient de publier hier son estimation pour ce quatrième trimestre, qui est de 0,2 %, soit un peu en dessous des 0,3 % relevés au cours des trois premiers trimestres de 2019, et donc en deçà de l'objectif affiché. Pourquoi ne l'écoutez-vous donc pas ?
Notons que si vous aviez ramené ce taux à 1,3 %, notre déficit structurel passerait de 2,2 % à 2,3 % : en matière de lutte contre les déficits, l'électroencéphalogramme est donc plat depuis trois ans. Par voie de conséquence, votre politique entraîne un dérapage croissant par rapport à la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022, que votre majorité a votée. Sur les deux ans, en effet, on atteindrait 0,5 % si on réajuste le taux de croissance, ce qui, compte tenu de l'article 23 de la loi organique du 17 décembre 2012, vous oblige à faire une nouvelle loi de programmation – que nous attendons avec impatience, puisque vous en avez annoncé une pour le printemps.
En troisième lieu, vous estimez l'effort structurel sur les dépenses publiques pour 2019 à 0,3 point de PIB, soit environ 7 milliards d'euros, mais en 2019, les deux tiers de cette baisse ne correspondent pas à une économie structurelle, mais à une économie de constatation sur les charges financières prévues en LFI pour 2019, soit 0,2 point de PIB.
Les économies structurelles réelles sont donc de 3 milliards d'euros seulement.
J'évoquerai enfin – et j'attends avec impatience votre réponse sur ce point – l'explosion des primes d'émission, qui passent de 3 milliards d'euros dans la LFI pour 2019 à 17 milliards en PLFR, ce qui permet de freiner la hausse apparente de la dette publique qui, malgré cela, continue à progresser, contrairement à ce que vous aviez annoncé.
Vous comprendrez donc que, pour ces cinq raisons, le groupe Libertés et territoires ne votera pas cette loi de finances rectificative.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC.
Ce PLFR est l'illustration de tout ce qui ne va pas dans la politique de ce gouvernement – qui, il faut le dire, exacerbe les défauts de la Ve République. Une poignée de personnes semble décider de tout toute seule, et même l'Assemblée nationale est de plus en plus réduite à un outil de communication du Gouvernement. Comment expliquer autrement les délais ahurissants que l'on nous a imposés pour découvrir et étudier ce texte ? Comment expliquer que nous ayons dû déposer nos amendements avant même de pouvoir en discuter en commission ?
Non seulement le débat parlementaire n'est pas respecté, mais le Gouvernement voudrait même nous présenter ses PLFR comme de bonnes nouvelles démocratiques, sous prétexte qu'ils ne contiennent pas de nouvelles dispositions fiscales. C'est toujours la même chose : ce gouvernement fait le pire et veut le faire passer pour le meilleur.
C'est ce qu'il a fait, comme on le craignait, avec les mesures d'urgence de décembre. Censées répondre à la crise des gilets jaunes et à l'urgence sociale, ces mesures auraient pu être une bonne nouvelle pour nous tous. Or comme le montre ce PLFR, elles ont été financées en grande partie aux dépens d'autres dépenses publiques essentielles – et je ne parle pas de l'absence de compensation par l'État de leurs conséquences financières pour la sécurité sociale – , servant donc de justification à une réduction de près de 1 milliard d'euros des dépenses « pilotables ». Non seulement ces mesures « gilets jaunes » sont loin d'avoir résolu la crise sociale de notre pays mais, pire encore, elles servent aujourd'hui à justifier l'austérité : c'est un comble !
Dans ce même esprit de la communication permanente, le Gouvernement nous détaille bien dans ce PLFR les raisons expliquant chaque ouverture de crédit, mais se garde en revanche de faire de même pour les annulations, qui ne sont expliquées qu'en annexe. On peut aisément comprendre pourquoi : pour leur majeure partie, ces annulations de crédits sont injustifiables et insupportables ! Non seulement vous nous présentez chaque année une loi de finances inspirée par l'austérité, qui contribue chaque fois un peu plus à la destruction de nos services publics et ne prend en considération ni la crise sociale ni la crise climatique, mais nous devrions, en plus, accepter sans broncher de voir réduire à nouveau, au moment du PLFR, les crédits consacrés à des missions essentielles.
Le fait que ces crédits soient censés être puisés en grande partie dans la réserve de précaution n'est pas plus acceptable, car cette réserve a une autre fonction : elle est destinée à offrir une marge de manoeuvre en cas d'aléa exceptionnel et non pour servir de réserve face à l'austérité.
Ces annulations de crédit sont donc toutes plus incompréhensibles les unes que les autres. Ainsi, la mission « Outre-mer » se voit amputée de 176 millions d'euros sans que le ministre lui-même n'ait su le justifier.
De même, il est incompréhensible que 74 millions soient annulés pour la mission « Santé », en pleine crise des urgences et de l'hôpital public, alors que les personnels de santé, en pleine mobilisation, se sont donné rendez-vous demain pour crier leur ras-le-bol, leur colère, et leur inquiétude pour ce secteur – je leur souhaite un plein succès pour cette manifestation. Ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable de consacrer ces millions aux ouvertures de lits ou aux embauches de personnel ?
Il est tout aussi incompréhensible, monsieur le ministre, que la mission « Écologie » se voie annuler 212 millions – 80 millions en net – , dont par exemple plus de 19 millions sur le programme « Prévention des risques ». J'ai déjà dit ce que je pensais du prétexte que vous avancez pour justifier cette réduction, en l'occurrence la mesure d'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble Le Signal, pour laquelle la LFI pour 2019 ne prévoyait que 7 millions d'euros.
Je suis attentivement, en tant que rapporteur spécial, ce programme indispensable dont je ne cesse de répéter qu'il manque de crédits. Alors que les risques industriels et naturels ne cessent d'augmenter avec la crise climatique, les opérateurs chargés de prévenir et de gérer ces risques sont de moins en moins bien financés.
Cela illustre concrètement la manière dont l'austérité nous met chaque jour en danger. Ces millions auraient par exemple pu servir à embaucher de nouveaux inspecteurs pour les sites industriels dangereux : il en manque au moins 200. Mais comme à votre habitude, plutôt que d'investir tous ces millions dans des mesures d'intérêt général, de les utiliser pour rendre la vie meilleure, vous préférez les considérer comme des abstractions et obéir à des injonctions comptables qui sont, en réalité, hors sujet.
Vous tentez en vain de répondre aux attentes absurdes de l'Union européenne, mais même au prix de tous ces sacrifices, vous ne parvenez pas à la contenter. Monsieur le ministre, cette politique est inefficace économiquement, ses principes sont intenables, ses résultats détruisent des vies.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Vous nous présentez ce soir un projet de loi de finances rectificative qui n'est assorti d'aucune nouvelle mesure fiscale, gage selon vous d'une « gestion saine basée sur des hypothèses sincères ». Nous pourrions gloser à l'envi sur la sincérité desdites hypothèses et sur le décrochage entre la projection initiale, celle d'une croissance à 1,7 % et le chiffre désormais retenu, mais peu probable, de 1,4 %. Nous pourrions dénoncer le fait que la France ne respectera pas cette année la sacro-sainte règle des 3 % de déficit au sens de Maastricht.
Aucun de ces sujets n'intéresse cependant nos concitoyens, pour la majorité desquels votre autosatisfaction n'est pas de mise. Du reste, chacun peut constater que les maigres embellies économiques auxquelles vous faites allusion ne doivent rien à votre politique et tout à des éléments de conjoncture tels que la baisse des prix du pétrole ou le très faible niveau des taux d'intérêt, qui aident grandement votre gouvernement à tenir le cap budgétaire qu'il s'est fixé.
Votre gestion comptable des deniers publics tourne à vide et n'a d'autre ambition que d'atteindre des équilibres toujours plus précaires. Le jour même où vous déposiez ce PLFR sans relief, le Secours catholique publiait de son côté son rapport 2019 qui dresse un portrait frappant de la pauvreté en France. En 2018, les 66 000 bénévoles de cette association ont ainsi accueilli 1 347 000 personnes, dont 631 000 enfants. Ces chiffres corroborent ceux de l'INSEE qui, à la mi-octobre, observait une hausse de 0,2 point du taux de pauvreté entre 2017 et 2018 : pas moins de 9 millions de Français vivent désormais sous le seuil de pauvreté. De même, l'indice de Gini, qui mesure les inégalités, a connu sa plus forte progression depuis 2010.
Quelles actions concluantes avez-vous conduites pour réduire le taux de pauvreté et les inégalités ? Aucune. Vous avez au contraire joué depuis le début la carte du « ruissellement vers le haut » et de la concentration des richesses plutôt que de leur juste redistribution. Tandis que les pauvres s'appauvrissent, les riches s'enrichissent.
Le bilan de l'année 2018 dressé par le cabinet de conseil Proxinvest est sans appel. Il révèle en effet que les patrons du CAC 40 ont vu leur salaire augmenter de 12,4 %, leur permettant de toucher en moyenne l'équivalent de 277 SMIC. Un triste record.
Les quelques mesures annoncées à l'issue du mouvement des gilets jaunes n'y changent évidemment rien. Notre pays s'enfonce toujours plus dans le marasme sur fond de délitement de la solidarité, d'abandon des services publics, d'absence d'ambition industrielle.
Le changement de paradigme qu'impose la crise sanitaire, sociale et environnementale n'est toujours pas au rendez-vous. Avec une obstination dangereuse, vous vous refusez à rebattre les cartes de la politique européenne et à imposer à nos partenaires de sortir les dépenses de santé du calcul du déficit, de débattre du rôle que peut jouer la Banque centrale européenne dans le financement de la transition écologique, de réorienter la politique agricole commune ou de favoriser les indispensables mutations industrielles – pour ne citer que quelques exemples.
Dans ces circonstances, l'exercice que vous nous proposez apparaît à la fois inconsistant et vide de sens. En raison de l'incroyable décalage qu'il représente une fois encore par rapport aux attentes du pays, nous voterons contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les sur les bancs des groupes GDR et SOC.
Je souhaite exprimer ma satisfaction devant les efforts consentis par le Gouvernement depuis son entrée en fonction, en particulier dans trois domaines : la sincérisation des comptes publics, un processus qu'il mène depuis le projet de loi de finances pour 2018 ; la responsabilisation des gestionnaires de programme, à qui il cherche à donner plus de visibilité dès le début de l'année ; le respect de l'autorisation parlementaire, au nom duquel il a renoncé, pour la deuxième année consécutive, à l'ouverture ou l'annulation de crédits par décret d'avance, couramment pratiquées par les gouvernements précédents.
Ce sérieux budgétaire se matérialise aujourd'hui dans un projet de loi de finances rectificative pour 2019 dont la dizaine d'articles ne comprend aucune mesure fiscale mais uniquement des mesures ayant une incidence sur l'équilibre budgétaire de l'exercice en cours. Il faut saluer le maintien d'un taux de mise en réserve à 3 % sur les crédits hors masse salariale, ce qui a permis de revenir à la principale vocation de la réserve de précaution : faire face aux aléas de gestion.
Par ailleurs, ce sérieux budgétaire se traduit par un texte de fin de gestion essentiellement technique qui vise uniquement à rectifier certains éléments à la marge. Cela permet de réserver les grands débats politiques à la loi de finances initiale et de rendre le budget de l'État plus lisible pour nos concitoyens.
Je comprends – et partage peut-être – les observations de l'opposition sur les délais très courts dans lesquels s'inscrit l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale. Peut-être faudrait-il, monsieur le ministre, améliorer la situation à la marge.
Cependant, ces délais resserrés s'accompagnent d'un allégement et d'un recentrage du PLFR. Ils permettront en outre une promulgation rapide de la loi, début décembre, et une ouverture des crédits de personnel nécessaires au paiement des salaires de décembre dans les ministères concernés.
Un projet de loi de finances rectificative n'a pas pour vocation d'être le véhicule législatif de mesures économiques d'urgence. Par exemple, l'an dernier, c'est bien le projet de loi de finances initiale qui a permis de répondre au mouvement des gilets jaunes – nous avions d'ailleurs débattu de cette question en commission des finances. En votant ces mesures en décembre 2018, à la fin du marathon budgétaire, nous avons respecté la philosophie propre à cette majorité : nous avons répondu de manière pragmatique au cri d'alerte lancé par une majorité de Français en faveur d'une plus grande justice sociale, mais en même temps nous avons suivi notre ligne directrice consistant à poursuivre le rétablissement de nos finances publiques et à rester en dehors de la procédure pour déficit excessif afin de continuer à faire peser la voix de la France dans les négociations au sein de l'Union européenne.
En dehors des annulations de crédits mis en réserve, ce PLFR comprend notamment trois mesures à caractère social qui seront financées sur l'exercice 2019 : une rallonge de 800 millions d'euros pour la prime d'activité ; une dépense nouvelle de 600 millions d'euros liée au report au 1er janvier 2020 de la réforme des aides personnalisées au logement ; enfin le financement, à hauteur de 200 millions d'euros, de la pérennisation de 6 000 places de renforts hivernaux et de l'augmentation des mises à l'abri des personnes vulnérables.
Il faut également saluer la fiabilité des prévisions budgétaires du Gouvernement. Le scénario macroéconomique reste ainsi inchangé par rapport à celui qui fonde le PLF pour 2020, soit une croissance de 1,4 % en 2019. J'ai entendu certains ici s'interroger sur cette perspective qui semble pourtant confirmée par les hypothèses de l'INSEE. Il est important de souligner que l'activité est toujours soutenue par une demande intérieure forte, en particulier l'investissement des entreprises et la consommation des ménages. Dire que cela ne résulte pas de notre politique est d'ailleurs peut-être aller un peu loin. Les mesures pour le pouvoir d'achat que nous avons instaurées depuis le début du quinquennat commencent seulement à porter leurs fruits. Ces effets s'accéléreront au même rythme que nos réformes structurelles – peut-être faudrait-il d'ailleurs réfléchir à la distinction entre solde structurel et réforme structurelle. La baisse de 27 milliards d'euros d'impôts pour les Français pendant le quinquennat a été réaffirmée dans le PLF pour 2020 avec notamment – il faut toujours le rappeler – la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages et une baisse substantielle de l'impôt sur le revenu.
Le sérieux budgétaire et la fiabilité des prévisions macroéconomiques encore une fois démontrés dans ce PLFR pour 2019 sont des conditions préalables au financement et donc à l'application des mesures structurelles que notre majorité a prises, avec succès, pour la France. C'est la raison pour laquelle le groupe La République en marche votera en faveur de ce texte.
Mme Olivia Grégoire applaudit.
Avant tout, je tiens à dénoncer, comme l'ont fait certains de mes collègues, les conditions d'examen de ce projet de loi de finances rectificative. Le PLFR, qui comporte d'importantes annulations de crédits, nous a été présenté par le Gouvernement le jeudi 7 novembre à 14 heures, alors que l'audition du ministre était prévue le même jour à 17 heures et que la date limite de dépôt des amendements en commission était fixée au lendemain. Tout cela alors que nous sommes en plein examen du PLF pour 2020 ! Enfin, comble du comble, la date limite de dépôt des amendements pour l'examen en séance, fixée à 17 heures samedi dernier, était antérieure à l'examen du PLFR en commission.
Un tel agenda est absolument ingérable pour nous et nuit grandement à la qualité du travail parlementaire.
Je voudrais à présent m'adresser à mes collègues députés de la majorité : vous vous attachez à examiner en détail les crédits des missions dans les lois de finances initiales mais pas les annulations de crédits, ce qui vous empêche de porter un jugement pertinent. Je trouve regrettable que le Gouvernement n'ait pas appris de ses erreurs des années précédentes et n'ait pas tenté de rendre le débat plus aisé pour le Parlement. Monsieur le ministre, le fait de nous présenter un PLFR allégé ne doit pas vous exonérer de respecter le Parlement ni nous priver du droit d'amendement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
J'en viens au fond du sujet. Ce PLFR pour 2019 est une preuve de plus des renoncements du Gouvernement.
Vous renoncez, monsieur le ministre, à tout effort pour réduire la dépense publique, pour résorber le déficit, pour désendetter la France. Vous vous laissez bercer par la conjoncture européenne, et vous faites très injustement payer aux générations futures le coût de votre manque de courage.
Premièrement, vous vous félicitez de l'augmentation des recettes, de l'ordre de 5,7 milliards d'euros pour la partie fiscale et de 1,9 milliard pour la partie non fiscale. Or ces 5,7 milliards d'euros de recettes fiscales, ce sont autant d'impôts supplémentaires prélevés sur les citoyens. Plus d'un tiers de ces recettes provient de l'impôt sur le revenu, notamment du prélèvement à la source, lequel a généré des recettes exceptionnelles : on comprend mieux votre empressement à mettre en place cette mesure, qui a représenté un véritable jackpot pour l'État, lui permettant d'augmenter les impôts sans le dire.
Un chiffre m'interpelle également dans ces recettes fiscales : celui des autres recettes fiscales nettes, qui augmentent de 3 milliards d'euros par rapport à ce qui était prévu initialement. Si vous l'expliquez partiellement dans l'exposé général des motifs, le compte des 3 milliards n'y est pas. Le rapporteur général lui-même fait état, dans son rapport, d'un manque de transparence sur ce point. Pourriez-vous donc être plus précis, monsieur le ministre ?
Vous annoncez avoir réduit de 10 milliards d'euros le déficit budgétaire, mais nous voyons bien que cette diminution est essentiellement due au dynamisme des recettes : si le déficit se résorbe, ce n'est pas du tout parce que les dépenses diminuent, mais parce que les ressources, donc les impôts des Français, augmentent.
Cet indispensable effort de diminution des dépenses, que nous vous réclamons depuis le début du quinquennat, vous ne l'avez pas consenti. Au contraire, la réduction de 1,5 milliard d'euros des dépenses que vous aviez promise il y a un an est finalement limitée à 1 milliard. Vous renoncez donc à tenir vos engagements, pourtant déjà bien modestes.
Vous profitez de l'avantage conjoncturel que représentent les taux d'intérêt bas, voire négatifs, pour réduire les dépenses du budget général. Cet avantage est en réalité contreproductif puisqu'il vous conduit à renoncer à tout effort structurel : la totalité de cette réduction correspond à la diminution de 1,6 milliard d'euros de la charge de la dette.
Dois-je vous rappeler que le Haut Conseil des finances publiques indique, dans l'avis qu'il a rendu sur le PLFR, que l'effort structurel réalisé par le Gouvernement est nul en 2019, et le sera également en 2020 ? La trajectoire de solde structurel s'éloigne de plus en plus de celle qui a été définie dans la loi de programmation des finances publiques, à raison d'un écart moyen de moins 0,2 point de PIB en 2018 et en 2019. Avec de tels résultats, vous frôlez dangereusement le seuil de déclenchement du mécanisme de correction prévu à l'article 23 de la loi organique de 2012.
Nous regrettons que vous attendiez la dernière minute pour nous présenter un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques. Il aurait été bien plus honnête de le préparer dès la fin de l'année 2018, puisque vous saviez déjà, alors, que vous ne respecteriez pas la trajectoire établie.
Enfin, vous attribuez l'augmentation démesurée des primes d'émission au bas niveau des taux. Mais comment les taux bas pourraient-ils justifier à eux seuls une augmentation de 14 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale ? Quelle est la réalité de ce chiffre ?
Les députés du groupe Les Républicains s'inquiètent de voir l'économie française dépendre de plus en plus de la conjoncture, car cela rend le futur incertain. Plus d'efforts structurels pour moins de dépendance conjoncturelle, c'est ce que nous prônons. Ainsi, vous l'avez compris, nous voterons contre ce PLFR pour 2019.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons clôt une année fiscale particulière au cours de laquelle, à la suite de la crise des gilets jaunes, d'importantes mesures en faveur du pouvoir d'achat ont été prises.
L'année 2020 sera celle de la baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu, de la réindexation des pensions de retraite de moins de 2 000 euros sur l'inflation et de l'exonération totale de taxe d'habitation pour 80 % des ménages, mesure compensée par la réforme de la fiscalité locale. Selon la Banque de France, tout cela représentera, l'an prochain, un gain de pouvoir d'achat de 2,3 % par habitant, sans oublier les allégements de cotisations patronales sur les bas salaires jusqu'à 1,6 SMIC, disposition entrée en vigueur le 1er octobre, et, pour les plus fragiles, la revalorisation de 4,6 % de l'allocation adulte handicapé qui, depuis le 1er novembre, est passée de 860 à 900 euros.
Ces mesures traduisent l'écoute dont le Gouvernement et le Parlement ont fait preuve à l'égard des revendications sociales exprimées l'hiver dernier. Elles représentent, pour le budget de l'État, un coût de plus de 10 milliards d'euros.
En réponse à cette situation exceptionnelle, le présent PLFR comporte des mesures limitées à l'exercice en cours tout en excluant, pour la deuxième année consécutive, tout décret d'avance : c'est là un gage de sérieux budgétaire.
Dans ce cadre, le PLFR entérine le financement, à hauteur de près de 3 milliards d'euros, de dépenses engagées en 2019 : 800 millions en faveur de la prime d'activité ; 600 millions pour mener à bien la réforme des aides personnalisées au logement et permettre leur versement en temps réel ; 300 millions liés à la prime de conversion et au bonus écologique.
Les actualisations économiques qui fondent ce projet de loi reposent sur des objectifs que le Haut Conseil des finances publiques estime atteignables, notamment en ce qui concerne la croissance, la consommation des ménages ou encore les rentrées fiscales, lesquelles ont constitué une bonne surprise au cours des deux dernières années.
On peut saluer, en ce sens, l'initiative du Gouvernement, et en particulier de Gérald Darmanin, d'avoir défendu le prélèvement à la source, dont l'opposition nous prédisait l'échec et qui constitue une vraie réussite sans induire d'augmentation d'impôts. Cependant, la sensibilité du groupe MODEM aux impératifs de bonne gestion publique dans l'exercice du pouvoir de contrôle qui est celui du Parlement me conduit à exprimer certaines interrogations, pour ne pas dire certaines craintes.
La première interrogation concerne l'augmentation de la dépense publique enregistrée dans ce PLFR. Même si elle est conforme aux prévisions de la loi de finances initiale, cette augmentation inclut une forte hausse des dépenses d'investissement des collectivités locales, de plus du double de ce qui était initialement prévu, à savoir 15 % au lieu de 8 %.
La seconde interrogation concerne l'incertitude qui pèse sur les recettes fiscales et sur la croissance. En effet, si les prévisions de croissance semblent étayées par un contexte dynamique de création d'emplois – lequel devrait conduire à ramener le taux de chômage à 7,9 % d'ici à la fin de 2021 – ainsi qu'à une tendance à la hausse des salaires, la consommation n'a pas encore suivi le même mouvement, même si les instituts le prévoient. De fait, le taux d'épargne des Français reste élevé, à 15,1 % au premier semestre de 2019.
