Je tiens tout d'abord, afin d'éviter tout grief à mon encontre, à rappeler solennellement mon attachement sans faille à la lutte contre la fraude fiscale et les trafics, dont la valeur constitutionnelle est indiscutable.
Ce préalable étant posé clairement, venons-en à l'article 57, dont s'est saisie la commission des lois – j'ai été désigné rapporteur pour avis – , dans une démarche inédite depuis l'avènement de la Ve République, que justifient pleinement l'objet de cette disposition et ses conséquences pour les droits et libertés.
La commission des lois a souhaité laisser une chance à cet article, dans l'attente de connaître les garanties que le Gouvernement accepterait d'y apporter. Elle-même en a proposé plusieurs, dont seule une partie a été reprise par la commission des finances, laquelle a toutefois – je le salue – introduit une limitation importante du champ des infractions fiscales et douanières justifiant de recourir aux traitements proposés.
Les débats en commission des lois, puis en commission des finances ont achevé de me convaincre : conformément à mes valeurs profondes, je considère, à titre personnel, qu'un tel dispositif, outre qu'il n'a pas sa place dans une loi de finances et constitue, à ce titre, un cavalier budgétaire, est prématuré pour au moins trois raisons principales.
D'abord, les services fiscaux et douaniers sont déjà dotés de moyens importants pour remplir leurs missions, depuis les moyens juridiques d'investigation jusqu'aux techniques les plus modernes de data mining des données déclaratives – pardon pour l'anglicisme. Le projet CFVR, ciblage de la fraude et valorisation des requêtes, a fait l'objet d'un rapport confidentiel de la direction générale des finances publiques, la DGFIP, à la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. Les parlementaires n'ont pas eu accès à ce rapport dans le cadre de la communication des documents administratifs. Pourquoi ? Pourquoi n'avoir pas rendu public ce rapport ? Que contient-il, monsieur le ministre ?
Ensuite, le dispositif est prématuré du fait de l'incapacité des services à évaluer, chiffres à l'appui, les objectifs visés ainsi que le nombre de personnes concernées par les traitements envisagés, faute de réelle étude d'impact. Comparaison n'est certes pas raison, monsieur le ministre, mais quels sont les résultats des dispositifs analogues utilisés dans d'autres démocraties – je pense, par exemple, à Connect au Royaume-Uni, que vous avez pourtant abondamment cité pour justifier l'article 57 ?