Par ailleurs, même si le Gouvernement attend près de 5,7 milliards d'euros de recettes fiscales, soit 1,1 milliard de plus que les prévisions initiales – notamment grâce au dynamisme des droits de mutation et de l'IFI, l'impôt sur la fortune immobilière, et à des prévisions favorables de recettes de TVA et d'impôt sur les sociétés – , le niveau du déficit budgétaire de notre pays ne nous rassure pas.
En demeurant à 3,1 points du PIB, effet du CICE compris, le déficit public dépasse les critères fixés par la France à Maastricht. Ces critères, on peut les juger obsolètes ou dévoyés lorsque certains pays ne réalisent pas d'investissements dans leur économie, mais ils restent un objectif d'amélioration de la gestion publique.
La charge de la dette, passée de 98,4 à 98,8 % du PIB, nous inquiète également pour les générations futures, même si, avec des taux historiquement bas, la conjoncture macroéconomique est favorable.
Enfin, l'éloignement de la trajectoire du solde structurel défini par la loi de programmation des finances publiques, à raison de moins 0,2 point de PIB sur deux ans, est proche du seuil de déclenchement du mécanisme de correction prévu à l'article 23 de la loi organique de 2012, fixé à 0,25 point de PIB sur cette périodicité.
C'est donc en soutien au Gouvernement, dont nous accompagnons les réformes favorables à l'économie française et au pouvoir d'achat de nos concitoyens, que le groupe MODEM votera ce PLFR, tout en appelant le même Gouvernement à engager sans plus tarder la remise à plat fiscale que nous appelons de nos voeux et que certains de nos amendements au PLF traduisent, en vue de taxer davantage les flux de revenus – cessions, distributions de dividendes ou ventes de biens immobiliers – , et moins le patrimoine non liquide de nos concitoyens, sujet de crispation sur le consentement à l'impôt.
Sous réserve de ces différentes observations, nous voterons le présent texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous voici réunis pour voter le dernier ajustement budgétaire de l'année 2019, avant le projet de loi de règlement au printemps prochain. Avant d'en venir au fond je veux, à l'instar de presque tous les orateurs qui m'ont précédée, dénoncer les conditions d'examen du présent texte. Depuis l'année dernière, les délais qui nous sont imposés ne nous permettent plus de légiférer convenablement. Si nous saluons la volonté du Gouvernement de ne pas recourir aux décrets d'avance, cet effort ne doit pas se traduire par une dégradation des conditions d'examen des collectifs budgétaires au Parlement. Or c'est le cas, et nous le déplorons.
Venons-en au fond. Ce PLFR ne contient aucune mesure fiscale : sur ce point, monsieur le ministre, votre engagement a été tenu, et je le reconnais bien volontiers.
Concernant les prévisions macroéconomiques pour 2019, le Haut Conseil des finances publiques juge « atteignable » la prévision de croissance à 1,4 %, mais celle-ci suppose « une accélération de l'activité au 4e trimestre », à hauteur « d'au moins 0,5 % ». Or, hier, la Banque de France a annoncé qu'elle prévoyait une croissance de seulement 0,2 % au dernier trimestre. Je pose donc la question : ce PLFR est-il encore sincère ?
S'agissant de nos finances publiques, le PLFR confirme que le déficit atteindra 3,1 % du PIB en 2019 ; c'est la première fois depuis 2010 qu'il se dégrade d'une année sur l'autre, puisqu'il s'était établi à 2,5 % en 2018. Sous le précédent quinquennat, que vous n'avez de cesse de vilipender, le déficit public, il faut le rappeler, s'est résorbé de 5 % du PIB en 2012 à 2,8 % en 2017.
Le Haut Conseil constate d'autre part que la trajectoire du solde structurel s'éloigne un peu plus de celle définie dans la loi de programmation des finances publiques, à raison d'un écart moyen proche du seuil de déclenchement du mécanisme de correction prévu à l'article 23 de la loi organique de 2012. Je pose donc de nouveau la question : ce PLFR est-il sincère ?
Puisque nous parlons de sincérité, il y a encore du pain sur la planche en ce domaine. Le PLFR ouvre en effet 2,6 milliards d'euros de crédits nouveaux afin de couvrir des mesures non financées, comme la paie de décembre des enseignants, pour ne prendre que cet exemple.
S'agissant de la dette, elle devait baisser : c'est le fameux « 5 » de l'objectif « 5-3-1 » fixé, monsieur le ministre, par votre collègue ministre de l'économie et des finances. Or force est de constater qu'elle repart à la hausse en 2019, à hauteur de 0,4 point, pour atteindre 98,8 % du PIB. Vu le contexte social qui vous conduira, j'en ai la certitude, à revoir vos dogmes déconnectés de la réalité vécue par nos compatriotes, la dette passera sans doute le cap des 100 % prochainement, et le déficit ne baissera plus. Vos ambitions initiales semblent bien lointaines…
Cela, je pourrais vous le reprocher ; mais les règles budgétaires européennes ont-elles encore un sens dans le contexte qui est le nôtre ? Il y a quelques mois, à cette même tribune, je dénonçais déjà les règles absurdes de Bruxelles, qui poussent au sous-investissement chronique des États et qui, surtout, éloignent les peuples de l'Union européenne.
« Le débat autour des 3 % dans les budgets nationaux », jugeait le Président de la République il y a quelques jours, « est d'un autre siècle ». Monsieur le ministre, approuvez-vous cette déclaration, orthogonale à tous les propos que vous avez tenus dans notre enceinte depuis plus de deux ans ?
Personnellement, je trouve la règle des 3 % dogmatique. Nous avons besoin d'investissements publics, tant au plan national que local, et toute dette n'est pas forcément de la mauvaise dette.
Toutes les semaines, dans nos circonscriptions respectives, nous constatons, pour le déplorer, le manque d'investissements chronique dans le domaine des infrastructures de transport, dans nos hôpitaux et nos EHPAD – établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – , dans nos universités, dans les gendarmeries ou dans les commissariats de police, sans parler des investissements indispensables pour faire face au changement climatique.
Nous avons aussi besoin de services publics locaux et nationaux, garants de la cohésion sociale. Plus que le déficit de l'État, estimé à 3,1 % en 2019, c'est le déficit des services publics que je déplore. Vendredi 8 novembre, dans le Puy-de-Dôme, ce sont trente-sept classes, je dis bien trente-sept, qui n'avaient pas de professeur.
Nous ne sommes qu'à la mi-novembre, et déjà l'académie ne peut assurer les remplacements nécessaires. Les enseignants n'ont d'autre choix que de répartir les élèves dans d'autres classes, dont les effectifs peuvent ainsi atteindre quarante élèves : imaginez la colère des parents ! Et que dire des enfants qui n'ont toujours pas fait leur rentrée faute d'auxiliaires de vie scolaire !
Je veux enfin parler de la colère qui gronde aux urgences, mais aussi à l'hôpital en général et dans nos structures d'accueil des personnes âgées. La semaine dernière, je discutais avec une aide-soignante qui devait assumer seule, tenez-vous bien, vingt-six couchers et vingt-six toilettes !
Pour y arriver, une seule solution : commencer le coucher à seize heures ! Dans quel monde vivons-nous ?
Ce n'est pas la société dont je rêve. Aussi le groupe Socialistes et apparentés votera-t-il contre ce PLFR.
Mme Valérie Rabault et M. Jean-Paul Dufrègne applaudissent.
Les années se suivent et parfois se ressemblent. Le rapport sur l'évolution de la situation économique et budgétaire que contient ce PLFR vire à l'autosatisfaction : l'activité économique y est décrite comme dynamique, dopée par les investissements des entreprises, une consommation des ménages repartie à la hausse et une progression de la production dans les services. En quelque sorte, tout va bien, madame la marquise ! Seule petite ombre au tableau : le repli dans le domaine de l'industrie manufacturière, mais avec la précision que les ménages sont toujours plus nombreux à envisager de faire des achats importants pour la période de fêtes de fin d'année. L'honneur est sauf !
En réalité, le PLFR pour 2019 est dans la lignée du projet de loi de finances initiale : mauvaise direction pour de mauvais résultats. Prenons le cas de la transition énergétique : vous effectuez, par un jeu de vases communicants, des transferts qui trouvent notamment leur origine dans l'augmentation du prix de marché de l'électricité au cours des deux dernières années, cette augmentation ayant pour effet mécanique de diminuer la compensation de charges dont le financement relève de l'État. En réalité, il faut pérenniser le système d'aide en matière de transition énergétique à travers le dispositif de crédit d'impôt y afférent ; nous l'avons d'ailleurs proposé dans un amendement au projet de loi de finances 2020. Il n'est pas cohérent d'inciter nos concitoyens à faire évoluer leur consommation d'énergie tout en les privant des outils pour le faire. Une fois de plus, c'est la double peine que vous leur imposez.
Cette double peine trouve également à s'appliquer dans les ouvertures de crédits réalisées dans certaines missions. Prenons l'exemple de la mission « Immigration, asile et intégration », révélatrice de l'écart entre les discours et les actes. Cette mission fait l'objet d'une ouverture de crédits de 126 millions d'euros affectés en grande partie au paiement de l'allocation pour demandeurs d'asile, ADA. De l'aveu même du Gouvernement, cette ouverture trouve sa justification dans « une dynamique des demandes d'asile supérieure aux hypothèses prises en budgétisation initiale ». Tout est dit : vous ouvrez des crédits supplémentaires pour répondre aux demandes d'asile qui explosent. Les demandeurs d'asile pourront même bénéficier d'une carte de paiement. Dans le même temps, plus de 95 % des déboutés du droit d'asile ne quittent jamais le territoire français. Il serait bien plus utile d'affecter ces crédits à d'autres domaines qui en ont bien besoin, comme l'hôpital public.
Là où vous parlez chiffres et équilibre budgétaire, nous vous répondons besoins de nos compatriotes et priorités dans les politiques à mener. Nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à ressentir les effets injustes d'une politique menée par un exécutif qui fait bien trop souvent la part belle à des intérêts catégoriels au mépris de l'intérêt général. Des pans entiers de la société – les forces de l'ordre et de secours, ou encore les Français qui payent leurs impôts – sont maltraités quand dans le même temps, la fraude fiscale et sociale explose ; la société poursuit ainsi lentement sa fracturation. La question du consentement à l'impôt est à la base de notre cohésion nationale. Ce consentement à l'impôt, intimement lié au consentement à la dépense, est fragile. Il est à craindre qu'en raison de vos choix budgétaires contestables et bien souvent injustes, nos compatriotes finissent par ne plus consentir à la dépense et il en sera alors fini de notre pacte social.
Nous vous conseillons de vous ressaisir et de remettre la France et les Français au coeur de vos priorités politiques. Faites-le pour les fonctionnaires, pour les chefs d'entreprise courageux qui créent de l'emploi, pour les salariés du secteur privé qui font tourner l'économie, pour nos agriculteurs qui essayent au quotidien de survivre, pour nos forces de l'ordre et nos pompiers qui mettent chaque jour leur vie en danger pour assurer la sécurité de nos concitoyens ! Nous voterons contre ce PLFR pour 2019.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.
J'appelle maintenant les articles du projet de loi de finances rectificative pour 2019.
Monsieur le ministre, je préfère encore les décrets d'avance à ce collectif examiné à la va-vite en piétinant le travail du Parlement. Avec les décrets d'avance, au moins, on bénéficiait d'un délai de huit jours pour débattre et examiner ce qui est le coeur de ce collectif : les ouvertures et surtout les annulations de crédits. Comme l'a rappelé Valérie Rabault, personne ne semble s'y être intéressé – ou n'a eu le temps de le faire – mais, hors intérêts de la dette, ce collectif présente 2,7 milliards d'annulations, ce qui est considérable. Quand on y regarde de près, ces annulations portent essentiellement sur des crédits d'investissement et concernent des politiques sur lesquelles le Gouvernement, le Président de la République et la majorité ont pris des engagements clairs : enseignement supérieur, environnement, transports…
Je vais vous donner un exemple tout frais qui relève du ministère de la culture : on a découvert hier soir – je l'avais pour ma part vu pendant le week-end – que ce collectif annulait 25 millions d'euros destinés aux monuments historiques, c'est-à-dire près de 10 % des crédits, pourtant déjà insuffisant, prévus pour ce poste budgétaire. C'est davantage que ce que rapporte le loto du patrimoine ! À quoi sert-il d'afficher comme priorité le redressement des crédits pour ensuite les annuler ? À quoi sert-il de missionner Stéphane Bern et la Fondation du patrimoine pour ensuite les priver de financements ? Ce que j'ai trouvé très grave – ceux qui étaient en séance hier soir ont pu le constater – , c'est que j'ai vraiment eu l'impression d'apprendre au ministre de la culture qu'il subissait cette annulation de 10 % des crédits dédiés aux monuments historiques.
Un tel écart entre les engagements et les actes mérite un minimum de temps pour en discuter ; je proteste donc contre les conditions d'examen de ce collectif !
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LT. – M. Jean-Louis Bricout applaudit également.
Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur le niveau du solde structurel que vous indiquez, dans l'article liminaire, s'élever à 2,2 points de PIB. Comme je l'ai mentionné en discussion générale, la Commission européenne avait demandé des clarifications au Gouvernement ; votre collègue Bruno Le Maire a répondu aux questions portant sur différents points, mais n'a rien dit du solde structurel. Or qu'on le veuille ou non, c'est sur le solde structurel que repose le traité ; c'est donc selon ce critère qu'est évaluée la façon dont la France tient ses engagements en matière de finances publiques. Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez ce que vous allez répondre en cas de nouvelle interrogation de la Commission européenne, qui s'était montrée peu satisfaite du niveau de réduction du solde structurel.
Monsieur le ministre, vous nous proposez un solde structurel à 2,2 points de PIB ; or comme vous le savez, la loi de programmation des finances publiques avait défini une tout autre trajectoire. D'ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques, dans un rapport public, alerte le Gouvernement sur cette dérive de la trajectoire du déficit et regrette que votre politique ne contienne aucune réforme structurelle.
Vous profitez d'un effet de croissance, d'un effet d'aubaine, si je puis dire, grâce à la perception de recettes supplémentaires ; or non seulement vous ne réduisez pas le déficit mais vous annulez des crédits importants. C'est incompréhensible.
Dans votre propos liminaire, vous nous avez fait l'éloge de la sincérité de votre politique. Seulement, la réalité – et la Banque de France l'a souligné hier – , c'est qu'il se pourrait que le contexte macro-économique évolue à la fin de l'année. Il est donc urgent que la France tienne sa parole vis-à-vis de ses partenaires européens et, donc, respecte la trajectoire du solde structurel telle que définie par un texte voté par l'Assemblée.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 58 .
J'ai déposé cet amendement pour plusieurs raisons, monsieur le ministre. La première est qu'hier, la Banque de France a publié son estimation de la croissance du PIB pour le quatrième trimestre : 0,2 %. Or vous maintenez, dans l'exposé des motifs de l'article liminaire, que le taux de croissance sera de 1,4 % du PIB pour l'ensemble de l'année 2019. Plus personne ne pense que ce sera le cas puisque, pour cela, il faudrait que la croissance atteigne 0,5 % pour le quatrième trimestre. C'est pourquoi le présent amendement vise à ajuster vos prévisions en fonction des dernières données. Quelle est votre position sur ce point ?
Ensuite, l'article liminaire est-il conforme à nos engagements communautaires ? Pour moi, la réponse est non. Bruno Le Maire ne répond pas à l'inquiétude de la Commission européenne : vous ne proposez aucune réduction du déficit structurel – le 0,1 point que vous évoquez se réduit à zéro après réajustement en fonction du taux de croissance. Entendez-vous prendre des mesures pour respecter nos engagements européens ?
Enfin, l'article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques précise que lorsque le Haut Conseil des finances publiques constate un écart entre les résultats d'exécution et les orientations pluriannuelles de solde structurel d'au moins 0,5 % du PIB au total pour deux années consécutives, une nouvelle loi de programmation des finances publiques – LPFP – est nécessaire. Or vous atteignez pile ce taux de 0,5 %. Mais vous pourrez d'autant plus facilement me répondre sur ce point que vous avez annoncé le dépôt d'un prochain projet de loi de programmation des finances publiques.
Je donnerai un avis défavorable sur ces trois amendements. Le premier amendement de Mme Dalloz concerne le volet préventif des traités, volet qui comporte des clauses – que j'ai déjà rappelées à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2020 – …
… qui permettent temporairement d'échapper aux ajustements structurels. Or nous y sommes…
… puisque l'écart entre le solde structurel constaté et les prévisions de la LPFP est de 0,25 % du PIB en moyenne sur deux ans. Voilà la réalité.
Ensuite, nous dévierions selon vous par rapport à la trajectoire prévue.
Tout le monde en est bien d'accord et c'est pourquoi sera prochainement déposé un projet de loi de programmation des finances publiques rectificative – nous l'appelons tous de nos voeux.
Pour terminer, monsieur de Courson, la croissance, vous le savez, accélère toujours en fin de cycle. Le Haut Conseil des finances publiques a fait savoir que l'estimation du Gouvernement était raisonnable. Nous en resterons donc à la raison du HCFP.
Je rappelle à M. Carrez que 40 millions d'euros, c'est le montant des annulations sur la réserve de précaution du ministère de la culture et que ce chiffre atteignait 50 millions d'euros dans le PLFR pour 2018.
En ce qui concerne la croissance, monsieur de Courson – le rapporteur général a répondu à vos autres questions – le HCFP a estimé que le taux prévu était atteignable. Je note par ailleurs que le FMI, d'une part, et la Commission européenne, d'autre part – alors qu'elle a dégradé les prévisions de croissance de la plupart des pays de l'Union européenne – , ont prévu pour la France le même niveau de croissance que l'année dernière. Aussi envisage-t-on une accélération de la croissance au dernier trimestre.
C'est le troisième budget que je soumets à votre examen et chaque année vous m'annoncez que nous ne parviendrons pas à atteindre nos objectifs de croissance, que nous risquons de déclencher le mécanisme de correction de la Commission européenne, que nous ne pourrons pas respecter les stipulations des contrats financiers de Cahors… Or chaque année, je constate que nous atteignons notre objectif de croissance et, étant donné le montant de l'investissement public et privé que nous constatons, étant donné les dépenses des collectivités locales, les créations d'emploi – que vous mesurez sans doute dans votre territoire – , très dynamiques y compris dans le secteur industriel, grâce à la création de nombreuses entreprises, étant donné les rentrées de TVA, chaque mois, et les rentrées de l'impôt sur les sociétés à la fin du mois de décembre, il paraît tout à fait raisonnable d'atteindre le taux de croissance envisagé – du reste, même le HCFP le prévoit.
Avis défavorable sur les trois amendements.
Vous n'avez répondu qu'à une seule de mes trois questions, monsieur le ministre. Vous invoquez les prévisions du FMI et de la Commission européenne. Je vous rappelle que le taux de croissance prévu n'était pas de 1,4 % du PIB mais de 1,3 %. La Banque de France, à moins que vous ne considériez qu'elle n'est pas sérieuse, estime que le taux de croissance pour le dernier trimestre sera de 0,2 % du PIB.
C'est pourquoi la prévision d'une croissance de 1,4 % du PIB, vous êtes les seuls à la faire. Tous les autres organismes de prévision prévoient qu'elle sera de 1,3 %, certains descendent même jusqu'à 1,2 %.
Ensuite, monsieur le futur ex-rapporteur général, le déficit structurel est repassé sous la barre des 3 % de PIB mais, même en dessous de ce seuil, le droit communautaire prévoit que tant que la dette publique n'est pas inférieure à 60 % du PIB – je vous rappelle que nous en sommes à 100 % – , il faut chaque année réaliser un effort structurel égal à 0,5 point de PIB – or, je le répète, nous en sommes à zéro, après redressement, et même le résultat indiqué par le Gouvernement n'excède pas 0,1 point de PIB.
Dernier élément, est-ce un effort structurel sur les dépenses que de constater que les taux d'intérêt baissent ? Est-ce le résultat d'une décision du Gouvernement français ? Pas du tout ! C'est en raison d'une décision de la Banque centrale européenne que les dépenses ont diminué de 4 milliards d'euros entre la loi de finances initiale de 2018 et celle de 2019, soit deux tiers de ce que vous présentez comme l'effort structurel.
Tous les analystes sérieux considèrent que l'effort structurel sur la dépense n'est même pas de 0,3 point de PIB mais de 0,1 point, soit 2,5 milliards d'euros, c'est-à-dire : rien.
Nous ne devons pas avoir tout à fait la même lecture de la note de conjoncture de la Banque de France.
Je l'ai, je vous remercie. La Banque de France prévoit en effet un tassement de la croissance au quatrième trimestre – il s'agit d'une première évaluation. J'observe également que la Banque de France constate que l'acquis de croissance, à savoir le niveau que le PIB atteindrait à la fin de l'année si la croissance était nulle au cours du dernier trimestre, était, au 30 septembre, de 1,2 % du PIB.
Nous n'allons pas refaire le débat sur le solde structurel mais on ne saurait confondre solde structurel et réformes structurelles. Prétendre que nous ne faisons pas de réformes structurelles…
… alors que nous avons réformé le marché du travail, orienté l'épargne vers le financement de l'investissement productif, réformé la formation professionnelle et l'apprentissage, l'assurance chômage, …
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nos collègues de la majorité n'ont certainement pas lu la note du 31 octobre 2019 – très récente, donc – du Haut Conseil des finances publiques sur le présent projet de loi de finances rectificative : « Comme il l'avait déjà souligné dans son avis sur le PLF pour 2020, le Haut Conseil constate que la trajectoire de solde structurel s'éloigne de façon croissante de celle de la loi de programmation des finances publiques [… ]. Il observe que l'écart moyen de solde structurel par rapport à la LPFP prévu sur les années 2018 et 2019 – - 0,2 point de PIB – est proche du seuil de déclenchement du mécanisme de correction prévu à l'article 23 de la loi organique de 2012 [… ]. » Les choses sont claires, chers collègues, et vous ne pouvez pas nous dire : « Circulez, il n'y a rien à voir, tout va bien ! » Il y a un vrai problème et vous ne voulez pas le voir.
Je n'entends pas relancer un débat sur les finances publiques même si c'est probablement la dernière fois que nous pouvons l'avoir. Il me semble, monsieur le ministre, que vous persévérez dans l'idée d'abandonner toute trajectoire raisonnable en matière de finances publiques.
C'est votre choix : vous avez dû répondre à une crise sociale et vous avez pour cela injecté massivement des fonds publics alors que vous auriez pu faire autrement. Vous avez décidé de baisser massivement les impôts.
Mais vous vous êtes à mon avis trompé d'impôts, je l'ai déjà dit. C'est vrai concernant l'impôt sur le revenu et c'est vrai pour la taxe d'habitation. Vous vous éloignez donc puissamment de la trajectoire que vous avez vous-même fixée ! Il s'agirait de la trajectoire définie par un autre gouvernement que le vôtre, je pourrais le comprendre, mais c'est bien celle que vous avez décidée vous-même l'année dernière.
Le fait qu'il existe des mécanismes de correction européens joue, bien sûr, car ils créent une forme de stress. Reste qu'il est nécessaire, pour nous Français, d'en revenir à une trajectoire cohérente de réduction des déficits publics. Or vous ne menez aucun effort structurel. La croissance étant à peu près à son niveau de potentiel, il faut faire des efforts structurels pour aboutir à une réduction du solde structurel. C'est un peu « techno » mais la réalité est là : il faut mener de véritables réformes, une vraie réduction des dépenses publiques. Nous ne pouvons pas nous glorifier de ce que notre déficit public soit inférieur à 3 % du PIB : plus aucun pays de l'Union européenne ne dépasse ce seuil ! La question est de savoir quelles sont les différences avec les autres pays membres et elles sont frappantes : notre déficit public est deux fois plus élevé que le déficit public moyen des pays de la zone euro.
Débattre de la croissance est très important même s'il est toujours un peu difficile d'anticiper. Nous devons résoudre la quadrature du cercle : nous avons accumulé un tel endettement, alors que les besoins sont considérables ! Et les incertitudes sur la croissance mondiale sont énormes, sans même parler des conséquences du Brexit, de l'évolution des coûts de l'énergie ou de celle des taux d'intérêt…
Aussi, sans vouloir donner de leçon, la bonne politique me semble être celle qui mette vraiment le paquet sur la transition énergétique. C'est là qu'il y aura un retour sur investissement. C'est préparer le futur. Cela s'impose non seulement du point de vue énergétique mais également du point de vue budgétaire et macro-économique.
Je m'immisce dans ce débat entre partisans d'une plus ou moins grande austérité. Le Gouvernement s'apprête à faire passer le déficit public à 3,1 % de PIB. J'ai entendu le chef de l'État considérer que le seuil de 3 % du PIB relevait d'un débat du siècle dernier – j'estime pour ma part qu'il était déjà infondé au siècle dernier : la baisse des dépenses publiques a souvent impliqué que l'on déréglemente très largement et qu'on ouvre à la concurrence des secteurs censés servir le bien commun. Aussi le respect de ce critère est-il de moins en moins d'actualité, en effet, …
… pour la bonne raison que la seule dette qui vaille est la dette écologique – nous ne cessons de le répéter et je rejoins, de ce point de vue, notre collègue Castellani.
Mégoter sur les investissements nécessaires au prétexte que l'on déborderait de 0,1 ou de 0,2 point de PIB, au risque de ne pas respecter une règle dont on sait qu'elle a été élaborée sur un coin de table à l'époque où M. Delors était président de la Commission européenne, mais qu'elle n'a jamais été justifiée, cela me semble problématique.
Je veux surtout souligner que la cause principale de l'établissement du solde public effectif à - 3,1 % du PIB se trouve dans la décision particulièrement injuste de baisser les impôts, notamment l'impôt sur le revenu – le seul qui soit redistributif.
Cette politique dissimule des cadeaux aux entreprises, qui ne sont que les prémisses de cadeaux plus généreux encore dans les années à venir. Ceux-ci participeront à augmenter davantage le déficit public et contraindront donc à diminuer les dépenses publiques, ainsi que nous le faisons déjà. Enfin, ces cadeaux mirifiques sont faits depuis des années aux plus riches de nos concitoyens, particulièrement les détenteurs du capital.
Le problème est que non seulement nous enfreignons légèrement les règles européennes – cela ne me gêne pas beaucoup – , mais aussi que nous le faisons pour de mauvaises raisons : pas pour investir, mais pour permettre des cadeaux fiscaux. Comme il ne faut pas faire exploser les déficits, tout le monde paye par l'intermédiaire de la réduction des dépenses publiques. Cette politique est absolument catastrophique.
… diminuer le déficit public, baisser les dépenses publiques, pour que la dette ne soit pas simplement ce qui sert à entretenir le déficit, et investir massivement dans les domaines écologique, économique et social.
La dette serait toujours présente, mais elle serait moins dangereuse, puisqu'elle reposerait sur des investissements pour l'avenir.
Nous devons prendre du recul. En ce qui concerne la croissance, nous verrons bien à la fin de l'année de quoi il retourne. Quant aux 3,1 % de déficit du solde public, ils ne font que traduire l'effet de la transformation du CICE. Madame Dalloz, nous n'ignorons pas les conclusions du Haut Conseil ; néanmoins, un effort a été fourni, et certaines mesures fiscales sont intéressantes.
J'ai entendu M. le président de la commission des finances évoquer la baisse de l'impôt sur le revenu : il me semble qu'il y a quelques mois, il défendait une mesure comparable dans le cadre d'une proposition de loi.
Nous n'allons sans doute pas poursuivre ce débat économique tout au long de la discussion sur le projet de loi de finances rectificative, même s'il est intéressant. En effet, la croissance conditionne une grande partie de l'activité économique, budgétaire et sociale de notre pays.
Il faut juger du résultat des courses à l'arrivée et non à mi-parcours, mais après deux ans et demi de mandat du Président de la République, nous avons déjà une bonne indication des enjeux.
Depuis que je suis petit, j'écoute mes parents, ma famille et mes connaissances parler de politique. De quoi se plaignent-ils ? D'une augmentation continue du chômage. Élève, étudiant, jeune travailleur, j'ai appartenu à une génération, depuis parvenue aux responsabilités, celle des années 1980 à 2000, qui a toujours entendu ce discours. Les Français se plaignent aussi d'une augmentation générale des impôts. Depuis quarante ans, ils se plaignent donc à la fois de l'augmentation généralisée du chômage et de celle des impôts.
Je constate que depuis deux ans et demi, le chômage diminue continuellement.
Certes, il pourrait peut-être diminuer plus encore, mais il est tout de même passé de 9,2 % à 8,2 % de la population active, grâce à la création de 500 000 emplois. Nous avons assisté à des réouvertures d'usines, au retour d'investisseurs étrangers, pas seulement européens. Dans ma région, à Maubeuge, un investisseur chinois est venu installer une usine textile.
Tous les discours technocratiques et politiques du monde ne m'empêcheront pas de constater que la politique du Président de la République et de la majorité a consisté à ouvrir un nouveau dialogue avec des investisseurs qui avaient fui la France pour leur rendre confiance dans notre capacité à être un grand pays.
Oui, le chômage baisse continuellement depuis deux ans et demi.
Il faut continuer le travail : 8,2 % de la population active au chômage, cela reste une proportion très importante ; néanmoins 500 000 créations d'emploi signifient autant de familles sortant de la misère, de la pauvreté sociale – peut-être le devons-nous à certaines décisions courageuses prises par le Président de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
De plus, que constatons-nous ? Depuis deux ans et demi, nous diminuons continuellement les impôts – peut-être trop selon certains d'entre vous – , au profit de tous.
En matière d'imposition du capital, nous avons transformé en IFI, impôt sur la fortune immobilière, l'impôt de solidarité sur la fortune, cet impôt idiot qui empêchait notre pays de fonctionner, et dont nous avions souvent dénoncé les effets, y compris moi lorsque je faisais partie de l'opposition. Reconnaissons au Président de la République d'avoir eu le courage de faire ce que d'autres auraient dû faire depuis bien longtemps !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Pour les sociétés, les impôts payés par les entreprises diminuent sans cesse. Nous avons initié une baisse continuelle des charges, pour les salariés comme pour le monde patronal. Pour les ménages, nous avons supprimé la taxe d'habitation et baissé l'impôt sur le revenu.
Nous constatons donc une baisse continuelle des impôts, qui atteindra 50 milliards sur la durée du mandat du Président de la République : l'histoire de la République ne connaît pas d'équivalent.
Certes, comme vous l'avez dit, une telle politique se fait au détriment de l'équilibre, puisque l'effort structurel réalisé en dépense est limité à 0,3 point de PIB, pour 0,2 point de recettes en moins. Néanmoins, le déficit, s'il baisse moins que prévu, baisse tout de même.
Que se passe-t-il cette année ? Nous investissons 40 milliards d'euros pour les entreprises : 20 milliards de CICE pour la dernière année de son application et 20 milliards de baisses de charges.
Si vous estimez qu'il n'existe aucun lien entre cette baisse de 40 milliards des prélèvements fiscaux sur l'économie et la création de richesses, l'ouverture d'entreprises et la baisse du nombre de chômeurs, c'est que vous n'avez pas l'honnêteté de considérer que nous vivons dans un monde de concurrence fiscale et économique, que ce soit avec d'autres pays occidentaux ou avec des pays émergents.
Je reconnais la droiture de M. Éric Woerth, qui n'a pas voté la baisse de l'impôt sur le revenu proposée par la majorité parlementaire. Il est donc fondé à affirmer qu'il n'aurait pas choisi d'appliquer cette mesure. Cependant, je constate que l'opposition, sur ce sujet, a voté comme un seul homme.
Effectivement, monsieur de Courson, vous non plus – si tant est que vous apparteniez totalement à l'opposition.
Protestations sur les bancs du groupe LR
Mais avec M. le président de la commission des finances, vous êtes bien les deux seuls !
Le groupe LR a donc voté la baisse de l'impôt sur le revenu, ainsi que la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires ! Il a voté toutes les mesures de réduction de la fiscalité proposées par le Gouvernement, et maintenant il vient nous reprocher de mener la politique du carnet de chèques !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Soyez cohérents ! Il est trop facile de dire en circonscription que l'on vote les baisses d'impôts, et de faire la morale budgétaire dans l'hémicycle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
En outre, pardonnez-moi de le dire, M. de Courson confond solde structurel et réformes structurelles. Qu'avons-nous fait depuis deux ans et demi ? La réforme du statut de la SNCF et la reprise de sa dette sont bien le fait de cette majorité.
La réforme de l'assurance chômage, la plus grande jamais initiée par un gouvernement, …
… et qu'on nous annonçait très difficile : c'est nous qui l'avons instaurée.
Nous sommes également à l'origine de la réforme de la fiscalité du capital, que tout le monde appelait de ses voeux ; …
… de la réforme du baccalauréat, et de celle de l'école élémentaire, qui a permis à des gamins d'être douze par classe pour apprendre à lire, écrire et compter – voilà une réforme structurelle que vous n'avez jamais menée ! Ne sont-ce pas toutes des réformes structurelles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La réforme du code du travail, consécutive aux ordonnances que nous avons prises dès les premiers mois du mandat est encore la nôtre, de même que la réforme de la fonction publique, grâce à laquelle nous pouvons avoir recours aux contractuels et aux ruptures conventionnelles…
Cher ami, si vous me laissez encore quelques instants pour m'exprimer, je dirai que je suis très fier d'appartenir à un gouvernement qui fait baisser le chômage, les impôts, le déficit, qui redonne du pouvoir d'achat à nos concitoyens.
Manifestement, une politique aussi efficace gêne quelques grincheux.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Sourires.
L'article liminaire est adopté.
Nous abordons l'examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2019.
L'article 1er est adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 50 , qui est un amendement de suppression.
Nous voulons supprimer l'article 2 : il ne compense que partiellement la baisse des recettes affectées à l'AFITF résultant de la diminution du produit des amendes forfaitaires perçues dans le cadre du contrôle automatisé, notamment en raison des destructions de radars automatiques. L'Agence perdrait ainsi environ 200 millions d'euros.
L'adoption de votre amendement aurait pour conséquence de supprimer l'ensemble des recettes affectées à l'Agence de financement des infrastructures ; je vous invite donc à le retirer, faute de quoi ce sera un avis défavorable, parce que l'AFITF a besoin d'argent.
Vous n'aimez pas les buralistes, et vous n'aimez pas l'AFITF !
L'amendement no 50 est retiré.
L'article 2 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques de suppression, nos 26 et 51.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 26 .
La réaffectation au budget général d'une partie de la fraction de TICPE n'est pas acceptable. Ces recettes doivent être maintenues au profit de la transition énergétique.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement identique no 51 .
Cet amendement vise à supprimer l'article 3, qui ajuste à la baisse les recettes affectées au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ».
La loi de finances pour 2019 avait prévu l'affectation d'un montant de 7 279 millions d'euros de TICPE au CAS « Transition énergétique ». Or le montant prévisionnel des dépenses du compte est amené à évoluer, compte tenu de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie – CRE – du 11 juillet 2019. Ces dépenses devraient finalement s'élever à 6 722 millions d'euros au titre de l'année 2019, soit un différentiel de 557 millions d'euros par rapport à ce qui était prévu dans la loi de finances pour 2019.
Nous trouvons regrettable que les 557 millions d'euros de crédits, dont l'objectif était de soutenir la filière des énergies renouvelables, ne lui soient pas affectés, alors même que l'ensemble des discours, ici comme ailleurs, montre que nous devons redoubler d'efforts dans ce domaine.
Je crois que l'intitulé de ce compte d'affectation spéciale, qui sera d'ailleurs supprimé si les dispositions votées dans le PLF pour 2020 ne sont pas modifiées, donne lieu à des confusions. Si vous n'ajustez pas les ressources en fonction de l'évaluation de la CRE, un excédent apparaîtra sur le compte ; ce sera un excédent dormant dont nous ne pourrons rien faire.
L'intérêt consiste justement à le reverser au budget général pour qu'il alimente certaines missions, dont évidemment celles relatives à la transition écologique. C'est tout le problème de ce CAS : sa dénomination ne correspond pas à sa réalité. Je vous invite donc à retirer votre amendement, sinon j'émettrai un avis défavorable.
Je comprends bien la difficulté d'utilisation des crédits, monsieur le rapporteur général, mais il me semble que le CAS « Transition énergétique » sera supprimé en 2021, …
… ce qui laisse la possibilité de dépenser cette somme en 2020. Si elle est reversée au budget général, elle ne pourra être affectée. Quelle sera sa destination ?
L'article 3 est adopté.
Il s'agit de l'article établissant l'équilibre général du budget et le plafond d'autorisation des emplois.
Je ne reviendrai pas sur les emplois, qui ont donné lieu à de nombreux commentaires lors de la discussion générale.
Toutefois, monsieur le ministre, mon attention a été appelée par l'exposé des motifs ; il énonce que les autres ressources de trésorerie que les titres émis et les variations des dépôts des correspondants du Trésor s'élèvent à 17,5 milliards d'euros, contre 3,5 milliards dans la loi de finances initiale.
Cette différence de 14 milliards d'euros, qui est loin d'être négligeable, vous la justifiez par le fait que « les primes nettes des décotes enregistrées à l'occasion de l'émission des titres de moyen et long termes sont plus élevées que le montant retenu en loi de finances initiale ».
Cette situation découle, j'imagine, du fait que les taux d'intérêt sont négatifs, mais, monsieur le ministre, ce système me semble très pernicieux. Si plus nous nous endettons, plus nous gagnons de l'argent du fait des primes d'émission, nous risquons d'entrer dans un cercle qui me semble loin d'être vertueux.
C'est un sujet – je le dis devant le président de la commission des finances – sur lequel nous devons travailler. Allons-nous nous endetter davantage pour gagner des primes d'émission de plus en plus importantes, sachant que nous en sommes déjà à 14 milliards d'euros pour la seule année 2019 ? C'est une vraie question.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 27 , tendant à supprimer l'article.
Notre objectif est d'éviter que, comme l'an dernier, le ministère des armées n'assume le surcoût des opérations extérieures, ou OPEX, et des missions intérieures, les MISSINT, dont l'opération Sentinelle – soit une facture de près de 1,4 milliard d'euros.
Avis défavorable : la suppression de l'article proposée par les auteurs de l'amendement est anticonstitutionnelle, puisque l'article est requis par la LOLF – mais j'imagine qu'il s'agit d'un amendement d'appel. Je laisse donc M. le ministre répondre.
Je commencerai par répondre à Mme Dalloz. La différence de 14 milliards d'euros s'explique par les taux d'intérêt très bas que nous connaissons actuellement. En outre, il existe un autre jeu d'écritures, sur lequel un représentant de l'Agence France Trésor, M. le ministre de l'économie et des finances, ou moi-même – je suis certain que M. le président de la commission des finances s'y emploie en ce moment – pourrons venir témoigner devant vous : les adjudications auxquelles l'Agence procède chaque mois permettent non seulement de très bien négocier les emprunts et d'obtenir des primes d'émission, puisque les intérêts sont très bas, mais aussi de refinancer des emprunts qui n'avaient pas été contractés au même taux.
Il n'y a donc pas de loup derrière cette différence de 14 milliards d'euros. Nous ne contractons pas d'emprunt à taux négatif, ce dont nous n'aurions d'ailleurs pas le droit, afin de gagner de l'argent en nous endettant. Au reste, je conviens qu'il s'agit de montants très importants, puisque nous empruntons chaque année 200 milliards d'euros sur les marchés financiers, et que ces explications pourraient sans doute faire l'objet d'une discussion plus longue.
L'amendement no 27 , qui est d'appel, concerne la sincérisation de la provision des OPEX, conforme à la loi de programmation militaire, la LPM. Je ne reviens pas sur l'argument d'inconstitutionnalité invoqué par M. le rapporteur général, mais j'ajoute que, selon les derniers chiffres, le surcoût des OPEX se monte à 1,4 milliard d'euros en 2019, comme en 2018. À l'heure où nous parlons, aucun dérapage n'a été constaté, ce qui constitue une bonne nouvelle. Le reste à financer, au-delà des provisions, s'élève à 400 millions d'euros, soit une baisse de 200 millions par rapport à l'an dernier, ce dont la majorité parlementaire ne peut que se féliciter.
Grâce à la hausse des provisions que nous avons décidée, compte tenu des 400 millions d'euros couverts par des marges sur les missions et des 214 millions d'euros d'ouverture de crédits – comme vous l'aurez constaté dans ce PLFR – , le montant des provisions approche 1,1 milliard d'euros pour 2020. Je rappelle qu'en 2017, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, il s'élevait à 450 millions d'euros.
Nous sincérisons donc les OPEX, comme le prévoit la LPM et, je le répète, sans constater aucun dérapage au sein de ces OPEX. Le mérite en revient à nos militaires, à leurs gestionnaires et à Mme la ministre des armées.
L'amendement no 27 n'est pas adopté.
L'article 4 et l'état A sont adoptés.
Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2019.
L'ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2019 est adopté.
Nous abordons l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2019.
Sur l'amendement no 60 rectifié , qui sera appelé dans un instant, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Cette année encore – comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, dans votre propos introductif – , le Gouvernement n'a pas eu besoin de recourir à des décrets d'avance, signe d'une bonne évaluation des besoins et d'une saine gestion budgétaire.
Toutefois, sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », l'obligation d'ouvrir des crédits en fin d'année pour assurer le versement de la paie des enseignants au mois de décembre envoie un signal négatif. Certes, la tendance est à la résolution de ce problème. Les ouvertures de crédits atteignent 145 millions d'euros cette année, contre 644 millions d'euros en 2016, et ces 145 millions représentent à peine 0,3 % des crédits de la mission, soit seulement une journée de paie de l'ensemble des enseignants.
Néanmoins, l'évaluation initiale des besoins budgétaires pourrait être améliorée. Les documents prévisionnels de gestion partent du principe que la réserve sera dégelée en fin d'année, ce qui n'est jamais garanti. Une hausse soudaine des taux d'intérêt ou un important engagement de nos troupes à l'étranger et la solidarité interministérielle obligerait à mobiliser ces crédits.
Or il est inconcevable de dire à nos enseignants, si un jour cette situation devait se produire, que leurs bulletins de paie seront amputés de plusieurs jours de rémunération à cause d'une anticipation trop optimiste du dégel de la réserve et de l'ouverture de crédits en LFR.
Quels moyens le ministère a-t-il mis en oeuvre dans l'élaboration du budget de la mission « Enseignement scolaire » pour 2020, notamment pour anticiper les besoins de recrutement, l'évolution du GVT, glissement vieillesse technicité, et le PPCR, parcours professionnels, carrières et rémunérations, afin de garantir qu'il ne sera pas nécessaire d'ouvrir des crédits en fin d'année 2020 ?
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l'amendement no 60 rectifié .
Cet amendement porte sur un point que nous avons eu l'occasion d'aborder lors de l'examen du PLF pour 2020. Nous souhaitons que le Gouvernement permette à nos concitoyens d'être informés sur un droit constitutionnel et de l'exercer dans de bonnes conditions. Ce droit, c'est celui de se prononcer dans le cadre du référendum d'initiative partagé dont la procédure a été lancée en juin.
Selon le ministre de l'intérieur, que nous avons rencontré à plusieurs reprises, le budget ne comporte aucune ligne de crédits affectée à l'information de nos concitoyens sur ce sujet. Nous proposons donc d'inscrire 5 millions d'euros…
« Ben voyons ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, vous pouvez ne pas approuver ce référendum, mais nous parlons d'un droit constitutionnel. Quand le Président de la République a décidé de lancer le grand débat, il a dépensé 12 millions d'euros qui n'étaient inscrits dans aucune loi de finances !
En l'occurrence, il s'agit de permettre à chaque citoyen d'être parfaitement informé de la possibilité d'exercer un droit prévu à l'article 11 de la Constitution.
Avis défavorable : il ne revient pas à l'État, notamment au programme 216 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », de financer une campagne sur le référendum d'initiative partagée, le RIP. En outre, il me semble curieux de parler de la défense d'un « droit constitutionnel ». La pratique actuelle est parfaitement conforme au droit, lequel ne prévoit pas qu'une campagne soit financée par des fonds publics. Enfin, le RIP a bénéficié d'une couverture médiatique très large, à laquelle l'amendement contribue. J'ai vu plus d'articles sur ce sujet que d'autres relevant d'une information générale des citoyens.
Avis défavorable. Vous parlez, madame Rabault, d'un droit constitutionnel. Dans sa décision no 2019-1-2 du 15 octobre 2019, le Conseil constitutionnel écrit : « Le principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions n'implique pas, par lui-même, que des mesures soient nécessairement prises, notamment par le Gouvernement, pour assurer l'information des électeurs sur l'existence, les modalités et les enjeux d'une opération de recueil des soutiens à une proposition de loi au titre du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution ou pour organiser la communication audiovisuelle des opinions en faveur ou en défaveur de ce soutien. »
Sans revenir sur les excellents arguments développés par le rapporteur général, je considère qu'aucun motif constitutionnel ne plaide pour l'adoption de l'amendement.
L'amendement, que je soutiens, tend non à obtenir une ligne budgétaire afin de faire campagne contre la privatisation d'ADP, mais à informer nos concitoyens que, pour la première fois, un référendum d'initiative partagée est mis en place par le Gouvernement, à la demande de 248 parlementaires.
Offrons à tous, même à ceux qui seraient hostiles à l'organisation du référendum, l'occasion de s'exprimer ! Il faut éclairer les citoyens sur l'existence de ce dispositif, qui a couru pendant un an dans le plus grand silence. On ne peut se délester sur la presse ou les médias du soin d'informer les citoyens de cette procédure.
Je suis étonnée de ce que je viens d'entendre : si le rôle de la presse n'est pas d'informer nos concitoyens, je me demande en quoi il consiste.
M. le ministre l'a rappelé : le seul garant du bon déroulement de ce scrutin est le Conseil constitutionnel. D'ailleurs, le ministère de l'intérieur a consenti des efforts en faveur du RIP. Grâce à ses services, tout électeur qui se présente dans des mairies de France ou, à l'étranger, dans les consulats, a accès à un poste informatique, ce qui lui permet de se prononcer pour l'organisation du référendum. Il peut également demander à faire enregistrer de manière électronique par un agent de la commune ou du consulat une demande présentée sur papier.
Le ministère a accordé des moyens pour que le lancement du RIP se déroule de la meilleure façon, en prenant en compte les personnes qui ne disposent pas d'un ordinateur ou du réseau, ou qui ne souhaitent pas voter en ligne. Je pense donc que la requête de Mme Rabault est un peu…
Moi, je n'hésite pas à qualifier vos réponses de cyniques. Vous ne cessez de répéter que les mobilisations sociales sont illégales, …
… la seule issue démocratique étant les urnes. Or le jour où vous vous retrouvez face à une proposition de loi référendaire, qui permettrait de sortir par le vote d'un véritable blocage – puisque toute l'opposition dénonce une privatisation à laquelle, les uns après les autres, les sondages montrent que deux tiers des Français sont opposés – ,…
… vous nous répondez avec cynisme qu'aucune obligation constitutionnelle ne contraint le Gouvernement à organiser une information sur le sujet. Y avait-il la moindre obligation constitutionnelle à organiser les spots de publicité que le Gouvernement a consacré à la privatisation de La Française des jeux…
… et qui a occupé des heures d'émission retransmises sur des chaînes télévisées, qui appartiennent à 80 % à neuf milliardaires, tous amis du Président de la République ? Dans ces médias, je ne vois guère le pluralisme qu'exige la vie démocratique !
Vous ne le comprenez pas, mais il serait nécessaire à la démocratie et au respect de vos concitoyens de prévoir au moins des spots d'information leur indiquant comment ils peuvent se manifester pour demander l'organisation du référendum et leur précisant jusqu'à quelle date il est possible de le faire.
Vous vous honoreriez en agissant ainsi, mais je pense que vous avez trop peur du résultat !
Monsieur le ministre, j'ai sous les yeux la décision du Conseil constitutionnel du 15 octobre, que vous avez citée. Cette instance chargée de faire respecter la Constitution a rappelé les termes de la loi organique. Toutefois, il se trouve que ce référendum d'initiative partagée est une première. Nous essuyons les plâtres. C'est pourquoi le ministère de l'intérieur a dû réactiver un site internet.
Je propose à mes collègues de la majorité de m'accompagner sur le terrain, s'ils le souhaitent. Ils verront que beaucoup de Français ignorent l'existence de cette procédure référendaire.
Grâce à des tablettes, j'ai permis à des électeurs de s'exprimer à son sujet. Certains Français qui vous soutiennent et qui soutiennent le Président de la République sont opposés à la privatisation d'ADP. L'Assemblée nationale se grandirait en décidant que chacun doit pouvoir accéder à l'information, quelle que soit son opinion sur la privatisation.
Un processus constitutionnel a été lancé. Le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité de la proposition à la Constitution. Quant à nous, nous sommes ici pour faire la loi : aussi proposons-nous, à travers le présent amendement, d'allouer cinq millions d'euros afin d'informer nos concitoyens – et non pas de défendre un point de vue.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Allouer 12 millions d'euros au grand débat ne vous a pourtant pas dérangés, chers collègues !
Si, vous mélangez tout : il s'agissait d'expliquer la politique gouvernementale.
« Et alors ? » sur les bancs des groupes SOC, LR et FI.
Nous savions depuis longtemps que les membres de la majorité étaient de grands démocrates…
Et après, ils prétendent que les crédits manquent pour financer le grand débat sur les retraites !
Je ne mélange pas tout, madame Gregoire, puisque le financement du grand débat n'était pas prévu dans le budget, lui non plus.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Nous proposons donc d'informer nos concitoyens sur le fait qu'ils peuvent, s'ils le souhaitent, s'exprimer sur cette procédure référendaire.
Ceux qui sont contre la privatisation savent déjà que cette procédure référendaire existe !
Leur problème, c'est qu'ils n'arrivent pas à recueillir le nombre de soutiens nécessaires…
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Les échanges se poursuivent de bancs à bancs.
Madame Rabault, vous rappeliez que nous avons pour mission de faire la loi. Justement, nous avons fait une loi, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, qui prévoit la privatisation d'Aéroports de Paris. J'ai voté pour.
J'ai été gêné par la décision du Conseil constitutionnel, qui a dit, en substance : « Circulez, y'a rien à voir ! » Quelques semaines après notre vote, on nous indique qu'il n'est pas valable : cela me gêne, en tant que parlementaire. Pour cette raison, je ne soutiendrai pas cet amendement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.
Le Président de la République, en lançant le grand débat, avait laissé penser qu'il souhaitait débattre avec les Français et les écouter. En matière de financement, il ne s'était pas posé les questions que vous formulez aujourd'hui, chers collègues.
Votre réponse, monsieur le ministre, laisse à penser que tout cela n'était qu'une façade. Dès lors que les conséquences d'un dispositif vous échappent, vous ne souhaitez pas communiquer sur celui-ci.
Or nous savons très bien qu'un tel dispositif ne sera pas utilisé, s'il n'est accompagné d'aucune communication.
Eh oui ! Vous êtes contre la démocratie ! Vous n'êtes que des manipulateurs !
Vous ne souhaitez pas faire la promotion du référendum d'initiative partagée, alors qu'une campagne de communication sur ce dispositif méconnu par nos concitoyens est nécessaire. La refuser, c'est refuser de les faire participer à la vie démocratique.
Vous devriez tirer les leçons du mouvement social né il y a un an – mais vous refusez de voir la réalité en face.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Cette séance est bien trop agitée, chers collègues ! Veuillez retrouver un peu de sérénité.
Je mets aux voix l'amendement no 60 rectifié .
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l'adoption 23
Contre 58
L'amendement no 60 rectifié n'est pas adopté.
Cet amendement tend à modifier le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement », afin de revenir sur des annulations de crédits qui nous semblent problématiques.
Le chef de l'État – ou était-ce le Premier ministre ? – a rappelé récemment combien il était important que la France progresse dans la mise en oeuvre de l'engagement pris en 1970 de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l'aide publique au développement. Pour l'heure, nous en sommes loin.
Il est donc paradoxal et, pour tout dire, insupportable que des crédits alloués à cette mission soient annulés : ainsi de 12,2 millions d'euros destinés à la facilité de l'Union européenne en faveur des réfugiés en Turquie, ou de 0,5 million d'euros destinés à une aide exceptionnelle en faveur de l'Amazonie – surtout quand on sait les problèmes que rencontre cette région : nous avons d'ailleurs discuté, ainsi que de la politique absurde de M. Bolsonaro, avec les représentants des autochtones que j'ai rencontrés tout à l'heure – , ou encore de 31,6 millions d'euros destinés à une aide à la population syrienne.
Il nous semble inapproprié d'annuler ces différents crédits alors qu'ils répondent à des besoins évidents. Cet amendement est nécessaire d'un point de vue non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif. En effet, la tendance actuelle qui consiste à conditionner l'aide publique au développement au respect de telle ou telle politique migratoire par le pays de départ est insupportable. Au contraire, nous devrions oeuvrer au développement de ces pays, sans nous soucier de telles arguties – d'ailleurs dépourvues de lien avec la question du développement.
Monsieur Coquerel, la majorité des annulations de crédits pour cette mission s'expliquent par la baisse du besoin de bonifications des prêts de l'Agence française de développement, du fait de la faiblesse des taux d'intérêt. D'autres annulations portent, comme pour d'autres missions, sur des crédits mis en réserve.
Je me permets en outre de relever une inexactitude dans vos propos. Les crédits de l'aide exceptionnelle en faveur de l'Amazonie et de l'aide à la population syrienne n'ont pas fait l'objet d'une annulation. Au contraire, la réserve de précaution a été partiellement dégelée afin de faire face aux besoins en la matière.
Par ailleurs, les crédits disponibles pour 2019 restent supérieurs de 30 % pour les autorisations d'engagement et de 12 % pour les crédits de paiement aux crédits consommés en 2018.
Avis défavorable.
Il y a toujours d'excellentes raisons pour justifier l'absence d'augmentation de l'aide au développement. L'an dernier, le budget de la mission avait été augmenté de 100 millions d'euros, mais, quelques mois après, 85 millions d'euros de crédits sont gelés.
Depuis trois ans, le budget n'augmente pas. Il y a quelques semaines, le Premier ministre arguait qu'il ne fallait pas oublier les annulations de dettes – mais enfin, celles-ci ont-elles permis de construire des puits et des cases de santé, ou de lancer des programmes de reforestation ? Bien sûr que non !
En réalité, je le répète, depuis trois ans, le montant de l'aide directe au développement n'a pas augmenté. Le budget pour 2019 est symptomatique : après avoir décidé d'augmenter le budget de 100 millions d'euros, vous annulez pour 85 millions d'euros de crédits.
L'amendement no 65 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 63 .
Au début du mois d'octobre, vous avez lancé un gros machin appelé « convention citoyenne pour le climat ». L'idée n'est en soi pas mauvaise, puisqu'il s'agit de faire émerger des propositions concrètes en faveur de l'environnement. Le moyen utilisé est en revanche plus que douteux.
Quelque 150 Français ont été tirés au sort pour assister à des conférences. Pas n'importe lesquelles : elles ont été soigneusement choisies par un comité de gouvernance dont l'indépendance laisse à désirer. En effet, ce comité est composé en majorité de membres du Gouvernement ou de proches du Président de la République.
À quoi servira cette convention citoyenne, puisque, au fond, c'est le Gouvernement qui en dirigera l'organisation ? Son instauration pose aussi la question de l'utilité du ministère chargé de la question.
Les 150 Français choisis seront les dindons de la farce. Le président de la convention explique qu'il sera demandé aux citoyens non pas de produire un savoir ou une expertise, mais de formuler des jugements sur des situations et des propositions faites par de grands témoins. Édouard Philippe lui-même ouvrait la convention en annonçant : « Je ne peux pas vous promettre que toutes vos propositions seront appliquées ; je vous mentirais si je vous disais cela ».
Ce qui constitue une mascarade est en outre très coûteux – c'est bien là le fond du problème. Le Conseil économique, social et environnemental, déjà doté d'un budget de 40 millions d'euros en 2019, alors même que son utilité est clairement remise en question, bénéficiera de la rallonge budgétaire permettant le financement de la convention. Les Français paieront 4,2 millions d'euros de crédits supplémentaires pour une convention plutôt démagogique. Admettez que tout cela pose question.
Madame la députée, si vous reconnaissez vous-même l'intérêt de la convention, vous en contestez les modalités.
Examinons-les. Les membres de la convention sont désignés selon le modèle qui vaut pour les jurys d'assise, par tirage au sort. Ils reçoivent la même indemnisation que les membres des jurys d'assise ; s'y ajoute une indemnité de garde d'enfants. Il me semble qu'il est vertueux de permettre aux participants d'une convention publique de bénéficier de tels remboursements.
Avis défavorable.
Madame Ménard, la convention citoyenne pour le climat est tout sauf une mascarade ! On peut toujours s'inquiéter de l'utilité et de la sincérité des travaux de la convention, et l'on peut toujours souhaiter que ses membres maîtrisent l'intégralité du processus de décision. Néanmoins, le choix des participants n'a pas été fait selon des critères politiques. Des électeurs de votre formation politique y sont très probablement représentés.
Souhaitons que la convention soit utile. Il me semble en tout cas aberrant de remettre en cause son existence, alors qu'elle représente une innovation profonde pour notre processus démocratique.
L'amendement no 63 n'est pas adopté.
Pour justifier les différentes annulations de crédit, vous dites qu'il y a eu moins besoin d'argent pour telle ou telle action. Je vous réponds que c'est là l'occasion de redéployer des crédits nécessaires ailleurs.
C'est ainsi le cas pour le programme « Prévention des risques », dont j'ai parlé tout à l'heure à la tribune. À partir du moment où le nombre d'inspecteurs a diminué et où les budgets de la direction générale et des opérateurs, notamment l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, sont réduits, dès lors que des crédits sont annulés au motif qu'ils n'ont pas été utilisés, des fonds sont rendus disponibles. Aussi le présent amendement vise-t-il à augmenter la subvention à l'INERIS.
Très souvent, vous ne donnez aucune explication pour les annulations de crédit, et quand le ministre en donne, elles sont inexactes. Ainsi avez-vous justifié l'annulation de 19 millions d'euros de crédits par la non-consommation du budget alloué à l'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer ; or celui-ci ne s'élève qu'à 7 millions d'euros : il reste donc 12 millions d'euros d'annulations de crédits à justifier. Ces sommes pourraient venir utilement alimenter certains budgets.
Je suis sensible à la question de la prévention des risques. Toutefois, je constate une sous-exécution du programme : c'est une réalité. Les crédits qui restent disponibles pour la fin de l'année, d'un montant de 845 millions d'euros, sont d'un niveau très supérieur aux crédits consommés l'an dernier – qui s'élevaient alors à 793 millions d'euros. Je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Je ne peux que répéter ce que je vous ai déjà dit, monsieur Coquerel. Les faits sont là : les crédits destinés à l'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble « Le Signal » n'ont pas été consommés.
D'autre part, les crédits mis en réserve et annulés ne concernent pas la masse salariale : il est faux de dire qu'ils étaient alloués à la rémunération des inspecteurs et autres agents du ministère de la transition écologique et solidaire qui auraient pu prévoir certaines difficultés survenues dans les territoires. Nous avons déjà eu la discussion à plusieurs reprises depuis le début du quinquennat : le gel des crédits ne porte pas sur la masse salariale.
Comme l'a très bien dit le rapporteur général, les annulations portent soit sur des crédits mis en réserve – c'est le cas pour ceux destinés à l'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble « Le Signal » – , soit sur des crédits qui n'ont pas été consommés, mais elles ne correspondent en aucun cas à des économies faites sur le fonctionnement du ministère de la transition écologique et solidaire.
Le ministre, puisqu'il ne me répond pas, admet que les 19 millions d'euros de crédits annulés ne concernent pas uniquement l'indemnisation des copropriétaires de l'immeuble « Le Signal », qui ne représentait que 7 millions d'euros – dont acte.
Pour le reste, je ne partage pas sa vision. Dès lors que nous avons adopté un budget et que les crédits ne sont pas tous utilisés alors que des manques criants existent par ailleurs, l'enjeu écologique oblige à les mobiliser. Vous évoquez une diminution du nombre d'équivalents temps plein chez INERIS, par exemple, mais ce sont souvent les budgets de fonctionnement voire d'investissement qui sont touchés eux aussi. Je ne vois pas au nom de quoi vous annulez ces crédits. J'estime que c'est une fort mauvaise politique.
L'amendement no 73 n'est pas adopté.
Cet amendement de même ordre porte sur la réserve liée au programme « Paysages, eau et biodiversité », qui, au lieu d'être supprimée, pourrait très bien financer des actions de l'Agence française pour la biodiversité, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ainsi que des parcs nationaux. Je rappelle que nous avons eu toutes les peines du monde à faire adopter un amendement visant à préserver certains postes au sein du personnel du nouveau parc, mais nous sommes loin du compte. Là encore, ces crédits, qui ont été adoptés, pourraient être réutilisés de manière intelligente.
Il ne s'agit pas de choses de même nature : vous évoquez une augmentation ou une moindre baisse du nombre d'équivalents temps plein dans les parcs, mais, en l'occurrence, il ne s'agit que de crédits qui ne seront tout simplement pas engagés avant la fin de l'année. Quand bien même cette annulation dérangerait, les crédits pour 2019 restent supérieurs de 24 % en autorisations d'engagement et de 20 % en crédits de paiement aux crédits consommés en 2018.
Avis défavorable.
L'amendement no 71 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à revenir sur la mise en réserve de crédits relevant du programme « Expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie » en vue de les flécher en direction des subventions pour charges de service public du CEREMA, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement – auquel, je le rappelle, l'État verse une dotation inférieure à sa masse salariale – , ainsi que de Météo-France et de l'Institut géographique national.
L'intégralité des crédits annulés étaient mis en réserve et les crédits de paiement disponibles sont supérieurs à ceux qui ont été consommés en 2018. Avis défavorable.
L'amendement no 72 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 59 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement favorable aux gens du Nord et à la ruralité vise à augmenter de 50 millions d'euros les crédits consacrés au chèque-énergie et de moduler le montant de celui-ci en fonction de deux composantes liées à la dépense des ménages. La première concerne les transports, un poste important dans le budget des ménages ; nous proposons de moduler le montant du chèque-énergie selon la présence ou non de transports en commun. La seconde porte sur le chauffage : nous proposons une modulation selon la zone climatique.
En effet, le chèque-énergie a pour objet d'améliorer le reste à vivre après paiement des factures d'énergie. Les tarifs sociaux d'autrefois étaient liés à la consommation des ménages : ceux qui consommaient le plus parce que leurs besoins étaient supérieurs percevaient une aide plus élevée. Le chèque-énergie, en revanche, n'est plus en lien avec le niveau de consommation.
Or le constat est clair : il fait plus froid au Nord qu'au Sud et l'écart en termes de consommation d'énergie est de l'ordre de 500 euros par mois. Autrement dit, le reste à vivre après paiement des factures est moins élevé au Nord qu'au Sud. C'est pourquoi l'amendement vise à moduler le montant du chèque-énergie en fonction de la zone climatique. Les zones climatiques en question existent déjà : elles sont définies par les réglementations thermiques de 2005 et 2012. Dans les Hauts-de-France, par exemple, le coefficient climatique s'élève à 1,3, ce qui signifie qu'avec cet amendement, le chèque-énergie y passerait de 200 à 260 euros. En clair, il s'agit de différencier les mesures selon les territoires pour assurer justice et solidarité face au climat.
Je rappelle que le PLF pour 2020 ouvre pour 800 millions d'euros de crédits de paiement au titre du chèque-énergie. En 2018, année de la généralisation de ce dernier, la dépense y afférente s'élevait à 424 millions d'euros.
Cet amendement n'aurait aucunement pour effet d'instaurer un volet carburant du chèque-énergie ni d'en majorer le montant pour les territoires soumis à des conditions météorologiques défavorables, puisqu'il s'agit d'un amendement de crédits. Quant à la différenciation en fonction du climat, nous aurions à mon sens du mal à tracer les frontières : j'habite dans une région du Sud où la plupart des communes ont déjà connu un mois de gelées depuis le début de l'automne !
Avis défavorable.
Vous méconnaissez la réglementation thermique, monsieur le rapporteur général. Les spécialistes de l'isolation des logements savent bien qu'il est plus compliqué d'isoler les logements au Nord qu'au Sud. En outre, l'amendement prévoit qu'il soit tenu compte de l'altitude en associant à chaque commune un coefficient climatique déjà en vigueur dans la réglementation thermique. Le calcul est donc tout simple : il ne s'agit que de majorer le chèque-énergie afin d'améliorer le reste à vivre de ceux qui consomment davantage et de différencier les territoires en adaptant la mesure aux difficultés de chacun d'entre eux.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 71
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 18
Contre 50
L'amendement no 59 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 64 .
Je vais une nouvelle fois vous parler de la ligne à grande vitesse entre Montpellier, Béziers et Perpignan,
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
dont le projet est à l'arrêt depuis deux ans sur décision du Président de la République – ce n'est pas moi qui le dis, c'est la présidente de la région Occitanie. L'ensemble des élus et des décideurs de cette grande région sont convaincus du caractère prioritaire et urgent de la réalisation de cette ligne. Depuis les intempéries du mois dernier, les usagers du train font les frais d'une politique de transport ferroviaire menée en dépit du bon sens : le service est interrompu entre Montpellier, Perpignan et l'Espagne et entre Montpellier et Toulouse jusqu'à la fin novembre – dans le meilleur des cas.
Les enjeux sont pourtant multiples et considérables et les acteurs locaux s'en sont longuement fait les avocats. Ces enjeux sont d'abord économiques, mais aussi, bien sûr, environnementaux ; ils concernent l'aménagement du territoire et l'égalité des habitants en matière de mobilité. En France, en 2019, une économie se trouve bloquée : trois sociétés de réparation de wagons installées entre Béziers et Narbonne seront sans doute contraintes de placer 200 salariés au chômage technique.
En somme, cette ligne nouvelle doit constituer une priorité pour le Gouvernement. Dans un contexte budgétaire contraint, l'urgence face au changement climatique nous oblige à accélérer enfin la construction du tronçon manquant du corridor ferroviaire méditerranéen.
Je ne vois guère ce que cet amendement vient faire dans le projet de loi de finances rectificative, à moins qu'il ne s'agisse d'un amendement d'appel local, auquel cas il ne m'appartient pas d'y répondre. J'aimerais moi aussi que SNCF Réseau achève plus vite la réparation des voies, mais il semble difficile de l'obtenir en France. Quoi qu'il en soit, je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
L'amendement no 64 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 53 .
Cet amendement vise à revenir sur l'annulation des crédits mis en réserve du programme 181, « Prévention des risques ». L'incendie de l'usine Lubrizol a montré qu'il est plus que nécessaire d'augmenter les crédits de ce programme qui concerne la mise en oeuvre des politiques de réduction des risques industriels et miniers ainsi que des risques naturels – inondations et sécurité des ouvrages hydrauliques – , celle des politiques de prévention et de gestion des déchets, celle des politiques d'évaluation des risques sanitaires et, enfin, le financement de l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
C'est pourquoi l'amendement vise à rétablir les crédits du programme en question à hauteur de 23,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 19,3 millions d'euros en crédits de paiement. Compte tenu des incidents qui peuvent hélas survenir à tout moment, il importe de préserver ces crédits.
Là encore, cette annulation porte sur des sous-exécutions et sur des crédits mis en réserve. Je précise, pour que chacun mesure ce dont il s'agit, que les crédits en question correspondent à 2 % du montant total des crédits ouverts, soit une part très modeste. Je constate en outre que les crédits de paiement qui restent ouverts en 2019 sont nettement supérieurs aux crédits de 2018. Avis défavorable.
L'amendement no 53 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 38 .
La mission « Immigration, asile et intégration » a une nouvelle fois été sous-budgétisée en 2019 en raison, là encore, des prévisions trop optimistes – voire naïves et même déconnectées de la réalité – du Gouvernement. En 2018, en effet, 123 625 personnes ont demandé l'asile en France, soit une hausse de 22,7 % par rapport à l'année précédente. En 2019, le nombre de demandeurs d'asile augmente encore.
On peut s'interroger sur cette augmentation en France alors que le nombre de demandeurs d'asile a diminué partout ailleurs ou, en tout cas, dans une majorité des pays d'Europe, cette baisse ayant atteint 61 % en Italie, 49 % en Autriche, 19 % en Suède et 18 % en Allemagne. À l'échelle de l'Union européenne, le nombre de protections accordées aux demandeurs d'asile par les pays a été ramené à 333 400, soit une baisse de 40 % en un an.
La progression constante de l'accueil en France n'est pas sans conséquence. On continue de faire peser sur les Français le coût de cette immigration qu'ils n'ont pas choisie. Il est temps de faire autre chose que des effets d'annonce en la matière.
L'allocation accordée aux demandeurs d'asile est de droit lorsque les conditions requises sont remplies. Je n'imagine pas un instant que vous souhaitiez par cet amendement que l'allocation en question ne soit pas versée en décembre, compte tenu de la précarité que connaissent ses bénéficiaires. Je rappelle qu'elle s'élève à 204 euros par personne et par mois. Avis défavorable.
Je suis tout à fait d'accord, monsieur le rapporteur général. Je souligne simplement que la Cour des comptes a elle-même signalé la sous-budgétisation systématique de ces crédits et l'optimisme excessif de vos prévisions en matière de demandes d'asile – et, par conséquent, des crédits affectés à l'allocation qui en découlent.
L'amendement no 38 n'est pas adopté.
Par la philosophie de ses réponses, j'ai le sentiment que le rapporteur général – entre autres – nous emberlificote quelque peu.
Tout part de la question de la réserve de précaution de 3 %, normalement prévue pour couvrir des dépenses exceptionnelles, dont on s'aperçoit au fur et à mesure qu'elle constitue une variable d'ajustement à la baisse de crédits supprimés en fin d'année. Lorsque je rédige mon rapport, je consulte le ministère de la transition écologique et solidaire, et personne ne me dit que l'on ne sait pas quoi faire de cet argent que vous décidez d'enlever.
De surcroît, le rapporteur général affirme que tels crédits étaient alloués à telles actions – mais le PLFR n'en dit rien ou presque ! Prenons l'exemple de la mission « Justice », objet du présent amendement. On nous dit que les annulations correspondent à des « retards des projets d'investissement immobilier » et à une « maîtrise des crédits de fonctionnement ». Quels sont ces projets immobiliers ? S'ils ont pris du retard, pourquoi les crédits ne sont-ils pas reportés en 2020 ? Qu'est-ce que cette « maîtrise des crédits de fonctionnement » ? En clair, on ne nous dit pas réellement ce dont il s'agit – et il faudrait en sus accepter que l'argent ne soit pas dépensé ?
En outre, qu'est-ce qui nous empêche de réaffecter ces crédits ? L'Assemblée peut décider de le faire. Vous décidez de leur suppression, mais rien ne nous empêche de les réaffecter, y compris à des postes différents de ceux auxquels ils étaient initialement destinés. C'est un choix politique.
Je crains d'apporter toujours le même type de réponses, mais je rappelle qu'en 2018, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Justice » étaient supérieurs de 3,4 % à ceux de 2017, soit 230 millions d'euros de plus. Cette mission a ainsi été dotée d'un niveau de crédits sans précédent. Après les annulations que vous contestez, les crédits disponibles qui demeurent sont supérieurs de 471 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 332 millions d'euros en crédits de paiement. Nous sommes tous conscients des besoins de la justice et l'on ne saurait nier les progrès réalisés jusqu'ici. Avis défavorable.
Prenons l'exemple de l'annulation de 22 millions d'euros de crédits dans le programme 182, « Protection judiciaire de la jeunesse », de la mission « Justice » : encore une fois, nous avons très peu d'informations sur les actions touchées par cette annulation. Récemment, les personnels du tribunal pour enfants de Bobigny se sont mis en grève pour protester contre le manque de moyens.
Je pourrais égrener les exemples de ce type, car il manque partout des magistrats, des greffiers, des personnels pénitentiaires et des éducateurs. Des associations comme le Genepi ou l'Observatoire international des prisons – OIP – nous alertent en permanence sur leur incapacité à assurer leur mission de réinsertion.
Vous pouvez me répéter deux ou trois fois la même chose, monsieur le rapporteur général, je vous dis, avec toute la sympathie que je vous dois, que vous ne me convaincrez pas, car vous annulez des crédits dans les ministères où les directions d'administration centrale ne cessent de se plaindre du manque d'argent.
L'amendement no 67 n'est pas adopté.
Il concerne l'annulation de 204 millions d'euros de crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui intervient à un moment où l'université française ne se porte pas bien, où 60 % des projets de thèse en sciences sociales ne sont pas financés et où il faudrait penser les technologies de demain pour affronter la compétition mondiale, dont les terrains sont les nanotechnologies, les biotechnologies, l'informatique et les sciences cognitives. De ce point de vue, la baisse de 16,6 millions d'euros des crédits alloués au programme 190, « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », est un scandale de plus, qui suscite l'incompréhension.
Nous vous proposons, pour toutes ces raisons, de revenir sur les annulations de crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Avis défavorable : les crédits disponibles en 2019, après les annulations, restent supérieurs de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 2 millions d'euros en crédits de paiement à leur niveau de 2018.
L'année dernière, nous avions eu un débat avec le député Bruno Fuchs, à l'issue duquel je m'étais engagé à accroître les crédits consacrés à la vie étudiante de 45 millions d'euros, augmentation qui figure effectivement dans ce budget. Nous avons donc alloué plus d'argent à ce poste de dépenses.
L'amendement no 70 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 62 .
Il vise à opérer, au sein de la mission « Sécurités », un transfert de 10 millions d'euros du programme 152, « Gendarmerie nationale », vers le programme 176, « Police nationale ». Il s'agit d'un transfert symbolique, car je ne souhaite bien évidemment pas diminuer les moyens de la gendarmerie, qui est aussi indispensable que la police au maintien de la sécurité en France.
L'amendement tend à augmenter les moyens de la police, non pas de façon symbolique, à la manière du ministre de l'intérieur annonçant que la plupart des quartiers sensibles bénéficient de la police de sécurité du quotidien, alors qu'aucun moyen supplémentaire n'est accordé, …
… mais réelle. En effet, il s'agit d'octroyer des effectifs supplémentaires et de créer des conditions de travail plus saines pour les policiers, qui ont effectué 23 millions d'heures supplémentaires non payées. Si je ne peux qu'approuver la mise en place d'un fonds de 286 millions d'euros, annoncée par M. Christophe Castaner, la dotation de seulement 50 millions d'euros pour l'année 2019 sera-t-elle suffisante pour soulager la police ?
Depuis le début de l'année, cinquante-quatre policiers se sont suicidés. Si le mal-être de la police persiste, c'est que les mesures du Gouvernement sont insuffisantes. Peut-être conviendrait-il d'augmenter le montant de cette ligne budgétaire.
Madame Ménard, vous dites vous-même, dans l'exposé sommaire, que votre amendement, qui consiste à augmenter de 10 millions d'euros les crédits du programme 176 « Police nationale », est symbolique. Le Gouvernement a ouvert une ligne de 50 millions d'euros pour payer une partie des stocks d'heures supplémentaires : il s'agit d'un effort important, qu'il faudra, j'en conviens, poursuivre, mais c'est un très bon début, qu'il faut signaler. Je demande par conséquent le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
L'amendement no 62 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 5 et l'état B sont adoptés.
L'article 6 et l'état C sont adoptés.
L'amendement no 61 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 7 et l'état D sont adoptés.
Les articles 8 et 9 sont successivement adoptés.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l'article 9.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 21 .
Il vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 juillet 2020, un rapport portant sur l'utilisation du mécanisme des primes d'émissions.
La loi de finances initiale avait retenu un montant de 3 milliards d'euros pour les primes nettes des décotes enregistrées à l'occasion de l'émission des titres de moyen et long termes. Or elles s'élèvent à 17 milliards d'euros. Nous souhaitons que le Gouvernement nous explique cette différence dans un rapport qui nous serait remis avant l'examen du prochain projet de loi de finances.
Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, de nombreux amendements portant article additionnel après l'article 9 sont de nature fiscale. Sur ces amendements, j'émettrai systématiquement un avis défavorable, puisque nous avons souhaité que les lois de finances rectificatives ne comportent plus d'articles fiscaux.
S'agissant de l'amendement no 21 , le seul qui ne soit pas fiscal, nous avons discuté des primes d'émissions à la fin de la réunion de la commission des finances. La forte baisse des taux d'intérêts en 2019 explique l'augmentation importante du niveau des primes. J'ai donné cette explication à M. de Courson, qui m'a demandé des éléments complémentaires, que je lui transmettrai dès que je les aurai. Certains d'entre eux figurent dans mon rapport sur le projet de loi de finances rectificative, et je vous transmettrai les éléments complémentaires ultérieurement.
Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
Dans les annexes du projet de loi de finances, notamment celle relative aux besoins de financement de l'État, vous trouverez l'intégralité des documents que vous demandez.
Avis défavorable.
Sourires.
L'amendement no 21 n'est pas adopté.
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à empêcher l'État d'engager une campagne publicitaire pour la promotion d'une opération de privatisation si son coût est supérieur à 500 000 euros, sans qu'une disposition législative ne l'y autorise expressément.
Nous avons interrogé le Gouvernement à plusieurs reprises ces dernières semaines, ici même, sur le coût financier de la campagne de publicité audiovisuelle sur la privatisation de La Française des jeux, la FDJ. La présidente de la FDJ, Stéphane Pallez, a indiqué à la presse la semaine dernière qu'elle ne pourrait fournir de chiffres définitifs qu'à l'issue des opérations de cession d'actifs. Il faut savoir que les coûts de marketing et de communication s'établissaient, dans les comptes de la FDJ arrêtés le 30 juin dernier, à 138 millions d'euros, soit une hausse, pour les six premiers mois de l'année, de 6 % par rapport à l'année précédente. Cette croissance montre que l'adoption de l'amendement s'impose.
L'amendement no 54 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements nos 15 rectifié et 16 rectifié de Mme Sylvia Pinel, en discussion commune, sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Les amendements nos 15 rectifié et 16 rectifié , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Les amendements no 28 de M. Charles de Courson, no 14 de M. François Pupponi, nos 22 et 23 de M. Charles de Courson, et nos 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de M. François Pupponi sont défendus.
Il s'agit d'amendements d'appel portant sur le rapport relatif aux non-compensations des exonérations ou des abattements d'impôts locaux, que nous n'avons toujours pas reçu.
Mea maxima culpa, monsieur le député, car il me semblait qu'instruction avait été donnée aux services de vous transmettre le rapport avant le début de l'examen du projet de loi de finances pour 2020. Je vais vérifier ce qu'il en est.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement no 47 .
Cet amendement vise à compléter la rédaction de l'article 149 de la loi de finances initiale pour 2017, en introduisant, au sein de l'assiette de la TVA allouée aux régions, la part de la dotation globale de fonctionnement des départements perçue par la collectivité de Corse et les collectivités uniques de Martinique et de Guyane. L'objectif de l'amendement est évidemment de soutenir la montée en puissance de ces collectivités.
Vous gardez la parole, monsieur Castellani, pour soutenir l'amendement no 19 .
Depuis le 1er janvier 2018, il n'existe plus qu'une seule collectivité en Corse, résultat de la fusion des départements de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud, et de la collectivité territoriale de Corse. Par conséquent, il convient d'intégrer la part de la DGF des anciens départements dans la fraction de la TVA.
L'amendement traite d'une partie du problème, plus général, de la fiscalité en Corse. Plutôt qu'une mosaïque de dispositions empilées au fil des années, il serait préférable d'élaborer un statut de développement homogène ; il serait bon d'avoir une fiscalité dynamique, assise sur une fraction de la TVA, plutôt que des dotations.
La commission est défavorable à ces amendements de nature fiscale, d'autant plus que des amendements similaires avaient été rejetés en première partie.
L'amendement no 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 24 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi de finances rectificative.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2019.
Le projet de loi est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.
Nous en venons à l'examen des articles non rattachés à des missions.
Comme de coutume, les articles de récapitulation, en l'espèce les articles 38 à 46, seront examinés à l'issue de la première délibération.
Je vous signale que le Gouvernement demande, en application de l'article 95, alinéa 4 du règlement, que les articles 52 à 64 et les articles 66, 67 et 72, ainsi que les amendements portant article additionnel après ces articles, soient examinés par priorité.
D'autre part, le Gouvernement demande que les articles 51 et 65, ainsi que les amendements portant article additionnel après ces articles, soient examinés le jeudi 14 novembre, à vingt et une heures trente.
Rappel au règlement
Il se fonde sur l'article 49 de notre règlement, et concerne le bon déroulement de nos travaux.
Nous avons appris juste avant l'ouverture de cette séance que l'ordre d'examen des articles non rattachés avait été modifié. Nous allons ainsi commencer par les articles 52 à 67, à l'exclusion de l'article 65, puis examiner l'article 72, poursuivre par les articles 47 à 50, examiner les articles 68 à 71 et, enfin, les articles 38 à 46, étant entendu que nous examinerons les articles 51 et 65 jeudi soir. Un tel parcours est difficile à suivre !
Il en résulte qu'un article suscitant l'intérêt bien au-delà de la commission des finances, en l'espèce l'article 50, ne sera pas examiné ce soir, comme nous aurions pu l'envisager, ni probablement même demain. Il le sera sans doute vendredi.
J'entends déjà votre réponse, monsieur le ministre. Vous me direz que la modification de l'ordre du jour de l'Assemblée prévoit l'examen des articles non rattachés du projet de loi de finances dès cet après-midi, et non à partir de demain matin, comme c'était initialement le cas.
Pour ma part, je tiens à dire ici la profonde déception de nombreux collègues, qui auraient aimé être présents dans l'hémicycle pour l'examen de l'article 50.
Monsieur le ministre, vous savez très bien que de nombreux députés rentrent dans leur circonscription dès le jeudi soir. Pour notre part, nous ne sommes pas dupes de votre manoeuvre fallacieuse, qui équivaut en somme à réserver l'examen de l'article 50. Je tiens à informer les associations et les fondations concernées, toutes très intéressées par celui-ci, qu'il y a là une manoeuvre scandaleuse !
Vous tentez d'annihiler les pouvoirs du Parlement et participez à la réduction des droits de l'opposition !
Cet état de choses n'est pas du tout acceptable et doit être dénoncé. Tel est l'objet de ce rappel au règlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Chaque année, l'examen des articles non rattachés s'achève un vendredi soir !
Madame Louwagie, je partage l'idée selon laquelle il vaut mieux éviter de saucissonner l'examen des articles d'un projet de loi de finances ou, plus généralement, d'un projet de loi. Je constate toutefois que tel est le cas, sans savoir exactement qui en porte la responsabilité.
Je me suis adapté, en tant que membre du Gouvernement, à la modification de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale par la conférence des présidents, intervenue hier. Au demeurant, les articles que vous évoquez auraient normalement dû être examinés – conformément à ce qui était prévu – jeudi et vendredi.
Par conséquent, on ne saurait nous intenter un procès d'intention, à présent que l'ordre du jour a changé, au motif que les articles qui auraient dû être examinés jeudi et vendredi auraient pu l'être ce soir mais ne le seront pas. L'article 50, dont vous souhaitez qu'il soit examiné en priorité, aurait été examiné demain, selon l'ordre naturel des choses, si la conférence des présidents n'avait pas modifié l'ordre du jour. Il n'y a donc là aucune manoeuvre particulière.
L'ordre d'examen des articles n'en est pas moins modifié de fond en comble !
Nous avons pris acte du changement de l'ordre du jour décidé par l'Assemblée nationale. Nous nous y conformons, bien évidemment.
Je rappelle que le Gouvernement, lors de l'examen de ce texte, est représenté à tour de rôle par M. le ministre de l'économie et des finances et par moi-même, ce qui exige d'adapter nos agendas. Bien entendu, je me suis rendu disponible pour assurer la continuité de la discussion budgétaire devant vous, mesdames et messieurs les députés, parce que tel est mon rôle constitutionnel.
Il n'y a là aucune manoeuvre particulière du Gouvernement, d'autant moins, madame Louwagie, que les articles non rattachés auraient normalement dû être examinés uniquement jeudi et vendredi.
L'article que vous évoquez sera examiné jeudi ou vendredi, en espérant que nous achèverons l'examen des autres le plus tôt possible, et cela d'autant que nous l'entamons dès cet après-midi, à la suite de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2019. Il n'y a là aucune manoeuvre, ni aucune volonté gouvernementale – le Gouvernement n'a pas demandé la modification de l'ordre du jour.
Mme Olivia Gregoire et Mme Émilie Cariou applaudissent.
L'amendement no 2496 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sourires.
Il vise à réintroduire les avis des commissions communales des impôts directs et des commissions intercommunales des impôts directs – CCID et CIID – dans l'évaluation des bases des valeurs locatives des locaux professionnels.
La révision des valeurs locatives des locaux professionnels a profondément bouleversé les missions des CCID et CIID en la matière. Les nouveaux paramètres d'évaluation ne nécessitent plus qu'elles dressent, avec le représentant de l'administration fiscale, la liste des locaux de référence et des locaux types – qui présentaient l'intérêt de situer les autres locaux par rapport à une référence commune – pour déterminer les valeurs locatives, dès lors que les tarifs sont mis à jour de façon permanente, sur la base des relevés de loyers.
Il en résulte quelques difficultés d'application dans les territoires. Chacun ici a été informé de l'existence de locaux professionnels dont la valeur locative est totalement incohérente avec l'activité qu'ils hébergent comme avec les recettes que celle-ci génère. Il serait intéressant de revoir ces dispositions. Tel est le sens de l'amendement.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement no 2913 .
En complément de ce que vient de dire notre collègue Marie-Christine Dalloz, je rappelle que des problèmes se sont posés lors de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels. Certaines commissions communales des impôts directs ont en effet refusé de se prononcer, car aucune étude d'impact n'était annexée aux données qui leur avaient été transmises.
Cela posait un véritable problème, d'autant plus que certains zonages rassemblaient des communes, voire des rues, aux réalités économiques très différentes. Ainsi, il est arrivé que la valeur locative de référence de locaux situés dans des galeries commerçantes soit appliquée dans des secteurs commerciaux en difficulté.
Plusieurs d'entre nous ont reçu dans leurs permanences des gens qui s'en plaignaient – légitimement. Or il nous est très difficile, monsieur le ministre, de faire valoir auprès de votre administration certaines corrections auxquelles il serait bon de procéder. Nous proposons donc, par l'intermédiaire de cet amendement, d'associer effectivement les élus locaux, qui connaissent les réalités locales, à la fixation des valeurs locatives.
Il me semble que ce serait en outre conforme à la volonté du Gouvernement, telle qu'elle s'exprime notamment à travers le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, que nous examinerons la semaine prochaine en séance publique. Il s'agit ici de partir du terrain pour restaurer une certaine confiance avec les élus locaux et avec nos concitoyens.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.
Chers collègues, vous constatez peut-être sur le terrain des difficultés d'application de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Toutefois, il me semble que votre amendement est satisfait.
La procédure de révision des bases de la valeur locative des locaux professionnels, définie à l'article 1504 du code général des impôts, prévoit la consultation de la commission départementale des valeurs locatives des locaux professionnels, ainsi qu'un avis de la CCID ou de la CIID. En cas de désaccord, l'administration fiscale saisit la commission départementale des impôts directs locaux. En cas de désaccord persistant, on recourt à une décision du préfet. L'article 52 du présent projet de loi prévoit une procédure similaire s'agissant de la révision des bases de la valeur locative des locaux d'habitation.
En tout état de cause, même si l'application de l'article du code général des impôts précité pose problème, celui-ci ne sera pas forcément résolu par l'adoption d'amendements qui visent à reprendre des dispositions existantes.
Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement no 2037 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il s'agit là encore des commissions communales et intercommunales des impôts directs. Leur fonctionnement actuel pose deux problèmes.
Premièrement, il arrive, du fait de l'absence répétée d'un des membres – celui-ci n'ayant pourtant pas notifié sa démission – , que le quorum ne soit pas atteint et que la commission ne puisse siéger. Le présent amendement vise donc qu'après un certain nombre d'absences non justifiées, le membre défaillant soit démis d'office, afin que le quorum puisse être atteint plus facilement.
En outre, il est proposé de préciser que le président de la commission peut, à l'occasion d'une réunion, choisir de se faire représenter soit par un adjoint – un autre membre élu de la collectivité – , soit par un agent de la collectivité qu'il aura choisi pour cela.
Il s'agirait ainsi, pour éviter que l'absence du président ne nuise au bon fonctionnement de la commission, de donner à celui-ci la possibilité de mandater un adjoint ou un directeur de service pour présider la CCID ou la CIID en son absence, pourvu que celle-ci soit exceptionnelle.
On résoudrait ainsi deux problèmes de fonctionnement de ces commissions.
Les amendements identiques no 2912 de M. Thibault Bazin et no 3008 de Mme Christine Pires Beaune sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
La procédure de révocation que vous proposez me laisse plutôt dubitatif. Le fonctionnement de ces commissions est déjà assez complexe ; si l'on se trouve, après chaque révocation, dans la nécessité de désigner, soit par une procédure élective, soit d'une autre manière, un nouveau membre, on risque d'aboutir à une véritable usine à gaz ! Je perçois le problème, mais il vaudrait mieux, à mon avis, le résoudre en changeant les règles de quorum.
Quant à la question de la délégation, j'ai été un peu surpris en lisant ces amendements. Lorsque j'étais maire, je n'ai jamais présidé cette commission : elle l'était toujours par mon adjoint à l'urbanisme ou aux finances. Toutes les décisions prises dans ces conditions étaient-elles donc illégales ?
La direction de la législation fiscale – DLF – nous a confirmé que la délégation était tout à fait possible. Peut-être faudra-t-il le vérifier encore une fois, mais, en tout état de cause, aucune présidence par un adjoint n'a jamais donné lieu à contestation, à ma connaissance, dans ma commune.
Je demande donc, à ce double titre, le retrait de ces amendements ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
J'entends ce que vous dites, monsieur le rapporteur général, mais, sur le terrain, les acteurs nous ont rapporté des problèmes liés au quorum. Vous-même convenez qu'il peut y en avoir. Si mon amendement appelle des corrections, je vous propose de le sous-amender.
Quoi qu'il en soit, nous souhaitons apporter des améliorations à ces dispositifs qui ont fait l'objet de révisions contestées, voire contestables. Il importe d'assurer à la démocratie locale des conditions de gouvernance qui lui permettent de fonctionner, d'autant plus que les conséquences fiscales des décisions de ces commissions ne sont pas négligeables.
Je ne peux pas sous-amender votre amendement, monsieur Bazin, car il traite de deux problèmes complètement différents : il vise, d'une part, à introduire la possibilité d'une révocation, d'autre part, à autoriser des délégations.
De surcroît, tout cela relève du domaine réglementaire. Je pense moi aussi qu'il conviendrait de revoir les règles de quorum, mais j'estime qu'il serait préférable de travailler à la modification des conditions réglementaires plutôt que d'adopter par voie d'amendement – quand bien même celui-ci serait sous-amendé – une mesure qui ne serait pas applicable.
L'amendement no 1930 n'est pas adopté.
La parole est à M. Christophe Jerretie, pour soutenir l'amendement no 2307 .
Il s'agit à la fois d'un amendement d'appel et d'un sujet de discussion générale.
L'article 52 porte sur la révision des valeurs locatives. Lors de nos travaux sur la taxe d'habitation, nous avions évoqué la possibilité de nous appuyer sur la valeur vénale des locaux d'habitation, mais il était difficile de proposer une réforme dans ce sens.
Par cet amendement – qui peut valoir comme amendement d'appel en vue d'un travail avec le Gouvernement et au sein de la commission des finances – , je propose de demander au Gouvernement deux rapports.
Le premier contiendrait les états disponibles de déclarations sur les valeurs vénales, ainsi que des informations fournies par les notaires sur les logements, dans le but de déterminer les valeurs vénales des logements, qui pourraient être utilisées en lieu et place des valeurs locatives.
Le second rapport, à remettre un an plus tard, étudierait les modalités de remplacement de la valeur locative par la valeur vénale.
Il s'agit là d'une recommandation à long terme du Conseil des prélèvements obligatoires – CPO – pour la réforme de la fiscalité. Ce remplacement permettrait d'aligner les fiscalités immobilières sur la même base, celle de la valeur vénale.
On parlait à une époque de « refonte de la fiscalité ». J'avais alors légèrement anticipé, en disant que nous n'en ferions peut-être que la réforme. Si mon amendement était adopté, cela permettrait d'obtenir, d'ici deux ans, une vraie refonte et de clarifier la logique à l'oeuvre : voulons-nous continuer de nous appuyer sur les valeurs locatives ou prendre désormais pour base les valeurs vénales ? À long terme, la valeur vénale a certainement plus de poids et offre plus de possibilités de réforme que la valeur locative.
L'article 52 contient des éléments explicatifs utiles sur la question des valeurs vénales. Il n'en reste pas moins que c'est le genre de questions qu'il faut continuer à se poser. Néanmoins, je ne pense pas qu'un rapport serait forcément utile. Je demande donc le retrait de l'amendement.
De même qu'après le gel de la dotation d'équipement des territoires ruraux – DETR – , nous étions convenus de travailler ensemble au sein de la commission des finances, il serait intéressant que nous fassions de même, au sein de la commission des finances ou de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, sur une question qui devrait assurément être approfondie. Je m'en étais d'ailleurs ouvert à M. Mattei.
Même avis.
Nous aurons ce débat, monsieur le député, à la fin de la campagne de déclaration, et un rapport sera bien établi – évidemment sur une base prévisionnelle – sur les effets des mesures présentées devant vous par mon collègue Dussopt en vue de la révision des valeurs locatives, mesures qui doivent s'appliquer après la suppression de la taxe d'habitation.
Qu'il faille étudier d'autres solutions possibles – nous avons déjà parlé du remplacement de la valeur locative par la valeur vénale – , nous en convenons et le Gouvernement s'engage à le faire dans le rapport.
Je souhaitais soutenir cette demande de rapport, mais je me range à la proposition du rapporteur général. Je saisis cependant l'occasion pour adresser une demande à M. le ministre. Il avait joué la transparence l'année dernière en nous communiquant, pour la première fois, le rapport sur la compensation des exonérations d'impôts locaux. Or il se trouve que, pour cette année, nous n'avons toujours pas reçu ce rapport.
Je ne sais pas si vous étiez alors présente dans l'hémicycle, madame Pires Beaune, mais M. Pupponi m'a interpellé tout à l'heure sur cette question. Je lui ai répondu qu'à ma connaissance ce rapport avait été transmis, mais, puisque vous me dites le contraire, il faut croire que ce n'est pas le cas. Je m'engage donc à vous le transmettre, puisque nous devons le faire chaque année. Il me semble qu'il est actuellement au secrétariat général du Gouvernement, qui se charge normalement de sa transmission, mais j'assume la responsabilité de sa non-transmission.
Toutefois, on me signale à l'instant qu'il vient de vous être envoyé par courrier électronique. Vous en disposez donc désormais, et nous avons tenu notre promesse de transparence pour la deuxième année consécutive.
Monsieur le ministre, on ne peut pas débattre correctement dans ces conditions !
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Toutefois, je souhaiterais que l'on s'engage sur un planning, car nous ne pourrons pas mener à bien la réforme de la taxe d'habitation tant que nous n'aurons pas réglé cette question, qui constitue la pierre angulaire de la réforme de la fiscalité locale.
L'amendement no 2307 est retiré.
L'article 52, amendé, est adopté.
L'article 53 est adopté.
L'amendement no 1521 de Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, qui avait été accepté par la commission lors de sa réunion au titre de l'article 88 du règlement, est repris par la commission.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.
« C'est une magouille ! » sur les bancs du groupe LR.
Ce n'est pas une magouille, chers collègues : je vous invite à consulter le règlement de l'Assemblée.
Il a été considéré comme défendu. Vous pouvez vérifier, tout cela est parfaitement réglementaire.
L'avis du Gouvernement est-il favorable ?
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Oui, je voudrais dire brièvement de quoi il s'agit.
L'amendement tend à ajouter à la liste des informations que les exploitants d'entrepôts doivent fournir à l'administration fiscale une information relative à la valeur des biens stockés. Cela me semble être un amendement de très bon sens.
Il est défavorable.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
L'amendement no 1521 n'est pas adopté.
L'amendement no 2542 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 54, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 2163 .
L'article 55 porte notamment sur les plateformes numériques. C'est un bon article, mais nous souhaitons l'améliorer. Il prévoit en effet de mettre un terme, au bout d'un an, au name and shame qui frappe les opérateurs de plateformes non coopératifs, puisque leur identité doit alors disparaître du site internet de l'administration fiscale. Nous voudrions au contraire que cette publication perdure jusqu'à ce que l'opérateur ait payé tout ce qu'il doit à l'administration fiscale.
Il me semble que cette durée est justifiée parce qu'elle correspond à celle prévue pour le name and shame de droit commun qui a été institué l'an dernier pour les cas de manoeuvre frauduleuse. De plus, dans le cas des obligations annuelles ou infra-annuelles, il appartient à l'administration de renouveler la procédure si un nouveau manquement a été commis. Je ne vois donc pas l'intérêt de prolonger la publication. Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Lui aussi est défavorable. Nous devons, d'abord, respecter la proportionnalité des sanctions, sous peine de censure par le Conseil constitutionnel. Une question prioritaire de constitutionnalité sera certainement posée, vu les enjeux réputationnels créés par cet article – que je vous remercie de soutenir, madame la députée.
Ensuite, si votre souci concerne le maintien de la sanction jusqu'à ce que la plateforme se soit acquittée des obligations qui lui incombent, le projet de loi y répond. En effet, il prévoit le retrait sans délai de la publication lorsque l'opérateur a acquitté l'intégralité des impositions ou amendes ayant motivé la publication. Dans les autres cas, la durée de la publication est plafonnée à un an, celle-ci pouvant néanmoins être réitérée pour une autre année fiscale sous réserve d'une nouvelle procédure, comme l'a précisé le rapporteur général.
Évidemment, instruction sera donnée aux services de demander le maintien sur la liste noire des plateformes qui ne se seraient pas acquittées complètement des obligations qui leur ont valu d'être inscrites sur ladite liste.
D'une part, le projet de loi respecte le principe de proportionnalité, évitant ainsi de fragiliser le dispositif innovant que propose le Gouvernement. D'autre part, ma réponse ainsi que le texte répondent à votre souhait bien légitime.
L'amendement no 2163 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2546 .
L'article 55 crée une sanction de publication spécifique pour les plateformes en ligne qui ont manqué deux fois à leurs obligations de coopération en moins d'un an. La publication ne peut toutefois excéder un an. L'amendement vise, à l'instar de la procédure de name and shame que nous avons instaurée dans la loi relative à la lutte contre la fraude…
Je suis désolé, monsieur Di Filippo, mais tel est son nom.
L'amendement vise donc à rendre publique toute décision juridictionnelle revenant sur les impositions ou les amendes ayant fait l'objet d'une publication. Cela me semble être la moindre des choses.
Mon argument concerne non pas le fond, mais la forme, qui, dans cet hémicycle, a son importance. La langue officielle que nous devons employer ici pour faire la loi française doit être le français. À plusieurs reprises, le name and shame a été mentionné. Monsieur le rapporteur général, vous faites valoir que c'est le nom officiel de la procédure. Je suis choquée, car la langue française recèle les mots pour dénommer cette procédure – tout simplement, « nommer et blâmer ». Nous n'avons pas besoin de recourir à la langue anglaise dans cet hémicycle pour écrire la loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Si quelqu'un veut bien me donner la traduction, j'en serais ravi. Ensuite, j'espère que nous n'obligerons pas les Britanniques à bannir de leur langue l'expression « rendez-vous », qui est tout de même très jolie.
Mme Cendra Motin et M. Christophe Jerretie applaudissent.
L'amendement no 2546 est adopté.
L'amendement no 2547 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 55, amendé, est adopté.
Cet amendement vise à confier au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les déclarations fiscales qui sont souscrites par voie électronique et les impositions qui doivent faire l'objet d'un télérèglement.
L'amendement no 3024 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2548 .
Il s'agit de permettre à l'administration fiscale de transmettre aux banques l'information sur l'éligibilité des clients au livret d'épargne populaire.
L'amendement no 2548 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 56, amendé, est adopté.
Je tiens tout d'abord, afin d'éviter tout grief à mon encontre, à rappeler solennellement mon attachement sans faille à la lutte contre la fraude fiscale et les trafics, dont la valeur constitutionnelle est indiscutable.
Ce préalable étant posé clairement, venons-en à l'article 57, dont s'est saisie la commission des lois – j'ai été désigné rapporteur pour avis – , dans une démarche inédite depuis l'avènement de la Ve République, que justifient pleinement l'objet de cette disposition et ses conséquences pour les droits et libertés.
La commission des lois a souhaité laisser une chance à cet article, dans l'attente de connaître les garanties que le Gouvernement accepterait d'y apporter. Elle-même en a proposé plusieurs, dont seule une partie a été reprise par la commission des finances, laquelle a toutefois – je le salue – introduit une limitation importante du champ des infractions fiscales et douanières justifiant de recourir aux traitements proposés.
Les débats en commission des lois, puis en commission des finances ont achevé de me convaincre : conformément à mes valeurs profondes, je considère, à titre personnel, qu'un tel dispositif, outre qu'il n'a pas sa place dans une loi de finances et constitue, à ce titre, un cavalier budgétaire, est prématuré pour au moins trois raisons principales.
D'abord, les services fiscaux et douaniers sont déjà dotés de moyens importants pour remplir leurs missions, depuis les moyens juridiques d'investigation jusqu'aux techniques les plus modernes de data mining des données déclaratives – pardon pour l'anglicisme. Le projet CFVR, ciblage de la fraude et valorisation des requêtes, a fait l'objet d'un rapport confidentiel de la direction générale des finances publiques, la DGFIP, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. Les parlementaires n'ont pas eu accès à ce rapport dans le cadre de la communication des documents administratifs. Pourquoi ? Pourquoi n'avoir pas rendu public ce rapport ? Que contient-il, monsieur le ministre ?
Ensuite, le dispositif est prématuré du fait de l'incapacité des services à évaluer, chiffres à l'appui, les objectifs visés ainsi que le nombre de personnes concernées par les traitements envisagés, faute de réelle étude d'impact. Comparaison n'est certes pas raison, monsieur le ministre, mais quels sont les résultats des dispositifs analogues utilisés dans d'autres démocraties – je pense, par exemple, à Connect au Royaume-Uni, que vous avez pourtant abondamment cité pour justifier l'article 57 ?
Enfin, il est nécessaire de réfléchir à un cadre harmonisé et sécurisé pour l'ensemble des fraudes susceptibles de justifier le recours à de tels traitements, en choisissant un véhicule législatif adapté, large, valable pour l'ensemble des services de l'État, voire un cadre européen, puisque des pays comme les Pays-Bas connaissent les mêmes discussions sur SyRI – System risk indication – , ainsi que des procédures judiciaires.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement de suppression de l'article.
Je m'exprime de manière globale, ce qui me permettra, sur les différents amendements, d'être d'une grande brièveté.
L'article 57 prévoit une expérimentation pendant trois ans de la collecte par traitements automatisés de données personnelles librement accessibles – j'y insiste – sur les réseaux sociaux et les plateformes en ligne de partage de contenus.
En préambule, je voudrais rappeler que l'administration procède déjà à de telles recherches de renseignements sur l'internet. Ces recherches sont faites par des êtres humains – il m'est arrivé d'en faire dans d'autres fonctions. L'article 57 permet que ces recherches soient effectuées par des robots à l'aide d'algorithmes.
Ne nous trompons pas de débat. Il ne s'agit pas de savoir si l'administration a le droit d'utiliser des données personnelles publiques, car elle en a toujours eu le droit. Il s'agit de savoir comment on collecte ces données et de quels moyens on se dote pour les collecter au regard du principe de proportionnalité entre détection de la fraude et respect de la vie privée.
Cet article a suscité des nombreuses inquiétudes et la CNIL a émis plusieurs réserves importantes dans son avis. La commission des lois s'est saisie pour avis, et je tiens à remercier son rapporteur pour avis, qui vient de s'exprimer. Cela nous a permis d'engager, dans les jours qui ont précédé la réunion de la commission des finances, un dialogue constructif avec le Gouvernement dans le but d'améliorer le dispositif.
Je remercie le Gouvernement pour ce dialogue et je rappelle qu'il aurait pu instaurer cette expérimentation sans passer par la loi. Les traitements automatisés de données relèvent, en effet, du domaine réglementaire. Si le Gouvernement a introduit cet article dans le PLF, c'est qu'il voulait notre avis. J'y vois plutôt un signe appréciable de respect envers le Parlement, alors que la considération de la part du Gouvernement a parfois manqué.
Je soutiens l'orientation générale de l'article. La lutte contre la fraude fiscale est un objectif à valeur constitutionnelle. Pour autant, je n'aurais pas accepté l'article dans sa version initiale parce que son champ d'application était trop large.
Le travail effectué en commission nous a permis de trouver le bon équilibre entre lutte contre la fraude fiscale et respect de la vie privée. Je donnerai évidemment un avis défavorable aux amendements de suppression. Je souhaite que les amendements de la commission sur lesquels nous avons travaillé pour trouver l'équilibre soient adoptés.
L'amendement le plus important est, selon moi, celui qui tend à restreindre le champ d'application aux cas les plus graves liés à l'économie souterraine et à la soustraction volontaire à l'impôt français. En resserrant le dispositif sur les activités occultes et les domiciliations fiscales frauduleuses, nous exclurons 97 % des manquements fiscaux ; le champ des données qui pourront être conservées sera ainsi limité. De même, pour les infractions douanières, l'amendement de la commission vise à restreindre le champ d'application aux seuls délits et exclut les contraventions. En revanche, il maintient dans le champ – et c'est heureux – les commerces illicites de tabac et d'alcool.
La commission des finances a repris à son compte un très important amendement de la commission des lois relatif à l'interdiction de la sous-traitance.
Nous avons aussi apporté des garanties supplémentaires quant à la nature des données collectées : d'abord, seules les données manifestement rendues publiques pourront être collectées, conformément aux termes de l'article 9 du RGPD, le règlement général sur la protection des données ; ensuite, seules les données « strictement nécessaires » seront conservées pour une durée maximum d'un an, et non pas toutes les données « de nature à concourir » à la constatation des manquements fiscaux ou douaniers. Un autre amendement de la commission, adopté à l'initiative du groupe LaREM, prévoit la destruction de toutes les données sensibles sous cinq jours.
Plusieurs amendements symboliques ou d'affichage rappellent que les garanties du contrôle fiscal s'appliquent et que le décret d'application devra respecter le principe de proportionnalité.
Enfin, un amendement de la commission prévoit qu'un bilan intermédiaire soit établi à mi-parcours, soit dix-huit mois avant le terme de l'expérimentation.
En définitive, l'adoption de ces divers amendements donnerait plus de garanties aux citoyens et resserrerait le champ d'application de l'expérimentation. S'ils sont adoptés, je soutiendrai donc l'article sans réserve.
Je ne sais pas si l'article est important, mais il est médiatique – disons-le ainsi. Il pose des questions tant sur la lutte contre la fraude fiscale que sur les moyens mis à la disposition de l'administration pour atteindre le but que le Parlement souhaite lui assigner.
Il en est de la fraude fiscale comme du droit commun : la voiture du voleur a tendance à rouler très vite, peut-être trop, et la voiture du gendarme doit rouler aussi vite si l'on veut que le voleur soit arrêté ; avec une Renault 4L pour poursuivre des voleurs au volant d'une voiture de très grand gabarit, les résultats des gendarmes ne peuvent être que modestes, à moins que les plus rapides aient un accident, mais la probabilité d'une telle issue est faible.
Il s'agit donc de nous adapter. Nous ne le faisons pas seulement pour le traitement des données ou l'intelligence artificielle ; nous l'avons fait en modernisant le cadre des poursuites pénales pour les infractions financières, ce qu'il est convenu d'appeler le verrou de Bercy : 80 % des dossiers sont désormais transmis au procureur de la République ; en instaurant la transaction pénale ; à l'instant, en sanctionnant les plateformes qui ne s'acquittent pas de leurs obligations ; en travaillant sur les revenus du numérique ; peut-être tout à l'heure, en agissant à l'égard des États non coopératifs en matière d'échange de données.
Monsieur Latombe, qu'est-ce que l'échange de données ? Ce sont des millions et des millions de données échangées. Tous les gouvernements se sont battus pour que ces échanges aient lieu – entre le Panama et la France, par exemple. Cela permet de prévenir des scandales tels que les Panama papers ou d'y remédier, c'est-à-dire de poursuivre les auteurs d'infractions quand un consortium de journalistes ou certaines personnes – nous en parlions avec Mme Pires Beaune – nous montrent des listes.
Le rapporteur général l'a très bien dit : l'administration ne peut pas traiter ces millions de données manuellement. Et l'administration française ne peut pas être la seule à ne pas recourir aux nouvelles technologies, notamment pour lutter contre la fraude fiscale. Parmi les moyens qui doivent être mis à la disposition de l'administration fiscale pour améliorer les contrôles fiscaux, comme je m'y suis engagé lors de ma prise de fonctions, se trouve évidemment l'intelligence artificielle : 25 % des contrôles fiscaux aujourd'hui n'aboutissent à rien, alors que la fraude est évaluée à des montants très importants – des milliards d'euros sans doute, nous verrons ce qu'en dit la Cour des comptes dans le rapport qu'elle doit rendre dans quelques jours. D'un côté, certains contribuables qui n'ont rien à se reprocher subissent un embêtement administratif – un contrôle est toujours un moment désagréable. De l'autre, nous ne parvenons pas à récupérer des montants de fraude importants. Il s'agit donc de pouvoir passer du manuel à l'informatique et d'utiliser les moyens auxquels toutes les administrations recourent – vous avez cité le Royaume-Uni, monsieur Latombe, mais on pourrait mentionner aussi les États-Unis, l'Espagne et de nombreuses autres démocraties parlementaires.
M. le rapporteur général l'a dit aussi : il est déjà possible de faire des recherches sur l'internet. Afin de vérifier qu'un contribuable a passé plus de six mois hors de France – je prends l'exemple de la domiciliation fiscale, qui me paraît le plus simple à comprendre – , un contrôleur fiscal peut chercher sur les réseaux des informations que la personne a elle-même rendues publiques ; il n'est pas question de regarder les copies cachées, ni de faire appel à la géolocalisation. Les grandes sociétés du numérique utilisent votre géolocalisation pour faire de la publicité : cela gêne certaines personnes ici, mais ce n'est pas l'objet de ce texte. Le contrôleur fiscal a les moyens juridiques de vous confondre en prouvant que votre intérêt moral, familial, ou professionnel est bien en France, et non à l'étranger.
Ce que nous proposons est d'utiliser des algorithmes, l'intelligence artificielle et les moyens du data mining – veuillez pardonner cet anglicisme – , pour appliquer un contrôle fiscal. Étant confrontés à des masses d'information extrêmement importantes, il est en effet nécessaire que nous puissions, dans un délai très court, traiter ces données, éliminer celles qui n'ont pas d'intérêt – nous pourrons en discuter au cours de la phase d'expérimentation, ou même avant – , et nous concentrer sur le critère qui mènera au contrôle. En effet, c'est bien de la définition de critères qu'il s'agit, lesquels conduiront des humains, et non des robots, à appliquer un contrôle fiscal.
Devant l'émoi que la proposition du Gouvernement, qui remonte à l'an dernier, a suscité, j'ai pris la décision de saisir la CNIL, avec laquelle nous avons eu de longues discussions. La CNIL n'a en rien qualifié la volonté du Gouvernement de liberticide. En revanche, elle a estimé qu'il serait nécessaire de l'encadrer très fortement, de garantir les libertés individuelles, de permettre l'accès des personnes à leurs données personnelles et d'assurer la destruction des données non pertinentes, puis de celles ayant servi au contrôle. Le sujet est si important qu'il doit relever du domaine de la loi, a-t-elle conclu.
Nous avons par conséquent soumis notre texte au Conseil d'État, lequel garantit le respect des libertés – notez que nous n'avons pas cherché à faire approuver notre dispositif en catimini, par l'intermédiaire d'une proposition de loi ou d'un amendement, ce qui nous aurait permis d'éviter sa saisine. Le Conseil d'État a conclu qu'il s'agissait d'un sujet important, non liberticide, mais nécessitant de nombreux garde-fous et relevant du domaine du règlement ; il nous invitait à saisir la CNIL.
Le Gouvernement a donc choisi de suivre l'avis de cette dernière et, qui peut le plus peut le moins, de proposer une mesure législative. Il appartient donc désormais au Parlement, Assemblée nationale comme Sénat, non seulement de discuter de cet article 57, mais de le modifier. Nous le ferons d'ailleurs nécessairement étant donné que j'émettrai un avis favorable sur les amendements de la commission des finances – mais pas sur le sous-amendement de M. Latombe portant sur la conception des algorithmes : en effet, si je suis entièrement d'accord sur le fait que l'exploitation des algorithmes ne doit pas être effectuée par des sous-traitants, la question prête à débat s'agissant de la conception de la machinerie.
Enfin, le Conseil constitutionnel pourra, en tout état de cause, censurer cette disposition s'il le souhaite, sachant qu'une question prioritaire de constitutionnalité pourra évidemment être posée par ceux voulant s'assurer de sa conformité à la Constitution.
Que proposons-nous par ailleurs ? Que l'expérimentation de ce dispositif ne concerne que trois champs : la domiciliation fiscale ; les commerces illicites – M. le rapporteur général a, sur ce point, évoqué le tabac et je rappelle à M. Jean-Louis Bricout que les buralistes attendent un engagement de la part de la représentation nationale en la matière – ; et les activités occultes. Cette phase d'expérimentation s'étalera sur trois ans avec, au bout de dix-huit mois, donc avant la fin du quinquennat, la remise d'un rapport au Parlement ; on décidera ensuite si l'on arrête l'expérimentation, si on la poursuit ou si on l'amplifie. Il est rare, vous en conviendrez, que l'on procède ainsi.
Je le dis à la partie gauche de cet hémicycle, qui est sans doute très attachée aux libertés, …
… mais qui souhaite aussi aller plus loin en matière de lutte contre la fraude fiscale : on ne peut pas demander au Gouvernement et à l'administration de renforcer la lutte contre les montages frauduleux – ce que nous avons fait en étant parmi les premiers en Europe à transposer la directive DAC 6, qui contraint à les rendre publics – et de mettre fin au verrou de Bercy, sans lui permettre de se doter de moyens informatiques suffisants pour qu'il puisse disposer d'une voiture roulant aussi vite que celle des voleurs. Vous constaterez d'ailleurs que le PLF prévoit une augmentation de 30 millions d'euros des crédits destinés à la direction générale des finances publiques, la DGFIP, afin de mettre en adéquation les moyens juridiques et les moyens informatiques.
Voilà ce que nous proposons, dans le respect des libertés individuelles et sous le contrôle de la loi. Je prends par ailleurs l'engagement que tous les décrets seront soumis à l'avis de la CNIL, que nous publierons systématiquement, puis à l'avis du Conseil d'État, avant d'être appliqués. N'oublions jamais que les fraudeurs agissent de manière ingénieuse et consacrent de larges moyens techniques, juridiques et financiers en vue de faire échapper beaucoup d'argent à l'impôt. Il convient donc que l'État ne s'arme pas de naïveté pour récupérer cet argent.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 157 , 952 , 1507 , 1926 , 2133 , 2147 , 2164 , 2203 , 2333 et 2635 , tendant à supprimer l'article.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour soutenir l'amendement no 157 .
C'est avec beaucoup d'attention que j'ai écouté M. le rapporteur général et M. le ministre. Heureusement que le Parlement et deux commissions parlementaires étaient là, notamment la commission des lois, qui s'est saisie de ce sujet de manière totalement exceptionnelle, afin que soient publiquement posés tous les termes du débat, s'agissant d'un article qui, s'il a certes connu une certaine prospérité médiatique, touche surtout à des enjeux tout à fait essentiels.
Loin de nous, membres du groupe Les Républicains, l'idée de nier l'importance de la lutte contre la fraude fiscale et la nécessité de renforcer les moyens de l'État à cette fin. De même, nous n'imaginons pas un instant dénier à l'administration fiscale le droit de recourir aux nouvelles technologies. La question n'est pas là. La question est celle de la nature et de l'ampleur des moyens accordés.
S'agissant de la version initiale de l'article 57, qui est celle que nous avons à examiner, nous avons entendu de nombreuses réticences et réserves et avons exprimé notre totale opposition. Plusieurs actions ont été déclenchées, à commencer par l'initiative de M. le rapporteur général, qui a, lui aussi, fait état de ses réserves et indiqué les questions qui restaient, selon lui, sans réponse. Nous sommes très heureux de pouvoir relayer les réserves importantes exprimées par la CNIL, qui appelle la puissance publique à une très grande prudence en la matière. Nous plaidons pour qu'un équilibre – certes subtil, mais réel et solide – soit trouvé entre la volonté de rendre notre administration fiscale efficace et la nécessité de préserver les libertés individuelles, la protection des données personnelles et le respect de la vie privée.
C'est dans cet esprit que nous souhaitons appeler l'attention de la représentation nationale sur ce texte et c'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à supprimer l'article 57, qui, tel qu'il est rédigé, ne nous convient en rien.
Je suis bien entendu partisan d'accorder des moyens supplémentaires à l'administration fiscale, mais ce qui avait été déposé avant que la commission des finances n'accomplisse un travail important – que je salue – et adopte plusieurs amendements ne satisfait pas les membres du groupe Libertés et territoires.
J'aurai, monsieur le ministre, une question un peu technique. Je crains en effet qu'en collectant un grand nombre de données, on en obtienne certaines qui auraient dû être collectées dans le cadre d'un contrôle fiscal, donc sans avis de vérification.
Chère collègue, nous sommes bien d'accord que l'on va collecter des données avant l'avis de vérification pour, justement, déclencher un contrôle éventuel ? Il peut donc exister un risque juridique. Il convient de vérifier ce point pour, le cas échéant, lever ce risque d'ici à la deuxième lecture du PLF. Il ne faudrait pas que, dans le cadre d'une réclamation contentieuse, des conseils avisés arguent que des données relevant d'un contrôle fiscal ont été collectées avant l'avis de vérification, ce qui pourrait rendre le contrôle nul et non avenu. Il convient de sécuriser le dispositif.
La parole est à Mme Albane Gaillot, pour soutenir l'amendement no 2133 .
Si nous sommes tous favorables à la lutte contre la fraude, la CNIL émet d'importantes réserves concernant les mesures proposées. J'entends que le texte que nous examinons aujourd'hui ne tient pas compte des divers ajustements prévus en commission. J'ai moi-même déposé plusieurs amendements reprenant les préconisations de la CNIL en vue d'encadrer davantage encore le dispositif. La CNIL estime en effet qu'« au regard de l'ampleur du dispositif projeté, tant au niveau du nombre de personnes concernées que du volume de données collectées, une atteinte particulièrement importante au droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel est susceptible d'être caractérisée ». C'est pourquoi il importe de réfléchir à l'ensemble des garde-fous qui pourraient être instaurés afin de protéger les libertés individuelles.
L'article 57 vise à permettre la collecte et l'exploitation des données rendues publiques sur les sites internet des réseaux sociaux et des opérateurs de plateformes, ce qui constituerait, pour le groupe de La France insoumise, un risque manifeste d'atteinte aux droits et aux libertés.
Je reprendrai les arguments employés en commission par mon collègue Ugo Bernalicis, qui a été l'auteur, avec Jacques Maire, de La République en marche, d'un rapport sur l'évaluation de la lutte contre la délinquance financière. Ugo Bernalicis, dont je partage l'opinion, observe que, depuis plusieurs années déjà, la direction générale des finances publiques a adopté des techniques de collecte en masse de données et de data mining pour faire rentrer l'argent dans les caisses de l'État, même si cela ne concernait pas les réseaux sociaux que vise le présent dispositif. Or, au cours de la même période, on a supprimé des milliers de postes d'agents chargés du contrôle fiscal.
Ce data mining a-t-il été efficace pour récupérer de l'argent ? Les chiffres n'en attestent pas. Est-ce parce que le nombre de fraudeurs est en diminution ? Mon collègue Ugo Bernalicis et moi-même ne le pensons pas. Nous estimons plutôt qu'il ne s'agit pas du moyen adéquat pour réduire la fraude fiscale, qui, d'après certaines estimations, représenterait encore 80 milliards d'euros par an.
En travaillant à leur rapport, MM. Bernalicis et Maire ont observé qu'à aucun moment les services de l'administration fiscale, de la police, de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales, de l'Office central pour la répression de la grande délinquance financière ou du parquet national financier n'ont demandé à avoir accès aux données personnelles des contribuables sur les réseaux sociaux.
Les propositions du Gouvernement nous semblent donc pour le moins étonnantes et nous estimons, comme pour les questions relatives au renseignement, qu'il serait beaucoup plus efficace de développer les moyens humains, qui ne cessent d'être amenuisés depuis des années. Quant aux réseaux sociaux, il nous paraîtrait plus efficace de taxer Facebook et les autres GAFA à hauteur des bénéfices qu'ils réalisent réellement en France, ce qui permettrait de faire entrer de l'argent dans les caisses de l'État, plutôt que de courir le risque d'atteintes aux libertés publiques.
La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l'amendement no 2164 .
L'article 57 autorise, certes à titre expérimental, la collecte de masse et l'exploitation des données rendues publiques sur les réseaux sociaux. Si nous sommes tout sauf opposés à lutter contre les comportements frauduleux, nous demeurons néanmoins inquiets quant à la protection de la vie privée des personnes concernées. Comme l'ont rappelé nombre de nos collègues, la CNIL partage nos préoccupations et nous invite à faire preuve de prudence en ce qui concerne les libertés individuelles. Nous sommes en effet à la recherche d'un équilibre entre ces dernières et la lutte contre la fraude. En l'absence des garanties nécessaires, nous demandons la suppression de l'article 57.
À défaut, nous présenterons deux amendements de repli, visant à recentrer le périmètre d'expérimentation, pour ce qui concerne l'amendement no 2168 , sur les contrôles les plus graves, ou, s'agissant du no 2165, sur les infractions relevant de contraventions de deuxième et troisième classes.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 2203 .
Cet amendement est déposé par l'ensemble du groupe Les Républicains.
Si nous avons la volonté de lutter au mieux contre la fraude, celle-ci ne justifie pas pour autant tous les moyens. Il nous paraît très important de trouver un équilibre.
Or le dispositif proposé par le Gouvernement revient à établir une surveillance globale et généralisée. Nous pourrions admettre l'utilisation d'une telle technique si elle était appliquée à des groupes ciblés de personnes envers lesquels il existerait une suspicion avérée de fraude, mais, en l'espèce, il n'y aura plus de limite : la surveillance sera, je le répète, globale et généralisée.
D'autre part, la CNIL, que vous avez citée, monsieur le ministre, appelle les pouvoirs publics à faire preuve d'une grande prudence, le dispositif imaginé par le Gouvernement posant selon elle « des questions inédites en matière de protection des données à caractère personnel ».
J'ajoute que le Congrès américain, qui avait autorisé l'administration à utiliser la technique du data mining, a finalement décidé son abandon, à cause des menaces qu'elle faisait peser sur la vie privée des citoyens. Il faut prendre ce fait en considération.
Pour terminer, la commission des lois – qui a fait un bon travail, notre collègue Philippe Latombe l'a rappelé – a relevé l'absence d'étude d'impact claire. Nous ignorons tout des types et du volume de données collectées, ainsi que de la nature des contrôles.
Pour l'ensemble de ces motifs, le groupe Les Républicains propose, par cet amendement, la suppression de l'article 57.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour soutenir l'amendement no 2333 .
J'entends ce que vous dites, monsieur le ministre. Vous envisagez de restreindre le dispositif en modifiant la liste des infractions poursuivies. Toutefois, vous allez tout de même procéder à un « chalutage » des données – telle est la comparaison que nous avions faite en commission des lois. Autrement dit, vous souhaitez pêcher une seule sorte de poissons, mais vous allez capturer une très grande quantité de données, et c'est là le problème. Pour resserrer le dispositif, il conviendrait non pas de limiter la liste des infractions, mais de modifier la taille des mailles du filet.
Restreindre le dispositif, cela impliquerait de limiter le champ des plateformes sur lesquelles on collectera des données – c'est ce qui s'était dit en commission des lois, et je m'étais montré disposé à en discuter, afin de rendre le dispositif compatible avec nos principes. En ce qui concerne certaines plateformes, il n'existe pas de motif apparent d'y collecter des données. Les sites sur lesquels les utilisateurs échangent des données relatives à une pratique religieuse ou à une activité syndicale seront-ils exclus ? Nous l'ignorons, et nous n'avons pas de moyen de le savoir.
Restreindre le dispositif, cela impliquerait aussi de limiter la quantité de données collectées et de faire attention aux données sensibles. Vous ne devriez pas collecter de données sensibles ! Le délai de cinq jours que vous laissez avant de détruire les données fait problème. Cela signifie que, pendant cinq jours, l'État, à travers la DGFIP, détiendra quelque part, dans ses serveurs – nous parlerons ensuite des sous-traitants – , des données relatives aux opinions politiques, à une pratique religieuse ou à l'orientation sexuelle. Ce n'est pas normal ! L'État ne devrait pas disposer de ce type de données.
Ensuite se pose la question de la durée de l'expérimentation. À cet égard, vous n'avez pas répondu aux questions que je vous ai posées tout à l'heure. Un rapport relatif au projet CFVR a été adressé à la CNIL. Or il n'est pas accessible aux parlementaires. Que contient-il ? Indique-t-il qu'il faut aller plus loin en la matière ? Donne-t-il des justifications en ce sens ? Démontre-t-il – ou non – le bien-fondé de l'article 57 ?
Enfin, le Conseil d'État, avez-vous dit, estime que ces dispositions relèvent non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Or toutes les personnes que j'ai interrogées dans le cadre de mon travail de rapporteur pour avis ont affirmé que ces mesures relevaient bien du domaine législatif. Par ailleurs, le Conseil d'État semble considérer que cet article n'a rien à faire dans un projet de loi de finances. En d'autres termes, il s'agirait d'un cavalier budgétaire. Est-ce exact ? Est-ce bien ce que dit le Conseil d'État ?
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 2635 .
J'ai déjà eu l'occasion, lors de la discussion générale, d'exprimer toute mon opposition à l'article 57. Si des améliorations lui ont été apportées en commission, elles ne me semblent pas suffisantes.
L'article 57 prévoit d'autoriser l'administration fiscale à collecter et exploiter les contenus librement accessibles publiés sur l'internet. On lui donnerait une autorisation à titre expérimental, pour trois ans, en attendant plus, évidemment. Pour parler clairement, il s'agit ni plus ni moins, je le répète, de pouvoir espionner les contribuables, afin de détecter si leur train de vie est en adéquation avec ce qu'ils déclarent au fisc. Bercy espère ainsi porter à 35 %, en 2020, la part des contrôles ciblés par l'intelligence artificielle ; elle était de 13,85 % en 2018.
La commission des lois a restreint le champ de l'expérimentation à la recherche des délits majeurs, mais la philosophie même de la méthode pose problème, nonobstant l'attachement de tous, ici, à la lutte contre la fraude fiscale. Cette collecte générale de données personnelles constitue une véritable atteinte aux libertés d'expression et d'opinion, …
… car elle ne pourra qu'entraîner une forme d'autocensure spontanée des Français, afin que leur expression ne soit pas utilisée à leur encontre par l'administration fiscale. Cela reste, bien sûr, inadmissible, malgré toutes les améliorations apportées au texte.
Conformément à ce que j'ai indiqué dans mon propos liminaire, j'émets un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Je voudrais apporter quelques réponses aux questions posées.
Bien évidemment, monsieur Latombe, l'article 57 n'est pas un cavalier budgétaire, puisqu'il s'agit non pas de créer une nouvelle procédure de contrôle, mais de mieux cibler les contrôles.
De surcroît, il traite de fiscalité, plus précisément de contrôle fiscal, et a donc sa place parmi les articles non rattachés. D'ailleurs, votre argumentation est assez étonnante : le Conseil d'État aurait tort d'indiquer que ces dispositions relèvent non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire, et il aurait raison de relever que l'article est un cavalier. Nous verrons bien ce qu'en dira le Conseil constitutionnel.
Je note que beaucoup d'entre vous disent, en substance : « Nous avons très envie de lutter contre la fraude, mais… » Ma grand-mère me disait souvent que tout ce qui précède « mais » n'existe pas. Lorsqu'on dit « je t'aime, mais… », c'est qu'il y a un problème.
Vous demandez à l'administration fiscale de courir le 110 mètres haies avec un boulet à chaque pied, alors que ses compétiteurs n'ont pas cette entrave ! Veillons à ne pas prendre de retard par rapport aux outils qui fonctionneront dans les années qui viennent. Quant à ce qui s'est passé dans l'administration américaine, ce n'est pas tout à fait ce que vous avez dit, madame Louwagie. On pourrait d'ailleurs invoquer, de manière plus judicieuse, l'expérience de l'administration britannique. Nous pourrions discuter longuement de ces exemples, mais nous n'allons pas faire un débat de pratique comparée à propos du recours à l'intelligence artificielle en matière de contrôle fiscal.
Si je puis me permettre, il est pertinent de comparer le dispositif non pas avec le filet de pêche, mais avec la caméra de vidéoprotection. Je le dis notamment à l'attention du groupe Les Républicains : ce débat est analogue à celui qui a eu lieu, il y a une dizaine d'années, au sujet de la vidéoprotection. Certaines personnes étaient alors opposées à ce que l'on filme dans la rue – sans doute y en a-t-il qui pensent encore ainsi, même si leur nombre a diminué devant l'efficacité du dispositif. « Nous sommes pour la sécurité, mais… » : on craignait une forme de surveillance ; on s'interrogeait sur ce qui serait fait des images conservées pendant plusieurs jours : les policiers municipaux n'allaient-ils pas épier la vie des citoyens ?
Vous semblez d'ailleurs penser, madame Ménard, que les agents de l'administration fiscale vont poursuivre politiquement toute personne qui s'exprime sur les réseaux sociaux. Vous n'avez guère confiance dans les fonctionnaires de notre pays, et c'est un peu dommage.
Ils sont soumis à un strict devoir de neutralité et sont très respectueux des administrés. Vous en faites presque des commissaires politiques. Je trouve cette présentation tout à fait fallacieuse et insultante pour la mission qui est la leur.
Je reviens aux caméras de vidéoprotection, qui ont suscité des débats il y a quelques années. On a répondu alors qu'elles ne poseraient pas de problème particulier, qu'elles serviraient seulement à prouver des faits de délinquance. Ces caméras ne permettent d'ailleurs pas de poursuivre les personnes ; elles apportent une aide particulière, dans le cadre d'une enquête ou pour étayer une condamnation.
Les données recueillies sur les réseaux sociaux seront un critère ; leur collecte ne constituera pas le contrôle fiscal en soi. Le contrôle fiscal sera bien évidemment réalisé par une personne physique, qui utilisera des critères. J'en profite pour vous répondre, monsieur Pupponi : les données seront récupérées non pas à l'occasion d'un contrôle fiscal, mais avant une éventuelle vérification ; la collecte n'a rien à voir avec la vérification en soi. De surcroît, il s'agira uniquement de données publiques, non pas de données que les gens cacheraient dans un compte informatique privé ou qu'ils ne publieraient pas.
Je rappelle d'ailleurs que bon nombre de sociétés utilisent des données qui ne sont pas publiques, y compris des données de géolocalisation. Pour s'en rendre compte, il suffit d'ouvrir le compte dont on dispose sur tel ou tel réseau social après avoir consulté un site de vente par correspondance : on se voit souvent proposer le produit que l'on a failli acheter ou sur lequel on s'est attardé. Chacun a vécu cette expérience un peu malencontreuse – si seul le hasard est en cause, il fait bien les choses !
Le modèle pertinent est donc, selon moi, celui de la caméra de vidéoprotection. On peut être intrinsèquement opposé à la vidéoprotection au nom de la liberté individuelle – c'est un débat philosophique intéressant. On peut prétexter que l'on ne devrait pas être surveillé ou protégé à son insu. « Je suis pour la sécurité, mais… »
Or que fait-on des images de vidéosurveillance dans les centres de police municipale ? Au bout de quelques jours, on les détruit. Que fera-t-on, en l'espèce, des données recueillies ? Bien évidemment, on les supprimera, non pas au bout de trente jours comme nous l'avions initialement prévu, mais au bout de cinq. Faut-il le faire plus rapidement encore ? On conclura peut-être en ce sens à l'issue de l'expérimentation ; d'ailleurs, celle-ci permettra peut-être de trouver des moyens à cette fin.
Vous avez plaidé, toutes et tous ici, en faveur des échanges automatiques de données. Vous ne pouvez pas demander à l'administration fiscale de traiter ces millions de données ! On ne va pas installer des milliers de fonctionnaires dans un hangar pour les éplucher, imprimé par imprimé – ce qui est déjà permis par la loi.
Prenons l'exemple du tabac – je m'adresse à vous tous, mais plus particulièrement à M. Jean-Louis Bricout. Actuellement, des gens vendent du tabac sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook.
Allez voir les buralistes.
Ne vous demandent-ils pas ce que vous faites pour lutter contre ce phénomène ?
La vente de tabac sur Facebook est un acte totalement illégal.
L'Assemblée nationale est favorable à ce que l'on porte à 10 euros le prix du paquet de cigarettes. Dans le cadre du dernier projet de loi de finances, elle a décidé d'augmenter – je l'en remercie – le montant des amendes à l'encontre de ceux qui font du trafic de tabac « à la papa », si je puis dire – par exemple, ceux qui passent la frontière en possession de quinze cartouches et se font arrêter par les douaniers.
En revanche, elle ne voudrait pas nous donner les moyens juridiques de contrôler ceux qui vendent du tabac sur Facebook ? Je rappelle que les buralistes ont le monopole du commerce du tabac. Qui plus est, la traçabilité des produits vendus sur les réseaux sociaux est, bien évidemment, très limitée. Enfin, le tabac est nocif pour la santé, et vous luttez vous-même de manière acharnée contre sa consommation, conformément au programme du Président de la République.
Cette consommation diminue, même si la prévalence du tabagisme reste très importante, notamment chez les plus jeunes et les plus pauvres.
Bref, nous aurions des armes pour lutter contre le trafic physique de tabac, mais non contre la vente de tabac sur les réseaux sociaux, alors que l'on y trouve aujourd'hui des centaines de pages qui proposent de vous en envoyer par colis après réception d'un simple message ? L'ironie de l'histoire est que le paquet est parfois envoyé dans le relais colis du village, tenu par le buraliste… Ce détail ne manque pas de sel, lorsque l'on connaît la désespérance de ces commerçants très courageux, qui se lèvent tôt le matin et voient contesté le monopole que l'État leur a concédé.
Pardonnez-moi d'insister : une personne qui vend du tabac par correspondance sur Facebook viole manifestement la loi et devrait recevoir pour toute réponse une application rigoureuse de la loi.
Voilà ce que nous demandons.
Nous avons donné des garanties : les données seront détruites à l'issue d'un délai de cinq jours, et non de trente ; le projet de décret sera soumis au Conseil d'État et à la CNIL ; l'expérimentation fera l'objet d'un premier rapport au Parlement au bout d'un an et demi, puis d'un deuxième au bout de trois ans – ainsi la représentation nationale pourra-t-elle à tout moment appuyer sur le bouton d'arrêt.
Nous avons circonscrit le dispositif à la recherche de trois manquements, dont la domiciliation fiscale à l'étranger. Celle-ci est le fait non pas des habitants des villages de vos circonscriptions, mais de personnes qui ont les moyens de s'évader fiscalement et d'organiser leur vie fiscale ailleurs qu'en France, tout en profitant des services publics français – ce n'est pas donné à M. ou Mme Tout-le-monde.
Autre manquement visé : les activités professionnelles occultes. Manifestement, il y a des gens qui ne paient ni les charges sociales – la protection sociale de leurs salariés, les cotisations retraite – ni les impôts légitimement instaurés. Cela mérite que nous nous y penchions ; nous devons être au rendez-vous, pour les commerçants et les artisans de France.
Lorsqu'il s'agit de vente occulte sur l'internet de produits tels que le tabac ou, pire, de drogue ou d'armes, le Parlement devrait suivre la voie de la raison – compte tenu des modifications dont nous aurons l'occasion de discuter ultérieurement – et laisser le soin au Conseil constitutionnel d'encadrer le cas échéant, en formulant des réserves, le dispositif que nous vous présentons.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Sur cet amendement – nous en examinerons de nombreux autres qui portent eux aussi sur l'article 57 – , je donnerai la parole à un orateur par groupe ainsi qu'à un député non inscrit.
Je commencerai, une fois n'est pas coutume, par une collègue non inscrite. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Merci pour cette attention, monsieur le président !
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas comparer l'utilisation de la vidéoprotection ou des caméras embarquées par la police…
Mais non ! Vous ne pouvez pas comparer leur utilisation – qui vise uniquement à lutter contre les infractions, délits et crimes – et la recherche généralisée, à l'égard de tous, des infractions fiscales. Ce n'est pas possible !
Dans les quatre avis qu'elle a rendus, la CNIL a d'ailleurs pointé du doigt la contradiction. Elle a expliqué qu'on allait opérer, avec le dispositif prévu à l'article 57, un renversement de méthode, puisque le traitement de l'administration fiscale viserait désormais « la totalité des contribuables particuliers », ce qui impliquait de « modifier le périmètre de traitement, les données collectées et les destinataires du traitement ».
Il me semble un peu démagogique de comparer la vidéoprotection ou les caméras embarquées des policiers municipaux avec la méthode que vous proposez ce soir.
L'exemple de la vidéoprotection est intéressant, monsieur le ministre, mais la démonstration que vous faites n'est pas pertinente. Le mécanisme que vous proposez n'est pas analogue à une caméra d'observation à laquelle on recourt pour recueillir des preuves à l'appui d'une procédure dont l'initiative a été prise ailleurs – résultant d'une plainte, par exemple. En l'espèce, c'est précisément le déclenchement de la procédure qui sera déterminé par la caméra.
Ce n'est pas comme cela que les choses fonctionneront !
La caméra identifiera toute seule un fait, grâce à un algorithme, et lancera une procédure. C'est une forme d'autosaisine, et c'est bien cela le problème : l'initiative de la procédure n'est plus prise par une personne, par l'État ou par l'administration qui identifieraient une fraude ; elle est lancée par un algorithme qui se fonde sur une surveillance généralisée.
Vous auriez pu prévoir un mécanisme d'observation dans le cadre d'une procédure déjà entamée, ou autoriser l'usage des données des réseaux sociaux pour instruire cette dernière. De telles solutions auraient pu convenir, mais vous proposez que des algorithmes décident seuls de lancer des procédures !
Pas du tout !
Voilà ce qui nous gêne. Une telle expérimentation durerait trois ans : c'est beaucoup trop long vu les risques que cela ferait courir en matière de libertés individuelles !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, j'entends vos arguments, mais ces questions se posent aussi chez nos voisins. Les Pays-Bas s'interrogent actuellement : ils se demandent si le système SyRI, adopté par leur Parlement, n'est pas liberticide et s'ils doivent le conserver.
Cette question va beaucoup plus loin que ce que vous dites. Vous entendez limiter le dispositif au champ fiscal. Autrement dit, si un artisan est concurrencé par quelqu'un qui, sans être déclaré, monte un mur de parpaing durant le week-end, vous allez engager un contrôle fiscal. Mais où est la dimension sociale de ce projet ? Pourquoi ne pas mettre en place un dispositif transversal à la disposition de chaque département ministériel qui en aurait besoin ? On aurait alors un dispositif totalement sécurisé et transversal qui ne relèverait pas uniquement d'un projet de loi de finances. D'une autre façon, c'est ce que vous dit le Conseil d'État lorsqu'il évoque la notion de cavalier budgétaire, selon le site Next INpact qui a eu accès à son avis.
J'ai moi aussi entendu les buralistes. Ils nous disent surtout qu'il faut aller chercher aux sorties des métros ou sur la Canebière ceux qui vendent des paquets de cigarettes en permanence.
Il y a du trafic sur les réseaux sociaux, certes, mais le plus gros se fait sur les marketplaces. Vous pourriez limiter le champ du dispositif à ces derniers, ou procéder grâce à des mots-clés. Comment croyez-vous que les acheteurs font sur l'internet ? Ils n'utilisent pas un aspirateur qui visiterait tous les sites, ils fonctionnent par mots-clés. Les services fiscaux pourraient faire de même.
Pourquoi aspirer toutes les données personnelles de tous les contribuables de France alors que l'on peut procéder autrement ?
D'autre part, je le répète, nous voulons connaître l'avis de la CNIL sur le rapport relatif au CFVR. Pourquoi ce rapport n'est-il pas public ? Que contient-il ? Comment justifie-t-il l'article 57 ? J'avoue que je ne comprends toujours pas.
Je précise, monsieur le président, que je me suis exprimé à titre personnel, et non au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés.
Nous sommes réunis dans cet hémicycle certes pour défendre l'égalité devant l'impôt et lutter contre les fraudes, mais aussi pour défendre la liberté individuelle, qui est un bien sacré.
La tendance de tous les pouvoirs a toujours été de mordre davantage sur la liberté individuelle – toujours. Cela a été dénoncé par les auteurs, de la Grèce antique à Friedrich Hayek et sa Route de la servitude, en passant par Hobbes et son Léviathan, les libéraux du XVIIIe siècle, et bien d'autres.
Nous nous habituons bien évidemment à vivre sous l'oeil attentif des caméras et à rouler parmi des radars de plus en plus intelligents, mais tout cela n'est rien comparé au pouvoir que l'intelligence artificielle donnera à toutes les administrations du monde. C'est effrayant ! Nous avons le devoir de protéger notre liberté individuelle.
Monsieur le ministre, vous êtes démocrate, et vous savez que le Gouvernement auquel vous appartenez agira dans le respect de la démocratie, mais savez-vous qui sera au pouvoir demain ?
Pouvez-vous garantir que, demain, un gouvernement ne profitera pas de l'outil effrayant que vous entendez introduire aujourd'hui, pour nous priver totalement de notre liberté individuelle ?
Je crois qu'avec la meilleure conscience du monde, vous tirez un peu plus sur le noeud coulant qui enserre notre liberté individuelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs des groupes LR et SOC.
Je salue l'initiative du Gouvernement, qui propose un dispositif anti-fraude complétant tout à fait utilement la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude. Le champ de l'article 57 a fait l'objet d'un avis de la CNIL qui a émis plusieurs recommandations, dont nous avons largement tiré les leçons en commission des finances.
D'abord, nous avons restreint le champ de l'article. Mes chers collègues, l'article 57 est un article fiscal. Je ne vois pas quelles conséquences fiscales on tirerait de l'orientation sexuelle, des opinions politiques ou de je ne sais quelle autre information ! L'administration fiscale a autre chose à faire que d'aspirer des données personnelles qui ne lui serviront absolument pas.
Ensuite, nous avons restreint le champ de l'expérimentation, qui ne portera que sur trois domaines : les activités illicites, les activités occultes et les domiciliations frauduleuses. La recherche des signes extérieurs de richesse n'entrera même pas dans le champ de l'article 57. Restons donc raisonnables dans l'analyse de ce dispositif !
La commission des finances a adopté plusieurs autres amendements. Nous avons réduit le délai de conservation des données, qui est passé de trente à cinq jours. Autrement dit, toutes les données qui ne seront pas utiles à la programmation d'un contrôle seront détruites.
Nous avons aussi octroyé toutes les garanties aux contribuables. Il ne s'agit pas du tout qu'un algorithme traite seul les données et lance une procédure de redressement. Le dispositif n'est qu'une des sources du contrôle fiscal et douanier. On va récupérer des données qui ont été mises à la disposition du public par les usagers eux-mêmes pour programmer du contrôle fiscal. Le contrôle sera ensuite lancé avec toutes les garanties nécessaires. Je peux vous assurer que le livre des procédures fiscales comporte toutes les garanties indispensables, d'autant qu'elles ont été renforcées depuis trente ans, en particulier grâce aux jurisprudences successives de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne. Toutes ces garanties seront applicables au contrôle fiscal engagé à la suite de la collecte de ces données.
Monsieur le président, de nombreux orateurs se sont exprimés extrêmement longuement sur ce sujet : il faut aussi que l'on rééquilibre les choses !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
La commission des finances a également préconisé qu'un rapport soit remis après dix-huit mois d'expérimentation, et non plus à l'issue des trois ans.
Je tiens à signaler qu'en matière de collecte de données concernant le commerce illicite, il s'agit aussi de mettre fin aux distorsions de concurrence actuelle entre le commerce physique et le commerce numérique.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Au sein du groupe Socialistes et apparentés, nous ne sommes pas d'accord – je crois que ce débat partage tous les groupes. Pour ma part, monsieur le ministre, j'aimerais que vous donniez une réponse claire à mes questions.
Première question : les amendements adoptés par la commission des finances qui viennent d'être évoqués recevront-ils un avis favorable de la part du Gouvernement ?
Deuxième question : une première évaluation du dispositif pourrait-elle avoir lieu après un an ? Il me semble que cela pourrait rassurer certaines personnes.
Je pense que les réponses à ces questions seraient de nature à modifier le vote de certains d'entre nous.
Avec M. Jean-Paul Mattei, nous avons été rapporteurs d'une mission d'information de la commission des finances relative à l'impôt universel, présidée par Mme Dominique David. Lorsque nous avons réfléchi à une obligation d'identification des citoyens français établis à l'étranger, Mme David, au nom du groupe La République en marche, s'y est opposée au motif que cette obligation ferait « peser un doute sur le respect des libertés fondamentales et sur l'étendue des prérogatives de l'autorité administrative quant à l'identification des citoyens établis à l'étranger ».
En l'espèce, je reste dubitatif quant au risque évoqué, mais j'ai surtout du mal à comprendre comment la même majorité peut applaudir un dispositif qui permettrait de siphonner toutes les données individuelles sur l'internet. Certes, si l'on considère l'afflux de données, je doute de l'efficacité de la mesure, mais, malgré tout, comment pouvez-vous dire qu'il n'y a pas de risque d'atteinte aux libertés publiques ?
Vous mettez le doigt dans un véritable engrenage. De ce point de vue, je ne suis pas sûr que vous compreniez à quel point vous êtes des apprentis sorciers.
Il ne s'agit pas, disant cela, de se défier de tel ou tel fonctionnaire des finances. La loi encadre d'ailleurs le rapport entre les fonctionnaires et les citoyens. C'est bien normal, car nous ne fonctionnons pas uniquement sur la confiance : il faut aussi des règles qui garantissent la liberté.
Le problème est d'autant plus grave que, simultanément, vous supprimez des postes de fonctionnaires au sein de la DGFIP, ce que tous les syndicats dénoncent. Comment peut-on, en même temps, menacer à ce point les libertés en permettant de siphonner toutes les données sur l'internet, et supprimer des postes de fonctionnaires qui seraient très utiles ? Monsieur le ministre, le « boulet » qu'ils ont au pied et dont vous parliez, c'est plutôt celui des suppressions de postes que celui des obstacles au siphonnage de toutes les données sur l'internet !
Le groupe UDI, Agir et indépendants est probablement le seul à ne pas avoir déposé d'amendement de suppression de l'article 57. Nous considérons en effet qu'un travail doit être effectué sur la rédaction de l'article 57. Un certain nombre d'amendements adoptés par la commission des finances ont probablement déjà permis de préciser les questions posées par le dispositif proposé.
Sur le principe, l'article 57 visant des informations librement accessibles, le problème se pose de la même façon que lorsque nous avons adopté récemment l'interdiction et la traque des propos manifestement haineux et violents sur les réseaux sociaux. En débattant de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, nous nous sommes interrogés sur le caractère intrusif des mesures envisagées, et aussi sur le caractère excessif ou non du pouvoir que nous donnions aux plateformes.
Aujourd'hui, l'article 57 encadre la collecte et l'exploitation qui ne peuvent concerner que des contenus « librement accessibles » pour la recherche d'infractions limitativement citées à l'alinéa 1er. Probablement faudra-t-il limiter l'expérimentation – nous devrons en tout cas en débattre. Quoi qu'il en soit, notre groupe votera contre les amendements de suppression de l'article.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je ne me suis pas associé aux amendements de suppression de l'article 57, parce que je considère qu'il s'agit d'un article utile. L'important, c'est que la commission des finances l'ait amendé afin d'obtenir des garanties supplémentaires. Je crois comprendre que le Gouvernement est favorable à ces amendements,
M. le ministre acquiesce
et c'est tant mieux.
Je suis, comme vous tous, à la fois émerveillé et effrayé par la société dans laquelle nous vivons. Par principe, nous sommes extrêmement attentifs aux atteintes à nos libertés individuelles et familiales, mais nous sommes également très attentifs à ce que ne se développent pas des réseaux qui, au fond, fraudent la République.
Quand, au terme d'une longue histoire, nous avons finalement obtenu des échanges automatiques de données entre les pays, personne ne s'est posé la question. Tout le monde s'est dit qu'il s'agissait d'un grand progrès, car cela permettait de lutter contre la fraude.
Dans ce domaine, on ne peut pas ne pas agir ; nous y sommes contraints. Je note d'ailleurs que même à l'époque du 100 % papier, le fisc regardait dans les journaux et les revues ce que publiaient certains contribuables afin de vérifier si leur train de vie était cohérent avec leur déclaration fiscale.
Tout contrôle fiscal est intrusif. À un moment donné, toute tentative de faire respecter le droit devient intrusive. La véritable question, celle que nous devons nous poser, est de savoir si des garanties sont données que les libertés demeureront plus importantes que l'intrusion en question.
J'estime pour ma part qu'il est très important de remettre un rapport après dix-huit mois, ou un an – quant à savoir si ce dernier délai peut permettre de se prononcer, je n'ai pas les compétences pour le dire. Cela me semble particulièrement vrai s'agissant d'une expérimentation extrêmement longue, puisqu'elle est prévue pour trois ans. Un rapport doit être remis le plus rapidement possible. Un groupe pourrait être constitué, composé de membres de la commission des finances et de la commission des lois, pour examiner en détail ce rapport et mettre l'administration au défi de répondre à ses questions, dans tous les domaines, juridique, fiscal, etc.
Nous devons créer ce groupe de contrôle qui travaillerait sur le futur rapport et rendrait compte à l'Assemblée pour qu'elle puisse vérifier que l'article 57 n'est pas plus liberticide qu'il n'est efficace eu égard aux contrôles qu'il permettra de mener à bien.
Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Je veux saluer l'esprit de responsabilité du président de la commission des finances. Le délai d'un an et demi permettra de tirer un bilan sérieux de l'application de l'article 57 – il est inutile de prévoir un rapport d'ici à un an pour finalement constater que l'on n'a pas eu le temps de mesurer l'efficacité du dispositif.
Si vous permettez au Gouvernement de donner son avis, je voudrais vous prendre au mot, monsieur le président de la commission, au sujet du groupe ad hoc qui pourrait être constitué. L'administration fiscale et moi-même serons à votre disposition non seulement pour vous transmettre le rapport, mais aussi, auparavant, pour vous permettre de venir contrôler sur pièces et sur place le fonctionnement du dispositif.
Je voudrais répondre à quelques-uns des arguments qui ont été présentés dans ce débat – qui aura été, je crois, un beau débat parlementaire.
Oui, madame Pires Beaune, j'émettrai un avis favorable sur les amendements de la commission des finances. Il nous faudra toutefois discuter de l'amendement de la commission des lois et du sous-amendement de M. Latombe relatifs à la sous-traitance – sous réserve bien sûr que les amendements de suppression de l'article soient rejetés par l'Assemblée.
La question posée par cet amendement et ce sous-amendement est celle de savoir si la DGFIP pourra sous-traiter à des prestataires extérieurs la gestion des données et l'établissement des critères.
À cette question, la réponse est évidemment non. Nous ferons en sorte que cette gestion relève strictement de l'État. D'ailleurs, les deux services de renseignement que j'ai sous ma responsabilité, TRACFIN, le traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins, et la DNRED, la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, ainsi que, plus généralement, tous les organismes qui relèvent de ce que l'on pourrait appeler la « souveraineté française », évitent de passer des contrats avec des sociétés informatiques dont les intérêts sont éloignés des intérêts nationaux et dont les systèmes de cloud ne sont pas hébergés sur le sol français ou européen.
Le Gouvernement approuve donc l'idée que la gestion des données reste à l'intérieur de la direction générale des finances publiques. Nous ne sous-traiterons ni les critères ni les données.
La seule question qui reste à trancher est celle de savoir si la construction de l'algorithme peut être sous-traitée ou si elle doit également relever des services informatiques de la DGFIP. À l'exception de cette question, dont nous discuterons tout à l'heure, je souscris à l'ensemble des propositions issues des travaux de la commission des finances.
J'ai entendu les arguments de M. Latombe et je comprends ses réticences. Chacun a bien sûr le droit de poser les questions qu'il veut. Cependant, la possibilité de faire des recherches par mots-clés à la DGFIP me paraît un argument bien pauvre et quelque peu hypocrite. On pourrait imaginer que la DGFIP n'utilise pas le mot « tabac » pour faire ses recherches ! Si votre crainte, monsieur Latombe, est que les agents du fisc – comme dirait Mme Ménard – en profitent pour surveiller vos opinions politiques ou votre orientation sexuelle, permettez-moi d'observer qu'il serait plus simple pour eux, pour satisfaire ce but ultime, caché, du Gouvernement, d'utiliser d'autres mots-clés ! Cet argument n'est pas raisonnable. Il montre, en réalité, que vous avez du mal à expliquer ce qui vous gêne.
L'utilisation des données publiques diffusées directement sur les réseaux sociaux, dans le cas, par exemple, d'une personne qui vend du tabac au vu et au su de tous sur sa page Facebook, est déjà la règle. Nous pouvons déjà intervenir. Le problème n'est pas qu'une ou deux personnes se livrent à une activité illégale, c'est que celle-ci concerne des milliers de personnes. Or, malheureusement, la voiture du voleur va plus vite que la voiture du gendarme, car les pages Facebook peuvent être anonymes, supprimées et recréées. Il faut beaucoup de temps et d'énergie pour poursuivre leurs auteurs. La cellule Cyberdouane a été mise en place à cette fin, mais elle agirait de manière bien plus rapide avec les moyens dont nous pourrions aujourd'hui la doter.
Quant à l'exemple de la caméra de vidéoprotection, je ne l'ai tout simplement pas compris. Dans quel monde vivez-vous, monsieur Schellenberger ? Aujourd'hui, les caméras de vidéoprotection du métro parisien ou des communes de France ne surveillent plus les gens dans la rue par l'intermédiaire d'un policier municipal assis derrière son écran, qui observe les faits au moment où ils se produisent. Pour pouvoir intervenir, il faudrait d'ailleurs qu'il soit là au bon moment !
Les choses sont bien différentes désormais – et la CNIL procède d'ailleurs à de nombreuses vérifications. On peut sélectionner les images en fonction de demandes précises, par exemple celles qui montrent une personne poser un sac ou, dans le cadre d'un arrêté municipal anti-regroupement, celles qui montrent le regroupement de trois personnes. Il y a des algorithmes qui s'appliquent à la vidéoprotection.
Grâce aux 200, 300, 400, 500, 1 000 caméras installées dans une ville, il est possible de faire des recherches thématiques – demandez à Christian Estrosi comment on fait à Nice, il vous expliquera ! Vous entrez dans le moteur de recherche les expressions « voiture extrêmement rapide », « personne qui grille les feux rouges », « personne qui pose son sac » ou « personne qui casse les abribus », et l'algorithme sélectionne les images en fonction de ces critères. Ce n'est ni la caméra ni un robot qui procédera aux arrestations ! L'algorithme permet de sélectionner une image parmi celles enregistrées par les très nombreux écrans de la ville ou du métro. Le policier municipal, ou le contrôleur fiscal, avec son regard humain, évalue ensuite les données sélectionnées et décide si elles sont de nature à être retenues dans le cadre d'une infraction à la loi.
Je ne crois pas, pour ma part, que la délinquance de droit commun soit forcément plus grave que la fraude fiscale. Que ce soit du fait de cols blancs ou d'autres, l'argent sale, l'argent qui manque dans les caisses de l'État, est un coup de poignard porté à la République. Il finance souvent d'autres trafics, notamment des trafics qui relèvent du droit commun.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable sur les amendements de suppression et j'invite l'Assemblée à adopter l'article 57.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 21
Contre 66
La suite de cette très riche discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 : suite de l'examen des articles non rattachés.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra